Heure de réveil : 3h18 (absence de croquettes, drame)

Pour une fois j’ai noté mon idée d’article hier soir, je ferai ça à l’avenir car si ma mémoire retient hyper bien, je sais pas, la tête des gens dans le bus, elle ne retient pas mes idées d’articles. C’est extrêmement stupide.

🚀🚀🚀

Hier, j’ai été au ravitaillement médocs, la pharmacienne, habituée à mes ordonnances biclassées annuaires, désigne le Prozac (fluoxétine) et me dit :
«Depuis le début d’année, de plus en plus de gens prennent…ça».
– Quoi, du PROZAC ? (Je la sens gênée)
– Mais vous, vous en preniez avant, c’est à cause de heu…
– De la SPONDYLARTHRITE.
– Voilà.
– Non, non, regardez *désigne le Lithium sur le comptoir* j’étais déjà bien attaquée avant.»

«Ça» pour désigner des anti-dépresseurs, mein gott, tu es pharmacienne, ça doit donner quand tu vends des capotes et du lubrifiant spécial heavy duty.

Mais donc…depuis le début de l’année, fort curieusement, les gentes sont déprimées.

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Je vais pas te la faire indignée oh ben dis donc rholàlà y’a une couille (ou plusieurs) dans le potage ma bonne dame je me demande bien ce que c’est.

Ce que c’est, c’est le capitalisme et le patriarcat, Brenda.
ON VIT DANS UNE SOCIETAY, BRENDA !

Je suis pas spécialiste-spécialiste de la dépression mais j’ai un triple doctorat version freemium (j’ai les pubs et j’ai pas tout le contenu du jeu) mais quand même. 🤓

La première fois que ça m’a percuté pleine tronche c’est quand quelqu’un s’est jeté sous le RER que je venais de rater. Les gens râlaient. Un type s’est foutu sous le RER mais toi, tu penses à aller au boulot. Normal. J’ai été boire un café, le temps que ça se tasse. Je regardais le pont, les gens en blanc.
Un type se tue avec la bétaillère qui l’emmène chaque jour au travail, sans doute avec le RER qu’il prend chaque matin.

C’est tellement signifiant que ça m’a hurlé au visage.

Peut-être que tout allait super bien au boulot et qu’il ne s’est pas suicidé uniquement pour ça.
Mais pourquoi le RER dans ce cas ? Je trouve que le vecteur de mort est ici primordial. Le choix de l’arme à retourner contre soi-même n’est pas dû au hasard, aussi inconscient soit-il. C’est même ultra-signifiant. La personne a suivi toute sa routine matinale, a été au travail avec ses petites affaires, et au dernier moment, voilà.

Des fois t’es aussi complètement au radar le matin. Je compatis. Levée à 4h en général, quand toi tu te lèves je suis au summum de ma productivité.
Tu sais, tous les gestes automatiques que tu accomplis sans y penser, tout en regardant l’heure pour ne pas arriver en retard. Il les a sans doute réalisés, tous ces gestes.

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Tu te lèves, tu fais du café, du thé, je sais pas, tu t’habilles, tu te brosses les dents, tout ça. Ça t’es jamais arrivé de te retrouver en route vers le travail et d’avoir zappé 2h de ta vie ? De te demander comment tu t’es retrouvé-e là alors qu’il y a 2mn tu étais encore dans les limbes ?
Ça m’est déjà arrivé de réaliser que j’étais au boulot une fois arrivée à mon bureau.
On répète donc ces gestes, inlassablement, puis on va au turbin, puis on débranche son cerveau, on rentre à la maison et on dort à 20h30.
Pour moi c’est de la pure aliénation. Le côté routinier du travail est souvent l’élément facteur de changement (de travail) pour moi. Tu m’obliges à faire chaque jour la même chose, au bout d’un moment, si je ne peux pas transgresser, je pète un câble. C’est une grande souffrance, en réalité.

Je pense que je bosse bien (Si tu veux m’embaucher envoie un message, au fait, on sait jamais). J’ai un gros avantage c’est que je pense toujours outside the box avant même de réfléchir de manière structurée et ça fonctionne vraiment bien quand tu fais du support applicatif, du cadrage de projet ou de la maintenance. La vie est bien foutue, c’est justement mon boulot.

Mais parfois, je ne suis pas là. Maintenant que le télétravail est obligé de se généraliser mon problème de mobilité réduite ne devrait plus en être un. Mais des fois, je suis pas là, je suis pas linéaire dans ma performance. C’est un peu logique quand on souffre de bipolarité ET d’une pathologie invalidante (et t’en fais pas, le profil maladie invisible arrange bien les employeurs pour les 6% de personnes reconnues travailleuses handicapées obligatoires, je suis pas tant un fardeau que ça).

