Heure de réveil : ça dépend du jour, je triche.

TW : Allusions à des violences conjugales, violences systémiques, violence tout court.

Je suis absolument plus que dépitée de voir là où on en est dans ce cher pays de mon enfance. Tu fais des actions pacifiques, on t’ignore en se foutant de toi, tu fais grève on te reproche de bloquer l’économie tout en refilant du blé au MEDEF, tu manifestes, on te tabasse parce que tu troubles l’ordre public, rien ne marche.

Rien ne marche, car, concrètement, on est pas assez nombreuxses à avoir pour objectif clair la disparition sans fleurs ni couronnes de ce système abominable qui nous soumet depuis “pfiouuuut”. S’il y a des gens qui votent encore PS, c’est plus par syndrome de Stockholm que par adhésion.

Et, là, cet après-midi, j’ai fait un parallèle sans doute malvenu, j’en sais rien, mais comme je suis concernée et que c’est un sujet que je connais bien, je me permets. Attention, par contre, je suis fâchée mais pas en mode explosif, trigger warning car ça va être imagé.

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Le capitalisme, c’est le mec violent qui te fracasse contre l’évier de la cuisine et qui te demande ensuite si tu veux lui laisser une dernière chance.

J’ai l’impression d’être sous l’emprise de plusieurs maniaques du contrôle (pour ne pas dire psychopathe, terme obsolète, ou sociopathe, car je ne suis pas experte psychiatre), en position où je suis gaslightée en permanence, rabaissée constamment, renvoyée à mon statut de déchet incapable de se gérer seule. J’ai l’impression qu’on m’inflige vexation sur vexation pour que j’abandonne enfin cette attitude rebelle. Les rebelles, c’est quand on a 20 ans, pas 40. Range-toi, ma fille, tu as un enfant et un mari, faut bien fermer ta gueule et servir à quelque chose.

J’ai peur quand il se ne passe rien car je sais que cela signifie que la prochaine crise sera plus grave. Je les vois massacrer tout ce qui compte pour moi et pour beaucoup d’entre nous, impuissante, rageuse, mais en silence, car sinon, je risque des sanctions. J’oublie pas les gens qui ont été en gardav pour avoir dit du mal de certains ministres de l’intérieur, et je suis shadowban de FB depuis si longtemps que je me demande comment j’ai réussi à atteindre 2216 abonné-es sur ce réseau social si sain et prospère.

De temps en temps, j’angoisse toute seule, de peur de ce qui va se passer ensuite. Je me sens menacée, moi, mes handicaps, mon inutilité toute relative, je me demande quel jour sera celui où on me mettra à l’écart pour de bon.

Je suis agressée, et les passants font semblant de ne rien voir, leur responsabilité diluée par un bout de papier dans une urne de temps en temps.

Le système martyrise des millions de personnes, on se permet d’investiguer jusqu’à l’os pour 500 balles de la CAF, on refuse parce qu’on le peut, sachant que le recours gagnant fera perdre plusieurs mois aux victimes. On refuse de croire ces victimes au nom d’un “oui et les personnes qui profitent, alors ?” et on s’acharne jusqu’à la mort.

On contrôle nos agendas, nos déplacements, le fisc sait combien coûte le slip de ta reum mais oublie chaque document qui pourrait te sortir de l’ornière.

Rien ne t’est donné, tout est arraché et sous conditions. Tu risques des poursuites si tu donnes le montant de ton salaire à tes collègues, tout est tu, tabou, pour que chaque personne soit la plus isolée possible.

On coupe les liens amicaux, familiaux, en rendant les transports chers et pénibles, en laissant la défiance s’installer, la jalousie régner parce que pourquoi lui se paye de belles vacances et pas moi ?

Pas besoin de contacts réels, tu as les réseaux sociaux sur lesquels on te vend l’idéal de vie du moment. Enfermé-es dans nos bulles, inattentif-ves au monde qui part en gonades, gavé-es de contenu, beaucoup de contenu, trop de contenu, du contenu mainstream de mauvaise qualité qui te survend le système comme “le meilleur que nous puissions avoir”.

Holy fuck, je pensais qu’on avait plus d’ambition que ça, et qu’on ne s’arrêterai pas au moins pire possible.

Mais pour rêver d’ailleurs faut avoir l’espace mental pour cet ailleurs, et ça, le système, tel un-e conjoint-e violent-e, ne te permettra pas de le penser. Il faut que tu soies toujours en état d’alerte ou dans une nécessité d’oubli momentané, pour ne pas te laisser réfléchir.

Tu vois les mécanismes, tu sais ce qui est en œuvre, tu es désabusé-e, et pourtant, tu y retournes, parce que tu n’as pas le choix. Tu n’as rien d’autre. On t’a coupé toute perspective en te faisant penser que tu faisais au mieux.

C’est déjà pas mal, tu me diras, de faire au mieux.

