Heure de réveil : 3h21 (enfant, chats)
Teasing : Erzsébet Báthory (aucune description gore mais pas non plus children-friendly)

J’ai parlé hier de billets sanglants, je vais donc tenter de parler de ça mais j’ai envie de ne parler que des FEMMES qui tuent. J’ai un peu de matière, ça va.

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Je pense qu’en terme de femme-qui-tue, Erzsébet Báthory est une des plus anciennes documentées, et une des plus prolifiques. Les chiffres vont de 37 à plus de 600 victimes. Je te le dis tout de suite, je doute qu’elle ait fait 600 victimes. Et désolée, mais le coup des bains de sang est probablement faux également…

Erzsébet et moi, on est toutes les deux nées un 7 août, mais elle en 1560. Erzsébet est une comtesse issue d’une famille princière hongroise du genre au dessus des lois, avec toute la consanguinité que ça implique (sa mère l’a eue avec son cousin).

Portrait supposé

Ils ont aussi un passif pas piqué des hannetons…
☠️ Etienne Báthory, son oncle, a été célèbre avec la cruauté dont il faisait preuve sur le champ de bataille. Il semblerait qu’il ait emmené Erzsébet pour lui montrer comment on torture et tue les ennemis.
☠️ Gabor Báthory, son cousin, roi de Transylvanie avant de régner sur la Pologne, a fait des enfants à sa sœur Anna.
☠️Klara, sa tante, “jetait dans son lit” tout ce qui bougeait, elle eut 5 maris dont 1 qu’elle étouffa dans son sommeil. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir “un peu” d’estime pour elle, car elle a cassé un peu tous les codes de la féminité dans sa vie. J’ai pas le temps de faire un long aparté mais en gros on l’a décrite comme une nympho alors qu’elle était juste bisexuelle et libre de l’être.

Eux, ils ont pas des maisons de campagne ils ont des donjons de campagne, tu vois.

Tout ça se passe en Transylvanie ou pas loin, un siècle après le règne de Vlad III, dit l’Empaleur.
C’est la guerre un peu tout le temps, la peste et la famine ravagent le pays. Pour situer l’ambiance : c’est nul.

C’était une période violente, que ce soit en Hongrie, en Valachie, en Transylvanie ou finalement PARTOUT. Les violences des nobles sur les pécores étaient fréquentes et totalement normalisées. Ces gens ont fait faire des lois pour spécifiquement les protéger contre toute représailles.

Le système est bien foutu quand tu es aristo quand même. Tu fais les lois pour protéger tes conneries, heureusement qu’aujourd’hui ça ne se passe pas du tout comme ç…et merde.

J’aurais pas voulu vivre à ce moment-là, mais on m’aurait assez rapidement cramée, fair enough 🤷‍♀️

La noblesse pouvait donc à peu près tout se permettre. Genre tu tues une servante par “accident”, tu peux dire “oups, j’ai glissé” et ça passe.

La petite Erzsébet, fille d’une union entre cousins, était très probablement épileptique. Un des traitement était le frottement de sang sur les lèvres, un autre était de donner à manger en fin de crise du sang et un morceau de crâne d’une personne non-malade. Ouaiche 😬

💀💀💀

Promise à 11 ans, “donnée” à 15, lorsqu’Erzsebét s’est mariée son mari l’a initiée à la torture sur leurs domestiques. Parce que c’est un loisir comme un autre, visiblement. Elle devait pas être trop choquée non plus, vu ses origines, son enfance, la période, toussa. Ça lui a même plu, en fait.

On a confié la jeune femme dès ses 11 ans à sa belle-mère pour qu’elle la “prépare à son devoir d’épouse, de mère, tout ça”. L’angoisse totale😱
Durant son stage (son formatage tsé) elle tombe enceinte d’un homme qui n’est manifestement pas son époux, mais l’enfant meurt à la naissance. Le père aussi meurt à la naissance, en fait, après avoir été castré, par principe, par Ferenc, son mari.

Donc genre ça, tu vois, aucun souci, le mec il arrive, il castre et fait exécuter un domestique, tout se passe bien.

