Heure de réveil : 4h16 (chats)

Les lendemains d’injection c’est toujours «compliqué». Erelzi ® 50 mg, anti-TNF biosimilaire à Enbrel ® que je prends depuis presque deux ans, maintenant. L’injection fait mal, pas toujours autant mal, mais j’y vais pas le pied léger. C’est un «immuno-régulateur» (moi j’ai juste pigé que je chopais toutes les merdes de la maternelle, mais en pire, avec de la fièvre, et que si je traite ça mal ça dégénère, comme début 2019 avec un début d’infection pulmonaire après 3 mois d’affections ORL diverses et cumulées résistant à 3 antibio)
Aujourd’hui on va parler de ma santé. Ouais j’ai un public captif, maintenant, j’en profite pour geindre un peu (non, en fait je veux te dire des trucs pour de vrai, pars pas).

>>> Pas un billet de la chouine, tkt. Je suis pas «courageuse» ou quoi, j’ai juste pas trop le choix. En revanche c’est un billet perso donc, oui, je vais causer de ma vie.

🐝🐝🐝

J’ai eu les premiers symptômes entre 12 et 15 ans. La difficulté avec la spondylarthrite c’est que les douleurs peuvent se localiser à différents endroits. Donc quand t’es une ado qui sèche les cours et qui multiplie les trangressions, ça va vite : tu mens. J’en veux pas à ma mère, je lui en ai longtemps voulu mais maintenant que j’ai un enfant, je comprends. 😔
J’ai commencé à vraiment souffrir quand j’avais une vingtaine d’années. Je travaillais à Loisir & Créations au Passy Plazza (affreuse expérience), je vendais des perles, je restais souvent debout.
Et puis un matin…
Impossible de «déplier» mon corps. Douleur fulgurante insoutenable à en chialer. Mon ex était à côté de moi, m’a laissée me lever, me préparer et faire les 10+mn de marche pour aller, seule, aux urgences.

J’ai été «soignée», j’ai perdu mon travail. Puis ça a été crescendo. Les réveils nocturnes totalement ankylosée, les levers impossibles, les douleurs, les douleurs…
Quand tu es précaire, et je l’étais, te soigner c’est chaud. La kiné ? Même pas en rêve si tu n’as pas l’ALD. L’imagerie médicale ? 180 balles de dépassement au centre près de chez moi. Salauds d’assistés, va, incapables de bien prendre soin d’eux. Quand rien qu’une consultation chez le médecin c’est la menace d’un chèque rejeté parce que t’es TOUJOURS «juste».
Oui, un chèque, t’as pu trop de liquide et ça te donnera quelques jours pour aviser. Si tu as encore un chéquier au moment de la consulte. Et sans consultation, pas de médicament.

Médicament que tu payes également. Erelzi ® 50 mg : 678,42€ /mois, remboursable à 65% par la CPAM, ce qui laisse 237,45€ mensuels à régler. Heureusement, les personnes qui sont obligées de se traiter avec ça sont en général déjà en ALD (Affection Longue Durée, c’est la sécu qui reconnaît que tu vas pas guérir et qui te rembourse à 100%).

C’est extrêmement flippant de voir la politique de casse de la sécu, pour nous…je te jure, je sais pas si je pourrai continuer à me soigner encore longtemps.

Oui, l’injonction au soin c’est un des trucs qui me fait pousser les canines. C’est toujours si facile à dire quand on a pas une pathologie invisible avec des années d’errance médicale.

J’ai le privilège d’être totalement inconscient de mes privilèges

11 ans d’errance médicale, pour moi.
Sur ma patho, en général, les hommes ne subissent «que» 5 à 7 ans d’errance médicale avant diagnostic. Mais sinon tout va bien hein.
11 ans avec des radios impeccables. A me faire même engueuler (deux fois) parce que j’étais venue «pour rien». Le meilleur ça a été le mec qui vient pendant que je me rhabille après l’IRM, qui se pose, croise les bras et me dit «Pourquoi vous êtes là ?» «J’ai mal au dos» «Oui enfin vous avez une petite sacro-illite mais franchement rien de grave, vous ne devriez pas avoir aussi mal» «Une sacro-illite c’est important à suivre quand on a une maladie qui s’attaque en premier aux sacro-illiaques comme une spondylarthrite, non ? C’est noté sur l’ordonnance que c’est un suivi de spondylarthrite.»
Et il s’est barré. Je te jure, il s’est barré, sans rien, ok, ciao.
J’ai subi pas mal de vexations dans le genre. Souvent. Presque systématiquement, d’accord.

🕷🕷🕷

Le rhumato, dont la femme est nutritionniste dans le même cabinet, qui me dit «Ah non, je ne vous prescris pas de béquilles, vous avez qu’à marcher, il faut commencer à perdre du poids, là, et sérieusement. Ma femme est nutritionniste, au fait.»

