Heures de réveil : 2h07, 4h23 (moi, chats)
Chuis fatiguée et j’ai la crève.
Autant pour mon miracle morning. En plus j’ai été réveillée par un chat qui voulait absolument CES câlins-là MAINTENANT et c’était mignon donc je ne suis même pas fâchée.
Bon, on va parler d’un truc dont je voulais parler mais que j’ai oublié mais que j’ai retrouvé ce matin par hasard, bref.
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🌼 Si je te dis “L’autisme du gouvernement” tu penses immédiatement à des gens qui ne savent pas du tout communiquer et comprendre la vie de leurs concitoyen-nes.
🌼 Si je te dis “Une situation schizophrène” tu penses à une situation à deux faces qui ne trouve pas d’issue.
🌼 Si je te dis “La bipolarité du gouvernement” tu penses aux rapides changements d’avis qui surviennent de manière imprévisible.
Ces trois mots sont très parlants, c’est pour ça qu’on les utilise régulièrement dans les médias. On sait à quoi ça renvoie : à un tableau clinique imaginaire qui permet au monde d’être expliqué simplement.
Ça sert aussi à pathologiser les erreurs humaines au lieu de rendre leurs auteurs responsables, c’est pourquoi les mecs qui tuent sont des “forcenés” ou “de grands malades” si on en croit les commentaires de n’importe quelle publication concernant un féminicide.
Alors, déjà :
🪐 Plein de personnes atteintes de TSA savent communiquer, en tout cas de manière bien plus efficace que 27 Jean-Mi Blanquer réunis.
🪐 Les personnes schizophrènes n’ont pas toutes deux personnalité ou plus. C’est même plutôt rare. Ma sœur a été concernée. Bah elle maniait pas la même schizophrénie que le gouvernement, on va dire 😅
🪐 Les personnes bipolaires n’ont pas d’interrupteur on/off, c’est assez rare de passer de down à up en un claquement de doigts (j’aimerais tant !). La descente est plus facile mais c’est pas souvent immédiat.
Entre la réalité des affections et ce qu’on nous vend, il y a un monde. Utiliser des expressions de type “en plein délire hallucinatoire” ou “taré-e” c’est ne fondamentalement pas connaître les hallucinations ou la folie.
Le souci, c’est que le “oh c’est pas grave” transmet et renforce ces idées fausses sur les maladies psychiatriques. Et qui se prend les assiettes cassées pleine poire ? Nous.
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Un jour, tu vas venir à la maison et réaliser seulement à postériori que tu as échangé toute la soirée avec plusieurs personnes autistes et que c’est une meuf bipolaire qui t’a filé ta bière. Oui, les autistes savent parler 😳
Le jour où tu vas rencontrer une personne schizophrène tout en connaissant sa situation, peut-être que tu auras ces idées en tête, peut-être que tu auras PEUR 👻avant de réaliser qu’en fait personne ne t’a coupée en rondelles et que tu as même passé un bon moment.
Je peux comprendre l’angoisse face à la bipolarité et à la schizophrénie : ce sont deux pathologies qui ont déjà provoqué des passages à l’acte absolument effroyables et ça fait partie de mes angoisses. Heureusement (pour toi), les passages à l’acte sont le plus souvent auto-infligés.
💀 Les infirmières de Pau, par exemple : crime effroyable, atroce, sans logique. Le coupable était un ancien patient atteint de schizophrénie.
Ce que tu ne sais pas, c’est que sa mère s’est battue pendant des années pour qu’il soit soigné et pris en charge en psychiatrie, sans succès : on lui rendait dès que les médicaments calmaient le fils. Pas de véritable prise en charge ou de suivi, Romain Dupuy était en appartement et a fini par ne plus prendre son traitement. Genre c’est pas du tout un truc classique, l’arrêt des médicaments…🙄
Ma sœur n’a tué personne (elle a tenté, plusieurs fois, mais ça n’a pas marché jusqu’à présent) mais elle est sur le même schéma d’abandon de la thérapie au profit du cannabis que Romain Dupuy. Si tu me suis depuis longtemps, tu sais que je fume. Je ne juge rien, je serais hyper mal placée parce que je vais dire que c’est pas forcément une bonne idée de fumer ou boire en étant atteint-e de pathologies mentales “lourdes”. Je suis atteinte, je fume, ça se passe bien. Donc ma gueule, hein.