Ils se marient et 1575 (4500 invités, la wedding planneuse a dû galérer pour les photos de groupe), Ferenc prend le nom de Báthory. Elle reçoit le château de Čachtice en guise de bienvenue dans la famille, elle y passera la majeure partie de sa vie pour y finir ses jours (J’ai pas tout compris sur le château, il semblerait qu’elle y ait aussi passé son enfance).

Très vite, son époux fait comme tout bon gros virilo qui se respecte : du côté des Habsbourg, il va à la guerre contre les Ottomans. Me demande pas pourquoi, sans doute pour annexer des trucs, des machins, et se massacrer joyeusement. Ils avaient le sens du fun dans le temps, ouais. Le mec il avait déjà 3 ou 4 châteaux, mais il en voulait plus 🤷‍♀️

MEC ! Qu’est-ce que tu va faire de tous ces châteaux ??!
(Comment ça “des cimetières sauvages” ??!)

Mais il repasse une tête de temps en temps histoire de, et finalement Erzsebét et lui ont une première fille, Anna, en 1585, suivie de Katarina et Pál. Ils auront aussi deux enfants morts en bas âge.

Oui, elle a appelé son fils Pál.

Donc, monsieur va guerroyer, elle l’attend au château et se récupère toute la charge mentale du bouzin, mais il meurt en 1604, laissant à sa veuve tout loisir de continuer ses activités criminelles de manière plus soutenue encore.

Château de Čachtice, de nos jours, en Slovaquie à proximité du village de Čachtice.

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Selon les sources, Erzsebét aurait commencé sa manufacture du crime après le premier départ de son mari. Elle aurait tué entre 1585 et 1610 au moins 37 jeunes filles. 37, ce serait celles dont on connaît l’identité, mais on rapporte avoir retrouvé plus d’une centaine de corps dans les différentes résidences.

Pour autant, comme on a vu plus haut, ça ne choquait pas trop et son mari était un peu son mentor en terme de torture. Il arrivait qu’elle lui écrive pour réclamer ses conseils en la matière. NORMAL TOUT EST NORMAL.

Elle était également entourée d’une petite cour : Jo Ilona, sa nourrice, Dorko, sa servante, Ficzko, l’homme à tout faire, Katalin Beniezky, lavandière et Anna Darvulia, sorcière de son état. Chacun’e avait ses tâches assignées : rabattre les jeunes filles, les mettre en condition, se débarrasser de leurs dépouilles et laver les salles de torture.
Une machine bien rôdée, en somme.

Les avis sont partagés au niveau de ses activités avec le sang de ses victimes. Dans tous les cas, le “bain de sang” est hautement improbable mais il est complètement possible qu’elle en ait effectivement consommé ou utilisé sur sa peau. Le coup de la “vierge de fer” (le sarcophage recouvert de piques sur ses faces internes) est également peu probable (je crois que ça a été inventé un peu plus tard).

Je ne compte pas du tout décrire les sévices subis par les victimes, tu as internet, le sujet est bien documenté et heu…ouais, non, ça va. C’est pas le plus important en fait.

Le plus important c’est que tant qu’elle tuait des paysanne, ça allait. Les jeunes filles allaient au château, ne revenaient pas, on filait sans doute de la thune aux parents, et de toutes façons la loi protégeait les nobles.

🍄🍄🍄

A un moment quand même, ils ont eu des difficultés d’approvisionnement. Ben ouais, quand les gens se rendent compte que s’ils envoient leurs filles au château, elles ne reviennent pas, ils additionnent A + B et se disent que ça pue le scam cette promesse de travail bien rémunéré.

Alors, Erzsebét ouvre une école pour filles. Une école pour leur enseigner les bonnes manières, tout ça. Et beaucoup de jeunes filles nobles arrivent. Pas une ne s’en sortira.
Donc là tu te dis, merde, quand même, ça fait gros.
Mais même pas tant que ça.

Dès 1602, un prêtre nommé Istvan Magyari donne pourtant l’alerte.

Mais il faut attendre 1610 pour l’enquête. Le Roi de Hongrie demande à György Thurzo, palatin de Hongrie, de se rendre chez Erzsebét pour enquêter sous le prétexte de “juste passer faire un coucou”. Il va pas être déçu, György.

Assez rapidement, il découvre plus qu’il n’en faut pour accuser la comtesse : cellules remplies de jeunes filles bien mal en point, salle de tortures, “ustensiles de sorcière”, puis une cinquantaine de corps enterrés un peu partout dans ce château.

