Heure de réveil : je ne sais plus, il y en a eu quelques unes…🙄

On continue sur l’étude d’hier sur le désir homosocial, la partie 1 est ici.

🐦 “En sociologie, l’homosocialité décrit les relations fréquentes et régulières entre membres du même sexe qui ne sont pas d’une nature romantique ou sexuelle, telles que l’amitié ou le mentorat. Par définition, elle ne suppose ni l’hétérosexualité ni l’homosexualité et se distingue de l’homoaffectivité (affections fortes entre personnes de même sexe), l’homosensualité (relations sensuelles entre personnes de même sexe mais sans érotisme, comme entre père et fils, mère et fille, camarades militaires ou entre sportifs) et l’homoérotisme (relations érotiques entre personnes de même sexe). Le contraire de l’homosocialité est l’hétérosocialité, où on préfère des relations non sexuelles avec l’autre sexe. L’homosocialité a été vulgarisée par la discussion d’Eve Sedgwick sur le désir homosocial masculin, alors qu’elle avait été définie avant par Jean Lipman-Blumen (en) comme une préférence sociale (et non sexuelle) pour les membres de son propre sexe.”
(Wikipedia)

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Hier, on disait que les hommes évitaient en général les lieux où il n’y a pas d’autre homme pour entretenir cette homosociabilité, et on disait que le capitalisme s’appuyait sur la masculinité pour performer en encourageant les comportements agressifs et violents.

On va continuer là dessus.

Les “mecs tout seuls dans une bande de meufs”, y’en a pas des masses car il est manifestement malaisant pour les hommes, les vrais, tu sais (sarcasme) de copiner avec des femmes. On prête souvent des intentions cachées (le sexe) aux mecs qui fréquentent des femmes. Si il est à sa place ici, alors c’est qu’il doit en tirer un bénéfice. Que ce bénéfice se situe au niveau de la performativité toxique de la masculinité n’effleure personne. C’est impossible d’avoir des amies femmes si c’est pas pour niquer.

Mieux, il arrive qu’une équipe ait “trop de femmes” et qu’on dise “on a enfin recruté un homme, ça va faire du bien !”
Rigole pas, ça m’est déjà arrivé 3 fois dans ma carrière d’entendre ce genre de connerie. Mais “trop de femmes, ça dévalorise la profession”, alors bon…

On décourage ainsi l’accès aux métiers perçus comme “féminins” : assistante sociale, infirmière, sage-femme, nounou. Si l’homme veut un accès à des enfants ou à des personnes en difficulté, c’est forcément pour en tirer une gratification sexuelle. Personne n’envisage la possibilité d’une vocation, non.

Instant honnêteté coupable : Si j’aurais confié mon fils à un homme ? Absolument pas. Parce que moi aussi j’ai grandi avec cette idée et que je sais que l’agresseur est souvent un proche. J’ai été victime, je n’ai plus confiance du tout et j’y peux pas grand chose. Mais le problème est vite résolu : il n’y a pas d’homme assistant maternel dans ma zone et l’Enfant n’en a plus besoin.
N’empêche.

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Autre observation :

🐦 “Vous avez vu comment la conversation a été prise d’assaut ? Il était évident que dès leur arrivée, nous allions devoir écouter leur dernière success story, leur appréciation et leur branlette mutuelle.”

🧲 Ils prennent l’espace, idéalement tout l’espace, et réussissent à attirer l’attention vers eux, quoi qu’il arrive. On doit savoir qu’ils ont la possibilité de débouler à tout moment pour nous interrompre. J’ai beaucoup constaté ça en entreprise. On laisse parler à torrents les mecs (plus t’es gradé, plus tu jactes) et on raccourcit le temps de parole des femmes en les interrompant, en posant des questions à la con ou en faisant des allusions grivoises ou relatives à la présumée incompétence de celle qui parle. J’ai vu ça vraiment, vraiiiiiiiment souvent. Comme je suis une blagueuse moi aussi, j’ai tenté de faire des vannes, et on m’a reproché mon manque de professionnalisme et ma familiarité. On peut donc faire des remarques sur ma tenue ou mes tatouages apparents pendant que je fais une présentation et la situation n’est pas symétrique.

Non, je ne peux pas vanner mon collègue chauve car il est chauve (je ne fais pas ce genre de “vanne” tkt), mais on peut me faire remarquer que mon sweat-shirt Rick et Morty est trop bizarre en faisant semblant d’être ébloui par ce jaune vif plusieurs fois dans la journée, ça n’est ni familier, ni déplacé. Je n’ai plus remis ce sweat et je vais le ressortir du placard dans lequel je l’avais caché, tiens.

Il est sublime, pourtant !

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🐦 “Lorsqu’il est apparu que j’allais postuler pour le poste de chef de département, un collègue masculin m’a dit : “Ma seule objection est que je vais avoir une femme comme manager !”

☣ On dirait presque qu’il faut s’échapper ou se prémunir d’un venin extrêmement toxique qui tue toute forme de vie autour de lui.

