Heure de réveil : 1h99, 4h21 (“Qu’est-ce que c’est que ces croquettes de merde ?”)
C’est dimanche joker. Fait beau puis moche, le vent siffle dans nos volets antédiluviens, ce temps de rêve me rend toute arthritique. (Édit : ok on est samedi et c’est pas joker)
Hier j’ai soulevé un bout de la couverture et fait part de mes pensées “paranoïaques” à mes proches. Oui, parfois je pense que tout le monde se concerte pour me la faire à l’envers. Alors qu’on arrive jamais à se synchroniser à 3 pour une soirée, toustes mes proches se concerteraient pour me nuire, évidemment. Bien sûr.
J’ai aussi la pensée latente que tout le monde me déteste de toutes façons.
Mais ça…ça m’est réellement arrivé, le coup de l’ami-e qui fait volte face. Je suis témoin à ton mariage mais je me fous tellement de ta gueule avec mes potes que je vais te faire chialer quand tu découvrira le pot aux roses, et je vais t’humilier publiquement quand, quelques mois plus tard, ignorant tout de la situation, tu m’envoies une bouteille à la mer pour tenter de réparer notre amitié.
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💀 Je suis ton pote, oui, mais j’attends qu’on soit seul-es chez toi après que ton mec m’ait invité pour le week-end pour passer 2h à te dire tout ce qui ne va pas chez toi. Captive, tu seras obligée de m’écouter te démonter brique par brique, sidérée, tellement blessée que tu revis encore cette scène avec beaucoup de tristesse presque 20 ans après.
💀 Je suis l’amie “j’ai jamais pu te blairer en fait”.
💀 Je suis ta meilleure amie qui se rabat sur ton fraîchement ex parce que tu sais qu’il fait des cadeaux sympa et qu’elle aussi elle veut en profiter.
💀 Je suis ton mec qui n’avait pas cessé de “voir” son ex et qui te l’avoue quand elle vous invite au resto avec toute la bande de pote et qui passe sa soirée avec elle. Tu vas passer toute la soirée à picoler pour oublier et tu vas te donner en spectacle façon humiliation qui dure.
💀 Je suis ton ex qui dit à tout le monde que t’es tellement grosse qu’il faut te baiser dans le noir.
💀 Je suis ton ex qui donne toutes tes lettres d’amour à sa mère après que tu aies accusé ton beau-père de viol, juste parce qu’il était majeur et toi mineure lors de votre relation. Des fois que je décide de porter plainte contre lui aussi.
💀 Je suis ces deux là qui t’appellent la grosse dondon ou la grosse dinde ou la grosse tout court. Je ne suis définie que par cette dimension-là de ma personne.
💀 Oups, le mail pro répondre à toustes qui parle de toi en ayant oublié de te retirer de la liste de diffusion, toi et tes deux responsables qui n’ont pas réagi aux insultes.
💀 je suis cette collègue qui, emmerdée, t’apprend que tout le monde pense que tu prends des vacances au lieu d’être en arrêt.
Puis, les grosses trahisons, évidemment, résumées en une phrase.
“Papa va venir nous voir ?”
J’en ai des tonnes. J’ai souvent été “jetée” sans ménagement, sans en connaître les raisons. L’ami-e qui fait volte face et qui révèle tous tes secrets à ta Némésis, celle qui te plante et qui en fait pouvait pas te blairer depuis le début.
On dirait un épisode de Scooby-Doo au rabais.
Je ne sais pas si j’ai un gros quota de trahisons ou pas par rapport à d’autres. Si ça se trouve c’est normal que les gens agissent comme ça ? Ou alors je donne immédiatement ma confiance à n’importe qui et je le regrette plus tard ?
Les deux ?
Mon souci c’est que mon à priori des gens est toujours positif. Je ne pense pas que ce soit un problème, personnellement, de penser que les gens valent le coup de les découvrir et de chercher à mieux les connaître. Je mets souvent beaucoup trop d’investissement affectif immédiatement, c’est flippant (pour euxlles) parfois. J’aime les gens, en réalité, profondément. Connerie.
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N’empêche, j’ai senti le point de bascule du côté parano de la force. Parano sans guillemets. Je sais rationaliser, j’ai les pieds sur terre quoi qu’on en dise, je sais que c’est mon esprit malade qui cherche à m’enfoncer encore un peu plus dans la folie.
Ma maladie se comporte comme un partenaire abusif, en fait. Elle me gaslight en permanence, elle me provoque, elle insinue, elle sape ma confiance, en fait elle me pousse au suicide. Parce que quand TOUT est comme ça, c’est usant.
