Heure de réveil : 4h16 (stress)

J’aimerais bien revenir hier à 4h16 quand la vie était encore pleine de promesses.

Déjà on peut remballer le plan Vigicui, tous mes espoirs se résument en : mon nombre de like n’est plus de 666 mais de 667. Ouf !

Mais y’a pire, oh oui, il y a pire et je sais pas si je continuerai après ce billet, en fait.

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J’ai protégé un violeur, moi aussi. J’adorerais le mettre sous le tapis mais, hey, quitte à me cramer autant y aller franchement, non ?

Je vais faire la flemmasse en reprenant/modifiant en partie un texte explicatif que j’ai fait hier soir car il était nécessaire que je m’exprime sans délai et j’étais déjà à balle d’anxiolytiques et je me suis endormie 30 secondes après. Je vais ajouter des éléments, maintenant que j’ai le temps.

Déjà je vais t’expliquer le lien entre tout ça, parce que tu manques de contexte.

Hier, l’article est bien paru. Je commence à le parcourir, tout va bien, et là je tilte sur un témoignage : je connais ce mec, je le connais même plutôt bien.
Et je sais que c’est bien lui, sauf que là, je l’avais aussi reconnu avant dans l’article mais avant. Je n’aurais pas donné cette précision si toutes les personnes qui le connaissent n’avaient pas tilté aussi au bout de 4 secondes.

Je ne sais pas quel bruit fait un puzzle qui s’assemble alors je vais te mettre un emoji “puzzle”.

🧩 nos amatrices de puzzle apprécieront j’espère. Faites semblant svp, vous êtes mon dernier rempart contre la folie qui m’envahit.

Voilà.

Marcel* et moi on se connait depuis 6 ans à la louche, depuis la galère sans nom d’une asso sans nom. La galère nous a permis de tisser des liens assez forts, dans le sens où sans être particulièrement proches, il sait qu’il peut me confier ses sentiments, je sais que je peux m’épancher auprès de lui. Il sait aussi que je ne parle pas et que je ne juge pas les personnes qui viennent se confier, on a beaucoup échangé et on se connaît dans la Vraie Vie de l’IRL. Je suis aussi “connue” pour dire les choses de manière assez honnête, parfois trop. Il y a eu droit.

Hors cas grave (Je suis pas curé ni psy ni médecin, j’ai une once de bon sens, moi.), je ne dis rien.
C’est une position à la con que j’arrive à reproduire à chaque fois (syndrome de l’infirmière un peu). Mais du coup comme on sait que là dessus j’ai une éthique assez costaude (des années de modération en terrain hostile), bah on me confie pas mal de choses. J’ai des principes comme ne pas partager de screenshots des MP (sauf mascus), je ne règle pas mes problèmes personnels par le biais de mes rôles de modératrice, j’apporte aide et soutien a qui en manifeste le besoin. C’est chouette sur papier, ça donne un petit côté psychorigide à ma personnalité.

Un autre de mes traits de caractère les plus saillants : je pardonne, j’écoute, je tends la main même après qu’on m’ait craché à la gueule. J’ai fini par me faire traiter de “sac à merde” par mon témoin de mariage comme ça, ma naïveté va loin mais je pense que sans cette fausse candeur je ne serais pas moi-même non plus.

Je suis la meuf trop imbécile pour savoir quand m’arrêter, quoi.

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Et je suis souvent le cul entre deux chaises. Jusqu’ici j’ai plutôt bien réussi à m’en tirer même s’il y a eu de sales effets de bord. J’ai perdu des ami-es car je n’ai pas voulu en bannir d’autres de ma vie. Je te rassure tout de suite, j’ai le sens de la mesure, hein, si la pote en question avait été réellement problématique et pas juste en désaccord avec l’autre, évidemment que je l’aurais bannie.

C’est pas si simple d’avoir les deux sons de cloche avec exactement la même intensité en fait. Je t’assure. Quand on a le récit de la bouche de chaque protagoniste on a pas ce filtre du “iel a fait/dit que” mais la donnée brute et surtout sans contexte autre que ce qui est dit. Juste version contre version.
Alors EVIDEMMENT je crois les victimes, toujours, inconditionnellement, mais ça m’arrive d’écouter des (y’en a eu plus d’un, oui) agresseurs. J’ai aussi des limites là dessus, je n’écoute pas les pavés larmoyants de mecs cis qui se plaignent de leur victime, par exemple, eux ils peuvent aller voir ailleurs si ils y sont.

