14 décembre 2020 [Notice me, senpai ! – callout et pick-me]

Heure de réveil : 5h17 (oO)

Première pensée en voyant l’heure : «Merde si je répare mon sommeil qu’est-ce que la page va devenir ??!» Mais je suis toujours optimiste, oui, même là, et je sais que l’insomnie reviendra, oh oui elle reviendra, sois tranquille. Hier soir je me suis couchée fâchée, un cis dude auquel je tiens a été retrouvé par des meufs qui le harcèlent, du coup je fais pas d’intro. Voilà.

🌼🌼🌼

En fait il a le don d’être agaçant (c’est un mec cis), parfois, mais c’est surtout un vrai allié. Le tort qu’il a eu a été de vouloir argumenter sur un sujet concernant les personnes porteuses d’un utérus. Ses propos étaient pas déconnants mais c’est un mec donc il a «mansplainé». Et effectivement…à un moment faut pu insister. Le fait que cette personne se fasse emmerder alors que mille autres mecs méritent mille fois pire, ça me tue un peu. Beaucoup.

Depuis, à chaque fois qu’une de ces meufs voit son nom, elle l’affiche en mode «c’est un pro-fem qui veut un cookie» mais avec une formulation nettement moins sympa. Parce qu’il a osé «mansplainer» un truc sur lequel il avait des connaissances suffisantes, en tout cas bien bien solides. En plus il avait pas mal raison. J’étais même très concernée par le sujet car abordant la parentalité, face à ces personnes nullipares. Dictature du concernariat x mamounariat.
En gros, j’aurais posé exactement le même avis sous mon blase de nana, ça serait passé.

Ah non, pick me, pardon.
(Je t’explique plus bas, en gros c’est la rémora version LIDL)

On a un vrai souci avec la culture du call out, oui. Du call out et de la cancel culture, quel que soit le sens apporté à cette dernière expression.

On va poser les premières briques de notre article :
🌧 C’est bien, salvateur, nécessaire, encourageant, d’afficher les violeurs et agresseurs. Si ça me collait pas la gerbe de lire leurs noms je mettrais une liste de mes agresseurs dans ma bio FB tu vois.

Non.
Mais donc oui (Pardon, j’ai été calmer ma nausée avec du café.) (Non, ça n’a pas vraiment fonctionné, ça fait un moment que j’ai plus la gerbe en lisant leurs noms, c’était pour pouvoir aller me chercher un café)…donc oui, c’est nécessaire.

Pour ne pas laisser les violeurs et agresseurs dans l’ombre, les afficher, les obliger à rendre des comptes.

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Y’a un truc que j’ai jamais compris, c’est cette histoire de réputation. Parce que le call out ça a d’abord été envers les personnalités, c’est un peu le seul moyen de faire bouger des dossiers malheureusement figés dans le temps par une armée d’avocats procéduriers.
Les mecs attachent une importance incroyable à leur «réputation», au point que c’est un réel moyen de pression que de les menacer de tout balancer.
La culture du secret est mortifère, dans tous les cas, célébrité ou clampin de la casse. Et cette histoire de réputation m’intrigue énormément.

J’ai pas trop été élevée dans ce genre de notions. J’ai toujours été la weirdo à l’école et au travail, ma réputation a été détruite en 1996 quand ma soit-disant meilleure amie Elodie P. (SHAME !) ait raconté à tout le monde mes affaires perso avec le mec qu’elle convoitait, le tout en ajoutant encore plus à l’outrance : elle a couché avec 50 mec, cette salope.

Quand j’ai entendu ça, j’ai fait «Wut ? Mais c’est faux ?» et j’ai réellement pas capté le truc. C’est après que j’ai capté, bien sûr, quand plus aucune nana du collège ne me parlait et que les mecs me sifflaient. Heureusement, on était en mars ou avril (mes souvenirs de 96 sont un peu flous, oui), mon calvaire n’a pas duré longtemps, d’autant plus que j’en avais rien à battre en vrai.

J’ai tenté de retourner le truc, mais 50 mecs à 14 ans c’est tendu quand même, faut du temps et de la motivation, en plus des 50 mecs qui ont pas peur de coucher avec une mineure. Devant l’absurdité du truc, j’ai pas cherché plus loin. J’étais déjà grillée, de toutes façons.
Oui, le moindre effort. Quand c’est foutu, vas-y à fond.

Ainsi fût ma réputation, 1982-1996, RIP petit ange parti trop tôt.

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Tout de suite, quand tu n’en a rien à foutre, les menaces de divulgation de tes «affaires intimes» portent moins. Est-ce que c’est honteux d’avoir une vie sexuelle ? Non. Non, et en plus je prenais la pilule, que j’avais été me faire prescrire au Planning, comme une ado responsable avec la tête sur les épaules que j’étais. Je savais un peu ce que je faisais («Avec qui» a été le principal problème dans ma vie)
Du coup, pas de souci.

