Partie 3 sur 6 dans la série Elle doit être folle - Jennifer L. Reimer


Heures de réveil : 00h50, 2h35, 6h30 (grasse mat 🥳)
CW : cishétéronormativité, on parle de psychiatrie et de psychologie et d’archétypes fondés sur des différences perçues entre femmes et hommes.

Blabla intro blabla allez la suite de la série “Elle doit être folle” où je prends mille ans par paragraphe pour faire des vannes et ajouter mes propres petites réflexions supplémentaires sur un bon texte un peu daté (2009).

Le texte en question de Jennifer L. Reimer : https://www.zinzinzine.net/elle-doit-etre-folle.html (chaque citation avec 🐦 correspond à ce texte)

Rappel :
TPH : trouble de la personnalité histrionique
TPB : trouble de la personnalité borderline
TPD : trouble de la personnalité dépendante
TPA : trouble de la personnalité antisociale

⚠⚠⚠ Je ne parle pas de la réalité du trouble tel qu’il est vécu mais bien du diagnostic effectué ⚠⚠⚠

Trève de précisions, allez zou !

🦑🦑🦑

🐦 “Des biais de sexe dans les diagnostics de TPH et TPA se sont révélés être étonnement significatifs dans une étude menée par Ford et Widiger (1989). Les chercheuseurs ont obtenu une série de dossiers de patient·es diagnostiqué·es d’un TPA, d’un TPH, ou bien de caractéristiques mitigées, et où le sexe de chaque patient·es était «féminin», «masculin», ou «non spécifié». Lorsqu’un cas était compatible avec les caractéristiques du TPA, il était diagnostiqué beaucoup plus fréquemment chez les hommes (42%) et chez les genres non spécifiés (48%) que chez les femmes (15%), qui recevaient à la place un diagnostic de TPH (46%). Lorsque des antécédents de TPH étaient soulevés, il était diagnostiqué à un taux extrêmement haut chez les femmes (76%), à un plus faible taux chez les genres non spécifiés (68%), et au plus bas chez les hommes (44%). De telles découvertes ont amenées quelques «expert·es» à proposer de concevoir le TPA et le TPH comme les formes genrées de la même condition (Baglov et al. 216 [sic. et je ne trouve pas l’original]). En effet, les deux se caractérisent principalement par un profond besoin d’être remarqué·e par les autres, mais selon le DSM leurs buts diffèrent – le but de l’individu qui a un TPH est la connexion émotionnelle avec les autres, alors que sa/son homologue qui a un TPA recherche des bénéfices matériels et professionnels. Ces motivations respectives peuvent être vues comme un reflet fidèle des rôles de genre traditionnels.”

Voilà qui est intéressant et que j’ai envie d’aborder plus en profondeur (le texte original ne propose que ce paragraphe sur le sujet) car le TPA peut correspondre à une de mes passions secrètes : le personnage du Edgelord, le provocateur insensible pour qui le monde est un jouet, cf. The Joker, qui est un modèle encouragé par la société, s’agissant des hommes cisgenre. Le TPA est plus ou moins la psychopathie, mais en fait oui mais pas tant que ça, les avis fluctuent, mais ça reste un indicateur.

Image par Igor Lukin de Pixabay

Quid du TPA ?

👉 Un mépris persistant pour les droits des autres
Ce mépris est défini par la présence de ≥ 3 de ce qui suit:

🦞 Le non-respect de la loi, indiqué par des actes répétés pour lesquels il existe des motifs d’arrestation
🦞 Ne pas être honnête, comme indiqué par le fait de mentir de façon répétée, d’utiliser des pseudonymes ou d’escroquer les autres à des fins d’intérêt personnel ou pour le plaisir
🦞 Agir de façon impulsive ou ne rien planifier à l’avance
🦞 Être facilement provoqué ou agressif, ce qui est indiqué par le fait de se battre ou d’agresser constamment les autres
🦞 Le manque de respect flagrant pour leur sécurité ou celle des autres
🦞 Toujours agir de façon irresponsable, comme lorsqu’on quitte un emploi sans avoir aucun autre travail en vue ou lorsqu’on ne paie pas ses factures
🦞 Ne pas avoir de remords, ce qui est indiqué par l’indifférence ou la rationalisation lorsqu’on blesse ou lorsqu’on maltraite les autres

