Heure de réveil : 1h44 (anxiété), 5h50 (je suis retournée dormir finalement)
Mon sommeil est totalement pété. Oui, j’ai réveillé les chats.

TW : idéation suicidaire, mort, dépression, bipolarité. L’Antre du Fun.

C’est un billet qui parle de suicide, j’ai fait ce que j’ai pu pour le rentre le moins sinistre possible mais le sujet…bon…c’est macabre, oui.
D’un autre côté, tu peux te dire que ce matin j’écris pour nous deux. Oui, le billet est publié tard, j’ai pris le temps de la réflexion au vu du sujet. Puis en fait, si, je vais le poster. Il est 13h21, même pas 13h12, je rate tout 😀

Je colle ici la fiche ressource pointgouv sur le suicide, comme ça ce sera fait :
https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/que-faire-et-a-qui-s-adresser-face-une-crise-suicidaire

Aujourd’hui on va parler de dépression et de suicide, parce que c’est un sujet frais et qu’on attaque l’été bientôt. Non, ça n’a rien à voir, je voulais juste signaler qu’il faisait chaud.

Ce serait mentir que de dire que ces derniers jours ont été super mais en fait…ça va.

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Comment ça “ça va” ? Comment ça peut aller ? Moi je la vois ma courbe des humeurs, je peux te certifier que ça va pas. Pourtant, “ça va”.

On s’habitue à tout. Moi, maintenant, la petite voix qui me reproche tout et n’importe quoi, je lui dis “oh ta gueule”. Elle continue mais je sais que ce ne sont que des mots. Des mots parfois très cruels, des mots blessants, mais que des mots. C’est comme la souffrance physique : on s’y fait. Le seuil de tolérance à la douleur augmente peu à peu avec les années.

Ma première pensée suicidaire remonte à mes 8 ou 9 ans je crois. Puis c’est monté crescendo, avec les traumas et la vie. Je ne voyais que cette porte de sortie. A cet âge, tu ne contrôles pas ta vie. T’as pas vraiment voix au chapitre. Je sais que normalement si, mais si j’avais dit un soir “Je veux partir de la maison” on m’aurait ri au nez. Dépendance légale, financière. Y’avait que la mort. Mais même là j’étais démunie : comment ? La question m’a fait quelques années.

Ensuite, ma camarade de collège s’est fait assassiner, en 5ème. J’ai fait un texte dessus si tu veux chercher dans la page, le texte parle de Sabrina.
Alors évidemment, ça m’a marquée. No shit, Sherlock. On était toustes traumatisé-es. Entres autres choses, ça m’a fait comprendre qu’on pouvait mourir pour de vrai quand on avait 12 ans. Que c’était pas juste une idée, quelque chose de virtuel, d’éloigné. C’était un truc qui pouvait arriver, même quand on a que 12 ans.

J’avais déjà été confrontée à la mort, mais jamais aussi directement. Une de mes copines s’est fait tuer. C’était impossible dans ma tête, l’effet a été explosif.
Les papis et les mamies, ça meurt, les copines de 12 ans ça meurt pas. C’est pas possible…si ? Ben si. On peut mourir, pour de vrai dans la vraie vie. Mais on a toujours cette incrédulité lorsqu’il s’agit d’une enfant en pleine santé.

J’ai eu par la suite des comportements très à risque, espérant secrètement qu’il m’arrive quelque chose. Il ne m’est manifestement rien arrivé de mortel, vu que je suis là. Mes comportements à risque ont débuté lorsque j’avais 12 ans. Il est difficile de dire quelle part revient à qui, dans l’histoire, mais j’avais compris que c’était possible de mourir. Et si ça pouvait m’arriver…ça ne me dérangerait pas tant que ça. C’est ce que la fille de 12 ans en moi pensait, en tout cas. Parce qu’à cet âge-là, je pensais ne compter pour personne, quantité négligeable dispensable au monde.