Ce type me prescrit, alors que j’ai rien, une analyse génétique pour voir si j’ai le marqueur HLAB27 qui signifie «peut-être Spondy ou Crohn». Oui c’est indiqué de la même manière et les deux pathologies sont parfois couplées pour le plus grand bonheur de la personne atteinte.
Je reçois le résultat, EVIDEMMENT je Google. Et là…je lis mot pour mot mon tableau clinique. Mot pour mot. La baffe. Je retourne voir le rhumato, sans dire que j’avais regardé. Il n’a jamais prononcé le mot «spondylarthrite», m’a dit de voir avec mon généraliste pour la prescription. Hallucinant. C’est mon généraliste qui m’a confirmé le diag, très très net, en 2008. J’avais 26 ans.

J’ai eu des béquilles vers 2010, quand j’ai de nouveau accepté de voir une rhumato qui a été et est toujours assez pince sans rire mais adorable et compétente. 🌺

😈😈😈

Et même une fois diagnostiquée, avec l’ALD, la reconnaissance travailleuse handicapée et tout, j’ai encore des remarques.
«Mais vous n’avez rien à l’imagerie, qu’est-ce que vous faites ici ?
– Je suis atteinte de spondylarthrite
– Oui mais vous n’avez pas de trace de lésion aux sacro-illiaques
– C’est effectivement ce qu’on veut vérifier, on le fait régulièrement. Et pas besoin de sacro-ilite pour entrer dans le club, au fait.
– Mouais, en tout cas, vous n’avez rien.
– Si j’avais vraiment rien j’aurai ni canne, ni ALD, ni reconnaissance TH et encore moins d’immuno-suppresseur.»
Et il s’est barré. C’était le même centre d’imagerie, ils doivent avoir un memo là dessus, je sais pas. T’es en difficulté, tu te barres.

Presque rien à voir mais en 2012, je me suis fracturé le coude (pendant mon enterrement de vie de jeune fille punk). Radio : rien, juste un hématome incroyablement énorme géant gigantesque.
2013, je retourne faire une IRM parce que grosses douleurs. Rien.
2018, j’y retourne, faire une écho, parce que là je sais plus.
«Ah mais madame, vous vous êtes cassé le coude ?
– Non, visiblement.
– Parce que là ça s’est réparé mais c’est pas beau, vous allez continuer à avoir mal.
– Bah écoutez…vous êtes celui qui m’a fait passer mon IRM en 2013, c’est pas à moi qu’il faut demander tout ça (j’adore l’hypermnésie pour ce genre de choses…)
– (Il vérifie. Il voit que j’ai raison.) AH
– Ah.
– Bon, l’examen est terminé, vous pouvez vous rhabiller.»

Cette anecdote n’a pas trop de rapport mais hier FB m’a rappelé ce souvenir. Et c’est tellement caractéristique…parce qu’il s’est barré aussi.

Il est 4h37 du matin et je cherche “prix Siemens Magnetom Prisma” sur Google.

🐹🐹🐹

J’ai connu des personnes adorable en imagerie. Exactement 5. (T’as eu peur que je te fasse la liste, hein ? Nan je vais pas te faire la liste.) On a pas mal parlé violences médicales, je pense que tu as tes propres anecdotes. Une chose à retenir : personne n’a le droit de de traiter comme ça, Bibiche. Personne.
Bon, le souci c’est qu’on a PAS LE CHOIX en fait.

Quand tu es malade t’as pas le choix. Faut te soigner. T’as pas le luxe d’aller chercher 15 avis médicaux différents, en plus faut prendre 3 bus et tu n’as pas de béquille à cause de l’autre tanche. Et ça, c’est quand t’as pas d’enfant à gérer.
Alors tu comptes sur la chance. Et c’est comme ça qu’on fait le lit des pseudo-médecines…

🍀🍀🍀

T’as pas vraiment le choix de ton suivi, et très rapidement, tu te rends compte qu’il y a un autre truc dont on s’est bien gardé de te parler.
Les effets secondaires.
Pour moi ça a commencé avec les remontées acides. Je prenais des anti-inflammatoires depuis des années et j’ai dû attendre de rencontrer le Généraliste de ma Vie qui m’a dit «Mais attendez, il faut prendre un protecteur gastrique !»

L’Indocid m’a provoqué une totale perte de repère et déréalisation très inquiétante, au point que, seule le soir de la première prise chez moi, j’ai demandé à une amie d’appeler mon conjoint ou d’envoyer les pompiers si je ne répondais plus à ses SMS. J’ai retenté une prise, le lendemain matin, j’ai été bosser, je suis rentrée à la maison en taxi. J’avais pas fait le lien à ce moment-là (j’ai des épisodes de déréalisation avec la bipolarité donc je m’étais dit…)
Bad trip total…et je sais de quoi je parle 🤓
La notice de mon anti-TNF tient un peu moins d’une page A3 recto/verso1.

