Heure de réveil : 4h56

TW : évocation de suicide

C’est mon créneau horaire, ça. Ça me convient, en général j’ai le temps d’écrire mon billet avant que tout le monde ne se réveille, et même si l’Enfant se réveille (oui, son père c’est autre chose, la seule technique est de retirer la couette brusquement après ses 10 000 snooze), il a appris à se blottir sur le canapé en attendant que je termine. Il a tenté d’approcher une fois le PC tandis que j’écrivais, je crois que j’ai grogné.

Kirby-Gourmet Race par Smooth McGroove ce matin.


La magie du random.
Ce type est génial, cherche sur YouTube (il est agréable à regarder en plus)(j’arrêterai d’objectifier les hommes quand on arrêtera d’objectifier les femmes, mon objectification est bien moins dangereuse pour la vie de mes objets d’attention que celle des mecs)(Je te promets solennellement de ne pas dire “objectification” une fois supplémentaire dans ce billet).

J’espère juste pas la garder 10 jours en tê…
Paaaapapapapapaaaaapapapapapa ! Paaa pa papapa papapapapapapaaaa, Paaa pa papapa papapapa.

Fuck.

J’ai mis Propane Nightmares de Pendulum à la place (In Silico) ♥

Ok on peut y aller.

🐢🐢🐢

Je ressent les frémissements d’un début d’exaltation…allez, le wagon de la montagne russe émotionnelle remonte lentement…

Pour les nouvelles (et éventuellement les nouveaux, pourquoi pas), je suis bipolaire sous traitement. Le Lithium a bien adouci les “pics” mais j’ai toujours une alternance de phase dépressives et de phases maniaques. Je suis toujours pas normale mais en moins pire, en gros.

Les phases maniaques sont plus courtes car totalement épuisantes. Une des plus longues que j’ai connue a été mon Bridezilla, quand j’ai organisé mon mariage. Je ne le savais pas à l’époque, mais maintenant, je sais.
Je sors de là, je suis rincée pour plusieurs mois, et ça tombe bien, quand ça s’arrête c’est que je retourne dans les abysses.

C’est aussi en manie que j’ai passé la quasi totalité de ma grossesse et les 3 premiers mois de vie de l’Enfant. Je ne dormais pas. Ou par tranche de 90 mn. 2 nuits de 6h en 9 mois. Lors de l’accouchement, je suis restée éveillée plus de 87h. J’ai arrêté de compter mais j’ai dû dépasser les 90. Et je suis sortie de là totalement surexcitée, l’effet a duré toute la semaine de retour de la maternité. La sage femme m’a engueulée parce que ma maison était nickel.

Bizarrement elle n’a pas considéré l’idée que l’heureux papa avait passé l’aspirateur 😏

Quand tu es bipolaire
Mais que tu es bipolaire !

💚💚💚

L’exaltation m’a vachement aidée à tenir bon et garder le cap, elle m’aide encore, mais elle me consume littéralement. Je pense que c’est mon “mode survie on fonce on y va on s’en fout allez allez allez”. Systématiquement, quand j’ai accompli la tâche en question ou que j’arrive au bout de la manie, je m’effondre. Et puis pas qu’un peu.

Trop d’énergie utilisée, trop de pensées, trop d’idées, trop de tout. Tout est trop intense, les couleurs t’explosent à la gueule, la musique te fait un effet incroyable, tout est nouveau, amusant, youpi. La vie et ses infinies possibilités s’offre à toi, et toi, tu fonces.

Je pense que je dois à la manie mon burn-out de 2013.
De la même manière que ces phases exaltées sont redoutables pour tout ce qui est addictions, et j’en ai quelques unes, elles sont aussi redoutables au travail.

Dans les bonnes conditions (c’est à dire quand on ne me met pas de côté parce que je suis malade) je peux abattre un taff hallucinant. Mais vraiment. Tout est x3.
Ce mode s’active aussi avant les grosses deadlines car un stress assez fort (mariage, grossesse…) peut déclencher le mode survie très rapidement.

Mon esprit est affûté, créatif, mon regard perçant, j’ai des réflexes, je pense à tout vitesse et j’ai l’énergie qui va avec mon envie. Tout est plus beau, brillant, fascinant, je veux lire, je veux écrire, je veux finir mes projets et en commencer d’autres…

Alors c’est cool mais on oublie pas l’abysse après.

