Heure de réveil : 5h17 (wow)

Ce matin je suis un peu emmerdée et d’un autre côté pas du tout.
Ça concerne le billet d’hier. En gros, j’ai posté avec un «meh», tu sais, un truc qui chiffonne, mais je percevais pas dans son entièreté. J’ai quand même posté et je dois amender un peu ce que j’ai dit hier sur le callout, ou au moins aller plus loin dans l’idée du callout militant.

J’ai pas été assez précise sur le curseur «bien/pas bien» et ça c’est toujours signe que les emmerdes commencent. Ce qui s’est passé c’est que j’ai eu des commentaires, dont un qui m’a littéralement pétrifiée car il m’a renvoyé à une personne récemment callout et tout à fait toxique de ma connaissance.
Je suis contente que cette personne-là ait été affichée, en fait. C’est souvent nos «grandes figures» qu’il faut désacraliser, après tout, non ? Pis d’un autre côté, c’est pas si simple et ça fait chier, moi j’aime bien quand les choses sont simples. De toutes façons, il ne s’est rien passé de plus. On ne veut pas callout, parfois.

Dans ma tête, le machin ressemble à ça. C’est une jauge, pas un curseur, j’en suis bien consciente. Mais j’ai mis curseur dans le billet, je veux bien amender plein de trucs mais pas ce choix de mot spécifique, parce que j’ai aucune excuse mais j’en ai pas envie.
Bref. On va dire que cette jauge est un curseur sur le reste du billet, hein ? Merci.

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On va y aller doucement. Jeffrey Epsein, Polanski, Random-dude-politique, le callout, l’explosion médiatique sont souvent les seuls et uniques moyens de faire avancer les choses pour ces gens-là.
J’ai zéro trace d’hésitation en disant : callout-les moi tous, ces sales types blancs riches qui vivent dans l’impunité de leurs villas, qui violent sans rien risquer, qui piétinent les lois joyeusement, leur sourire carnassier flamboyant dans le soleil d’hiver étincelant. (Je cherche toujours un moyen de gagner le Goncourt, tsé, je passe en mode Marc Lévy des fois, pardon)

Ces gens tiennent à mort à leur réputation, je pense qu’il y a une grosse corollaire entre ça et l’efficacité du callout. J’en suis sûre, en vrai. La réputation c’est ce qui les fait parfois assassiner des meufs, je te le rappelle, ça doit être super important. Une star cred, tu vois ? Je sais pas, c’est super mystérieux pour moi, avoir de l’honneur et une réputation.

Il s’agit ici de “callout médiatique”.

Harvey Weinstein a pris 23 ans de prison pour viol. J’aime pas la prison mais c’est pas si mal qu’il y soit.

Mais on peut pas faire un «seuil de revenu» ou de puissance ou de notoriété, on est pas à la CAF.
Qu’est-ce qui rend acceptable le callout sur les vieux mecs blancs riches dégueulasses ? Qu’ils soient blancs, riches et dégueulasses. Ces types-là adorent abuser de leur pouvoir et ici bas, quand t’as de la thune, t’as de la thune. Les explosions médiatiques, les scandales etc. sont souvent redoutablement efficaces pour faire bouger les choses, de manière positive (ou pas). Les appels à témoins dans les affaires de disparition ou de crimes non élucidés, la pression médiatique sur les agresseurs, c’est le même principe et ça marche pas mal. Des fois, l’intelligence collective fonctionne.

Pour le coup c’est le seul outil dispo pour attaquer un cis dude puissant, le callout médiatique. Perso, j’ai pas de quoi me payer une avocate et j’ai pas droit à l’aide juridictionnelle non plus, si je callout quelqu’un ça va m’aider à faire connaître l’histoire, peut-être récolter des témoignages supplémentaires, obtenir de l’aide et du soutien. Le dernier recours, mais pas que. Je peux comprendre un milliard de fois la satisfaction de voir voler en éclats le masque de normalité d’un prédateur sous l’œil des caméras.

L’exemple est simple, le curseur est content, regarde, il sourit !