 

***Effets indésirables possibles du médicament ERELZI***

🌟 Réaction au site d’injection (saignement, douleur, rougeur, démangeaisons, gonflement…), généralement au cours du premier mois de traitement.

🌟 Très fréquents (plus de 10 % des patients) : infection (y compris infection respiratoire ou cutanée, bronchite, cystite).

🌟 Fréquents (1 à 10 % des patients) : fièvre, démangeaisons, formation d’auto-anticorps (anticorps dirigés contre les tissus sains du corps).

🌟 Peu fréquents (moins de 1 patient sur 100) : infection grave (y compris pneumonie, infection articulaire, septicémie), inflammation de l’œil, apparition ou aggravation d’un psoriasis, inflammation ou lésion du poumon, augmentation des transaminases.

🌟 Rares (moins de 1 patient sur 1 000) : tuberculose, aggravation d’une insuffisance cardiaque, lupus érythémateux disséminé, convulsions, atteinte neurologique pouvant évoquer une sclérose en plaques, éruption cutanée bulleuse potentiellement grave, réaction allergique grave (œdème de Quincke), mélanome, lymphome (voir Attention), hépatite auto-immune, anomalie de la numération formule sanguine.

🌟 Fréquence indéterminée : leucémie, cancer cutané, réactivation d’une hépatite B.

 

🥈🥉🏅

Alors perso j’ai choisi :
🥈 fatigue intense
🥉 nausées. violentes.
🏅 montée en température à la moindre maladie infantile et surinfection au rhume.

Oui, j’ai CHOISI.
Parce que, hé, après tout, c’est moi qui ai CHOISI de me soigner avec de vrais médicaments (J’ai tout tenté, j’ai même failli devenir naturopathe et j’ai une plutôt très bonne connaissance du sujet, ne viens pas me dire «as-tu essayé». J’ai essayé.)(Oui, même ça j’ai essayé)
Et mon traitement fonctionne très bien, je suis passée de 10 à 3 poussées inflammatoires par an. Ma vie a changé pour de vrai. La fibro aussi a été indirectement bien calmée.

Mais en échange…
Bah en échange j’ai un mardi matin fatigué, nauséeux, qui ne pourra rien avaler avant 13h au mieux. Une trace bien rouge au point d’injection qui donnera peut-être un bleu qui est honnêtement le cadet de mes soucis. Et la gerbe, la gerbe. C’est bien, au moins, hey, ça m’a fait perdre du poids comme dirait l’autre rhumato du début du billet. Quand tu manges pas, ça va vite.

En échange, je suis en arrêt maladie long et j’ai perdu toute crédibilité pro en étant trop souvent absente. Pas faute d’avoir essayé mais je m’endormais au travail. Je m’endormais. 4 Guronsan et 1 Red Bull dans la journée, je m’endormais.
D’un autre côté les bureaux ouvrent à 7h30, moi à 7h30 j’en suis déjà à la mi-journée sur mon fuseau horaire.
Fallait ouvrir à 6h.

Je serais moi, je prendrais pas celui à 49 711$, c’est sans doute encore une contrefaçon.

🦇🦇🦇

Je ne fais pas ce billet pour me plaindre, je vais ajouter cette phrase en haut comme ça pas de doute.
Voilà.

Je suis en rémission, c’est miraculeux, inespéré, tout ça.
Les effets secondaires font intégralement partie de mes pathologies. Le Lithium provoque chez moi des pertes de mémoire, quand je prends du Brexin en poussée inflammatoire je ne mange que du Gaviscon, je suis fatiguée, fatiguée, fatiguée, pis ça attaque le moral aussi. Légèrement. D’autres petits trucs : les cheveux qui tombent, les ongles qui font n’importe quoi, la peau ultra sèche et des métrorragies (pas liées au traitement selon Cochin mais qui s’interrompent dès 1 semaine sans injection, le hasard sûrement, encore un truc de bonne femme, de toutes façons.)

