Heure de réveil : 4h45 (chat, celui-ci, pas l’autre)
CW : ruinage d’enfance, comptines.

Hier, j’ai enfin pu aller au point relais, celui où le mec me hait du plus profond de son être. Je l’ai aidé à chercher mon colis, je l’ai fait rire, le mec était tout surpris et a même fini par me sourire. Il ne m’a pas dit autre chose que “Grmpfhejrghù” mais j’ai interprété ça comme “Bonne journée, au revoir” donc ça va.

J’ai reçu “Mes petits potes des ténèbres” de Denys Moreau. Je sais que ça fait fangirl et que j’en ai déjà parlé 3 fois, mais faut vraiment aller voir ce qu’il fait. Moi, en tout cas, ça me touche énormément.
En plus j’ai eu une dédicace alors j’ai failli chialer. Ouais j’étais un peu on the edge hier, la journée a heu…voilà. Donc c’est tombé à pic. Merci 🙂
>>> http://denysmoreau.com/

Ce matin je vais profiter du fait que notre enfant a choisi de ramener “La Belle et la Bête” pour parler des comptines à connotation sexuelle (ou anthropophage…). Je vais donner des précisions contextuelles mais je ne peux pas forcément étayer des heures sur chaque exemple donc on va dire que “dans le temps” ça recouvre la période entre l’an 345 et 1930, ça marche ? Nan ? Pffff même sur un billet qui parle de comptines on va me demander mes sources.

🦜🦜🦜

Je sais pas pour toi, mais moi j’ai grandi en Lorraine. Et en Lorraine, y’a un truc qu’on kiffe vachement plus que le Père Noël, c’est Saint Nicolas. Ouais, on a double chocolats en fin d’année. On a aussi un Père Fouettard que je n’ai personnellement pas constaté en blackface, contrairement à certaines peuplades du Nord. Mais, soyons franches, mes souvenirs d’enfance ne pèsent pas lourd face au racisme systémique et je vis dans le déni. (Edit décembre 2022 : t’as mal cherché, blackface everywhere)

Alors quand t’habites en Lorraine et que c’est le mois de décembre, tu as des clémentines, des figurines en pain d’épice glacées au sucre, des sablés par wagons, et tu apprends la chanson de Saint Nicolas…

Il était trois petits enfants,
Qui s’en allaient glaner aux champs.
Ils sont tant allés et venus
Que le soleil on n’a plus vu.

S’en sont allés chez un boucher :
« Boucher, voudrais-tu nous loger ? »
— « Allez, allez, mes beaux enfants,
Nous avons trop d’empêchement. »

[…]Ils n’étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés tout par morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.

Quand ce fut au bout de sept ans,
Saint Nicolas vint dans ce champ.
Il s’en alla chez le boucher :
« Boucher, voudrais-tu me loger ? »

[…]« De ce salé je veux avoir,
Qu’y a sept ans qu’est dans le saloir. »
Quand le boucher entendit ça,
Hors de sa porte il s’enfuya.

« Boucher, boucher, ne t’enfuis pas !
Repens-toi, Dieu te pardon’ra. »
Saint Nicolas posa trois doigts
Dessus le bord de ce saloir.

Le premier dit : « J’ai bien dormi ! »
Le second dit : « Et moi aussi ! »
A ajouté le plus petit :
« Je croyais être en paradis ! »

Et nous on chantait ça en primaire, tsé. Normal. Perso c’était le process pour tout réassembler qui me fascinait, bien plus que le cannibalisme.

Mais assez tôt, quand même, tu piges que heu attends il les découpe, les gosses, c’est bien ça ? C’est un peu terrifiant, non ? Ça coïncide avec le moment où une camarade de classe catholique m’a parlé du “corps du Christ”. Elle a pas compris l’horreur sur mon visage je crois. Je suis un peu littérale. Mais manger le corps du Christ, ça ne m’est jamais arrivé, je ne prie pas pour être bien sûre que ça ne m’arrivera jamais.

Si tu reconnais cette image, alors tu as toi aussi dévoré du pain d’épices à foison 🙂

🚢🚢🚢

Mais pour le cannibalisme, on a “Il était un petit navire” qui est plus connue. Tirer au sort pour bouffer le mousse, tout va bien.

Pour le coup, c’est vraiment arrivé, et pas qu’un peu. Là je pense au radeau de la méduse mais il y a plusieurs autres histoires de croisières qui finissent mal. Spoiler : dans ces histoires, si tu as une personne racisée dans l’expédition, personne tire au sort, c’est elle qu’on mange.

“Au bout de cinq à six semaines, (bis)
Les vivres vin- vin- vinrent à manquer (bis)
Ohé ! Ohé !

