Heure de réveil : 4h17 (ankylose)

(Pas d’intro, voilà)

J’ai envie de parler d’un truc suite au billet sur l’infantilisation des mecs cis. C’est un truc que je fais parfois et qui me gonfle, pourtant. Donc le prend pas que pour toi, c’est à moi que je parle aussi.

“Moi, ça va”.
“Moi, le mien il est vivable”

Moi aussi, le mien est vivable. J’ai de la chance. Mais le fait est qu’on est en couple cis-hétéro, et que si t’en as trouvé un pas trop mal, les potes galèrent toujours autant. Du coup le “moi, ça va” c’est comme si on disait “moi, ça va” à quelqu’une qui a une jambe cassée. Good for you 🤷‍♀️

Puis quand tu creuses un peu, soyons honnêtes avec nous-mêmes, tout n’est pas si épiquement cool et on se coltine encore la majeure partie de la charge mentale dans la vaste majorité (extrême majorité).

“C’est simple, j’ai fait un planning des tâches ménagères via [un post-it, une appli, un fichier excel, whatever] et chacun suit le truc.”
SI FACILE ! EASY PEASY !


C’est simple, tu as cherché et testé tout un panel d’outils avant de trouver le bon, tu as testé, tu as questionné ton cisdude de compagnie, tu as réfléchi à tout ça, tu as sans doute fait plusieurs tentatives infructueuses et là t’as un truc pas trop bancal avec des visuels niveau maternelle pour qu’il arrive à suivre et qu’il ait envie de le faire.

La demande elle vient de toi, la recherche de la solution elle vient de toi, la mise en place des outils et le suivi viennent de toi. Tout seul dans son coin, ton mec n’aurait pas forcément pensé à commencer à envisager que la situation puisse changer : c’est toi qui portes la charge de tout ça, lui, ça l’arrange bien.

Souvent, il faut pas mal de tentatives pour planifier des trucs et des machins. Je le sais de première main, je passe ma vie à chercher ou inventer des outils facilitant la vie à la maison. Avec des pinces à linge, des calendriers, des blocs mémo judicieusement placés. J’ai un tableau blanc géant sur un pan de mur. Des magnets, des post-it, des to-do lists…

Je me fais chier, souvent, à peaufiner un truc magique qui va nous permettre de nous organiser efficacement. Mais je suis la seule à penser que ça puisse être utile, mes tentatives ne sont JAMAIS suivies d’effet. Faut que je relance, que je tente, que je négocie, que je rappelle les règles. Je suis chiante, oui, je suis le bad cop. Donc je balance ce que j’ai mis des heures à réfléchir et fabriquer, parce que, à quoi bon, hein ?


🦖🦖🦖

L’infantilisation elle passe aussi par là, oui. On leur mâche des solutions, on réfléchit pour eux. Si ils “aiment” une tâche ménagère plutôt qu’une autre, on leur laisse. Même si nous aussi on aime bien faire ça, on leur laisse, parce qu’ils ont éprouvé un frémissement d’intérêt.

On est toujours en train de proposer des trucs dont il n’a rien à branler, au fond, puisque tout se passe bien, non ? Mais si, regarde, la maison est rangée. C’est bien que TU peux le faire seule.

Le mien a été obligé de comprendre avec les premières poussées inflammatoires et les diverses crises physiques/psy que j’ai traversées.
Parce que des fois, je ne sers strictement à rien pendant plusieurs jours. Parfois, la douleur me semi-cloue au lit. Semi parce que j’ankylose donc je dois régulièrement me lever, marcher, changer de position. Parfois la déprime me cloue au lit. Souvent, il a pas eu le choix, il a dû assurer. Il en est parfaitement capable, donc. Il fait pas les choses comme moi je les ferais et ça m’a pris du temps à l’accepter, mais il les fait.
Et puis je vais mieux et…la magie se dissipe.

J’ai la chance qu’il prenne le relais, oui. Mais ça n’en fait pas un mec parfait.
Quand le petit a eu des soucis de nounou, j’ai géré, j’ai refait deux fois deux ans de paye alors que je suis dyscalculique, j’ai demandé à une amie comptable de m’aider, on a lu la convention collective, on a refait les calculs.
On est entré-es en litige avec elle et je me suis rendu compte en arrivant un jour plus tôt qu’elle avait des comportements maltraitants. J’ai appelé le RAM et la PMI, j’ai cherché, j’ai mendié une place en crèche, j’ai fait le dossier d’inscription, le planning.

Lorsqu’on nous a demandé de “soigner notre gosse” j’ai appelé toutes les orthophonistes dans un rayon de plusieurs km, en cherchant celles proches des arrêts de bus, en regardant si c’était possible pour moi de faire les trajets. Idem pour la pédopsy et la psychomotricienne. J’ai 6 bras.

J’ai lu des livres sur la parentalité. Plein. J’ai créé un groupe pour pouvoir y poser mes questions. J’ai lu, j’ai écouté, je me suis renseignée et j’ai testé énormément de choses pour apaiser un peu l’Enfant. Je discute souvent de lui avec les copines, puis j’essaie, j’essaie, j’essaie.