“Les choses se passent bien…
TROP bien”
*Auto-destruction*

🐇🐇🐇

Je comprends les personnes bipolaires qui ne prennent pas de traitement.

Ces phases sont éblouissantes et hyper riches à vivre.

Mais elles te vident de ta substance.
Tu prends des décisions hâtives que tu regrettes ensuite, tu reçois 2 paires de chaussures identiques parce que tu t’es dit que t’allais faire collection de baskets Osiris (Hey, je commence à en avoir quelques unes), tu as pris des engagements que la dépression enveloppe de goudron, tu as repris la clope, la picole ou l’origan, et surtout, personne ne comprend que cette chose molle enrobée de polaire est la même que celle qui flamboyait devant l’infini et ses promesses.

La chute est TOUJOURS très rude.
Avec le temps, je connais les signes, je sais quand ça va retomber, mais ça reste rude. Je peux être totalement non-fonctionnelle durant plusieurs jours.

C’est très difficile à comprendre pour l’entourage, je pense. En l’espace de quelques jours tu passes de la meuf pleine de joie à une boule de polaire qui boit du coca en chouinant sur la vie.

Lors du “switch” entre les deux phases, j’ai un curieux moment.
Je regrette la manie, oh oui. Je sais que je ne pourrais physiquement pas survivre à une vie uniquement maniaque (je serais déjà enfermée ou plus là je pense).
Je redoute ce qu’il va arriver ensuite, tout en étant soulagée de pouvoir me reposer, enfin.

🐦🐦🐦

Les phases dépressives sont difficiles mais reposantes, oui. Tout est un peu ralenti, tout mou, flasque, gluant. Le temps t’agrippe et te lâche plus. L’énergie cramée en mode maniaque est immense.

Bien sûr, il n’y a pas que ça. Il y a les pensées intrusives, la voix qui commente tout ce que tu fais. Tu râles contre ton gosse parce qu’il fait n’imp, la voix te dit “Il serait mieux sans toi, cet enfant, ton mari aussi, d’ailleurs, tu rates tout, regarde, regarde-toi. Trouve une autre maman pour te remplacer, et tout sera facile ensuite, arrête de leur imposer ta présence” (Oui c’est une idéation suicidaire à la fin)

C’est tendu de garder le contrôle quand tu condamnes tout ce que tu fais. Oui, je suis au courant que la voix c’est moi en réalité 😲

C’est systématique. Au moindre caillou sur la route “T’es encore en vie, toi ? Tu fous quoi, arrête les frais, t’aurais dû partir il y a déjà longtemps.”

Moi : tout va bien
Ma-on thérapiste : …

Et je reste soft, tu veux pas savoir le reste.

Je sais que c’est “la voix” intérieure, rien de plus, mais quand tu entends de tels messages ne serait-ce qu’une fois par jour, en 20 ans ça fait 7300 injonctions au suicide tout de même (et j’ai parfois 5 à 6 intrusions quotidiennes de la sorte, quand je suis en mode critique).

A force, ça attaque. Avec les années je sais que c’est pas moi, je rationalise, je sais aussi demander de l’aide (c’est important, ça, j’ai appris sur le tard, ne fais pas comme moi), je sais que faire une activité feelgood me sort de l’ornière.

Mais ça attaque, oui, d’avoir une partie de soi qui cherche le moyen le plus rapide et efficace de faire cesser tout ce vacarme de manière définitive.

 

🦔🦔🦔

Alors je suis entre les deux états, dans une danse dont je ne connais pas encore bien les pas. J’ai jamais su danser. J’ai même pas dansé à mon mariage 🙅‍♀️

Je le disais dans un autre billet : j’utilise Daylio pour le tracking des humeurs, et c’est un super outil (customisable).
Un peu HS sur ce billet mais utile : Habitica également, que je n’ai pas su utiliser correctement mais qui sauve le quotidien de plusieurs de mes copaines qui en parlent en ce moment. Alors je te glisse ça là. C’est une appli qui t’aide à construire des habitudes, le descriptif dans l’app store est sans doute bien plus explicite que cette tentative pitoyable 🙂

Depuis deux jours je sens le frémissement.
Je sens que j’ai une frappe beaucoup plus rapide au clavier.
Je sens que j’ai envie de bouger, j’ai des idées, des envies, j’ai FAIM, j’ai envie de manger tous les dragibus du monde.