J’ai perdu ou failli perdre des ami-es à cause du suicide. J’ai sauvé la vie à la meuf que tout le monde détestait dans la bande parce que je me suis inquiétée de son mal-être et de son silence. Personne n’a bougé le petit doigt et on m’en a même voulu d’avoir organisé le sauvetage de la “drama queen” avec une autre pote. Ce jour là, les pompiers lui ont sauvé la vie.

Depuis, j’écoute les gens qu’on déteste.
J’ai passé trois jours avec elle, encore groggy de l’expérience du lavage d’estomac, et je l’ai écoutée ressasser toute son histoire, passage problématiques compris. Elle n’en a gardé qu’un vague souvenir, je crois, mais je l’ai écoutée en promettant de ne rien dire et j’ai tenu parole. J’ai réalisé que cette personne que je ne portais pas spécialement dans mon cœur avait une autre vision de la situation. J’avais sa voix à elle, alors que toute la bande n’avait que sa version à lui.

Après ces 3 jours, j’ai compris que la vérité n’existait pas de manière claire et tranchée. Les deux versions de mêmes scène épiques avec son mec étaient à la fois diamétralement opposées et en totale résonnance. Les deux distordaient les mêmes faits de manière spectaculaire. Cette histoire m’a marquée durablement, c’était il y a 18 ans.

Je te rassure direct : après la première TS, j’en ai atrocement voulu aux mecs du groupe et j’ai cessé de les voir. J’ai fini par larguer toutes ces amarres pour recommencer ma vie à 1000 bornes de là. On pousse pas quelqu’un au suicide, quoi qu’iel ait fait.

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Donc j’ai l’habitude d’avoir ce rôle de médiatrice et confidente. Alors tout naturellement quand il y a eu le callout, j’ai eu sa version directement. Et je ne me suis pas sentie de mater les tweets, ça fait toujours mal de voir un-e ami-e se faire basher, les shitstorm et le dogpiling c’est vraiment pas ma came.

Il est venu me voir en me disant “J’ai commis un viol, je le regrette infiniment, je ne sais pas comment faire face au shitstorm, au secours”. Ce type est mon ami. Je le crois. Évidemment que je le crois, je suis son amie…
Et puis la contrition dont il fait preuve, merde, ça me fait mal à mon cœur de Bisounours, ses regrets sont flagrants.

Et au fond de moi, j’ai pas envie qu’il se fasse du mal. J’ai peur pour lui, aussi, et je me dis qu’il doit être terriblement seul dans son vortex de merde. Y’a des gens qui se suicident après un callout, j’en ai connu, c’est pas une légende. Même si le type est le dernier des connards, je suis toujours contre la peine de mort.

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D’un autre côté QUAND MEME MEC QU’EST-CE QUE T’AS FOUTU ??!
(Je ne savais pas à quel point, j’ai tout assemblé le puzzle hier, souviens-toi). J’ai été assez claire : je crois les victimes, t’as grave merdé, mais je suis là.

Ensuite, la situation s’est emballée.
Il m’a demandé conseil, j’ai répondu que c’est ce qu’il aurait dû faire depuis le début : se taire. Ne pas remettre 10 balles dans la machine quitte à ressentir cette injustice toute sa vie. On peut pas tout réparer, des fois faut lâcher l’affaire. Je l’ai averti deux ou trois fois à ce propos, sans résultat.

Alors j’ai décroché. Je le voyais s’enfoncer, du peu que je savais, et à des moments j’ai été obligée de relire plusieurs fois ses posts pour réussir à déterminer si c’était sarcastique ou pas.
Un truc s’est amorcé et j’ai commencé à prendre mes distances parce que ça puait sévère. Je savais pas quoi précisément parce que…ben la vie, quoi. C’est difficile à croire mais j’ai parfois des activités dans ma journée, sans parler de mon ineffable l’Enfant.

Je n’ai pas tout relevé parce que je suis lâche, très clairement, et j’ai pas fait preuve de beaucoup de courage jusqu’ici. J’avais envie de lui dire qu’il se grillait de plus en plus et surtout qu’il se mettait beaucoup trop en avant en jouant de cette “mésaventure”. Le malaise. Le malaise mais toujours une bonne couche de déni.

Passé le stade du malaise je savais que si je prenais connaissance de tout j’allais tomber de trop haut. Je pratique super bien le déni, c’est aussi ce qui m’a permis d’atteindre cet âge vénérable, alors j’ai laissé couler la vie en me demandant quand ça allait me retomber dessus.

Et c’est…MAINTENANT !