On s’arrange plus facilement avec nos fantasmes d’accident ou de maladie (c’est à dire des choses qui ne sont pas auto-provoquées) qu’avec l’idée qu’on veut mettre fin à ses jours. On est nombreuxses à considérer que ce serait, quelque part, plus simple et moins douloureux pour l’entourage qu’il nous arrive un truc plutôt que de nous suicider. Et c’est faux. Ouais non, désolée, ça fait toujours aussi mal en fait, quelle que soit la modalité du décès. Mais ça je l’ai appris encore plus tard.

Photo de Stormseeker sur Unsplash

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L’entourage, c’est compliqué. Il y a cette urgence à mourir mais aussi cette urgence à vivre avec celleux qu’on aime et la peur de leur faire du mal. Pour les aidantes, c’est souvent extrêmement difficile de suivre une personne suicidaire, c’est une peur qui ne s’en va jamais. J’ai aussi été aidante, je sais ce qu’on ressent, la peur de perdre l’autre, l’angoisse permanente. Je sais à quel point ça use profondément.

Alors, on en parle pas, ou moins, ou différemment, en utilisant l’humour. On sait que ça fait du mal à la personne qui reçoit le “j’ai envie de mourir”, alors on garde ça, et à un moment la pensée est totalement internalisée.

Quand une personne que tu aimes souffre à côté de toi et que tu es impuissante, tu as un peu l’impression de la trahir. Tu l’aimes mais tu ne peux rien faire. C’est un sentiment atroce. Toi, tu souffres, mais en parler fait souffrir. Alors, souvent, on masque la douleur pour ne pas faire de mal à nos proches. On blague, on rassure, on s’isole.

C’est dans ces moments que tu peux aller chercher de l’aide à l’extérieur.
Si tu as une personne de confiance, une personne solide, qui connaît ce genre de pensées et qui vit avec, parle-lui. S’il te plaît. Et tu connais la rengaine : si t’as personne, viens en MP, on va trouver. Même si toi-même t’es solide comme un roc, c’est important de parler.

Je préfère parler avec des personnes atteintes de pathologies mentales et qui ont ou ont eu des pensées suicidaires, pour ma part. C’est vraiment beaucoup plus simple. On peut échanger sans avoir peur de choquer l’autre, il y a une sorte de connivence : on sait que si on en parle, c’est justement qu’on cherche à sortir du truc. Les discussions peuvent devenir très macabres, on ne s’en formalise pas. C’est mieux dehors que dedans.

C’est très compliqué de parler suicide sans mettre tout le monde en PLS.


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Je ne me considère pas à risque car j’ai trop de bonnes raisons de rester. Je ne devrais pourtant pas penser de la sorte. Je sais aussi que ça ne veut rien dire.

Mais je bénéficie d’un bon contexte de vie, il y a plein de difficultés que je ne connais pas. Je sais que je peux en parler si j’en éprouve le besoin. Je suis bien suivie médicalement, à l’écoute de moi-même, je sais que fondamentalement j’aimerais rester là. C’est juste qu’à des moments, l’obscurité devient plus sombre et qu’il n’y a plus de raison. Plus aucune.

A des moments, il n’y a plus qu’une urgence : cesser de souffrir. La douleur peut être si forte que la mort en devient envisageable. C’est pas tant, en tout cas pour moi, me supprimer que de supprimer la douleur. Je ne distingue plus vraiment la douleur physique de la douleur psychique. Les deux rendent folle. Puis à un moment, tu réalises que ça ne s’arrête pas. Que ça continue, et que tu n’y peux rien…

…et c’est là qu’il faut aller chercher de l’aide, genre sérieusement, si tu ne l’as pas fait avant. ⚠
La banalisation et le masquage sont des signaux d’alerte. Reste pas comme ça.

En fait c’est pas tant le risque suicidaire en soi que les années de souffrances qui l’accompagnent qui sont à prendre en considération. Le suicide c’est la “finalité”, on a souvent des années de dépression préalables. Personne, je crois, ne se réveille un matin en se disant “Ah, c’est le bon jour” sans avoir jamais expérimenté de trouble psy. En l’écrivant je me dis que si, forcément, ça a dû arriver. Zut. T’as compris.