Rappel des points pour le TPH (faut en cocher 5) :

🌸 Elle [note le féminin] est mal à l’aise dans des situations où elle n’est pas le centre de l’attention.
🌸 L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction inadapté, ou d’attitude provocante.
🌸 Ses émotions changent rapidement, donnant une impression de superficialité.
🌸 Elle utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention.
🌸 Sa manière de parler est extrêmement vague et manque de détails.
🌸 Elle exprime ses émotions de façon exagérée, théâtrale, et extravagante.
🌸 Elle est facilement influencée par les autres ou par les circonstances.
🌸 Elle considère que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont vraiment.

Précision : le texte date de 2009, je suis sur le DSM-V, paru en 2013. Et je viens de chercher la version DSM-IV, oui, parce que j’ai du mal à faire le lien entre les définitions (qui n’ont pas changé) et le parallèle qui est fait entre les deux pathologies dans le texte. L’étude se trouve ici et elle date de 1989 et porte donc sur le DSM-III.

Je retrouve un début d’explication ici :

🐧 “Quant aux personnalités histrioniques, elles ont désormais rejoint le « cluster B » ou groupe II des personnalités pathologiques dont les traits communs sont la dramatisation, l’émotivité excessive ou les conduites excentriques, aux côtés des personnalités antisociales, limites et narcissiques.
[…]Après avoir épuisé les ressources de la séduction physique par leurs dérobades décourageantes, établi une fausse intimité bientôt envahissante, s’être pliées aux désirs supposés d’autrui, y compris les plus pervers, s’être mises à l’unisson de ses opinions avec un mimétisme inquiétant, les personnalités histrioniques recourent aux scènes, à la dramatisation pour échapper à l’ennui.
La recherche de stimulations toujours renouvelées, de gratifications immédiates, l’intolérance à la frustration, les conduisent à multiplier les entreprises amoureuses, professionnelles et thérapeutiques. Toutes sont commencées dans l’enthousiasme et l’espoir, mais s’achèvent rapidement dans la rancune de l’incompréhension réciproque des « réactions thérapeutiques négatives ».”
(Clemedecine point com)

Le dernier point est intéressant (les autres aussi tkt) car c’est le point commun qui me saute au visage avec véhémence même que hey calmos. Les personnes atteintes de TPA sont aussi “insoignables” pour les mêmes raisons. On a également une recherche d’attention, un goût pour l’exagération ou le mensonge, des conduites à risque, une dramatisation constante. Maintenant, est-ce les deux côtés d’une même pièce ? Je ne sais pas.

Sont-ce des critères genrés ? ABSOLUMENT !

Image par Alexa de Pixabay

🐞🐞🐞

👉 Déjà, le DSM se grille en parlant de la personnalité histrionique au féminin. On pourrait presque croire qu’un mec avec un TPA est dangereux tandis qu’une meuf avec un TPH joue juste la comédie, alors que ça va un peu plus loin que ça.

👉 On parle également d’arrestation et de condamnations alors que les femmes ne sont pas non-violentes mais moins condamnées par la justice. On va pas débattre ici de si c’est justifié ou pas (ça ne l’est pas), mais ça fait un critère excessivement masculin dans la liste.

👉 Le côté mensonges est partagé par les deux camps, mais le mensonge de la personnalité antisociale a souvent un but matériel tandis que celui des hyst…heu des personnalités histrioniques a plutôt un but émotionnel.

👉 Les deux tableaux ont des aspects d’impulsivité, mais chez les hommes ça donnerait des conduites à risque tandis que les femmes sont “superficielles” (traduire par : aime le shopping). Ici, l’homme agit de manière risquée, la femme est risquée, mais de manière passive (travail sur l’apparence et la séduction).

👉 Se sentir provoqué apparaît en filigrane dans le TPH, mais on est dans l’offense, la séduction et le “drama” passifs, alors que la provocation engendrerait de la violence chez les hommes avec un TPA.