Il y a aussi des incidents avec des personnes bipolaires, des “incidents” avec le même niveau de violence qu’avec des auteurices schizophrènes. J’ai pas envie de décrire mais ça peut aller très très loin en crise psychotique 😢
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Ce qui inquiète, c’est cette imprévisibilité de façade.
Parce qu’il y a une chose qu’on ne répète pas assez : on connaît nos pathologies, on est très très nombreuxses à savoir les gérer plus ou moins correctement. Si on sombre, c’est rarement une surprise. Je ne peux pas présumer de l’entièreté des patient-es psy mais en général, on “sent” qu’il se passe des choses, c’est pas un claquement de doigt et pouf pouf.
🌇 Elisa Lam, la femme qui a fini dans le réservoir d’eau du Cecil Hotel à Los Angeles (la vidéo creepy de la meuf qui entre et sort de l’ascenseur, tu sais ?) était en crise depuis plusieurs jours au moment de son passage à l’acte, son taux Lithium était très bas (elle ne prenait plus que la moitié de son traitement). La veille de sa disparition, les colocataires de sa chambre ont demandé à ce qu’elle parte car elle agissait bizarrement. Elle s’est retrouvée seule, exclue, en pleine crise psychotique, elle a décroché.
Personne ne s’est dit “heu y’a un gros souci, elle est pénible, ok, mais c’est clairement pas un problème de personnalité, y’a autre chose” parce que personne ne sait reconnaître un trouble psy et que personne ne sait comment réagir face à une personne en crise.
D’après mon cercle amical et mon expérience, c’est à dire d’après que dalle, les patient-es psy sont PLUS conscient-es de leur état que tu ne le penses.
On parle traitements, mécanismes de coping (compenser/faire face), on se soutient lors des crises, on se donne des conseils. Pas tout le monde, c’est dommage, pas tout le temps ni partout, c’est dommage aussi. Lorsque la parole se libère, ça fait tellement de bien…et ça nous apprend des choses sur nous et les autres.
En gros, la vaaaaaste majorité des personnes atteintes de troubles psy “masquent” leur pathologie avec différentes stratégies comme l’humour ou la surcompensation. C’est rentable mais extrêmement vorace en énergie vitale.
On navigue chaque jour entre des personnes dépressives, anxieuses, bipolaires, autistes, TDAH ou schizophrènes sans nous en rendre compte. On est bien plus nombreuxses que ce que tu ne crois, en réalité.
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Du coup, moi, concernée, ça me fout en rogne qu’on utilise mon affection pour MAL définir une situation.
La bipolarité c’est pas une pièce que tu tires à pile ou face. C’est rarement des phases aussi nettes que ça. Heureusement, parce que ça nous laisse le temps de sentir qu’on change de direction. Oui, en fait, c’est comme dire qu’un bateau peut pas faire demi-tour en 3 secondes. Ça prend du temps.
On dit “un gouvernement autiste” pour ne pas dire “des gens qui prennent les décisions sans toi et qui en ont rien à battre de toi, de toutes façons”. C’est tellement peu proche de l’autisme tel que je le vois tous les jours que ce serait presque comique si ce n’était pas si dommageable. Je préfèrerais de vraies personnes autistes au gouvernement, finalement 🤔
Tout ça renforce une idée totalement fausse qu’on se fait de ces pathologies ET des individus. Ça nous rend mauvais-es. Dangereuxses. Prêt-es à dégainer le couteau de boucher astucieusement caché dans nos grandes poches pleines de choses mystérieuses alors que heu non.
☢ En renforçant les stéréotypes à force de puiser dans le lexique psychiatrique pour expliquer des choses, on nuit gravement aux personnes atteintes de ces pathologies.
T’as déjà lu la peur dans les yeux des gens après avoir prononcé un seul mot ? C’est ce pouvoir-là. Tu dis “bipolarité” et je te jure que ça marche. “Je suis bipolaire”. Les mouvements instinctifs de recul, je les ai perçus. Je suis bipolaire, pas aveugle ni inepte intellectuellement. Même chez certaines personnes proches, j’ai perçu cette réaction de recul et ça a été effroyablement douloureux. Alors que j’ai pas changé, j’étais déjà malade avant, le diagnostic terrifie et pour être honnête j’en ai parfois fait des crises en réaction aux réactions.
☠️ Lire la peur chez ceuxlles qu’on aime, c’est insoutenable.