Y’a le facteur “pas d’injection anti-TNF cette semaine” qui augmente encore ma vitalité, alors j’ai attendu un peu confirmation, mais là…on y est.

Alors pendant le peu de temps que durera la phase, je vais tâcher de tout faire ce que j’ai en retard, et y’en a (la dépression me freine énormément dans mon élan) SANS ACCEPTER DE NOUVEL ENGAGEMENT. Je l’écris comme ça c’est écrit. J’y crois. J’y crois à mort.

🐰🐰🐰

Et je comprends qu’on ne veuille pas prendre son traitement. Les phases maniaques sont extraordinaires, fabuleuses, même avec la ribambelle d’inconvénients qui les accompagnent.

Il y a mille ans j’ai rencontré un ami qui était schizophrène, stable depuis des années. Il avait, dans les années 70, rencontré Dieu et Jésus sur la route (Avec sa guitare, il était en route vers la gloire). La rencontre et pas mal de LSD l’ont convaincu que ces deux personnes étaient Dieu et Jésus. Pour lui, c’était indiscutable.

Il râlait parce que son traitement lui “ralentissaient les doigts” sur la guitare. Il était triste de ne plus savoir composer. Il savait que son traitement était important, alors il m’a dit “Je préfère prendre mes cachets et pas être mort”. Pas con.

Il avait cette résignation triste en lui. Aucune des deux solutions ne lui allait. Il ne voulait surtout pas être interné de nouveau, alors il faisait bien comme il faut pour ne pas y retourner. Son regard à l’évocation de l’HP m’a suffit à comprendre. Et je vois ses yeux, là, quand on parle de maladie mentale et d’hospitalisation.

Nos pathologies sont plutôt pas mal différentes, mais je ressens aussi l’affaiblissement de ma créativité, et ça me déchire d’une force…

Le prix à payer pour vivre libre, schizo, bipolaire, c’est cet affaiblissement de la créativité. Sinon, soit on nous enferme, soit on se consume et on part jeunes.

C’est chaud quand même, non ?
Je suis libre, dans ma cage chimique. Ouaiiiiis…

Je n’arrêterai en aucun cas le traitement. Même si les grosses exaltations étaient chouettes, elles étaient aussi super dangereuses et j’ai vraiment de la chance d’être encore là pour en parler car à des moments, j’ai pris des risques vraiment inconsidérés.

L’hypomanie en résumé :
“Ci-gisent les espoirs et les rêves de Carlo”

💥💥💥

Ah, oui.

Important.

⚠ LES PERSONNES BIPOLAIRES NE SONT PAS CLIVÉES ⚠

C’est pas “le Joker”. Faut arrêter les conneries maintenant.
C’est pas “un jour bien un jour pas bien”.

La config “un jour bien un jour pas bien” est juste atroce. Oui, ça arrive. C’est d’une violence inouïe et ça épuise totalement. C’est pas un sujet de blague.

C’est dur pour les autres mais aussi pour nous.

Et c’est très rarement des changements aussi brutaux que ce que tu vois à la télé. Encore une fois, ça arrive, mais quand ça arrive, ça tue. Les swap suite à de gros gros stress me coûtent beaucoup.

Donc arrête de dire “bipolaire” ou “schizophrène” pour désigner quelque chose qui connaît deux états. Je sais que ça fait style dans les gros titres mais c’est hyper blessant en fait.
Comme dire “autiste” dans ces mêmes journaux : stop.
Pis comme pour toutes les pathologies mentales, d’ailleurs : vos gueules.

⚠ ON EST UNE SEULE ET MEME PERSONNE MERCI BIEN ⚠
(j’ai déjà bien assez d’une seule personnalité).

Le coup du swap entre les deux personnalités, c’est une légende et je suis triste de me sentir obligée de le rappeler.
En mode maniaque, j’ai aussi des pensées suicidaires, je peux aussi avoir de gros coups de mous. En phase dépressive, je peux avoir des sursauts d’énergie, des micro-phases maniaques quand quelque chose cause une grosse grosse hype dans ma tête ou en cas de stress.

C’est un glissement entre les deux états, pas un interrupteur magique.

⚠ ON NE MANGE PAS LES ENFANTS NON PLUS ⚠

Les personnes bipolaires (et schizophrènes) sont en général beaucoup plus dangereuses pour elles-mêmes que pour les autres…et sont souvent VICTIMES plutôt que coupables de violences.