[…]On tira à la courte paille, (bis)
Pour savoir qui, qui, qui serait mangé, (bis)
Ohé ! Ohé !

[…]Le sort tomba sur le plus jeune, (bis)
Le mousse qui, qui, qui s’mit à pleurer (tu m’étonnes)
Ohé ! Ohé !”

Heureusement, Dieu-tout-puissant-loué-soit-il fait arriver des poissons sur le bateau et on ne mange pas le mousse. PAS ENCORE en tout cas. Personne ne raconte la fin de l’histoire, je reste dubitative. Moi ça me pose quand même des problèmes d’ordre logico-temporel.
Le mousse invoque des poissons pour pas être bouffé. Est-ce que c’est que lui ou tous les mousses ? Du coup si on peut invoquer des poissons on pourrait parfaitement imaginer un mécanisme à poissons infinis reposant sur la coercition et la peur d’un enfant. Ce serait moche, mais miraculeux. Ah merde, ouais, j’ai rien dit, j’ai compris d’où venaient les poissons.

Mais donc oui, ces histoires de cannibalisme sur les bateaux, notamment sur les très longs trajets, ça arrivait beaucoup, beaucoup plus souvent qu’on ne le croit.

🐰🐰🐰

On a aussi moult comptines à connotation sexuelles, on en a tellement que je vais devoir choisir.

Commençons facile :
“Il court, il court, le furet”
Oui, c’est une contrepèterie. Le curé va donc par ici, et par là, mesdames, je serais nous je ferais gaffe aux petits animaux de compagnie.

Ce n’est qu’au XIIème siècle que l’Eglise a fait “Hey les mecs si je dis que vous vous mariez pas c’est pas un prétexte pour coucher avec tout ce qui bouge, c’est une règle, pas un challenge !”

Donc bah en attendant, le curé, il court tout le bois joli et on en fait une comptine pour enfants. Tout va bien 😅

🐱🐱🐱

“Et la mère Michel lui dit : c’est décidé,
Si vous m’rendez mon chat vous aurez un baiser !
Et le père Lustucru,
Qui n’en a pas voulu,
Dit à la mère Michel : vot’ chat il est vendu”

Elle aussi elle est pas mal.
Déjà, concernant le Père Lustucru, Wikipedia nous dit :
“Lustucru ou le père Lustucru est un personnage satirique imaginaire probablement apparu au début du xviie siècle, en tant que médecin et également forgeron chargé de « reformer » la tête des femmes, à l’aide de ses outils de forgeron, pour les guérir de prétendus maux, en raison de certaines déviances de leur caractère. Cela apparaît donc rétrospectivement comme une tentative (finalement infructueuse) de revanche sexiste, de la part d’hommes inquiets de certaines initiatives féminines d’émancipation à l’époque.”

Bon.
Je toussote. Voilà. On va dire que c’était avant, ça n’existe plus de nos j…et merde à qui je veux faire croire ça ?

Donc la mère Michel perd “son chat” et se faire bien avoir par le Père Lustucru.
Ouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuh le double sens bien dégueu. Cela aura le mérite de nous apprendre que l’image de la vieille fille à chats nous vient de loin. Elle cherche “son chat”, fait confiance, et se fait avoir. Oui, on parle virginité. Elle l’a perdue…ou pas…mais c’est la dinde de la farce dans tous les cas.
Moralité : perd pas ton chat et marie-toi vite, espèce d’hystérique.


🌹🌹🌹

“Sur la plus haute branche, le rossignol chantait :
Chante, rossignol, chante, toi qui as le cœur gai !
Le mien n’est pas de même, il est bien affligé !
C’est de mon ami Pierre, qui ne veut plus m’aimer,
Pour un bouton de rose, que j’ai trop tôt donné.

Je voudrais que la rose fût encore au rosier,
Et que mon ami Pierre fût encore à m’aimer.”

On reste sur la thématique du Précieux Hymen, oui. Fontainement oui.
Pierre vaut pas le coup, bichette. Et les roses ça refleurit en plus, quel exemple de merde.


☠️☠️☠️

“Jean Petit qui danse (bis)
De son doigt il danse (bis)
De son doigt, doigt, doigt (bis)
Ainsi danse Jean Petit.”