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Minute, jeune fille. Et si l’agresseur est un gens lambda tout aussi dangereux ? En général, ces histoires là, les plus courantes en réalité, ne profitent pas d’une quelconque médiatisation. Le Jean-Nuisible du quotidien, on le callout ou pas ? Moi je pense que oui même si j’ai pas envie d’afficher les miens. Cela devrait être le choix de la victime.
Quelle que soit la config, la question du callout médiatique ne se pose plus, étant donné qu’on vend plus de journaux en étants mortes que vivantes.

…mais on a aussi des prédateurs qui parcourent les groupes féministes et qui se régalent de toute cette confiance qu’on leur accorde. Et quand tu te rends compte que tu n’es pas la seule victime, qu’il prolifère encore sur vos groupes communs, quand tu le vois réclamer des cookies mine de rien comme un bon profem, j’avoue, ça fout la haine. Et honnêtement, je peux comprendre le callout pour nos «prédateurs ordinaires», la thune en moins, la nuisance toute pareille. Sauf que les conséquences ne sont pas les mêmes, les moyens d’action non plus.

En gros, les gens de Médiapart en ont rien à branler que John-Bob-Profem soit un prédateur. Pire. On a tendance à ne pas parler de ces affaires en public, toujours à cause de ce devoir d’exemplarité. Qui s’applique visiblement à tout le monde sauf aux mecs cis. Eux se comportent comme des merdes, on en paye le prix.

On entre ici dans la zone “callout militant”.

Curseur content mais frémissant.

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On descend encore d’un cran dans la chaîne alimentaire avec les meufs toxiques. Et là c’est chaud.
Il existe dans nos milieux des personnes qui se ressemblent un peu toutes : les leadeuses charismatiques.
Je ne cible personne en particulier, on a juste un peu toutes le même scénario avec des actrices différentes. Là c’est chaud parce qu’on est en féminisme, s’attaquer à une femme c’est uuuuultra tendu. S’attaquer à nos «figures» militantes nécessite une contorsion insoutenable dont elles profitent justement.

Mon curseur sait pas. Parce qu’il y a des personnes tellement intouchables que c’est parfois ton seul moyen. Elles ont pas les thunes mais une armée de suivantes pour te chasser, te retrouver et te réduire au silence. La violence est radicale, j’ai déjà lu des échanges dignes des pires fafillons à base d’appels au suicide, de diffamation et de cyber-harcèlement. Quand ça vient de “chez nous” ça fait mal au cul.

Je dirais, quand tu cries et que rien ne se passe c’est que tu ne cries pas assez fort. Des fois, t’exposer en pleine lumière pour dire «cette personne est nocive» ça te permet d’énoncer les choses, de les poser de manière plus ou moins formelle. Souvent, très souvent, tu reçois des MP suite à ton post, des MP de victimes trop heureuses de lire, enfin, la voix qu’elles ont tues. En revanche, il y a toujours, toujours, toujours un retour de bâton. S’attaquer à des icônes, c’est s’exposer à la même mauvaise foi que celle d’un mec qui te dit “Nooon, c’est pas moi” alors qu’il a encore la main toute entière dans le pot de confiture.

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En fait je me dis que ça tient sans doute à la gravité des faits. Bien sûr, qu’il faut prévenir les personnes en contact avec un prédateur. Callout un mec parce qu’il t’ennuie sans avoir commis de faits punissables par la loi me semble un peu excessif…mais ça dépend. Y’a des mansplainers, y’a des boulets et des gens à la ramasse. Mais est-ce nécessaire de reposter après chacun de ses posts pour dire “attention, un jour il m’a masplainé” ? Du coup je vais plutôt me baser sur les éventuelles sanctions légales.

Le viol est passible de prison, les prédateurs sont ici concernés. Soutirer des nudes d’adolescent-e-s c’est aussi passible de prison.

Callout callout callout quel que soit le cas de figure.

L’abus de confiance est dans le cadre «passible de prison» au fait. Je dis ça pour les meufs toxiques ci-dessus, qui ont pu parfois profiter d’avantages financiers incidemment trouvés dans la caisse commune.
Normalement, on ne peut pas non plus harceler les personnes sur internet et la loi est sensée protéger des comportements haineux. J’ai dit normalement. Dans tous les cas, appeler une personne à se suicider c’est carrément dans le rouge.