Pas déçu, non.
Pas déçu mais sans doute un peu la gerbe.

Un autre supposé portrait, le sourire et l’énergie du désespoir un peu.

🦜🦜🦜

Mais tout va bien se passer, t’inquiètes. La comtesse est comtesse et pas une comtesse de pacotille, non, elle est une vraie aristo qui connaît l’ouvreuse. Un marché est donc passé.

Erzsebét ne se rendra pas au procès, seuls ses fidèles iront comparaître. Mais elle sera emmurée dans sa tour pour ne plus jamais en sortir. Sa détention durera 3 ans 1/2, jusqu’à sa mort. Elle avait 54 ans.

Ses assistant’e’s, euxlles, seront bien évidemment torturés et tués.
Leurs témoignages ayant été obtenus sous la torture, d’ailleurs, il est difficile d’y accorder beaucoup de crédit même si ça collait parfois avec la réalité du carnage découvert au château.

Dans les années 80, une théorie du complot est apparue, qui raconte qu’elle a été injustement accusée pour que la couronne récupère ses biens.

Bon.

C’est possible.

C’est invraisemblable mais c’est possible. Et de toutes façons, ça, comme le nombre exact de victimes, on ne le saura jamais.

Perso, j’ai du mal à croire que tout ait été inventé. Il y a quand même pas mal d’indices qui ont traversé le temps jusqu’à nous. Les crimes sont tellement nombreux et tellement commis au vu et au su de tous qu’il me semble difficile d’avoir contrefait autant de documents. Rien que le témoignage du prêtre en 1602 prouve le contraire.

😈😈😈

Cette histoire est passionnante a plus d’un titre.

Elle nous offre un aperçu glaçant de cet espace-temps où la mort violente était habituelle, où les paysans n’avaient que le droit de payer des impôts et fermer leur gueule, où la noblesse avait littéralement toute latitude pour les utiliser comme bon leur semblait.

Parce que tant qu’elle n’a pas tué de jeune fille noble, personne n’en avait rien à foutre. A la fin, je veux dire, les gens se rendaient bien compte que leurs filles ne revenaient pas, mais…rien ne s’est passé. Puis ça a duré des années et des années, les rapt et fausses promesses d’emploi se sont déroulés de plus en plus loin des châteaux car les viviers plus proches s’asséchaient. Donc forcément, les pécores sont pas des imbéciles, on a dû se poser au moins des questions.

Je me dis, quand même, elle a dû se payer une belle enfance traumatique. Le coup de son oncle qui l’emmène sur le champ de bataille pour lui montrer comment il met à mort ses ennemis, la tante Klara qui a visiblement fait son éducation sexuelle très jeune, l’ambiance incestuelle de tout le merdier, le tout sur fond de guerre permanente, c’est moche.

Ça n’excuse rien, hein. Elle aurait pu choisir de ne pas le faire. Plein de gens bien plus traumatisés n’ont PAS tué des dizaines de jeunes femmes à cette période. En plus des multi-traumas, il semblerait qu’elle ait malheureusement eu un tempérament cruel et violent, comme ses ancêtres.

Si on ajoute au goût du sang les traditions “vampiriques” familiales et la consanguinité, on avait un peu tous les ingrédients pour fabriquer la comtesse sanglante.

Je me dis aussi que finalement vivre en 2021 est pas si pire 🤔

On sait toujours pas si c’est elle, mais elle a la même posture et c’est un peu flippant de voir différents visages de la même personne…

👑👑👑

Autant je peux trouver des “raisons” (mille pincettes ici) à certaines femmes qui tuent, autant je n’ai vraiment pas cette pitié pour Erzsébet Báthory.

Oui, c’est le produit de son temps, la quintessence de tout ce qui n’allait pas à ce moment-là. On a donné une ouverture à sa personnalité sadique, on l’a laissée dans la toute-puissance et l’impunité, il n’en faut pas beaucoup plus pour commencer les conneries.

Je pense que la toute-puissance et l’impunité sont deux leviers qu’on retrouve quasi systématiquement chez les tueurses en série, femmes et hommes. Le cas de la comtesse est particulier car ses origines lui ont permis de “diriger” sa vie. Son mari absent, c’est elle qui gérait les affaires. Noble, on acceptait ses “excentricités” et même si elle fut promise à 11 ans, elle a pu garder un semblant de liberté.