Les affaires de divorce et d’adultère sont très problématiques pour les gens, visiblement. Parce que la monogamie, c’est probablement dans nos gènes ? Non ? Et si tu es pris-e au piège dans ton couple ? Parfois, dans une relation violente, l’autre personne est un moyen de rebondir avant de reconsidérer ses choix de vie. Parfois t’en as simplement besoin. Donc dans le doute, je ne juge pas. (Le type qui a 3 familles et qui navigue de l’une à l’autre en mentant à tout le monde, en revanche, je juge, je juge grave mais on est loin de l’adultère à mon sens, on est plus dans la guerre de conquête, là, tu veux repeupler la terre ou quoi ?)

Cependant, si les gentes étaient plus polyamoureuxses¹, j’aurais plus d’affaire de true crime à mater donc quelque part, ça m’arrange, cette histoire de réputation.

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Après, tout dépend de ce que tu as à perdre. Epstein (et peut-être d’autres) avait beaucoup trop à perdre, visiblement. Le call out est parfois le seul moyen d’atteindre ces types, c’est un outil puissant. A manier avec précautions, mais un outil puissant.
C’est un peu le truc de la dernière chance quand tout ce que tu rencontres c’est un mur d’avocats.
Callout une personnalité, c’est le jeu. Tu es riche/célèbre/whatever et tu en profites pour faire de la merde, d’accord, mais avec chaque avantage vient un inconvénient. Tu peux pas avoir uniquement les aspects positifs de ton pouvoir : les gens te scrutent et te jugent en permanence.

Par contre faut vraiment me dire quel est l’intérêt de callout une personne qui n’a physiquement agressé personne, qui a encore moins harcelé, qui bosse pour nous comme un damné. Un mec qui n’a pas d’avocat, pas d’autre protection que la fuite.

Et là je me dis merde, on a été trop loin. Rembobine, Georgette, on a raté un truc.

🐹🐹🐹

Je sais pas où on va, niveau militance féministe, mais parfois ma tête explose.
A force d’utiliser les outils à tort et à travers comme des gosses qui découvrent les Nerf Gun, on pète le vase Ming de Mamie.
Et je suis désolée, même pour moi, misandre devant l’éternel, c’est équivalent à une justice du like, dans la même lignée que les personnes s’adonnant au dogpiling, c’est à dire de la merde en barre².
Je veux qu’on dénonce les violeurs et les agresseurs, grave que je le veux. Je veux voir leurs photos format A1 sur tous les m…ah ouais non j’ai été trop optimiste avec la gerbe, pardon (Oui, un autre café, tu me connais bien).

Mais pourrir un mec bien, un des rares, même s’il est pénible, oui, j’entends bien (et c’est pour ça qu’on l’aime aussi), mais ça va 5 mn, merde, il a pas dévoré des nouveaux-nés non plus.
J’aimerais pas mal que toute cette énergie soit dirigée vers de vrais purs connards, tu vois ? C’est du gaspillage, là. Parce que dans les pires conversations Facebook, il n’a jamais perdu patience, même face à Jean-Nuisible Mofaisefoi. C’est du gâchis, et je préférerais qu’on fasse chier Jean-Nuisible Mofaisefoi.

Donc j’en étais là et un jour je croise une des meufs qui s’empresse de dire «oui connard de pro-fem» en dessous d’un post qui le mentionne. Et de dire à quel point il est toxique. Et là, moi, je fais «Wut ?» pour la troisième fois de ce billet. Bref, elle m’a taxée de «Pick Me Girl» et là j’ai tellement rigolé que j’ai laissé tomber, elle était déjà trop loin pour moi³.

Les «Pick Me» sont des nanas qui se rangent du côté de l’oppresseur afin de tenter leur chance (Les fameuses rémoras dont on parlait avant). Je…comment peut-on être plus loin de la réalité ?
Si défendre un mec par rapport au TRAVAIL qu’il fournit c’est être Pick Me, allons-y.

Et du coup, à chaque fois que ces 2 ou 3 personnes trouvent un de ses posts, elles répondent «connard de pro-fem» et elles sont contentes. Pourquoi pas. Moi j’avais envisagé de me mettre au macramé pour passer le temps mais je peux comprendre l’idée.

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Je suis désolée (non) mais ce genre de truc a le don de me hérisser tout entière.
Ça fait quelques années qu’on assiste à une récupération des outils militants par des personnes toxiques. Et je les comprends, c’est un peu la mallette de magicienne toutes ces belles notions. Toxiques, oui. On a des gentes toxiques dans nos rangs, c’est statistiquement totalement normal. Et faut arrêter de se voiler la face sur le sujet.

Quand tu découvres que tu peux exclure quasi immédiatement un mec d’un espace féministe virtuel (ils sont plus chiant à décoller dans la vraie vie, faut une spatule spéciale), tu en profites. Honnêtement, je comprends le backlash, ça ne me pose pas trop de problèmes que ce pouvoir soit entre les mains des militantes. Ce qui me pose souci c’est qu’on utilise ces leviers pour tout le monde et n’importe qui.