Ça ajoute de la distance entre toi et les gens normaux. Je ne met pas de guillemets à normal, parce que ce qu’on nous renvoie à la face en permanence c’est notre propre anormalité alors merde, hein, vous pouvez tolérer un mot sans guillemets.
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Continuer à utiliser ces expressions perpétue le schéma toxique. Faut pu faire ça, s’il vous plaît.
🧩 Moi, j’aimerais bien qu’on parle des pathologies psy ou des neuroatypicités, pour les faire comprendre au reste du monde, de manière plus factuelle que l’image mentale qu’on s’en fait. J’aimerais bien, par exemple, qu’on en parle à l’école. Sur une classe, il y a forcément des élèves qui souffrent d’une ou plusieurs pathologies.
Tu imagines, toi, préado, te rendre compte que tu perçois le monde différemment sans pouvoir l’expliquer ou demander de l’aide ? A des moments…j’ai cru que je devenais folle haha. Les premières crises d’angoisse sont terrifiantes, pourquoi on explique pas aux enfants que dans tous les cas, une crise d’angoisse ne peut pas t’étouffer parce que le corps a des réflexes de survie ? Tu sais combien de crises d’angoisse j’ai faites avant d’apprendre ça ? Moi non plus, je ne sais pas, c’était une question rhétorique.
Est-ce qu’on apprend à l’école comment gérer une personne en pleine crise ? Comment se protéger, évaluer la situation et la gravité, mettre la personne à l’abri, décider quoi faire ensuite ? Ah mais ouais, c’est comme la réduction des risques pour les substances et l’éducation sexuelle, c’est en option parce que ouhlà sujet tenduuuu pour les parents.
🧩 Ce serait bien qu’on parle pour de vrai de tout ça. Être autre chose qu’une folle furieuse instable et dangereuse ça m’irait pas mal.
Et ça, ça passe entres autres par l’utilisation du langage.
On utilise des termes pour mal définir des situations, ça définit mal les situations et en plus ça porte préjudice aux concerné-es.
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🥺 Instant confession : j’utilise toujours des expression genre “de ouf” et parfois “halluciner”. Beaucoup plus le premier car selon moi c’est comme “putain !”, ce sont des termes utilisés comme interjections. Je ne m’interdis pas ces termes, je ne les utilise pas souvent, mais je les utilise.
Le souci c’est que le champ lexical de la psychiatrie est parlant et que les tableaux cliniques peuvent faire de “bons” descriptif de choses surprenantes. La maladie mentale c’est tout une somme de mystères mystérieux qui sortent du cadre social.
Mais c’est pas une raison.
On a plein d’autres mots, c’est pas non plus un effort de ouf (tu vois), arrêtons de céder à la facilité.
🐾 Tu vois, moi, j’écris. Oui, tu sais. J’écris “sérieusement” depuis que j’ai 30 ans. Quand je suis entrée en féminisme, j’ai découvert tout ça ET ÇA M’A FAIT CHIER.
D’abord, j’ai regretté ces expressions parce que ça me coupait de tout un lexique pourtant si riche, puis ça m’a fait chier de les regretter alors j’en ai oublié la plupart. Mais réactance à mort au début, oui. Qui se permet de me commander ?
Ensuite, j’ai réalisé les implications qui allaient au delà du simple “on nous censure” : il s’agissait de respecter les personnes. J’ai fait le lien rapidement car j’ai un peu travaillé avec des personnes en situation de handicap psy et que je n’ai absolument pas peur des personnes avec des pathologies lourdes. (Me respecter, moi ? T’as bu ?)
💌 Travailler avec des enfants sourds m’a appris l’existence de la communauté Sourde, ça m’a appris la violence institutionnelle et parfois familiale. Je n’ai plus JAMAIS dit “sourd-muet” et j’ai systématiquement repris les personnes qui utilisaient ces expressions parce que je suis chiante. Cette expression a un fondement assez ridicule : on croit que les personnes sourdes ne peuvent pas parler. C’est faux.
En côtoyant aussi des personnes atteintes de pathologies diverses et/ou usagèr-es de substances qui rigolent pas, j’ai pu me rendre compte de la diversité des symptômes, apprendre les comorbidités et pleurer quand l’une d’entre elle partait vers le Grand Néant, toujours, toujours, toujours de sa propre main.