Des fois j’y vais pendant des semaines avec le désespoir chevillé au corps, ça attaque, forcément.

 

🐔🐔🐔

Un jour, j’ai réalisé que l’ensemble des mesures prises par mon employeur pour permettre mon inclusion dans l’équipe était proche de zéro.

🐣 Séminaire à 1h15 de transports et 20mn de marche. 3h debout.
🐣 Séminaire dans les Alpes, mais avec 8h de car (je te rappelle que dans «spondylarthrite ankylosante» y’a le mot ankylose, 1h en voiture je suis déjà pas très très bien).
🐣 «Tiens on va au resto machin» qui nécessite 10 mn de marche rapide.
🐣 Les after-work à Paris après 20h.
🐣 Télétravail accepté après 1 an de lutte avec la RH, 1 jour par semaine non modifiable.
🐣 Pots interminables auxquels tu dois assister même quand tu ne peux pas rester debout plus de 10mn. Et comme t’y vas pas, t’es une collègue de merde.

Ma présence et l’idée que je puisse avoir du mal n’ont, je pense, jamais fait l’objet d’un quelconque questionnement. Ce qui s’est passé c’est que petit à petit je me suis éloignée des collègues. Quand en plus tu souffres de TCA + sleeve (estomac réduit), tu ne mange pas non plus à la cantine avec euxlles. Alors je me suis remise à fumer, kesstu veux…

Puis petit à petit…j’ai cessé de recevoir les invitations aux présentations des projets. De toutes façons elle sera ptet pas là, hein. Je n’ai plus reçu les infos sur ce qui était en cours à côté, malgré mes demandes. J’ai commencé à galérer pour suivre ce qui se passait. On m’a laissée seule dans une équipe fantôme pendant 6 mois. Sans responsable, sans budget, sans travail non plus. Plus j’étais exclue, plus je m’isolais. J’ai un tempérament un peu «sauvage» et les interactions sociales m’épuisent, combo fatal isolement x isolement.

👾👾👾

Là tu te dis, merde, où elle veut en venir ? T’inquiète, c’est maintenant.
Je sais que je suis atteinte d’une pathologie mentale. J’ai plusieurs raisons de déprimer, de plutôt bonnes raisons, mais là n’est pas la question (pour le moment). Jusqu’à présent, j’ai mis mes difficultés au travail sur le compte de mes handicaps. Handicap physique, psy, social.
Et, je sais pas, un jour, j’ai réalisé l’injustice totale de la situation. Dans la situation pro que je te décris plus haut tu vois bien le souci. Pour moi il a été dilué sur 3 ans, c’est moins simple à cerner quand ça arrive par petites touches. Mais mis bout à bout, je te jure, c’est hyper lourd, toutes ces petites choses insignifiantes.

En fait, je bosse bien. Je commence à me connaître. J’ai des défauts, je suis tête en l’air (donc je trouve de parfois bonnes idées sorties de nulle part), je suis handicapée (donc je pense toujours à l’accessibilité des sites ou applicatifs), hypersensible et hyperempathique (je sais rassurer les utilisateurs et j’arrive à désamorcer des situations difficiles), parfois caractérielle (je sais aussi défendre mes idées).

Alors pourquoi CHAQUE ET ABSOLUMENT TOUTE expérience professionnelle que j’ai connue a fini par devenir douloureuse à en crever ? Crois-moi, j’y ai réfléchi un moment. J’ai travaillé sur moi, souvent, longtemps, avec un succès relatif. Le moi de 2020 n’a rien à voir avec celui de 2004, je suis vachement plus bankable et maintenant tu sais pourquoi je n’aime pas le coaching du bonheur.
J’ai même été bosser en tailleur, putain !!! Avec des foutues ballerines de mes deux !
(NAN y’a pas de photo)
J’ai des torts mais faut pas abuser.
Le monde ne veut juste pas de moi.