OU PAS

Pourquoi est-ce qu’on vivrait dans cette relation-là ? Par peur de l’inconnu ? Mais merde, n’importe quel autre avenir aurait plus de gueule que ce qu’on nous sert.

“Ah ouais, tu te casses, et tu vas faire quoi, maintenant ?”

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Lorsqu’il m’a dit ça, il partait de l’appartement que je ne pouvais plus payer, et j’allais devoir recommencer ailleurs de toutes façons, parce que mon corps a vraiment commencé à aller très mal à ce moment-là. J’avais que dalle, j’ai dû partir, puis j’ai recommencé. J’ai perdu beaucoup de choses, j’en perds encore, mais pas un seul jour de ma vie je ne regrette celui qui m’a agressée, violentée, traumatisée.

“Alors, tu vas faire quoi ?”

J’en sais rien, mais je trouverai.

On trouvera comment se sortir de ce système de merde.

Parce que, soyons claires, ça recommencera, tout ça. Le krach boursier, la thune redonnée aux banques au détriment des travailleur-ses qui n’ont jamais eu une seule action de toute leur vie et qui perdent quand même leur job.

Ces connards sont dans un cycle qui s’accélère, on le voit avec les dividendes record qui grimpent avec les années. On accélère pour rafler la mise avant que tout n’explose. Et on fait quoi de nos victimes ? On s’en fout ouvertement, c’est du bétail, de la chair à startup, de la main d’œuvre sous-qualifiée de préférence à l’étranger.

Il sait que tu veux le quitter, alors il se prépare, lui aussi, à te mettre la misère au propre comme au figuré. Il se montre plus intrusif, tente de t’amadouer avec des primes, te punit lorsqu’il le peut avant de revenir à genoux en chouinant que tu lui manques. Il sait pas se faire un café seul, il sait pas utiliser un lave linge, il a besoin de toi, et toi, tu le crois. Tu hésites. Le pauvre.

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Et si on allait se faire conseiller, si on essayait de changer les choses ? Si on réformait notre relation ?

Belle idée, jusqu’au moment où il se met le conseiller dans la poche et qu’ils s’allient tous les deux pour te faire passer pour une folle qui en demande beaucoup trop. Les commissions des rapports de commissions d’analyses stratégiques du rendement allergologique du capitalisme te le disent alors : tu vaux pas un clou, ferme ton claque-merde un peu. Tu contribues pas, t’as rien à dire.

Et la terreur continue, jour après jour. Captif-ves de cette illusion de masse que rien n’est possible, que tout est foutu, qu’on va crever dans tous les cas et qu’il vaut mieux faire de son mieux en attendant.

Se rendre utile, préparer ses repas, plier ses serviettes de bain, repasser ses chemises, serrant les dents pour qu’il ne trouve aucune imperfection à ton travail non salarié, sachant qu’il en trouvera bien, allez, tu le sais. Quoi que tu fasses, tu as tort et tu ne mérites rien.

A force de s’entendre le répéter, on y croit et on se paralyse. Agir pour quoi ? Pour qui ? Quel intérêt ?

Et lui se gargarise de tout ce qu’il arrive à nous faire gober. Je le vois se frotter les mains en imaginant le prochain moyen de coercition qu’il mettra en œuvre pour te contrôler et siphonner ta vie.

Le capitalisme est un mec violent, qui sait se faire pardonner deux jours avant de reprendre le cycle mortifère. Et nous, soit on y croit, soit on a pas le choix, mais le résultat est le même. Réduit-es à l’impuissance, on ne sait que hurler dans le vide comme je le fais maintenant, silencieusement, écoutant un morceau pas si mal. Heureusement qu’on a la musique et les animés pour oublier. Et la drogue. Bière, clope, jeu, dépenses compulsives, médicaments et tout le reste. Soit ça, soit la réalité insoutenable. Moi, j’ai choisi mais j’arrive pas à oublier.

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En changer une petite partie n’est pas suffisant, le changer lui-même est juste impossible, et c’est toi qui dis à ta pote “Quitte-le !” en général, dans ces cas-là.

Qu’est-ce qu’on fera ensuite ? Et bah on avisera. On verra bien, on trouvera, on innovera mille fois plus que ces bébés perfusés à l’investissement pour disrupter mon cul. Il n’y aura jamais de solution parfaite, non, et alors ? Ce qu’on vit est-il parfait, dis moi ? C’est cool, tu trouves ? Tu es bien là dedans ? Moi je crois que n’importe quoi qu’on puisse inventer vaut mieux que cette merde intersidérale.

On est capables de résilience et d’inventivité, on trouvera. On a pas galéré 7 millions d’années pour finir comme ça, le bec dans l’eau par pur instinct grégaire. J’ai confiance en nous pour trouver des solutions, on y arrivera. Puis on se plantera, et on recommencera, et on se plantera un tout petit peu moins en pensant à l’agonie du Capital et à tous ces traders qui vont chialer leur mère.