C’est ça, le plus grand risque en fait, bien plus grand que celui de cacher une lame dans ses bottes. L’auto-suppression. J’ai pas envie de chercher le taux de mortalité mais tous les potes suicidés étaient atteints de pathologies psy.
✴ J’ai maté, forcément. De 10 à 15% des personne atteintes mettent fin à leurs jours.
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Connaître, c’est le début de l’acceptation et du respect mutuel.
Il FAUT qu’on apprenne aux gens ce que c’est, réellement, que la maladie mentale. La psychiatrie, c’est vraiiiiiment pas ce que tu crois.
▶ Tout ça passe aussi par la cessation de l’emploi des termes comme “fou”, “schizophrène” ou “autiste”. Ne serait-ce que par respect pour nos mort-es.
Je vise surtout ici les gros titres des journaux, oui. Ceux là même qui psychiatrisent les auteurs de violences. Les auteurs sont souvent des gens totalement neurotypiques. Les hommes cis hétéros qui tabassent leurs compagnes ne sont pas fous. Ils tuent. Dire qu’ils sont fous, c’est faire croire que le problème vient d’eux uniquement et pas de la culture du viol dans laquelle on baigne.
▶ Si un individu est fou et tue, c’est un cas isolé, pas de bol.
Mais si il n’est pas fou ? Cela implique qu’il a commis l’acte en pleine possession de ses moyens et qu’il y a autre chose qui a joué. Autre chose comme la misogynie, par exemple.
Les tueurs incel ne sont pas fous : ils haïssent les femmes et les assassinent pour se venger du système si injuste avec eux. Le système en question ? La masculinité toxique qui fait croire aux conneries genre male alpha. Paye ta logique.
Au lieu de nommer les choses précisément, on pathologise. C’est plus facile de tabler sur la folie que de se poser des questions douloureuses sur notre système d’exploitation au sens strict.
▶ Alors on utilise des raccourcis, pour pas faire face au plus grave de tous les problèmes : le monde va mal et les sociétés sont toutes pétées. Pathologiser, ça a quelque chose de très rassurant. C’est pas nous, c’est pas le système, c’est cet individu qui a pété un câble.
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Est-ce que ça te rappelle quand on te fait porter tout le poids de l’écologie en te demandant de faire pipi sous la douche ? Ou quand on te dit de “consommer responsable” sauf que c’est hors de portée, financièrement ?
Individualiser les solutions est une très bonne stratégie d’échec. Plutôt que de blâmer les grands groupes industriels on te regarde mal si tu cherches des pailles en plastique. Osef de la COP26, faut trier encore plus.
Or, seuls 25% de nos déchets sont effectivement recyclés, 2 à 5% sont envoyés dans d’autres pays comme la Chine, la Malaisie ou les Philippines, 67,5% sont incinérés et 7,5% mis en décharge. “Faute de filière” ou pour d’autres problèmes logistiques. Donc au lieu d’envoyer de la thune, on met la pression sur “les petits gestes du quotidien” et c’est nous qu’on sanctionne en supprimant des produits de consommation et en les remplaçant pas des produits plus chers mais en bois. Zéro déchet, beaucoup de rendement.
C’est un mécanisme assez similaire, en fait. Au lieu de se dire “Tiens, on a des féminicides, faut faire un truc” on psychiatrise. Au lieu de se dire “Tiens je suis journaliste je connais plein de mots” on psychiatrise.
🤩 Habile !
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Après, tu fais ce que tu veux. J’écris tout ça pour que tu le saches. Si tu as des habitudes littéraires que tu veux conserver, fais-le. Je n’ai pas à juger de tes choix ou à te punir, c’est pas mon taff.
C’est à toi de te poser la question.
🤔 Attardé ? Débile ? Maniaque ? Tordu ? Cinglé ? Dément ? Dingue ? Névrosé ? Lunatique ? Écervelé ? Halluciné ?
Le dictionnaire des synonymes est là pour t’aider, j’ai compté 176 synonymes de “fou” dont pas mal passent totalement, genre “prodigieux” ou “farfelu” (non ça c’était juste pour dire “farfelu”)(farfelu !). C’est donc techniquement possible de ne pas utiliser d’expression psychophobe ! Si si !
Sur ce, je vais aller compter mes petite pilules roses pour remplir mon pilulier, histoire de ne pas me retrouver en train d’essayer de marcher sur la Marne sans les mains ❤️