👉 L’irresponsabilité apparaît également en TPH si on cherche un peu. Avoir des comportements impulsifs, des réactions disproportionnées, des conduites à risque, se fait sans penser au lendemain. Mais une femme peut très bien tout plaquer pour vivre d’amour et de chèvres dans le Larzac. Si si. On va dire que j’ai eu quelques exemples de ce type de personnalité et l’irresponsabilité fait clairement partie du tableau. Après, je re-re-rappelle que je ne suis pas psy mais féministe.

👉 Note 👈: il y a également des choses qui font écho avec le TPB mais je vais pas refaire le comparatif en détail, je pense que tu as compris mon propos.

Image par Gioele Fazzeri de Pixabay

⭐⭐⭐

Je sais que je me perds, ça fait mille ans que j’ai décroché du texte, mais c’est super intéressant, alors bah on continue, non ? T’as pas le choix, de toutes façons 😅

🐧 “Dans son évolution jusqu’à nos jours, le concept de personnalité psychopathique s’est enrichi diversement, en particulier dans la mouvance de la psychanalyse et du cognitivisme. Le terme est réutilisé aujourd’hui, en particulier par R.D. Hare qui a proposé une échelle graduée de psychopathie, la Hare’s Psychopathy Checklist, en vingt items (Hare, 1980, 1991). Cette échelle se décompose en deux facteurs. Le premier facteur rassemble les traits suivants : narcissisme, égoïsme, orgueil, charme superficiel, absence de remords et d’empathie. Le second facteur est plus antisocial, avec un comportement de délinquance, de l’agressivité et une intolérance à la frustration.
(Clemedecine point com)

Là, je comprends mieux le parallèle fait par le texte de Jennifer L. Reimer (🐦) et c’est cool parce que c’était important. J’espère que tu as compris aussi. En plus, j’ai appris des trucs sur le TPA et je peux affirmer que, selon moi, les critères sur les deux affections sont totalement genrées. Pas “les deux faces d’une même pièce” mais quand même pas mal. Comment tu peux ne pas penser à une femme au vu de la liste de critères diagnostiques du trouble de la personnalité histrionique ? On est dans un parfait stéréotype de drama queen, et c’est “queen”, pas “king”, dans l’idée.

💌💌💌

Si je te dis “séduction, provocation, incontrôlabilité, impulsivité, mythomanie” tu ne vas pas forcément penser d’emblée à un homme.
Si je te dis “hors-la-loi, agressivité, égoïsme et mépris des autres” tu ne vas  pas forcément penser d’emblée à une femme.

Au niveau du soin, j’imagine que ça n’apporte pas grande différence, les deux profils étant rétifs à toute forme de thérapie. Mais soigne-t-on de la même manière un TPH et un TPA ? J’en sais foutre rien. On est vraiment sur le diagnostic en tant que tel : quelle étiquette associe-t-on à la personne à problème, de quelle manière sera envisagée une éventuelle thérapie ?

Si je dis à un-e thérapeute que je suis atteinte de troubles bipolaires, iel ne me considèrera pas de la même manière. Par exemple, on ne me donnera pas de Lithium si je suis “juste” hystér…histrionique. On me considèrera autrement car je ne souffre pas de trouble de la personnalité (aux dernières nouvelles). Je pense ici au trouble de la personnalité borderline car c’est le profil qui recoupe le plus la bipolarité. Si la psychiatre qui m’a diagnostiquée avait penser à un TPB, elle ne m’aurait pas proposé de traitement et je n’aurais pas eu les mêmes outils pour comprendre ce qui m’arrive. En ça, c’est crucial et les diag genrés c’est très très moyen.

Alors, évidemment, je vais penser aux tueur-ses en série et à leurs diagnostics. Un Michel Fourniret aura son TPA, une Monique Olivier (sa compagne) aura son TPH ? Les deux ne sont pas du tout traités de la même manière et on a tendance à dédouaner Madame alors qu’elle a pleinement participé aux crimes.
D’ailleurs, quand tu cherches “Monique Olivier” tu tombes sur Michel Fourniret. Elle n’a pas d’existence propre, alors qu’elle le dépassait intellectuellement et que sans elle, il n’aurait pas agi de la même manière.

