Heure de réveil : 5h13 (ankylose)
TW : mort, meurtre (zéro description mais mention)
CW : binarité (pas le choix vu le sujet)

Queen Elisabeth II is dead. Elle est nĂ©e la mĂȘme annĂ©e que ma Mamie, elles sont mortes la mĂȘme annĂ©e, j’attendais le moment depuis des annĂ©es mais lĂ  j’ai pas envie de rire, et je pense avoir fait suffisamment de vannes moisies comparant les deux vieilles dames (on a fait des pronostics sur qui partirait en premier, notre grand-mĂšre a perdu Ă  quelques mois prĂšs.).

Donc on va enfin parler (encore) d’un sujet intĂ©ressant passionnant bouleversant Ă©clairant ET GLAUQUE. Oui ben j’ai fait des listes d’animaux mignons et tout, j’ai droit 😅

Les femmes qui tuent.
Qui sont-elles ? Quels sont leurs réseaux ? Quelles sont leurs raisons ?

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Les femmes tuent pour Ă  peu prĂšs les mĂȘmes raisons que les hommes. Il existe des tueuses en sĂ©rie, essentiellement des “anges de la mort” en milieu hospitalier, des “veuves noires” enchaĂźnant les Ă©poux infortunĂ©s, mais aussi des tueuses au style plus salissant, comme Aileen Wuornos, ou encore les femmes dans le grand banditisme, notamment dans les cartels en AmĂ©rique du Sud oĂč on a pour habitude de filmer certaines exĂ©cutions avant de les diffuser pour que l’Ennemi sache de quoi on est capable.
C’est trĂšs particulier de voir une femme habillĂ©e comme un lundi faire “des trucs” effroyables en vidĂ©o.

C’est cette banalitĂ© qui est intĂ©ressante. Finalement, les femmes tuent AUSSI. L’emprise patriarcale a coupĂ© les ailes de nombre d’entre nous, mais il est envisagĂ© trĂšs sĂ©rieusement qu’avec plus d’Ă©galitĂ©, l’Ă©cart en terme de nombre de crimes se resserre.

Le Mal est unisexe, taille M, suffisamment extensible pour correspondre Ă  toutes les morphologies. Les enfants sont Ă©galement capables de tuer, au fait. Affaires Jon Venables et Robert Thompson (10 ans, victime de 3 ans), Mary Bell (11 ans, 2 victimes plus jeunes), Lionel Tate (12 ans, victime de 6 ans), Alyssa Bustamante (15 ans, victime de 9 ans) et j’en passe…

đŸ‘» Pour rationaliser tout ça, on s’est dit qu’on allait parler de “monstres”. C’est trĂšs pratique car ça exclut la personne monstrueuse de la communautĂ©, ça la rend incurable et on se donne le droit de l’Ă©loigner de la sociĂ©tĂ© humaine.

Or, les monstres, c’est nous. Chacun-e d’entre nous possĂšde un monstre Ă  l’intĂ©rieur, qui s’exprimera ou pas en fonction d’un milliard de paramĂštres. Si on a une enfance de type champ de batailles, ruines, fureur et destruction, il est possible que ça donne un deck de cartes un peu particulier Ă  jouer dans sa vie.

© JĂșlia SardĂ 

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Je suis un monstre, j’ai dĂ©jĂ  agressĂ© (des hommes), pour me dĂ©fendre OU PAS. Mes rĂ©actions Ă  la violence symbolique, psychologique ou physique sont totalement alĂ©atoires. Je suis capable d’une grande violence, dans tous les cas.

En tant que survivante de trouzmille trucs de merde since trop tĂŽt dans ma vie, je vais avoir tendance Ă  “venger” l’enfant que j’Ă©tais et qui n’a pas pu se dĂ©fendre. Ce qui me rend violente, c’est quand on m’ignore volontairement, quand on me nie, quand on tente de m’entraver, quand je me sens coincĂ©e, acculĂ©e ou qu’on m’agresse. Je sais que dans ces moments lĂ  je suis capable du pire.