J’ai commencé à sentir le souci quand une connaissance s’est suicidée suite à un callout particulièrement violent. Je n’avais pas d’affection particulière pour lui, au contraire, vu les faits, mais la machine s’est emballée et j’ai vu la suite au ralenti, la catastrophe annoncée se réaliser. L’emballement a été monstrueux. J’en garde un souvenir très vif : la hargne, la rage, le déferlement de colère, puis la mort et enfin, à peine voilée, la satisfactions chez quelques unes. Je reste convaincue de sa culpabilité mais le côté jouissif m’a rendue malade.

🌟🌟🌟

Tu vois, quand c’est Jeffrey Epstein qui met fin à ses jours dans sa cellule, ça ne me fait pas pleurer. Je ne suis pas heureuse, car la justice ne pourra pas être rendue, mais je suis un peu soulagée que le monde porte un sale type de moins à son compteur. Callout un milliardaire, c’est souvent le seul moyen de se faire entendre, c’est un outil puissant pour des gens agrippés à leur réputation et les gens agrippés à leur réputation sont souvent super riches (ou super religieux).

Mais si t’as 5 callouts par jour, et surtout pour des faits passibles, au mieux, de grozyeux-index-tendu, ça dilue pas mal l’efficacité de l’outil. C’est à nous de savoir faire preuve de jugeotte et de ne pas utiliser notre fragile arsenal à tort et à travers.
Y’a des alliés pénibles, qui vont pas totalement dans ton sens, ben c’est la vie. Tu peux pas canceler tous les gens que t’aime pas. C’est pas possible. Y’a de vrais connards, oui, plein. Des mecs qui se greffent juste pour niquer ou pour nous nuire. Débusquons-les, affichons-les !

Le problème est plus de l’ordre de la vexation. De la pure vexation. De se voir opposer un raisonnement cohérent par un mec. J’aurais porté le même raisonnement, l’échange n’aurait pas du tout été le même en réalité, et ça, ça me reloute de la mort. La dissonnance est trop grande.
Est-ce que la vexation mérite tout ça ?
Nope.
Ça arrive d’être vexée. Comme je suis super susceptible je suis super souvent vexée, j’ai encore callout personne alors que j’en ai, du dossier, mein gott, j’en ai plein. Et surtout, un callout pour un débat qui tourne mal sans insultes sur interrnet ? On est sérieuses ?

Est-ce que le statut de femme militante féministe te donne automatiquement une supériorité morale sur les autres ? Non plus, même si j’aimerais bien, ça me donnerait un peu de prestige.
Non, ton statut te donne accès à des outils de lutte qui te sont réservés, et comme avec chaque outil, il faut faire attention de pas se couper une phalange ou éborgner son voisin.

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ON MERDE AUTANT QUE LES AUTRES !

OUAIS !

On est pas exemplaires, l’exemplarité c’est un faux objectif seulement utile pour décaler la lutte sur un terrain toujours glissant. Personne n’est exemplaire et on s’en fout de ça. Mais on a des responsabilités en tant que militantes. Diluer l’efficacité d’une arme à force de l’utiliser à tort et à travers, c’est pas super productif.

C’est rigolo, ouais. J’avoue. C’est un peu un super pouvoir dans les groupes féministes :
«Iel est…PROBLÉMATIQUE [musique dramatique]»

Je peux tout à fait comprendre la kiffance de réaliser que les rapports de pouvoir et de domination ne sont plus les mêmes dans ces espaces «safe» d’entre-soi, quand j’ai réalisé ça j’ai aussi eu une vraie période de grâce et d’exhalation qui n’étaient, je crois, pas dues à qu’à une montée en phase maniaque.

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On est toustes problématiques, en fait. On peut toustes être cancellées un jour. Je sais à quel point c’est super d’exercer son pouvoir. Je sais que ça fait vachement bizarre de me lire défendre un mec. Moi aussi ça me fait bizarre, surtout défendre «face à» des gentes de mon bord. Mais je ne peux pas m’asseoir sur ma cohérence.

Je ne prends pas cet exemple pour lui, tu l’auras compris. C’est juste un exemple de quelque chose qui déconne, et c’est bien d’adresser ce qui déconne pour réparer. On a des outils assez intéressants mais fragiles. On commence déjà à avoir le backlash de #metoo, Jean-Mascu nous a bien aggro, oui. Pas content qu’il est.

J’aimerais juste qu’on utilise ces outils pour débusquer les vrais intrus, les vrais pro-fem qui adoptent le langage et le comportement des féministes pour mieux les baiser ensuite.
Là c’est injuste.
Après plusieurs mois, je pensais que ça s’était calmé, mais pas du tout : elles l’ont retrouvé, il a fui. Un espace de moins pour lui. J’aimerais qu’on affiche autant de persistance pour les violeurs dans nos cercles…ou les personnes toxiques.

1. Oui, il y a des personnes qui voient les choses autrement et des fois ça se passe super bien et tout. [↩]
2. Meute de chiens : s’attaquer en bande à une personne seule dans les commentaires Facebook. [↩]
3. Tu vas voir en juin une meuf a tenté de m’expliquer la culture du viol [↩]