Tu ne passeras pas forcément à l’acte mais en attendant, tu as mal et c’est sur cette douleur qu’il faut agir. L’idéation suicidaire offre une sorte de porte de sortie envisageable à la fois réconfortante et effroyable. Parce que ça peut réconforter, de savoir qu’on peut encore “s’en sortir” de cette manière. Parce qu’on a besoin de se sentir en contrôle de notre vie qui part en cacahuète et qu’agir contre son intégrité physique est la forme ultime de contrôle. Mais c’est hyper pervers et dangereux car ça banalise aussi l’idée du suicide comme issue de secours. Alors que heu ok ça met un terme au problème mais ça met aussi un terme à ta vie, donc bon. On va éviter, si tu veux bien.

Image par Gerd Altmann de Pixabay

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On est nombreuxses à avoir ce type d’idées noires. On est nombreuxses à ne jamais passer à l’acte. C’est pas pour ça que :
– On souffre moins : on a juste tout rentré à l’intérieur.
– On est pas à risque : personne n’est jamais à zéro risque.

Rappel : aucune tentative de suicide n’est “qu’un appel à l’aide” ou “une manière de se faire remarquer”. Chaque cas doit être pris très sérieusement, même les tentatives les moins élaborées. C’est pas rien, et dire que ce n’est qu’un appel à l’aide c’est passer à côté du problème : la personne appelle à l’aide, ok, et après ?

Du coup tu vas me dire ouais ok, on fait comment alors ?

🍧 Si tu es concernée par les idées suicidaires, un suivi psy ou même des rendez-vous régulièrement chez taon généraliste sont un bon début. Je dis le généraliste car le mien a été très à l’écoute et m’a beaucoup aidée, on ne soupçonne pas forcément ce type de talent chez un généraliste, mais ça arrive.

J’ai aussi vraiment apprécié les rdv visio qui m’ont permis de “tester” des psy sans bouger de chez moi. Tu n’as pas le tiers payant en visio, par contre, mais tu peux voir les tarifs à l’avance. Pour rappel : seuls les psychiatres sont remboursés. La santé mentale c’est un truc de riches.

Sinon tu as le CMP (Centre Médico-Psychologique) qui peut te recevoir gratuitement. C’est un service public, alors les places sont chères et il arrive qu’il y ait des praticien-nes pas au top, mais ça vaut le coup de tenter.

Si tu es étudiante, il existe ce dispositif totalement insuffisant (3+3 séances remboursées) : https://www.ameli.fr/val-de-marne/assure/actualites/sante-psy-etudiant-une-aide-psychologique-prise-en-charge-100-pour-les-etudiants-en-difficulte.

Et attention, les mutuelles vont bientôt rembourser les psychologues. Le deal c’est 4 séances par an. Faut pas être malade, oui.

🍧 En parler à des pairs aussi. Savoir que t’es pas seule au monde, et qu’on peut vivre avec plus ou moins bien. C’est même souvent cette étape qui arrive en premier. En parler sans voir ou lire la peur dans l’autre est un soulagement. Been there, done that. T’es pas anormale. T’es sans doute folle, mais moi aussi, et regarde comme je m’en sors *kof kof* super bien !

30 ans de survie, oui madame, t’as vu ? T’as vu comme je suis forte ?
En bonus, avec les autres personnes suicidaires on peut blaguer sur le suicide sans provoquer la panique. C’est pas négligeable comme bonus, avoue. Pis si ta pote est aussi suicidaire, so much fun dans l’humour noir !

🍧 Te blottir dans de la polaire en mangeant des trucs beaucoup trop sucrés. T’autoriser à cocooner, te permettre d’aller mal et d’avoir besoin de réconfort. Te permettre de passer la journée en pyjama sans te flageller.
Ouais, ça va mal. Ça va même très mal. Et tu mérites ce réconfort, qui que tu sois. Tu es la personne la mieux placée pour prendre soin de toi-même. Normalement. Alors vacances, indulgence, on souffle. Ouais, ça va mal. Tu mérites d’aller mieux, tu as le droit de te reposer.