Spéciale dédicace à [cette personne que je n’aime plus], que j’ai fait pouffer de rire en expliquant le sens de la chanson. Pouffer, pas hurler, on était dans notre journée méditation pleine conscience chez les nonnes bouddhistes de Noisy Le Grand. Et en silence, surtout. Du coup quand j’ai vu la chanson indiquée qu’on allait chanter toutes ensemble, j’ai eu un grand sourire, elle m’a interrogée du regard, et je lui ai soufflé dans l’oreille :

“Le supplice de la roue, le supplice de la roue. Bonne chance pour le silence, bisou”

Hé ouais. Jean-Petit a pas mal de très bonnes raisons de “danser”

Wikipedia casse encore un peu plus nos enfances :
“Chirurgien à Villefranche-de-Rouergue au xviie siècle, un Jean Petit fut, en 1643, l’un des deux chefs de file de la révolte des croquants du Bas-Rouergue. Capturé par les troupes royales, il fut roué en place publique. De là, selon certains, la chanson Jean Petit qui danse. Cette hypothèse, actuellement retenue, a été fortement soutenue dans les milieux occitanistes des années 1970 et 1980.”

J’avoue que regarder des gosses chanter cette chanson, ça provoque toujours en moi une hilarité parfois contenue, souvent non. Du coup si je rigole en public je dois expliquer le truc mais je ne peux pas m’en empêcher, je revois trop la tête de Béa entre le “Tu fais chier, t’as passé la journée à essayer de me faire marrer alors que je tente de me recentrer sur mon flux intérieur dans la paix” et le “Je ne pourrai plus jamais écouter la chanson sans rire, et je suis instit, merde, qu’est-ce que tu m’as fait ?”

C’est pourtant pas une chanson marrante, mais tu vois, là, je ricane dans la vraie vie et pas que sur mon clavier 🤷‍♀️ alors je prends !

🐭🐭🐭

“Une souris verte
Qui courait dans l’herbe
Je l’attrape par la queue,
Je la montre à ces messieurs
Ces messieurs me disent :
Trempez-la dans l’huile,
Trempez-la dans l’eau,
Ça fera un escargot
Tout chaud.”

Encore une histoire de torture (peut-être) ! L’origine est douteuse, mais évidemment c’est la version cruelle que je préfère. Les supplices de l’huile bouillante et de la noyade chantés par des enfants, mais ouais, pas de souci !

Il y a également une version sexuelle dans laquelle l’escargot tout chaud, bon, t’as compris.
“Je la mets dans ma culotte,
Elle me fait trois petites crottes.”

OUAIS OUAIS C’EST ÇA.
Un escargot/souris/furet et re-escargot derrière, hum ?

Donc je ne sais pas pour celle-ci. Elle parle très probablement de torture avec des sous entendus sexuels, je ne peux que spéculer. Dans tous les cas, dès toute petite j’étais verte pour la souris qu’on trempait dans de l’huile et de l’eau, le seul truc qui m’obsédait était que son pelage devait être tout graisseux et que l’eau n’accrochait pas donc ça servait à rien de le faire dans cet ordre, WTF ? Puis c’est pas sympa en plus, attraper une souris par la queue ! Puis de la noyer dans de l’huile ! C’est quoi cette chanson ? Et de quel droits ces messieurs de mes deux viennent me dire quoi faire avec ma souris verte, hein ? Hein ?

Ma souris verte je vais lui faire un petit nid dans une grande grande cage (pour la protéger des chats) et lui donner tout ce dont elle a besoin, la pauvre. Vous êtes des monstres !

(Jean-Petit, non, ça va, toujours amusant, juste à écrire ça je recommence à rire)

💦💦💦

Attention, chanson de la nausée matinale :

“À la pêche aux moules, moules, moules
Je n’veux plus y aller maman
Les gens de la ville, ville, ville
M’ont pris mon panier maman
Les gens de la ville, ville, ville
M’ont pris mon panier maman

Quand une fois ils vous tiennent, tiennent, tiennent
Sont-ils de bons enfants
Quand une fois ils vous tiennent, tiennent, tiennent
Sont-ils de bons enfants
Ils vous font des petites caresses
Et des petits compliments”

Là quand même, non pas que je sois une féministe acharnée (hum hum), mais en terme de culture du viol, wow. Entre ça et les chansons sur la virginité, on a de quoi acculturer encore quelques générations avec nos conneries. Je dis ça sans rire (attends je vais repenser à Jean-P…voilà), c’est avec des doubles sens comme ça qu’on fait entrer des trucs dans nos têtes. J’ai beau ne pas trop trop (hum hum) apprécier la psychanalyse, je pense que tout ce qui est sous-entendu est perceptible à tout âge, qu’on le comprenne ou non. Et plus on avance en âge, plus on comprend, mais ces comptines, on les connais déjà tellement par cœur qu’elles sont gravées dans le marbre de notre palais intérieur.

Alors, non, Georgette, tu peux aller pêcher les moules, on va venir avec toi et marave leur face à ces bourgeois qui se croient tout permis !
Et puis on va leur faire bouffer notre filet à moules.
Et puis on va les mettre sur un petit navire mais sans mousse à bord.
Et puis on va les faire danser, ouais, t’inquiètes, Georgette, qu’on va les faire danser façon Jean-Petit, ces connards.