Si les enfances et les vies traumatiques Ă©taient le seul facteur, je serais bien dans la merde. Mais j’ai rencontrĂ© des personnes qui m’ont aidĂ©e, qui m’ont fait de nouveau croire en l’humanitĂ©, qui m’ont mĂȘme appris Ă  aimer sainement. J’ai eu la chance d’avoir ces tuteurs comme dirait Cyrulnik (oui il est devenu un gourou, mais le concept de rĂ©silience est intĂ©ressant mĂȘme si je me doute qu’il a pas innovĂ© en la matiĂšre).

Tout ne se joue pas dans l’enfance, heureusement.

Ce que je veux dire ici, c’est que n’importe qui est capable de violence, qu’elle soit impulsive ou prĂ©mĂ©ditĂ©e. On cherche des explication Ă  tout prix, des explications d’ordre psychologique, traumatique, des addictions, l’usage de substances et tout le set, sans se dire qu’on vIt DaNs UnE sOciEtAy.

Sauf que la population carcĂ©rale en France c’est 94% (de mĂ©moire) d’hommes. Pour quelles raisons ? Pourquoi condamne-t-on plus d’hommes ?

Mwi mwi mwi

đŸ”«đŸ”«đŸ”«

Parce que la violence serait une capacitĂ© masculine, souvent valorisĂ©e par les pairs. On associe l’agression Ă  “la testostĂ©rone” (je te jure, j’ai souvent lu ça dans des commentaires ou des posts parlant violence masculine).

Un homme qui en agresse un autre dans la rue va “se dĂ©fendre”. Une femme qui assomme son agresseur pour s’enfuir (I dit it !) est une anomalie. Un danger. Je pense que ça doit se voir dans mes yeux, parce que j’ai pas Ă©tĂ© emmerdĂ©e depuis un long moment. Je fais le regard “serious business” et ça suffit.

💭 L’exemple le plus flagrant que j’ai est l’agression subie en 2002. On va Ă  la pizzeria avec mon ex et son pote. On commande nos pizzas. Et lĂ , 3 mecs entrent dans l’Ă©tablissement, se ruent sur mon ex qui payait, en lui demandant sa thune. Sauf qu’on Ă©tait plutĂŽt trĂšs trĂšs prĂ©caires et que toute sa thune Ă©tait dĂ©jĂ  dans la caisse.
đŸ˜Č Le plus vĂ©hĂ©ment fait mine de frapper mon ex, je me jette sur lui, l’attrape par le cou, lui fait parcourir tout le chemin vers les tables, l’allonge sur la table et lui hurle dessus Ă  5 cm de son visage en l’Ă©tranglant. Pur rĂ©flexe. Mais bon, son pote de 2m m’a chopĂ©e et j’ai fini en PLS par terre.

J’ai donnĂ© un tĂ©moignage ultra-prĂ©cis aux flics (et permis l’identification d’un rĂ©cidiviste, je suis une poucave quand un type que je connais m’agresse), tĂ©moignage Ă©tayĂ© par les deux autres victimes prĂ©sentes.

😧 Un moment plus tard, je le vois en allant chez des potes, je repars de chez mes potes illico et je raconte ce qui s’est passĂ©.
Tergiversations, etc. Quelques jours aprĂšs, je finis par engager la conversation avec le mec que j’ai allongĂ© sur cette table. Et il avait “tout oubliĂ©”. Il se souvenait du avant, du aprĂšs, mais pas du pendant. Je lui ai racontĂ© ce que je lui avait fait, nope, aucun souvenir.. La scĂšne a eu des tĂ©moins, je n’ai clairement pas rĂȘvĂ©. On en a reparlĂ© chez moi en tĂȘte Ă  tĂȘte, nope, aucun souvenir. Un trou noir de 3 mn.

Ma violence, en tant que femme parlant Ă  un agresseur, a Ă©tĂ© totalement Ă©radiquĂ©e de sa mĂ©moire. Lorsque je lui ai racontĂ© ce qu’il s’Ă©tait passĂ©, il s’est marrĂ©. C’est le seul Ă  avoir “oubliĂ©”, volontairement ou pas, ma propre violence. Il a aussi commodĂ©ment “oubliĂ©” l’humiliation subie (sur le moment, ses potes se sont foutus de sa gueule).