Mais les trucs plus triviaux ? Callout mon mari parce qu’il déconne, par exemple. Je l’ai fait. Et il a même une place de choix dans une BD grâce à ça1. Je l’ai affiché, mais sur mon mur à moi, en rigolant parce que l’objet du délit n’était pas vital, je ne l’ai pas affiché au monde entier parce que le litige était franchement ridicule. C’était bien suffisant. Ridicule, oui et non, évidemment, je n’aurais pas eu le besoin de râler sur lui si c’était si ridicule que ça. Il a compris le message, j’ai compris le message et j’ai rappelé mon avocate pour annuler le divorce.

Mon curseur est en PLS. Façon de parler parce qu’un curseur, enfin, en PLS c’est compliqué, quoi.

En fait c’est exactement le type de situation avec une «zone grise» qu’on a tellement de mal à cerner2.
Ici c’est un peu pareil, on peut pas faire de barème pour justifier ou non du callout. Du coup, s’appuyer sur la loi peut être une option.

Puis il y a aussi la question du délai. J’ai déjà vu des potes se faire rattraper par des dossiers du paléolithique, par exemple. Des mecs qui ont réussi à se déconstruire correctement, qui ont bien les notions en tête, et qui se font rattraper par leurs erreurs et méfaits.
Là c’est compliqué, à distance. On doit répondre de ses actes, oui, mais est-ce que ça vaut la peine d’anéantir totalement une personne qui a évolué depuis ?
Je te le dis tout de suite : j’ai pas de réponse satisfaisante, et je ne me laisserai plus piéger par les approximations sur ce point. J’ai eu du oui, j’ai eu du non, j’ai eu du jamais de la vie. Dans tous les cas, si tu as merdé sérieusement, vaut mieux en parler avant et réellement s’excuser (Pas dire “j’étais jeune et con” par exemple. Présenter ses excuses et mettre en place des actions pour réparer si possible).
L’auto-callout est parfois nécessaire.

Donc j’en ai foutrement aucune idée.
Et justement, je pense que c’est bien de ne pas avoir de curseur. Oui, le curseur n’existait pas depuis le début, c’était moi en réalité, je t’ai bien eue3.

Le fait d’avoir des grilles de lecture et d’analyse c’est super, mais c’est limitant. Des fois, ça passe pas dans les cases, c’est entre-deux et c’est justement là que ça devient intéressant. Par exemple : un ami qui est également un mec trans qui se fait remballer violemment parce qu’il a un bon passing. Zéro réflexion : t’es un mec, t’as tort. Et c’est pas si faux, sauf que…ben tu sais pas à qui tu parles.

J’ai aucune idée de ce que je suis en train de faire

C’est chiant et complexe et tout ça mais se dire qu’on fait du cas par cas oblige à réfléchir préalablement. Plaquer un bingo sur une situation à l’arrache est TOUJOURS une connerie quand on ne rigole pas (parce que les Bingo c’est quand même très amusant).
Mais du coup…on fait quoi ?

Je suis pas une leadeuse charismatique, j’ai pas raison, j’ai même souvent pas raison, je vais avoir du mal à soutenir des thèses qui sont pas cohérentes surtout. Pire, je change d’avis des fois. C’est ce qui est cool d’un autre côté. De ne pas avoir des certitudes chevillées au corps. Ça fait moins mal quand tu les arrache, déjà, pis ça t’oblige à réfléchir. On peut pas plaquer les gros concepts sur un truc aussi aléatoire que la vie des gens. Des fois ça passe, dans le cas des milliardaires par exemple, le choix est vite fait. Des fois ça passe mais…meh…
Rien n’est jamais si simple, y’a beaucoup plus de «meh» qu’il en faudrait. J’aimerais bien que ce soit simple, je serais moins dans la merde.

J’ai pas de réponse, quoi.
Ben ouais. C’est comme ça.

  1. Emma, La Charge Mentale []
  2. Le terme de zone grise prête à controverse, notamment pour les affaires de viol : on a pas de «demi-consentement». []
  3. Du coup c’était ni une jauge ni un curseur, on se rattrape comme on peut. []