Le couple Olivier-Fourniret

🍍🍍🍍

Hahaha j’ai trouvé un bout d’expertise, Monique Olivier aurait une personnalité dépendante. “Elle est présente et passive lors des faits, mais elle n’est pas hallucinée, elle est donc capable de contrôler ses actes” (20 minutes).

🐧”Gautier Pirson, psychologue belge, a expertisé lui aussi Monique Olivier en 2004. Il évoque un “faible ressenti émotionnel” chez l’accusée, ainsi qu’une “angoisse pathologique”, une “anxiété très élevée” et une “dépréciation d’elle-même”.
[…]Interrogé par les avocats de Monique Olivier, Gautier Pirson tempère ses précédents propos. Il précise qu’il n’a “pas mesuré de perversité” chez l’épouse de Michel Fourniret.
[…]Après Walter Denys, vient Bernard Duffosez, psychiatre, qui lui décrit un “homme Fourniret très orgueilleux qui veut toujours dominer les autres, chez lui dans sa famille, comme dans les différentes endroits où il a travaillé”. Il ajoute que Fourniret est un “manipulateur, un pervers comme on en rencontre peu”.
[…]Au fil du témoignage de cet expert, on retrouve le portrait monstrueux d’un Michel Fourniret, comme au début du procès il y a presque deux mois. Bernard Duffosez évoque un homme “cynique qui ne demandera jamais pardon”. Un homme “aux pulsions sadiques, cruelles et perverses” qui avance l’obsession de la recherche de la virginité comme “une façade intellectuelle”. “Michel Fourniret aime les grands mots, il a le sentiment d’être un intellectuel, qui fait de la poésie, il est heureux d’être l’objet d’une étude, ça le flatte”. C’est un homme “qui aime faire le mal”.”
(20 minutes)

Est-ce que tu vois ce que je veux dire ? Moi, c’est ça, qui m’intéresse. On parle de Monique Olivier comme d’une “énigme” car on ne peut pas résoudre sa personnalité. On la dépouille de son caractère violent en la présentant comme une co-autrice passive. Alors que dans les actes même, elle fait preuve d’une grande violence, passive ou pas. Je ne dis pas que les experts se trompent, c’est leur boulot. Ce que je pense, en revanche, c’est que les apriori sexistes sont bien bien présents, et c’est ça qui est problématique.

Ça fait pas très féministe de dire ça, mais elle s’en sort pas trop mal car elle est une femme. Elle conserve cette image de femme soumise qui n’aurait jamais agi seule. Sur le second point, ok. Mais cette femme est dangereuse et ne pas voir de perversion en elle, je ne sais pas. Encore une fois, je suis tout sauf psy (les inscriptions à Paris 8 sont abominablement chiantes), je peux complètement me planter.

Me planter sur ce schéma qui a permis à beaucoup de femmes de s’en sortir fastoche.

🎯🎯🎯

Donc oui, les diagnostics sont genrés. Les critères même sont genrés. Pour un même acte, on ne présentera pas un homme ou une femme de la même manière, et c’est très problématique à beaucoup de niveaux. On peut passer à côté d’une meurtrière, on peut aggraver la peine d’un meurtrier ou le classer directement dans le TPA alors que le tableau est plus complexe que ça. Cela ne relève pas de mon expertise, je ne me sens pas responsable de cet état de fait.

N’empêche.

Ça fait chier et ça serait bien qu’on sorte de ça. J’ai bon espoir, bizarrement, car on a réussi à oublier l’hystérie. Ok, en la remplaçant par le trouble de la personnalité histrionique. Bon. Mais quand même ! Pète pas mes rêves et mes espoirs, stp !

🐹🐹🐹

Je te fais un petit teasing pour demain :

🐦 “Chacun de ces trois troubles de la personnalité se focalisent sur un certain type d’«émotivité» pathologique des femmes. Le TPH pathologise largement l’«émotivité exagérée et théâtrale», le TPD pathologise «le caractère craintif et l’impuissance», et le TPB est considéré responsable de la pathologisation de la «colère» des femmes, qu’elle soit «inappropriée», «intense», ou «difficile à contrôler».”

Ouuuuh non, on a pas fini. Mais on a bien avancé ❤️

 

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