Pourquoi cette panique avec l’augmentation du ratio femmes/hommes ? Peur du déclassement ? Peur d’un entre-soi compromis par toutes ces hormones ? Peur qu’une femme “perturbe” en existant ? Peur que les blagues sexistes et récits d’exploits sexuels ne soient plus tolérés ?
Ouin ouin ?

💋 L’avantage à être “entre couilles” (on dit “entre ovaires, nous ??!”) c’est que tout le monde a le même objectif secondaire : maintenir la domination masculine, plus ou moins consciemment, plus ou moins cyniquement. Un mec tout seul ne va pas se dire “Merde, et les femmes ?”, parce qu’il n’y pense pas. L’esprit du privilège est là, il est normal, car le sujet en bénéficie depuis sa naissance. L’homme en question ne va pas se dire de lui-même que le patriarcat est toxique, car le patriarcat lui profite, c’est une question qu’il ne doit surtout pas se poser. Mais ça, il peut plus trop le dire, donc il dit “J’y avais pas pensé” et n’y pense pas. Pour que la question prenne corps, il faut un début de commencement de volonté, et de volonté de perte des privilèges. Pas gagné, quoi.

C’est comme si, tous les jours, j’avais un billet de 20€ dans ma boîte aux lettres. J’ai aucun intérêt ni à ce qu’on s’en rende compte, ni à ce que ça s’arrête. Donc “j’y ai pas pensé oups 20 balles quelle chance dis donc hahaha”. Du déni, de l’hypocrisie, du cloisonnement et le tour est joué.

Et, pour aider, on trouve des raisons “valables” à l’embauche de femmes : obligation de parité, décision de la direction, salaires moins élevés, postes moins prestigieux. Si on embauche une femme, c’est suuuurtout pas pour ses compétences, c’est parce qu’elle apporte autre chose. Des cookies faits maison, de la douceur, de l’écoute bienveillante, de la solidarité et une moindre agressivité dans l’équipe. Ça te semble idiot ? Dis toi que j’ai été embauchée à un poste de cadre uniquement pour ces raisons. Mon CV tenait la route, mais on a admiré mes capacités à communiquer et à mettre les gens à l’aise. J’aurais pu avoir juste un BTS en Infographie, ça serait passé, ils avaient 30 personnes sur 3 services, 30 mecs. J’ai vécu des moments délicieux (non).

🐦 “Si un homme nomme une femme, c’est parce que celle-ci lui plaît ; si une femme nomme un homme, c’est peut-être parce qu’il lui plaît ou qu’il est le meilleur pour le poste ; si un homme nomme un homme, c’est parce qu’il est le meilleur pour le poste (et non parce qu’il nomme à sa propre image) et finalement, si une femme nomme une femme, elle favorise probablement les femmes parce qu’elle est une femme elle-même.”

🤔 Pile je gagne, face, tu perds.

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🐦 “L’accent mis sur les femmes en tant que “problème” a détourné l’attention du lien intime entre les discours sur la masculinité, la rationalité et le leadership. Les hommes blancs, hétérosexuels et de classe moyenne continuent à exercer un pouvoir culturel et financier dérivé des discours éducatifs actuels sur le “bon” leadership – des discours qui associent la masculinité à la rationalité économique, à la force, à la prise de décisions “difficiles” et à l’esprit d’entreprise (Blackmore, 1999). La notion de l'”homme rationnel” organisationnel reste extrêmement puissante et, malgré des exemples contraires, certains hommes de cette étude ont continué à se distancier discursivement de toute notion de comportement émotionnel masculin.”

🔸 Les femmes sont peut-être irrationnelles, mais elles ne constituent pas 90% des effectifs pénitentiaires. Objectivement, il n’existe aucune raison de penser qu’une femme est moins rationnelle. Je suis sûre et certaine que si ça avait été démontré…je vais chercher. Et trouver un truc qui en parle et qui pondère que non, les femmes ne font pas forcément baisser la productivité des entreprises.

🐦 “Pour reprendre l’argumentation de Rosabeth Kanter [1977], il faut qu’un groupe social atteigne une taille critique pour réellement influencer le fonctionnement d’une organisation, changer la nature des interactions et modifier la dynamique de groupe. Dans son article, l’auteure estime à 35 % la taille minimale que doit avoir une minorité pour réellement influencer le comportement du groupe dominant. C’est pour cette raison, qu’analyser l’impact de la diversité dans les entreprises à partir de la féminisation (souvent anecdotique) des comités de direction peut difficilement aboutir à des résultats significatifs ”
(Les femmes influencent-elles la performance des entreprises ? – Michel Ferrary sur Cairn – 2010)

🔸 Par contre, elles font des bébés, et ça, ça fait chier.

