Je cesse de mettre mes heures de réveil, je ne sais pas, je peux remettre mais on sait que je me lève tôt, maintenant, je crois.
Comme j’en ai marre de parler mesquinerie et trahison, on va parler de l’homme qui a vu l’ours, qui a vu l’homme, qui a vu l’ours, et qui s’est dit merde, mec, tu gâches ta vie, ta place est dans la forêt avec tes amis les ours.
L’histoire en elle-même, Feldup la raconte mieux que moi dans sa vidéo n°3 sur les lost medias (https://youtu.be/8uXUaXy-704). Attention néanmoins je préviens : c’est une vidéo difficile à regarder mais gentiment balisée et chapitrée.
On va résumer : Timothy Treadwell s’est dit merde, mec, tu gâches ta vie, ta place est dans la forêt, etc.
Donc il a décidé que les ours étaient, qu’ils le veuillent ou non, ses meilleurs potes. Il aurait pu se dire tiens, je vais ouvrir un refuge pour animaux, je vais demander des sous pour protéger leur habitat naturel, parler des ours de manière courtoise, ce genre de trucs. Mais non. Il s’est dit que c’était une meilleure idée d’aller camper en Alaska dans la zone la plus peuplée par les ours les plus féroces au moment de l’année où ils ont grave la dalle. Et ce, plusieurs fois. En affirmant les “étudier” et en se proclamant roi des ours ou un truc du genre.
Puis un jour il s’est fait bouffer et sa partenaire s’est fait bouffer aussi, il y a un audio effroyable de l’événement qui est gardé sous clé, ce qui en fait un lost media, ce qui en fait un sujet pour Feldup, la boucle est bouclée.
🐻🐻🐻
Bon, cette histoire est dramatique, mais on va pas parler des détails sanglants, on va parler de ce sentiment qui nous gueule que :
“MOI 👏C’EST 👏DIFFÉRENT👏”
Pourquoi, comment ce type s’est dit un jour que par la seule force de sa volonté et de son amour pour les ours, il allait devenir leur meilleur ami 4ever et couler des jours heureux à pêcher du saumon à la main et à manger des baies ? C’est quand même complètement insensé, non ?
Pourquoi ça marcherait avec TOI spécifiquement ? Pourquoi penses-tu réussir là où les autres échoueront ?
Parce que tu es lae protagoniste de l’histoire. Son personnage central. A ta mort, l’histoire s’arrête. Tu perçois le monde à travers ton propre prisme, tes expériences, tes compétences, tes peurs, tes envies de dragibus à 2h du mat. Tu es la vie dont vous êtes le héros, en gros.
Il est donc facile de percevoir le monde comme si on en était son principal protagoniste. Et donc son héroïne ou son héros. C’est comme ça que tu te dis que tu sauveras le monde et qu’on se souviendra de toi jusqu’à la prochaine apocalypse, alors que pas du tout. Excepté si tu as laissé un héritage sous une forme quelconque (Des chefs-d’œuvre littéraires, de la musique transcendante, des tableaux super bons, ou, au contraire, des génocides, des guerres, etc.) je suis au regret de t’annoncer que ton souvenir s’effacera avec la disparition de tes proches.
Mais non. Tu n’es pas un mouton, toi. Tu es spécial-e et tu marqueras le monde de ton empreinte pour toujours.
Par exemple en te faisant bouffer par un ours.
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Quelque part, se sentir unique est vital. On appelle ça avoir une identité, je spécule.
Oui, tu es un fragment d’étoile qui a vaguement évolué jusqu’à devenir le summum de l’humanité, l’apex predator, le maître du réchauffement cli…ah merde. C’était toi !
Mais ton corps retournera à la poussière et ton âme cessera d’exister, sauf si tu as un pass pour accéder au Paradis, on sait jamais, faut tenter le coup, t’as pas tort. On aime pas trop penser à la finitude de nos vies. Enfin moi, ça va, je m’en baleg, mais je comprends l’angoisse de se dire qu’après soi, la vie continuera jusqu’à épuisement des stocks, tout comme tu as continué ta vie alors que des gens mourraient. Le sentiment de vide, l’immensité du rien, de quoi bader pendant un moment lorsque tu réalises que tu n’es qu’un tas de cellules périssables.
On peut très bien le vivre, se dire qu’après tout, quitte à crever, autant vivre dans la joie, #YOLO et no regerts. Je suis un peu de cette team-là : ma non croyance en une vie après la vie me donne envie de faire du mieux que je peux ici et maintenant. Oui, l’angoisse. Qui n’a pas un micro peu peur de mourir sans rien laisser ?
On peut se raccrocher à une religion et la semi-athée que je suis comprend parfaitement ce besoin. C’est beaucoup plus rassurant et parfois la religion fait du bien aux gens donc tant qu’on reste entre adultes consentants, libre à nous de choisir de croire et comment croire. J’ai aucun souci avec les personnes versées dans la religion. Je les ai jugées suffisamment longtemps pour me rendre compte que la Foi dépassait mon propre snobisme pseudo-intellectuel et que de cracher sur la religion ne sert pas à grand chose si on n’interroge pas son aspect systémique. Le coup de l’ami imaginaire n’est pas fondamentalement drôle, en vrai.