Allez, viens, je vais te faire un thé et on va se préparer pour le dépôt de plainte, mon petit cœur ❤️
Tu n’es pas coupable, ce n’est pas à toi de ne plus aller pêcher les moules. Tu as le droit de préférer les moules aux bigorneaux, avec leur petite tête toute bizarre, là. Moi aussi j’aimerais préférer les moules, tu sais…

Ce cringe intersidéral…

🪓🪓🪓

“Jeanneton prend sa faucille
Larirette, larirette
Jeanneton prend sa faucille
Pour aller couper du jonc (bis)

En chemin elle rencontre
Larirette, larirette
En chemin elle rencontre
Quatre jeunes et beaux garçons (bis)”

Va pas voir toutes les paroles, pour le coup. Genre vraiment.

“Ce que fit le quatrième
Larirette, larirette
Ce que fit le quatrième
N’est pas dit dans ma chanson (bis)

Vous vous voulez l’savoir, Mesdames
Larirette, larirette
Vous vous voulez l’savoir, Mesdames
Faut aller couper du jonc (bis)”

Ouais, toi aussi va dans la gueule du loup, t’as raison.

La question que je me pose depuis ma plus tendre enfance c’est pourquoi, alors qu’elle est armée d’une faucille, Jeanneton ne se défend pas. Je me sens d’autant plus proche d’elle qu’on a presque le même prénom, du coup j’ai entendu cette chanson assez régulièrement. Et dans ma version perso, je me défendais, vu que j’étais armée, d’une faucille en plus, la gloire du communisme en action, tout ça. C’est faux, j’étais trop jeune mais c’est la règle : quand tu parles de faucille tu parles des camarades.

Maintenant je sais pourquoi elle ne s’est pas défendue (la sidération) et cette chanson en est d’autant plus amère à mon coeur.

Je sais pas si ça rassurera la Jeanneton du passé mais un jour j’ai fait fuir un agresseur en lui collant mon poing dans la tronche et en l’assommant. L’honneur est sauf, ma soeur, l’honneur est sauf !


🍂🍂🍂

“Nous n’irons plus au bois,
Les lauriers sont coupés,
La belle que voilà
Ira les ramasser

Entrez dans la danse,
Voyez, comme on danse,
Sautez, dansez,
Embrassez qui vous voudrez.”

Celle-ci parle de la fermeture des maisons closes ordonnée par Louis XIV
Wikipedia nous dit :
“Sous l’influence de madame de Maintenon et face à une épidémie de maladies vénériennes, le roi signe l’ordonnance du 20 avril 1684 qui renforce les pouvoirs de la police et instaure le délit de prostitution. Les maisons de passe arboraient une branche de laurier au-dessus de la porte, ce qui explique le début de la chanson « Nous n’irons plus aux bois, les lauriers sont coupés ». Dans une autre version, Mme de Maintenon aurait demandé au roi de couper les lauriers du parc de Versailles car on y trouvait autant de filles que d’arbres”

Politique putophobe en France : since 1684 (au moins)

🍆🍆🍆

Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot.
Ma chandelle est morte,
Je n’ai plus de feu ;
Ouvre-moi ta porte,
Pour l’amour de Dieu.

Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
« Je n’ai pas de plume,
Je suis dans mon lit.
Va chez la voisine,
Je crois qu’elle y est,
Car dans sa cuisine
On bat le briquet. »

Au clair de la lune,
L’aimable Lubin
Frappe chez la brune,
Ell’ répond soudain :
— Qui frapp’ de la sorte ?
Il dit à son tour :
— Ouvrez votre porte
Pour le dieu d’amour !

Au clair de la lune,
On n’y voit qu’un peu.
On chercha la plume,
On chercha le feu.
En cherchant d’la sorte,
Je n’sais c’qu’on trouva ;
Mais je sais qu’la porte
Sur eux se ferma…

Psst : “Battre le briquet” ça veut pas toujours dire “allumer le feu” au sens littéral. Ça veut aussi dire “mettre le feu” au sens figuré wink wink. Donc l’ami Lubin a des soucis de chandelle en berne et va voir chez la voisine, des fois que.

C’est avisé. Je dis pas 😅

🐨🐨🐨

Il y en a pas mal d’autres, mais j’ai pas toute la vie ce matin, donc on va se dire qu’on profitera d’un autre morning miracle pour aller fouiner. Fureter. Hahaha. Pardon.

J’espère qu’à partir de maintenant tu rigoleras de manière irrépressible à l’évocation de Jean-Petit, c’est tout ce que tu mérites. Surtout si tu as des enfants 😈

“Ah ouais gentil coquelicot, ouais c’est bien mon chaton, pas de souci, on se fait la souris verte après ou comment ça se passe ?”