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L’Ă©vĂ©nement est trĂšs parlant, Ă  mon sens, avec 20 ans de recul. On a oblitĂ©rĂ© ma riposte. Ma violence est passĂ©e Ă  l’as. Je me suis sentie vaguement vexĂ©e, oui. Hey attends, c’Ă©tait un moment Ă©pique, j’ai envie qu’on se souvienne que j’ai pu ĂȘtre badass Ă  un moment ! 😓

Mais une femme de 20 ans, un peu hippie, un peu punk, qui sympathise avec tout le monde et qui a le cƓur sur la main quand elle le peut, ça colle pas avec la harpie qui a pliĂ© ce mec en deux secondes.

đŸ‘Ÿ Ça fait une vache de dissonance cognitive.

Cette histoire est parlante car on a comme annulĂ© mon potentiel d’agressivitĂ© en niant ma capacitĂ© Ă  me dĂ©fendre.
Si j’avais Ă©tĂ© un mec, dĂ©jĂ , je me serais faite dĂ©boĂźter. LĂ , on m’a simplement neutralisĂ©e. Pendant que 2 types tabassaient mon ex et son pote dehors, le troisiĂšme, qui m’avait coupĂ©e dans mon Ă©lan, est restĂ© Ă  cĂŽtĂ© de moi pour me surveiller. Ce mec m’a pĂ©tĂ© le dos mais je n’ai pas eu d’ecchymose, rien de cassĂ© d’autre que ma rage. Il est restĂ© Ă  cĂŽtĂ© de moi un moment, on a un peu discutĂ© (je ne me souviens pas trop de la discussion, j’Ă©tais assez secouĂ©e, me connaissant j’ai sans doute demandĂ© pourquoi), je m’en suis super bien sortie par rapport aux deux mecs qui m’accompagnaient.

Ma violence Ă  moi a Ă©tĂ© gommĂ©e. Mon ex ne m’a pas reparlĂ© de mon geste, son pote non plus. On en a Ă©videmment parlĂ© sur le coup, on a reconstituĂ© la scĂšne, les deux ont vu le move d’anthologie mais n’en ont plus jamais parlĂ© ensuite alors qu’on a Ă©voquĂ© l’histoire plusieurs fois avec d’autres potes.

Le fait que je dĂ©fende mon partenaire a Ă©tĂ© vu comme “la honte” pour tous les protagonistes. Les deux mecs qui m’accompagnaient (ou que j’accompagnais, du coup) Ă©taient bien contents d’avoir la confidente, le soutien, le rassurement, la femme de mĂ©nage cuisiniĂšre aspiratrice qui sait trouver les meilleurs plans bĂ©dave dans un rayon de 5km aussi (une femme ne transporterait jamais quelque chose de rĂ©prĂ©hensible). J’avais plein de qualitĂ©s reconnues MAIS pas du tout cette possibilitĂ© de violence.

Mensonges rĂ©confortants – VĂ©ritĂ©s dĂ©plaisantes

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Or, retirer la capacitĂ© de violence c’est retirer aux femmes toute possibilitĂ© de dĂ©fense, de riposte ou d’agression. Cela fait de nous ces petites choses fragiles qui chouinent quand on leur fait peur.

⛓ Imaginer une femme sans dĂ©fense. vulnĂ©rable, victime, unidimensionnelle, c’est entraver dans les faits ses capacitĂ©s d’action.

Aussi, ça m’est arrivĂ© de gueuler, genre vraiment gueuler, et que personne ne me prenne au sĂ©rieux. Pourtant quand je le fais bien, je suis pas sympa, j’ai un dĂ©bit de mots assez rapide et en gĂ©nĂ©ral assez violent. Mais ça fait rire. C’est quand je dis “Tu trouves drĂŽle de faire de la merde, Jean-Dalton ? Ça te fait kiffer ? Tu crois que je plaisante ?” que la rĂ©alitĂ© fait jour peu Ă  peu.

Cette femme est folle. Hystérique, névrotique, psychotique.
Folle.

💣 Et moi, je suis tombĂ©e dans cette catĂ©gorie. Que je sois effectivement atteinte d’une pathologie mentale ou pas, on m’a casĂ©e lĂ . Ma violence normalisĂ©e, je redeviens ce petit animal craintif qui sait pas ce qu’il fait. On neutralise ma violence en la psychiatrisant.