Au moment des problèmes, je suis en général celle qui réfléchit à comment faire. Cela ne me pose pas de souci, j’adore résoudre des problèmes. Mais ça pèse, surtout quand tu moulines les bras en l’air et que rien ne se passe. Perso, j’en ai raz le cul, voilà. Je propose, ils disposent pas. Ça sert à quoi ? A rien. Mais je continue, parce que je dois trouver un truc.

En vrai, Sisyphe est une femme

🦔🦔🦔

Je suis souvent stupéfaite devant un fait simple : lorsque je suis seule avec l’Enfant pour quelques jours, la maison est clean, tout roule. Je sais que je n’ai que moi, donc je gère et je gère plutôt pas trop mal. Je suis épuisée et je ne pourrais pas être maman solo, clairement. Mais ma maison est propre et rangée.

D’ailleurs les mamans solos, même celles qui ont beaucoup d’enfants, le disent souvent : c’est presque plus simple sans mec dans le paysage, niveau tâches ménagères. Dans la LARGE vaste immense majorité des cas, le mec est vu comme un enfant supplémentaire qui ne sait pas où trouver [insérer ici n’importe quel objet se situant à 20 cm de son visage] et qui parfois a des EXIGENCES en plus.

Et même quand “tout va bien” on se rend compte que tous les efforts viennent de nous. Tout va bien parce qu’on a trouvé le bon outil, le bon moyen de communiquer. Parce qu’on a cherché, qu’on a demandé. Le nombre de posts que je vois sur la charge mentale, tous groupes féministes confondus, est hallucinant.

“Il est bien mais…”

On commence toujours comme ça. Par le défendre. Il est pas si mal. Il a fait des efforts en 2004, il en fait un peu plus qu’avant. On est contentes, vu ce qu’il se passe chez les autres. Puis quand on est trop féroces, on se fait reprendre. Parce qu’ils sont pas tous comme ça, parce que c’est méchant, c’est pas en se moquant que la situation va s’améliorer.

Certes non. Les railleries ne servent à rien, excepté à la catharsis. Mais je veux pas qu’on me prive de ma catharsis, moi !
Il y a des mecs bien, on va pas se refaire un cours sur le #notall. Mais le standard “bien” est quand même hyper bas et surtout totalement asymétrique entre celle qui porte la charge mentale et celui qui ne sait pas ce que c’est que la charge mentale.

Donc, oui, t’en as chopé un pas trop mal. Good for you (vraiment). Il est pas trop mal mais….c’est là que commencent les problèmes. Comme il est pas un connard violent, on pardonne, on fait des efforts, on éduque.

“Ah mais oui, un aspirateur faut vider, le sac, sans déconner, je savais paaaaaaaaaaaaaaaaaas !!!”

🥀🥀🥀

Puis tu as l’aspect mésestimé : l’inégalité financière.
Souvent, il gagne plus que toi (j’ai dit, souvent). Dans tous les cas, vivre à deux coûte moins cher que vivre seule avec une pension alimentaire imaginaire.
Le fait d’avoir un mec pas trop mal qui te permet d’être à l’abri, c’est PAS une bonne nouvelle. Tu te sens en sécurité, mais tu ne l’es pas tout à fait. Tu es dépendante et chaque enfant empire ta situation.

L’argent est un outil oppressif majeur. Il peut devenir un outil de contrôle. Ne pas laisser d’argent à une épouse qui s’occupe des enfants, ou alors trop peu, c’est un grand classique. Comme ça, la meuf ne peut pas mettre de côté. Elle est toujours sur la corde raide et donc elle est obligée de rester. Du moins, c’est ce qu’elle croit, à force. Mettre de côté c’est une des stratégies pour fuir un foyer, qu’il soit violent ou non. Si tu es dans la dépendance économique, tu l’as dans l’os.

Et ça…ça arrive souvent. On est moins payées, on bosse moins si on a des enfants, si on a continué à travailler. Partir signifie baisser drastiquement de niveau de vie.

Alors chacune voit midi à sa porte comme disent les mamies, on peut tout à fait avoir conscience de ça et bien le vivre. Il n’en reste que c’est un lien de dépendance.

Bonjour et bienvenue dans le cours “Faut-il éteindre les lumières quand on quitte une pièce, et si oui, pourquoi ?”

🌰🌰🌰

Questionnaire random (pas mal axé enfants mais plusieurs questions s’adressent à toustes).
Edit : ce questionnaire ne score rien du tout, c’est une liste que j’ai faite sur le moment.

🧽 Comment est ton logement après tes 5 jours de gastro/grippe/ou pire ? A quoi ressemble ta maison lorsque tu reviens après une absence ou une hospitalisation ?

🧽 Comment nettoie-t-on un micro-ondes ?

🧽 Un lave-vaisselle fait-il tout tout seul ?

🧽 Sait-il si votre enfant ou toi souffrez d’allergies ?

🧽 Sait-il où est le carnet de santé de l’enfant ? A quel âge on fait le rappel des vaccins, au fait ?