Si je fais quelque chose de bien, je m’entends dire “Regarde moi ça, elle y croit et tout, pitoyable créature” ou “Tu vas échouer, je sais même pas comment tu fais pour à chaque fois relancer des projets, comme ça, t’apprends rien, évidemment que ta petite page insignifiante va s’écrouler, pauvre fille”
Souvent, j’ai assez de ressources pour casser ces pensées, la plupart du temps en les formalisant comme je le fais ici. Le fait de formaliser par écrit me permet de me relire et de trouver les failles dans mon raisonnement. Ici “tous mes proches se liguent contre moi”. Ce qui est assez surréaliste, ne serait-ce que niveau logistique. J’ai poussé le concept, je me suis demandé comment iels s’organisaient. Sur Messenger, dans un MP qui s’appellerait “Cramons cette connasse” par exemple. Déjà il faudrait que tout le monde se capte.
On a mis des années à faire se rencontrer nos cercles amicaux avec Maw (Mon Amie Woke) (oui elle veut pas que je mette son prénom, ça lui fait bizarre), on était pourtant très proches, mais ça a percuté l’an dernier seulement. Pour certaines connaissances, on avait aussi énormément d’amies en commun mais on s’était juste jamais parlées.
Donc c’est hasardeux et improbable que toustes mes proches ce concertent. En plus y’en a qui se détestent dans le lot. Et j’espère qu’il y ‘en aurait une pour casser le trip parce que c’est super moche de se concerter pour faire tomber quelqu’un.
Du coup, comment expliquer que j’aie les mêmes retours positifs provenant de différents cercles d’amis ? De personnes que je ne connais pas ? Le monde entier ne complote pas contre moi, le monde entier en a rien à foutre de mon insignifiance, ce serait beaucoup d’effort pour pas grand chose. Saper la confiance en elle d’une personne qui n’en a aucune, c’est trop facile.
Oui, j’ai fait tout cet exercice mental pour casser le cercle. Et je t’épargne les scénarii alambiqués. Mais du coup, ça a fonctionné. Devant les preuves, les voix qui gueulent se sont tues.
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Je m’estime extrêmement chanceuse d’avoir cet ancrage dans le réel. Pour ça, je remercie la zététique qui m’a fait découvrir qu’on pense parfois de manière illogique mais logique mais illogique. “C’est pas ce que tu crois” ou “Double Check” sont mes amis.
Si je te raconte tout ça alors qu’on s’en fout, c’est pour montrer avec cet exemple comment on peut s’enfoncer dans la folie et des trips paranoïaques. Parce que si tu n’as pas les outils critiques pour reculer d’un pas avant de te laisser entraîner, c’est désespérément facile de partir en vrille.
J’ai soudain compris comment naissent ces délires. Je le savais avant, mais les points sont maintenant reliés.
J’ai réalisé l’énergie perdue à retraiter chaque information. A combattre mes pensées (En plus j’ai découvert récemment qu’un des trucs qui me bouffait s’appelait la phobie d’impulsion, ça n’aide pas.), à tout filtrer, analyser. Parce que si je laisse filer mes idées, si je me laisse sombrer, je sens que ça va pas être drôle du tout.
Par exemple, je suis intimement convaincue d’être un poids mort, un boulet, pour mes proches. Peu importe ce que je fais, je suis un boulet défectueux. Même si je range et nettoie l’entièreté de l’appartement, que je finis mes tâches en cours et qu’il me reste du temps, je culpabilise de ne pas pouvoir en faire plus.
Il faut absolument que j’aie une utilité. Pourquoi ? Ma voix de la folie est sans doute de droite, ça lui ressemblerait bien, tiens. L’utilitarisme outrancier qui punit de mort quiconque ne sert pas le monde.
Je ne le pense pas au sujet des autres, bien sûr. C’est entièrement auto-agressif. La différence de traitement est (littéralement haha) hallucinante entre ce que j’aime et accepte des autres et ce que j’aime et accepte de moi.
Je me suis vue glisser, et ça m’a foutu la trouille. J’ai vu un peu de ma sœur et un peu de mon père.
Le souci c’est qu’il faut que je brise ma solitude.
J’ai des proches mais je ne me laisse pas approcher. J’ai tellement la sensation de n’avoir rien à apporter que je n’entretiens pas mes amitiés. Pourtant, la solitude est le terreau du délire, je le sais. J’ai vu glisser mon père, petit à petit, je l’ai vu bâtir sa forteresse, relever le pont-levis, remplir les douves et y jeter la clé. Il est maintenant inaccessible à tout ce qui l’entoure, et ça me fait secrètement rêver. Plus de proche, plus de souci. Plus de lien, plus de bonheur non plus.