On nie la violence et, si ça ne suffit pas, on la psychiatrise. C’est tellement inenvisageable qu’une femme agresse qu’on oblitĂšre, qu’on nie, qu’on Ă©vacue via la psychiatrie ou le trauma. Tout pour ne jamais admettre l’Ă©vidence : les femmes agressent aussi.

Mais admettre ça, c’est admettre une Ă©galitĂ©. L’Ă©galitĂ©, c’est pas trop trop l’envie du moment de nos compagnons couillus mais aussi de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble. Personne ne souhaite que les femmes soient capables de violence.

Les femmes qui tuent sont des exceptions, des anomalies statistiques. Peut-ĂȘtre par peur que ça fasse des Ă©mules ?

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Dans les annĂ©es 1880, une nouvelle tendance self-dĂ©fense est apparue : l’Ă©pingle Ă  chapeau. Rigole pas, ces Ă©pingles pouvaient faire jusqu’Ă  25 cm de long.

A l’Ă©poque, voir des femmes seules dans la rue ou dans les transports c’Ă©tait un peu inhabituel.
đŸ’„ ENTERS HARCELEMENT DE RUE !
Pour se dĂ©fendre, on fait avec ce qu’on a. Plusieurs publications “pour dames” illustrent diffĂ©rentes mĂ©thodes d’auto-dĂ©fense Ă  base d’Ă©pingles mais aussi d’ombrelles et de rouleaux Ă  pĂątisserie et de tout accessoire disponible sur le moment.

“Elles sont folles” a Ă©tĂ© la rĂ©ponse. Elles sont folles mais sans Ă©pingles Ă  chapeau elles ne ressembleront plus Ă  rien, donc on semi-lĂ©gifĂšre en interdisant les Ă©pingles de plus de 25cm.

📍 Dans les annĂ©es 1815/1820, un autre phĂ©nomĂšne existe dans l’espace public. Les “piqueurs“. Eux ne se dĂ©fendent pas, mais agressent en piquant leurs victimes avec des Ă©pingles, le bout d’un parapluie ou tout autre objet pouvant pĂ©nĂ©trer la peau.
Eux sont considĂ©rĂ©s comme “sadiques sexuels”, jugĂ©s et incarcĂ©rĂ©s. Et encore, leur existence a Ă©tĂ© contestĂ©e avant d’ĂȘtre confirmĂ©e.
On a pas mal Ă©tudiĂ© ces profils-lĂ , en rattachant Ă  une dĂ©viance sexuelle le besoin de perforer la peau d’une (jeune) femme de prĂ©fĂ©rence d’apparence modeste.

👉 On leur attribue un “vice” plutĂŽt qu’une folie. L’agression est masculine, alors on parle de dĂ©viance sexuelle au lieu d’hystĂ©rie.

Pourtant, les histoires de femmes “piqueuses” sont trĂšs mĂ©diatisĂ©es, contrairement aux histoires des “piqueurs” qui n’ont pas des unes absolument terrifiantes avec de pauvres hommes piquĂ©s au cƓur. Les unes des journaux sont alarmistes, tout le monde panique parce qu’il y a des folles dans la nature. Mais des femmes victimes ? Peuh, on en a Ă  la louche.

Que ces “hystĂ©riques” ne fassent que se dĂ©fendre ne changent pas le malaise perceptible : les femmes, c’est sensĂ© ĂȘtre inoffensif.

« LE PÉRIL DE L’ÉPINGLE À CHEVEUX – Un danger grandissant ! Une Ă©tonnante liste d’accidents ! De violents assauts commis avec une arme de femme mortelle ! » (The Cleveland Plain Dealer, 1907).

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Pourquoi les femmes sont inoffensives ?
👉 Parce qu’il faut les dĂ©pouiller de toute vellĂ©itĂ© de dĂ©fense.
Une femme est un petit objet fragile dont on peut disposer. Les consĂ©quences ? C’est elle qui gĂšre. Oui, je pense aux grossesses aprĂšs des viols mais aussi aux Infections Sexuellement Transmissibles. Je pense aussi au dĂ©classement des femmes survivantes. Les consĂ©quences d’une agression sont portĂ©es par les femmes. Relire en ayant en tĂȘte le taux de condamnation des viols commis par des hommes (1%), merci.