Elle a également bénéficié de son genre, car “une femme ne peut pas faire ça”. Je suis persuadée que l’issue n’aurait pas été la même avec un homme (cf. Gilles de Rais). Quoique, Vlad l’Empaleur a fini assassiné, mais pas forcément relativement à ses innombrables meurtres. Je ne sais pas. On a quand même toujours attribué une idée de faiblesse chez les femmes, surtout les mères (Elle était une bonne mère il semblerait, mais vu les critères de l’époque je ne vais pas du tout m’aventurer à affirmer ça), d’où l’incrédulité initiale quand à ses crimes.

Donc voilà : le privilège poussé à son paroxysme, ça donne ça. Et c’est vraiment laid.

Le château de Čachtice est aujourd’hui en ruines (mais son heure d’ouverture est fixée à 10h si tu veux)
Oui, c’est EVIDEMMENT un château hanté, cesse avec tes questions bêtes 😀
Il est maintenant en Slovaquie. C’est les frontières qui ont bougé, pas le château. Je sais pas pourquoi je me sens obligée de préciser ça.

Ce château a 4/5 sur Trip Advisor, les gens ont l’air super contents de la balade et du panorama (sauf un polonais qui trouve ça cher et blindé), mais je n’ai pas lu de commentaire mentionnant des fantômes, désolée.

En tout cas, il y a une buvette.

Une autre vue du château, histoire de changer des portraits flippants

🧛‍♀🧛‍♀🧛‍♀

Sans les descriptions graphiques, le récit est un peu court, mais j’ai aucune envie de partager ce genre de description sur ma page. C’est vraiment pas le plus important.

Par ailleurs, les sources sont tellement anciennes et disparates que c’est très difficile d’affirmer quoi que ce soit de manière précise. Par exemple, le fait qu’elle ait grandi dans le château en question, ou pas. Le fait que selon les sources, son mari avait 19 ou 21 ans le jour de leur mariage. Et deux trois autres détails qui divergent.

Comme je le dis plus haut, je suis persuadée qu’elle a commis beaucoup de meurtres et qu’elle a pu s’en sortir grâce à ses origines et à son influence. Parce que finir emmurée, c’est ptet pas sympa mais ça reste moins atroce que la fin de ses domestiques…

C’est une tueuse très particulière, oui. J’imagine qu’à l’époque elle n’était pas la seule comtesse a être sadique avec son personnel, mais on a pas vraiment d’autre cas documenté. Parce qu’à l’époque, c’était normal.

🧚‍♀🧚‍♀🧚‍♀

En terme d’organisation, de mode opératoire, c’est là aussi assez atypique. Elle agissait avec des complices et les actes de torture qu’elle pouvait infliger sont vraiment surprenant “pour une femme” (pincettes, pincettes). Une grosse part de son œuvre macabre est un pur produit de son époque, couplé avec son sadisme et le sentiment d’impunité. Dans un autre cadre, à une autre époque, elle aurait sans doute également tué, mais probablement pas de manière aussi soutenue.
Elle avait vraiment monté une industrie du crime.

Gilles de Rais procédait plus ou moins de la même manière, avec des domestiques qui lui ramenaient de jeunes garçons. Donc c’est pas un MO inédit, juste très particulier car mis en place dans un contexte très spécial (la noblesse, la violence de l’époque, la facilité à cacher des informations…).

On a pas non plus d’information sur des sévices sexuels. Elle portait atteinte aux parties génitales de ses bonnes, donc, forcément, il y a bien du sexuel, mais je ne suis pas sûre du tout que ça ait été la motivation principale.

Je pense que c’est vraiment une histoire de pouvoir, de contrôle, de toute-puissance et de vengeance. Elle voulait détruire la beauté de ses victimes pour se l’approprier, un peu dans le même mood que les cannibales qui mangent leurs ennemis pour absorber leur force. Je ne me souviens plus si elle consommait le sang, en tout cas elle donnait ses victimes à manger aux suivantes. Ouaiche. Ouaiche. Ouaiche.

Il reste pas mal de questions en suspens et on a toutes les chances que ça reste ainsi indéfiniment.

Conclusion : les aristocrates à la lanterne !!!