🍧 Faire attention au piège du “je suis auto-suffisante tout va bien lalala”. Non. Ne sous-estime pas la souffrance. Parfois, on ne peut pas s’aider soi-même. C’est pas grave en soi, ça ne veut pas dire que tu es incapable ou inapte, ça veut dire que tu es un être humain qui dépend des autres êtres humains, comme tout le monde.
Moi, par exemple, je fais pas mon pain moi-même, je dépend d’une boulangerie, et je le vis bien. Parce que mon métier c’est pas de faire du pain. C’est pas grave, que je ne fasse pas mon pain, parce qu’il y a des gens dont c’est le métier de faire du pain. Tu saisis l’idée ?

🍧 L’isolement est le pire des pièges. Je sais que c’est redondant, mais je m’en fous. L’isolement c’est le pire des pièges.
Lorsque tu as envie de mourir, c’est que tu penses ne pas avoir la valeur nécessaire pour vivre. Qui aime les gens sans valeur ? Personne. Donc personne ne t’aime, que tu te dis. Sauf que c’est de la merde, tu le sais, je le sais, on le sait toutes les deux. Des gentes tiennent à toi, je te le jure.
L’isolement arrive quand on a peur de parler, qu’on se dit que ça n’en vaut pas la peine, parce qu’on en vaut pas la peine. A quoi bon parler de ses problèmes inintéressants de personne inintéressante ?

Sauf que non. Tu es une personne intéressante. Tu comptes pour des gens. Tu es aimée. Tu mérites d’être écoutée. Je suis sûre et certaine que tes amies ne trouvent pas que tu les ennuies avec tes problèmes. Sinon ce ne seraient pas tes amies. Pis sinon tu me les envoie et on règle ça à l’ancienne. Au Uno.

Image par Goran Horvat de Pixabay

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N’oublie pas que la dépression et les pathologies psy te font voir la vie à travers un prisme de lecture biaisé. C’est la dépression qui parle lorsque tu te dis que tu n’en vaux pas le coup. Parce que très objectivement, tu vaux le coup. C’est la dépression qui te dit que ta mort arrangerait bien tout le monde, alors qu’en vrai c’est un peu tout le contraire.
On peut développer des systèmes de croyances entiers pour soutenir notre pathologie. Si on observe un délire paranoïaque c’est précisément ce qui se passe : le prisme de lecture est pété, tout le monde extérieur parvient de manière déformée par la psychose.

C’est comme avec les complotistes (attention aucun lien complotiste/pathologie mentale ici) : si tu vois le monde comme envahi par les reptiliens illuminatis de la terre creuse et plate, chaque information va être altérée. Un building s’effondre ? Les rhinocéros intégristes. Direct.

C’est important d’apprendre comment le monde se lit à travers ton propre prisme. Parce que si tu connais tes biais, tu sauras mieux éviter les pièges. Je pense que tu as plus de valeur que ce que tu ne crois, en tout cas. On oublie trop vite les choses qui font nos qualités, nos forces, nos compétences. La dépression aspire tout ça et te rend une espère de truc digéré dégueulasse dont tu ne veux plus.

A la limite, demande ? Demande à tes amies qu’est-ce qui fait de toi une de leurs amies ? Pourquoi cherche-t-on ta présence ? Quelles sont tes qualités objectives ? Tu peux poser la question à plusieurs personnes, tu verras, des choses communes ressortiront. Si des personnes pensent ça sans se concerter, c’est ptet qu’elles ont raison ? Puis si des personnes cherchent ta compagnie c’est ptet que t’es pas si nulle ?

Image de wirestock sur Freepik

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Dans tous les cas, il faut en parler. Il n’y a rien de pire que de s’enfermer dans la solitude et la douleur, je le sais de première main. Tous ces conseils, je me les adresse à moi aussi.

C’est un sujet sans bonne réponse. Parce que la réponse tient déjà dans l’acte en lui-même.

Alors du coup on va dire qu’on reste là même si c’est chiant, d’accord ? On va trouver une solution ♥