🐸🐸🐸

Ça fait un moment que je me dis que je suis hypocrite par rapport à ça. J’ai pas vraiment d’autres excuse que de dire que j’aime mes ami-es et que je ne fais pas toujours preuve de discernement lorsque j’ai un lien émotionnel fort avec la personne.

Le résultat est le même : quand j’ai enfin tout compris en lisant l’article, j’ai ressenti ce truc glacé qui prend tout ton corps, cette sueur froide qui n’en est pas une et qui t’avertit que ça va pas le faire du tout.

J’ai soutenu un violeur. Une personne que j’ai du mal à ne pas considérer comme un ami. Et surtout, un violeur qui a réinventé une bonne partie de l’histoire. Qui nie, en fait, qu’il est un violeur. C’est surtout ce déni qui m’a fait comprendre le jeu.

Pourquoi nier ?

Auprès de moi, il n’a pas nié, je suis donc partie du principe, connement, que c’était sa position : j’ai merdé, je veux réparer. J’étais même contente de rencontrer un type qui se remettait autant en question.

Sauf que là, il dit publiquement “Je n’ai rien fait”. Alors…on fait quoi ?
Ça change TOUT.
Pour réparer tes erreurs et travailler sur le sujet, en général tu admets ton erreur préalablement. Là, c’est un peu comme s’il avait profité du move pour rebondir autrement. J’ai toujours du mal à me dire que c’est ce qu’il a fait volontairement. J’en suis au stade du “Je comprends exactement pourquoi on en est là et j’aurais sans doute pu tenter de faire plus”.
Parce que je le comprends, maintenant, et pour cause !

Même si je n’étais pas toujours en accord avec ce qu’il disait, même si je le suis encore moins maintenant, quand tu connais une personne relativement bien, tu connais ses mécanismes de pensée, que tu le veuilles ou non.

Pour moi, ce qui se passe là est absolument la suite logique de ce que je savais et appréhendais, sous mes yeux ébahis.

🐡🐡🐡

J’ai fini par demander aux ami-es connaissant l’histoire de me raconter un peu plus, il y a quelques semaines. Je travaille avec une des personnes concernées par l’histoire, la moindre des choses est que je me renseigne et que je sois transparente si je sais déjà qu’il y aura conflit d’intérêts.

Les récits m’ont heurtée mais pas si profondément. J’avais presque toutes les pièces du puzzle mais il me manquait un élément pour combler le hiatus entre la personne que je connaissais et la personne qu’on me décrivait. Et surtout, j’étais assez hébétée, je me disais que c’était impossible, nope, nope, y’a un piège.

Y’avait bien un piège, patate.

Le fait qu’il ne reconnaisse pas ses actes.
La base.
C’est la base de ton discours, mec. Applique tes propres conseils.

Pourtant, je connais les mécanismes d’emprise et de manipulation.

Sauf quand ils me concernent, oui.

Donc nous voilà en décembre, je cause au téléphone assez longtemps avec cette adorable journaliste de NEON, elle me demande si je connais d’autres personnes qui pourraient témoigner, je lui indique cet ami qui travaille justement sur la justice réparatrice. Je n’ai alors pas vraiment pris connaissance de tout le deal et j’ai clairement manqué de discernement en n’allant pas m’assurer que tout était ok. Sur le coup, j’ai trouvé que c’était une super idée.

Non, c’était pas une super idée, même si l’arnaque se voit quand tu connais la personne. Mais si tu ne sais pas de qui il s’agit…bon.

🐇🐇🐇

Je crois que je vais mettre un peu de temps à reparler de viol (ou à reparler tout court), je me suis calée dans la case “meuf qui ferme les yeux” et j’ai envie de cramer tous les textes où j’en parle. Pire, je vais aller voir la section commentaires de l’article après avoir posté, histoire de me faire du mal.

Le twist de merde c’est que je me suis piégée avec ma propre bêtise
J’étais contente qu’on parle de la page et que mon témoignage soit publié !
Et on va parler du violeur, pas de mon Kiri Warning.

Et je peux pas me plaindre parce que c’est de ma faute, totalement. Et la situation est assez grave pour que j’aie même pas à me plaindre alors que je l’ai mauvaise, mais mauvaise…et je vais chouiner auprès de qui ?

Bah de ma gueule, parce qu’à un moment, meuf, t’es trop bête, t’assumes.

Donc je ne sais pas.

Je vais réfléchir à ma vie, là.

De toutes façons moins de 26 personnes liront ce billet, pourquoi je me fais chier alors que je devrais chercher du boulot ?