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Dans tous les cas, savoir qu’on disparaîtra nous oblige à penser à la mort, notre mort et celle des autres. Pour ne pas se retrouver piégé-e dans un gouffre existentialiste, on peut donc se persuader qu’on marquera l’Histoire, contrairement aux autres péons. Cela peut être un bon moteur pour se rendre utile ou un piège à ego qui forme l’autoritarisme. Ah ouais, Staline, ce type, là, ouais, je m’en souviens.
Le mec aux ours aussi, on s’en souvient. Pire, on a ce petit sentiment de supériorité en se disant qu’on est bien plus futé-e que ça, nous. Alors que fondamentalement c’est pas sûr.
La mort, ça n’arrive qu’aux autres jusqu’à ce que ça t’arrive.
Possible que Disney soit au cœur du problème : Cendrillon est passée de roturière à reine du monde magique enchanté avec des oiseaux et des souris qui parlent, la Belle a apprivoisé la Bête (ou comment apprendre aux filles qu’on peut réparer les autres), Simba est devenu le roi des lions, un gosse a sauvé Willie (en fait pas vraiment mais c’est une autre histoire très très triste) chacun-e son destin exceptionnel.
Le souci, c’est que cette sur-confiance peut mener à des comportements dangereux, comme grimper sur des montagnes en bikini (Je déconne pas. Et oui, elle est morte d’hypothermie), faire des selfies en haut d’un immeuble de 376 étages, juste avant le passage d’un train ou tenter de gratter l’amitié des grizzly pour devenir le roi des ours.
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Bon, après, face à la futilité de la vie, tu fais bien ce que tu veux. Ça reste néanmoins intéressant de se demander de quelle manière on perçoit le monde, et ce, sans impliquer d’animal dangereux.
Est-ce que les autres sont des PNJ (personnages non joueurs) ? Ont-iels une âme aussi ? Suis-je le héros du Truman Show ? Tu savais qu’il existait un “syndrome de Truman Show” ? C’est penser que toute ta vie est mise en scène et filmée par des forces extérieures.
🐦 “Joel Gold, psychiatre au Bellevue Hospital Center de New York et professeur agrégé de psychiatrie à l’université de New York, et son frère Ian, titulaire d’une chaire de recherche en philosophie et psychiatrie à l’université McGill de Montréal, sont les principaux chercheurs sur le sujet. Ils ont communiqué, depuis 2002, avec plus d’une centaine de personnes souffrant de ce délire. Ils ont rapporté qu’un patient s’est rendu à New York après le 11 septembre pour s’assurer que les attaques terroristes n’étaient pas un rebondissement dans son Truman Show personnel, tandis qu’un autre s’est rendu dans un bâtiment fédéral du Lower Manhattan pour demander l’asile de son “spectacle”. Un autre patient avait travaillé comme stagiaire dans une émission de télé-réalité et croyait être secrètement suivi par des caméras, même dans les bureaux de vote le jour des élections en 2004. Il a crié que le président de l’époque, George W. Bush, était un “Judas”, ce qui l’a amené au Bellevue Hospital et à l’attention de Gold.
L’un des patients de Gold, un vétéran de l’armée issu de la classe moyenne supérieure qui voulait escalader la Statue de la Liberté dans l’espoir de se libérer du “spectacle”8,9, a décrit son état de la manière suivante :
« J’ai réalisé que j’étais et que je suis le centre, le point d’attention de millions et de millions de personnes…. Ma famille et tous ceux que je connaissais étaient et sont les acteurs d’un scénario, d’une charade dont le seul but est de faire de moi le centre de l’attention du monde. »
[…]
Le syndrome de Truman n’est pas officiellement reconnu et ne fait pas partie du Manuel diagnostique et statistique de l’Association psychiatrique américaine. Les Gold ne disent pas qu’il s’agit d’un nouveau diagnostic mais le qualifient de “variance des délires de persécution et de mégalomanie connus”.
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Alors que non. Personnellement, ça me rassure de penser mon insignifiance, mais je peux comprendre ce besoin de donner un sens à ce qui se passe ou ne se passe pas autour de nous. C’est très paradoxal : on est à la fois réellement lae protagoniste au centre du récit de notre vie et le fruit d’une somme de hasards qui nous a posé-e là, dans le monde, sans mode d’emploi.
On peut aussi penser les deux : on est l’héroïne de notre histoire mais pas celle du monde.
En fait, tant que tu te dis pas que tu vas devenir le roi des ours, c’est même souvent sain de se placer au centre de son propre univers au lieu de pleurer qu’on est dispensables. C’est ce qui te permet de tenter de faire de ton mieux (ou de ton mieux dans le pire). Le fais-tu pour toi ? Cherches-tu une approbation ou une admiration quelconque pour palier à tes failles narcissiques ou es-tu purement désintéressé-e ?
Pire : si les personnages qui ont marqué l’Histoire n’étaient pas né-es, que se serait-il passé ? Le monde ne s’en rendrait pas compte et iels seraient remplacé-es par d’autres. Pour un Napoléon empereur, combien de deuxièmes choix ? Y’aurait forcément eu une autre personne se sentant tout autant grandiose pour prendre sa place. Le monde n’aurait pas été le même, mais on ne le saurait pas, ou alors on parle de multivers et là j’ai pu le temps.
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Moralité : laisse les ours tranquilles.