Mais plus de proche, plus de prise sur la réalité non plus.
La solitude est une zone de confort particulièrement vicieuse. Seule, je ne fais de mal à personne, je n’échange qu’avec moi-même et je tourne en rond dans la souffrance. Alors je recherche la solitude parce que le monde fait trop mal, c’est trop risqué de s’investir encore.
Le lien social permet de relativiser nos pensées en vase clos. Il nous apporte un autre éclairage. Il nous apporte le doute.
“Est-ce que mes proches organisent vraiment un complot contre moi ? Ça ne me semblerait pas un peu excessif, tout ça ?”
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Toute la difficulté quand la pensée vient de toi, c’est que tu as tendance à la croire. Ça parle avec ton langage, avec ta voix. C’est facile de se laisser bercer quand on se connaît par cœur.
Puis ça peut aller très vite de perdre ceuxlles qu’on pensait proches. Souvent, ça fait boule de neige. Tu commences à t’engueuler avec une personne, tu ragequit des conversations, des groupes, tu t’isoles. Ensuite tu es isolée, alors tu te dis “J’avais raison, personne ne m’aime” alors que tu as toi-même organisé ta solitude. Le message envoyé est plus que confus…
Alors ça donne des gentes comme moi qui pensent tous les jours à ses amies sans jamais oser leur faire un coucou parce qu’elle a pas grand chose à dire. Juste par inaptitude à la sociabilisation. J’adore avoir des amies à la maison mais j’oublie de les inviter. Normal.
“Qui ferait le trajet pour venir me voir ?” C’est là où tu dois appliquer la pensée critique, précisément à ce moment, en répondant de manière littérale à ta question : Si personne ne veut venir me voir pourquoi des amies sont déjà venues te voir ? Des anomalies dans la matrice ? Des gentes sont parfois venues de super loin pour te voir. Vous avez passé de bons moments. Des gentes sont revenues aussi ! Pourquoi ? Par pur masochisme ?
Ne pas avoir d’interaction limite le danger. Quand on est atteint d’une pathologie mentale avec des troubles de l’estime de soi c’est très difficile de se dire qu’on pourrait éventuellement apporter quelque chose à l’autre. Dans le doute, ne faisons rien. Ma chance ici est d’avoir des proches plus ou moins au courant, un psychisme quand même assez solide finalement et un scepticisme, un rationalisme qui me permettent de remettre mes illusions en question.
Mais parfois, je me dis qu’iels seraient mieux sans mes jérémiades. Que je les gonfle. Que je ne performe pas bien la normalité, que je ne suis pas fiable, pas assez à l’écoute, pas assez investie. Alors, genius, pourquoi iels ne t’ont pas laissée tomber ? Ça commence à faire long pour une si mauvaise blague, tu ne crois pas ?
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Je ne sais pas trop où je vais avec ce billet mais c’est bien d’en parler. Pas que pour moi, je sais que ce genre de doute arrive à tout le monde. Que c’est aussi le doute et les remises en questions, pertinentes ou non, qui me permettent de tenir le coup et d’avancer contre le vent.
Le conseil que je te donnerais aujourd’hui c’est d’oser en parler. Fais part de tes peurs, de tes doutes à tes très proches. Tu sais au fond de toi que tes doutes ne sont pas fondés, que ce n’est pas logique, mais ça calme beaucoup quand on se le fait confirmer, au moins par une personne. Une fois le reality check passé, les choses rendent différemment. Un micro doute existe, c’est ce doute qu’il faut garder.
C’est difficile d’en parler, je sais, mais rester à huis clos avec un psychisme qui veut ta mort n’est pas une bonne idée. En aucun cas. Et si t’as personne, t’as les MP de cette page.
La fatigue, quand même.
Un psychisme à plein régime et des velléités paranoïaques ça va bien ensemble. Ma vivacité d’esprit (oui ça arrive) dessert complètement ma cause personnelle, à savoir rester en vie. Quand tout prend une fulgurance pour s’allumer, t’as pas le temps de décortiquer, tu te prends le truc pleine poire et le temps que tu ramasses tes abattis ton esprit est déjà loin. Faut décortiquer la scène de crime et aller le chercher, le convaincre de revenir à la réalité à grand renfort de chocolat et de douceurs. Réfléchir vite des fois ça craint grave.
Alors chuis fatiguée. Chuis contente d’avoir cassé mon trip assez tôt et d’avoir pu en parler. Mais chuis fatiguée, si tu savais…
Entre la caboche qui mouline et le corps qui bug, j’en peux plus, en vrai.