Pixabay – CDD20

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Rasoir d’Ockham : la solution la plus simple est souvent la meilleure 🤓
Regarde, déjà je suis une femme. Le monde veut bien de moi, si je ferme mon clapet et que je fais des gamins. C’est semi-raté. Le modèle «standard» d’humain qu’on nous vend est blanc, beau, grand, intelligent, blanc, hétéro, cis et blanc. Et masculin.
Même Jésus ils ont réussi à le relooker en gendre idéal oklm 🤐

On a déjà parlé un peu de l’altérité précédemment. L’Autre c’est tout ce qui n’entre pas dans mon propre cadre. Pour un mec cis blanc toussa qui sort d’une grande école payée par papamaman et qui trouve un taff de consultant à 8x mon salaire annuel, le monde est on ne peut plus juste.
Ça se passe bien. Et c’est bien normal, le système a été créé pour eux, par eux. Ils doivent s’y sentir comme dans ces vieux chaussons licorne tellement confortables.
Kevan a pissé sur ces chaussons, et moi je pisse sur le capitalisme, voilà ! 🤘

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Si t’es un peu hors cadre, c’est tendax. Déjà, si tu es une femme, tu es moins bien payée (si tu es payée) et tu n’as pas les mêmes chances d’aller vers la gloire du contrôle de gestion +16 que ton collègue Jean-Mi qui fout rien et peut aller aux pots parce que c’est sa femme qui va chercher les enfants à l’école.
Donc là, on te dit «t’es une nana, tu gagnes moins, ferme bien ta gueule». Et on ferme bien nos gueules en plus. Si t’es un tout petit peu divergente (racisée, trans, handi, etc.) c’est tout de suite de la complication sur de la complication.

La vie en mode difficile. 👾
(Quoique la vie en mode paisible ça fait pas tout, regarde, l’autre ahuri qui va se faire tej de la Maison Blanche krr krr krr)

Alors par la magie de l’intersectionnalité le tableau est beaucoup, beaucoup plus complexe que ça et je vais pas me jeter là-dedans. Je vais compter sur ton intelligence. J’ai foi en toi.
Faut se rendre à l’évidence : la société ne veut pas de moi. La société telle qu’elle est habituellement incarnée (mec blanc blabla) ne veut pas de moi. Si tu me lis, que tu n’es pas en train de te dire que je suis totalement barrée, je suis au regret de t’informer que le monde ne veut sans doute pas de toi non plus.
Quand je vois un jeune con de 22 ans en costard qui vient me rire au nez que je suis pas assez flex et que j’aurai jamais de piscine je me demande bien à qui il sacrifie son âme et si un jour ce sera lui, sous le RER.

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«Quand on veut on peut». Mon cul. 38 ans que je veux un monde juste, Mattéo, et j’attends toujours. Rep a sa, boloss.
(Oui je travaille ma street credibility en ce moment)

Le monde ne veut pas que je sois handicapée, par exemple. Selon des gens on aurait même dû m’euthanasier. On entend souvent parler de «fardeau» relativement à nos gueules. Je suis handi, j’ai qu’à prendre ce que je peux, voilà.
Mais qu’est-ce que c’est triste…
Qu’est-ce que c’est triste…
Je me demande quand même comment les gens s’amuseraient dans un monde rempli de Jean-Thierry, parce que c’est pas eux les chantres du fun quand même 🙄
Ils se feraient même carrément chier, en fait.

Et en fait ça en fait une belle, de raison de déprimer, non ? Enfin je veux dire. Hurler. MAIS REGARDE LE MONDE ! Comment tu veux pas être au bord du gouffre ?
La pauvreté, la guerre, la maladie, la corruption, la surexploitation de la planète et des humaines, des dirigeants tous plus carnassiers les uns que les autres, comment tu veux aller raisonnablement bien ?

Je pense, j’affirme que le monde ne me donne pas «toutes les chances» comme sur la brochure.
Le SAV ne répond évidemment pas, ça fait déjà deux ans que j’ai ouvert mon ticket !

🐩🐩🐩

La dépression, c’est un déficit en sérotonine, enfin c’est vachement plus compliqué que ça mais je suis pas biochimiste. On peut aider avec de la chimie donc «corriger» le truc qui va pas. Si seulement c’était si simple… Mais, c’est surtout multi-facteurs, un des facteurs décisifs étant l’intégration dans la société. C’est ça qu’il faut changer. Si le monde ne veut pas de toi c’est un peu vexant. Si le monde renie même ton existence comment tu veux aller bien ?

Toute ta vie, t’es l’Autre.
C’est incroyable si on y réfléchit. On est l’Autre dans notre propre construction identitaire ! Comment tu veux pas finir complètement marbré-e ?

Donc ouais ok, va te rouler dans l’herbe, suivre des journées de Pleine Conscience (je déconne pas, c’est super), achète bien surtout l’ensemble des livres de Développement Personnel chez Nature & Découvertes et remets-toi bien bien en question jusqu’à ta mort. Le bonheur est de saisir je sais plus quoi, allez, file.

Moi, je vais botter le cul du système, billet après billet.