C’est pour ça qu’on blĂąme les victimes : tu t’es habillĂ©e trop court, tu as souri, tu es sortie de chez toi, t’Ă©tonne pas de te faire emmerder.

On est Ă  cheval entre la banalisation des crimes portant sur le genre et l’invisibilisation de l’agentivitĂ© fĂ©minine. Pile je gagne, face, tu perds.

🐩 “Moi, je me serais dĂ©fendue bec et ongles, tout pour ne pas me faire violer ! PlutĂŽt crever que d’ĂȘtre violĂ©e !” disait une collĂšgue en 2014. Je lui ai demandĂ© le plus sĂ©rieusement du monde si je devais me jeter tout de suite par la fenĂȘtre ou si elle prĂ©fĂ©rait que j’attende d’ĂȘtre rentrĂ©e Ă  la maison.

La victime est coupable de ne pas s’ĂȘtre dĂ©fendue “jusqu’Ă  la mort”. Mais si elle se dĂ©fend, elle est “hystĂ©rique”. En gros, ce qu’on nous dit, c’est de nous laisser faire et de fermer nos gueules, c’est la seule solution logique Ă  ce problĂšme insoluble. Soit tu subis et t’avais qu’Ă  pas…soit tu te dĂ©fends et tu es folle.

Contre exemple : Susan Kuhnhausen, la femme qui a tuĂ© le tueur Ă  gages embauchĂ© par son mari. C’est une hĂ©roĂŻne outre Atlantique, je pense en reparler dans un autre billet tkt. Non, elle n’a pas Ă©tĂ© en prison (et c’est normal).

Comme si tout Ă©tait mis en Ɠuvre pour nous coller dans une posture de victime sans dĂ©fense, dis donc đŸ€”


đŸ„ąđŸ„ąđŸ„ą

Une femme qui tue, qui agresse, qui viole, c’est au-delĂ  ce qu’on peut conceptualiser. Ça nous pose problĂšme Ă  diffĂ©rents niveaux, dont celui du fĂ©minisme.

🩇 J’avoue avoir beaucoup de mal avec la complaisance de certaines fĂ©ministes envers les autrices de crimes. Non, tout n’est pas self-defense. Non, tuer son conjoint n’est pas la porte de sortie. C’est parfois nĂ©cessaire si on se dĂ©fend, mais planifier son assassinat ou l’empoisonner, c’est loin d’ĂȘtre de la lĂ©gitime dĂ©fense, Ă  mes yeux.

Pour autant, je soutenais Jacqueline Sauvage. Je parle au passĂ© car elle n’est plus.
Je ne valide pas son geste, je pense normal qu’elle ait Ă©tĂ© accusĂ©e, je pense normal qu’elle ait Ă©tĂ© sanctionnĂ©es et qu’elle soit libre Ă  nouveau. MĂȘme si son mari avait l’air d’ĂȘtre un sacrĂ© morceau 100% pur connard, il aurait pu y avoir des solutions dans le Fabuleux Monde des IdĂ©es. Mais on est dans la rĂ©alitĂ© vĂ©ritable.
Dans un systĂšme qui prend en compte la parole des victimes de violences, elle aurait pu porter plainte, ĂȘtre prise au sĂ©rieux, son mari aurait Ă©tĂ© jugĂ© et condamnĂ©.

On sait bien que ça ne marche pas comme ça dans la rĂ©alitĂ©, c’est pour ça que je la soutiens. Elle a fait avec ses moyens physiques, financiers, intellectuels Ă  sa disposition, et elle est coupable de meurtre. Les deux sont compatibles.

DĂ©peindre les femmes comme pures et incapables de violences est fondamentalement stupide et contre-productif.

Galabru, misogyne de 1922 Ă  2016.