Le choix, il se situe là. T’as vu l’arnaque ? Qu’es-tu capable d’encaisser pour ton traitement ? A quel prix vas-tu te soigner ? Quand le choix il est «avoir horriblement mal en quasi continu» et «avoir la gerbe mais plus avoir mal», après 22 ans de douleurs à te rendre cinglée, encore plus que tu ne l’es déjà, est-ce un choix ? Régulièrement on me dit «Je prends tel truc mais les effets secondaires…»
(C’est un truc qu’on me dit très très très souvent. Vraiment souvent. Oui, ça m’énerve, mais c’est la vie et je ne t’en veux pas si tu m’as dit ça parce que je connais cette question, je la connais bien, je sais la peur, t’en fais pas)

🐛🐛🐛

Si tu as le luxe d’arrêter, essaie, sous supervision médicale, of course. Change de médicament, de forme, d’autres solutions sont sans doute possibles. Essaies si tu le peux.
Mais à un moment, il va falloir se poser la question : jusqu’où suis-je prête à aller ?
Dans mon cas, c’est assez simple : j’ai subi des crises tellement douloureuses que j’ai sérieusement considéré de m’enfiler 3 boîtes de Lexomil pour que ça s’arrête enfin.
La douleur rend folle. Perpétuelle, constante, en sourdine. J’ai un terrain dépressif (l’euphémisme de l’année) donc le désespoir était déjà pas bien loin.

Mais, sans traitement, la douleur cumulée entre physique et psy, car je ne peux pas non plus arrêter le Lithium ni mon anxiolytique, ni mon anti-dépresseur, cette douleur, elle est si insupportable que s’il fallait me séparer d’un de mes bras en échange d’une vie en santé, j’hésiterais beaucoup et longtemps.
(J’y réfléchis depuis tout à l’heure et je me demande si je peux plutôt donner le bras droit qui est un peu moins tatoué mais ça m’obligerait à apprendre à écrire et dessiner de la main gauche, ou alors je fais faire un tableau avec la peau de mon bras, je ne sais pas, la question est ouverte)

🐊🐊🐊

Mon choix en est-il un ?
Mes options, là, elles sont un peu toutes pétées. Soit je deviens complètement barge et à non-mobilité totale, soit je subis les effets secondaires.
Nice.
C’est pour ça que quand on me dit «Non je ne prends pas d’anxiolytiques, ça me change» j’ai envie de dire «Mais n’en prends pas, si tu as le choix.» Moi aussi ça me change, si tu me voyais sans traitement krr krr krr (Oui je suis encore plus morose sans traitement). Enfin non, tu me verrais plus, je me serai foutue en l’air depuis quelques années.

En poussée, au pire : dormir 16 à 18h/jour, en alternant 2h assise, 2h allongée car sinon, ankylose. Le jour, et la nuit. Cycles de sommeil de 90mn, impossible de se rendormir, faut se relever et marcher pour que la douleur s’atténue. Mais pas rester juste debout car ton bassin et tes hanches se bloquent au bout de 2mn d’immobilité. Et supporter cette douleur indescriptible.
J’ai eu parfois strictement TOUT le corps douloureux avec fibro en folie et poussée inflammatoire. Pis ça dure des jours. Le tout avec le moral qui va chercher dans la couche magmatique de la planète si par hasard il reste par un peu de Amputeum 5CH en échange de mon âme.
Chaque jour de poussée inflammatoire. Sans traitement, 10 crises par an, presque une par mois de 3 à 10 jours.
Alors est-ce que j’ai le choix, tu crois ?
Nope.
Nope, j’ai pas le choix, et si j’avais pas pris toutes ces saloperies vendues par Big Pharma (qui me sauve quand même bien les miches) je ne serais plus là. Mais vraiment. Depuis longtemps.
Ouais tu lis ce billet grâce à Big Pharma, si ça c’est pas la lose…
Les effets secondaires, même avec du Doliprane tu en as. Le Doliprane attaque le foie. Maintenant que tu le sais, prendras-tu ton Doliprane quand tu as de la fièvre ? Probablement que oui, car ça te soulage. Au moment de la prise, tu ne penses pas forcément à ton foie, si ?
Parce que le bénéfice est plus important que le risque.
La grosse difficulté c’est que quand tu as un traitement lourd, tu passes ton temps à adapter, ajuster, changer de molécule pour tenter de trouver un équilibre, et cet équilibre est très précaire.

🐶🐶🐶

Si il y a une chose que je souhaite faire, avec ce billet, c’est faire comprendre aux personnes valides qu’avoir le choix de ne pas prendre de médicament est un privilège.
Avoir le choix est un privilège. Et je donnerais beaucoup pour avoir ce privilège-là.
Et moi, pour être franche, quand on me dit que le Doliprane c’est pas très bon pour le foie, je lève les yeux au ciel parce que ça me fait une belle jambe
Ce billet est beaucoup trop long alors on va finir à l’arrache comme ça :
Quand tu as une patiente pas riche qui vient de voir pour se faire faire une paire de semelles orthopédiques, tu passes pas la séance à parler de ton bateau en Espagne et combien c’est cher de payer pour l’amarrage, on se rend pas compte.
Ah ben si…ça aussi ça m’est arrivé.

  1. https://www.vidal.fr/medicaments/erelzi-50-mg-sol-inj-en-seringue-preremplie-182583.html []