🎁🎁🎁

Avec le temps, on apprend à se connaître.

Si on en a l’occasion.

J’ai vécu mes premières phases de manie durant mon adolescence. J’ai pris des risques inconsidérés. J’ai testé pas mal de drogues différentes, j’ai picolé et fumé comme pas possible. J’en étais au point où, sans la bonne rencontre au bon moment, j’aurais totalement sombré. J’ai dû mon salut au mec qui allait me péter le nez 😐

Mais j’ai vu, le virage. Et j’étais vraiment pas bien engagée.
Je respecte infiniment les usagèr-es de substances, et pour cause, mais je suis heureuse d’avoir su m’arrêter à temps, parce qu’en roue libre, j’y aurais plongé la tête la première.

C’est ça, aussi, la bipolarité. Plonger la tête la première, et se rendre compte une fois redescendue qu’on est dans une merde noire.

Je suis chanceuse, je trouve. Vraiment. J’ai un diag, tardif, mais quand même, j’ai un traitement, je sais monitorer mes humeurs et anticiper les pièges qui sinon s’ouvriraient sous mes pieds. J’ai une vie stable malgré tout. Un cadre cool.

C’est pas forcément le cas de toustes les potes, quoi.
Je sais que chacun sa route chacun son chemin (Depuis l’annonce de la mort de Tonton David c’est cette chanson qui me reste en tête), j’en ai vu sombrer façon Titanic, devenir des personnes que je ne reconnaissais plus du tout. Des personnes que j’avais aimées, avec lesquelles j’ai pu partager des expériences, et qui se transforment petit à petit jusqu’à t’envoyer des messages longs comme le bras remplis d’insultes.

C’est pour ça que je dis que j’ai de la chance, une chance inouïe, et je m’en rends compte. Parce que la réalité pour beaucoup de bipolaires elle est en mode “hardcore” et, mal accompagné-es, on peut aller très, très, très loin.

Parfois, je me sens réellement comme ça.

 

🍍🍍🍍

Non, c’est pas que de la chance. J’ai aussi beaucoup travaillé à ma stabilité, contre mon propre instinct. Au moment d’acheter notre appartement, y’a 10 ans, j’ai eu une crise énormissime. J’ai eu peur. Très très peur. J’allais m’engager sur quelque chose.

Mon tout premier réflexe a été “On va fuir”. J’ai commencé à élaborer des plans et tout, mais j’ai su m’apaiser. J’ai un partenaire de vie qui sait que parfois, faut laisser agir sans remuer. J’ai stoppé le flux de pensées, j’ai pris mon souffle, j’ai été signer 15 000 pages chez le Notaire.

C’est aussi ça qui m’a apporté cette stabilité : une personne qui supporte ma propre instabilité. Il en aura traversé, des trucs (et t’en traverseras encore haha). Et il est resté auprès de moi ♥
(N’empêche que quand on s’est mariés après j’ai flippé ma race encore pire, et quand j’ai appris ma grossesse là c’était le summum de la prise au piège dans ma tête)

Il sait que je suis sur le fil, en permanence. Ça le fait flipper parfois, mais il a appris à me faire confiance et à me recadrer quand je suis perdue. Il sait que je me raccroche aux branches. Lui, si anxieux, a beaucoup d’occasions de flippance, mais IL SAIT.
Je me connais, je connais les signaux d’alerte. Je sais m’arrêter, même malgré moi. On est ensemble depuis 13 ans, et franchement, sans moi, sa vie serait nettement moins amusante.

🍕🍕🍕

J’ai évoqué la schizophrénie dans ce billet car le mécanisme d’abandon du traitement est relativement similaire.

L’ostracisation également, même si les bipolaires entraînent moins de sourcils levés que les schizophrènes.

Ces deux pathologies ont pas mal de points communs liés à l’expression des crises (les bipolaires aussi peuvent halluciner), mais aussi un milliard de différences au niveau du fonctionnement même de la maladie.

Pour autant, ça me semblait bien de faire ce rappel : on est pas dangereux-ses, c’est vous qui l’êtes pour nous en réalité.

Parce que si j’ai un époux pas mal sympa, j’ai aussi eu des partenaires abusifs, manipulateurs, qui ont complètement su tirer parti de ma maladie. On en parlera dans un autre billet, celui-ci commence à être trop long.

PS : objectification. Oui, j’ai menti.