đŸ„ŠđŸ„ŠđŸ„Š

J’estime que c’est aussi Ă  nous, fĂ©ministes, de jouer.
DĂ©fendre le modĂšle de la femme-victime Ă  tout prix est un piĂšge mortel.
Jouer sur la psychiatrisation pour diminuer la gravitĂ© des actes est dommageable. On valide ainsi l’impuissance fĂ©minine, on conforte les femmes dans l’idĂ©es qu’elles sont piĂ©gĂ©es sans aucun espoir de fuite. Et lorsqu’elles se dĂ©fendent, elles n’ont pas toute leur tĂȘte. L’agentivitĂ© est annulĂ©e, nous ne sommes que des objets rĂ©cipiendaires de violence.

Ce discours ne me convient pas. Redonner la possibilitĂ© de violence aux femmes c’est leur redonner du pouvoir. Je ne dis pas “agressons-nous joyeusement”, non, je dis “y’a pas que les hommes qui sont des menaces potentielles”.

🐘 Tu t’es dĂ©jĂ  retrouvĂ©e dans un ascenseur avec 10 mecs ? Ou dans une rame de RER ? Tu t’es sentie en sĂ©curitĂ© ?
Probablement pas.
Car, par dĂ©faut, les hommes sont les prĂ©dateurs des femmes. C’est ce qu’on t’a vendu. Par dĂ©faut, un homme fait peur, est une menace, car il est capable de violence, LUI. Et toi, non. Donc il gagne d’avance. Donc tu fermes ta gueule.

Une femme, par dĂ©faut, c’est doux et gentil. Des proies parfaites. Des appĂąts parfaits Ă©galement (Fourniret/Olivier : Olivier accompagnait son mari en “chasse” pour rassurer les gamines qu’il ramassait : si il y a une femme, il n’y a pas de danger.)

En neutralisant totalement les femmes, on le rend dociles. On peut les convaincre dĂšs la naissances qu’elles sont faibles, fragiles, qu’elles ont besoin d’un homme pour les protĂ©ger. Regarde, ce sont les hommes qui vont en prison, ils sont dangereux, alors il en faut un pour te protĂ©ger et nique la logique.

On te dit aussi qu’une femme agressive est folle, que c’est pas dans sa nature. Et toi, t’as pas envie d’ĂȘtre vue comme une folle, donc tu fais ce qu’on te demande.

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RĂ©clamons cette violence. Pas forcĂ©ment pour l’utiliser, mais pour dire “Je suis CAPABLE de violence autant que toi alors arrĂȘte de me tripoter dans le bus”.

🩖 “Estimez-vous heureux qu’on cherche l’Ă©quitĂ© et non la vengeance”

Le jour oĂč les hommes auront peur eux aussi dans l’espace public, on aura atteint quelque chose.
C’est pas la finalitĂ©, Ă©videmment, c’est pas cool d’avoir peur, pour quiconque. La finalitĂ© c’est qu’on respecte la vie des autres au lieu de dicter leur conduite aux femmes.

Le jour oĂč ça sera bien intĂ©grĂ©, j’en connais quelques uns qui vont un peu moins l’ouvrir. Peut-ĂȘtre qu’ils vont cesser de s’approprier l’espace et nos corps. On sait pas.

Bon, de toutes façons, je doute de voir ça de mon vivant đŸ€·â€â™€ïž
Et en attendant, je fais suffisamment peur aux mecs pour ne pas me faire alpaguer. Je sais que je suis une des folles du quartier (j’en ai rencontrĂ© une autre, une voisine un peu chelou mais adorable)

Lui n’est pas mort. HĂ©las.

🐰🐰🐰

Pour finir : je n’ai pas Ă©voquĂ© la violence prĂ©sumĂ©e des femmes racisĂ©es. Je ne le suis pas, je n’ai pas cette expĂ©rience-lĂ , mais je sais que les femmes racisĂ©es sont vues comme plus agressives de base que les femmes blanches. Le thĂšme mĂ©rite un billet Ă  lui tout seul car on est dans l’intersectionnalitĂ© et dans des logiques plus complexes, mais je ne suis pas encore assez Ă  l’aise avec le sujet pour en parler correctement. Donc au lieu de raconter des conneries, j’attends d’ĂȘtre suffisamment documentĂ©e.

On peut en parler en commentaire ou en MP si ça t’intĂ©resse ou si tu as des Ă©lĂ©ments Ă  apporter ❀

Sinon, tu peux m’envoyer des photos d’animaux mignons, ça marche aussi.