🧽 A-t-il fait le rattachement CPAM et CAF après la naissance dudit Enfant ?

🧽 Gère-t-il les impôts et les papiers en général ? Sait-il où se trouvent les archives de la maison ? Les a-t-il archivées lui-même ?

🧽 Sait-il des choses sur le RGO (Reflux Gastro-Oesophagien), les coliques du nourrisson ou les dents de lait ?

🧽 A-t-il déjà lancé l’album d’Elise Snel (“Calme et attentif comme une grenouille) de lui-même ?

🧽 A-t-il déjà acheté un livre pour l’Enfant ?

🧽 Sait-il où se trouvent le gel d’Arnica et les pansements ?

🧽 Sait-il quel(s) traitement(s) médicamenteux tu prends ?

🧽 Descend-il les poubelles de lui-même ?

🧽 Sait-il où sont rangés les vêtements d’hiver ?

🧽 Reste-t-il du vinaigre blanc dans le placard selon lui ? Et de la farine ? Et de la levure ?

🧽 A quelle température cuisent la plupart des gâteaux ?

🧽 Comment faire partir une tache de sang ?

🧽 Sait-il ce qu’est la phase lutéale ?

🧽 Sait-il quel moyen de contraception tu utilises ? A-t-il déjà proposé de gérer cette partie ?

🧽 Quelle est ta taille de soutien-gorge ? Ta taille de vêtements ? Ta pointure ? Celle de l’enfant ? Sait-il combien coûtent des chaussures en taille 23 ?

🧽 Sait-il gérer l’intendance et les courses tout seul ? Quand il va faire des courses, est-ce que tu es obligée de tout préciser ou bien il trouve de lui-même ? T’a-t-il déjà appelée en catastrophe parce qu’il ne trouvait pas [truc] au rayon [machin] ?

🧽 Sait-il anticiper la fin du savon, du gel douche, du dentifrice ? Sait-il si il y a des mouchoirs et du PQ en réserve ?

🧽 Connaît-il Isabelle Filizoat (le chanceux) ? Catherine Guéguen ?

🧽 Les contractions de Braxton-Hicks : quid ?

🧽 Quelle est ta couleur préférée ? Ta fleur préférée ? Ton odeur préférée ?

🧽 Sait-il nommer un livre que tu as lu entre 2019 et ce jour ? 5 livres ?

🧽 A-t-il le numéro de téléphone de votre médecin généraliste dans son téléphone ? Et le numéro de l’école ? Et du centre de loisirs ?

🧽 Sait-il décrire avec précision ton activité/ton travail ?

🧽 Qui gère les cadeaux de Noël ?

🧽 Qui gère les anniversaires ?

🧽 Où sont rangés les sacs poubelles ? Le bicarbonate ?

🧽 A-t-il déjà acheté des vêtements pour toi ou ton enfant, seul et sans assistance et sans se tromper dans la taille ?

🧽 Qui planifie les vacances ?


💣💣💣

Je ne vais pas continuer toute la vie, mais voilà.

On est encore TRES TRES TRES TRES loin du compte. On se contente de ceux qui sont pas trop mal, on s’en réjouit, même, tant ils sont rares.
“J’en ai trouvé un bien !”

Ouais, y’en a des biens (pas comme les flics)(rhooo), des pas trop mal, des vivables.

Mais la route est longue, encore. Qu’on ait trouvé un partenaire sympa, c’est cool. Tant mieux. Faut juste pas oublier :
– Que rien n’est vraiment parfait, hein ? Je sais bien que si on creuse un peu…
– Que t’as plein de copines sur le carreau.

Le “Moi, ça va” relativise l’aspect systémique et quelque part, ça nous donne l’illusion que nous, on est à l’abri. Qu’on est pas SI mal. Que vu ce qu’il se passe ailleurs, on ferait mieux de rester comme ça. Puis on se dit “Quand même, il est pas si mal” et on en reste là. Il fait déjà “des trucs”, c’est pas mal. On s’en contente, parce qu’on sait que ce “pas mal” est déjà quelque chose d’inouï.

Alors que…bah y’a du boulot.
Même le plus déconstruit des mecs peut avoir des attitudes de chacal sur certains aspects. Mais on est satisfaites parce que ça pourrait être pire.

C’est ça, qui se cache derrière le “Moi, ça va”. C’est une forme de déni. Ça va, chez toi. Good. Et chez les autres ?

Avant de finir.
Le “Hahaha je sais pas comment vous faites pour être en couple hétéro” ne sont pas non plus très aidants, soyons honnêtes. Des fois, on a pas le choix. Notre orientation sexuelle n’est pas un choix. Nos sentiments nous appartiennent mais on ne peut pas lutter contre. On est parfois dépendantes économiquement, on est parfois coincées par plein de raisons. Moi non plus je ne sais pas comment on fait, j’en sais rien.

C’est clair que si jamais je me retrouvais seule, je ne me remettrais pas en couple. Bah en attenant je suis en couple, on fait comment ?

Non mais voilà, on est dans la merde quoi qu’il arrive 🤷‍♀️