🐦 “Sur la période 2002-2006, les quatorze entreprises qui ont plus de 35 % de femmes dans leur encadrement, ont connu en moyenne une croissance de 23,5 % de leur chiffre d’affaires. Les vingt-huit entreprises qui ont moins de 35 % de femmes dans leur encadrement ont connu une hausse de leur chiffre d’affaires limitée à 14,6 %. La différence de performance entre les deux groupes est de 61,1 %. En ce qui concerne la rentabilité (somme des résultats opérationnels sur 5 ans/somme du chiffre d’affaires sur 5 ans), on peut noter que les quatorze entreprises à l’encadrement féminisé ont connu en moyenne une rentabilité de 19,5 % et les vingt-huit autres n’ont eu en moyenne qu’une rentabilité de 10 %. La différence de performance entre les deux groupes est de 96,1 %. En matière de productivité du travail (moyenne sur cinq ans de la productivité annuelle des salariés), les quatorze entreprises à l’encadrement féminisé ont eu une productivité du travail supérieure de 33,9 % à celle des vingt-huit entreprises dont l’encadrement est féminisé à moins de 35 %. En matière de création d’emplois, les quatorze entreprises à l’encadrement féminisé ont connu en moyenne une augmentation de 18,9 % de leur nombre d’emplois et les vingt-huit autres n’ont connu qu’une augmentation de 7,4 % de leur nombre d’emplois, soit une différence de 156,5 %. En revanche, en ce qui concerne l’évolution du cours de bourse, les quatorze entreprises à l’encadrement féminisé, n’ont connu qu’une hausse de 42,1 % de la valeur de leurs actions, contre 64,3 % pour les vingt-huit autres ; soit une différence de performance de -34,5 %”
(Les femmes influencent-elles la performance des entreprises ? – Michel Ferrary sur Cairn – 2010)

 

Part des femmes dans l’encadrement (étude ci-dessus)

 

Part des femmes dans l’effectif total

35%, hein. On est à ça !

L’auteur qui cause plus haut parle de l’implication personnelle dans l’organisation. Et, effectivement, si je me fais envoyer chier constamment, je vais me replier sur moi-même et éventuellement démissionner. Comme j’ai pas fait ça, on m’a juste collée au placard pour invoquer Jeff the Killer en attendant que je me calme.

💀 Ce fut efficace.

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Les femmes font non seulement des bébés, mais doivent ensuite s’en occuper (les enfants sont souvent conçus par parthénogenèse), genre aller les chercher à l’école, s’organiser pour les vacances scolaires et tout ça. Donc on va coller toutes les réunions après 17h30, tu vois ? C’est astucieux, j’avoue. On exclut de fait (et je n’ai jamais réussi à faire changer l’heure de ces réunions) les femmes avec une vie personnelle et familiale.

🧱 On nous trouve moins fiables, plus absentes. Comme beaucoup de daronnes n’ont pas l’énergie de se murger les soirs de semaines, adieu les afterwork ! Elles ont moins d’argent, adieu les restos le midi ! Est-ce qu’on organise volontairement des afterwork en semaine ? J’en sais foutre rien, mais ça arrive assez souvent. Et le lendemain, toi tu es fraîche comme une petite fleur de printemps et tu les vois arriver à 10h, la gueule enfarinée, à se taper dans le dos en matant les photos de la soirée. 10h ? 10h, mais tu étais avec ton directeur, qui lui aussi est rentré tard. Alors ça va le faire. Et ça le fait. Ta collègue qui arrive habituellement tard, elle, se fera licencier (j’ai pas eu le direct du licenciement mais ça a été assez saignant).

Sauf qu’une daronne, justement, elle a une vie. Elle a d’autres choses à penser que l’amour de son entreprise. Donc elle arrive, elle BOSSE EN CAPSLOCK. C’est mon propre vécu, celui de potes, ça n’a rien de scientifiquement prouvé, mais je ne connais pas plus dure au boulot qu’une mère de famille qui doit ABSOLUMENT décoller à 17h pour aller chercher son ou ses enfant(s).

😎 Une daronne, elle sait gérer plusieurs choses à la fois et transcender l’épuisement. Encore une fois, je me base sur mon cas + les potes. Mais après avoir été enceinte, après avoir accouché, après avoir survécu aux 6 premiers mois, la fatigue, c’est pas si grave. Je pensais avoir connu la fatigue, j’ai eu des phases hypersomniaques en début de traitement (16/18h de dodo par jour), mais je me plantais. Je ne connaissais PAS la fatigue. Je ne connaissais pas non plus cette force invisible qui te tire d’un sommeil profond à 3h du mat alors que ton enfant ne va pleurer que dans 10 secondes.

Je suis désormais apte au non-sommeil prolongé. Je peux bosser comme une ouf dès 3h du mat s’il le faut. Je dépasse mes limites, constamment, sur tous les points.

Mais je suis aussi une cible facile : on peut m’exclure juste avec les horaires de réunion et les afterwork.

En tant que travailleuse, depuis que je suis maman, j’admire énormément les femmes qui travaillent en étant mères (et les mères en général). C’est hyper sous-estimé, mais la CHARGE qu’on prend est inimaginable, et on tient le coup. Quand je vois l’état d’épuisement dans lequel j’arrivais le matin après une nuit blanche de gastro de nourrisson, quand je vois ce que je réalisais (mon boulot, en entier), je me dis que vraiment, les mecs qui embauchent ont complètement sous-estimé notre capacité à travailler.

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Et, en tant qu’amie, je vois des potes complètement surmenées avoir des journées ministérielle et sans fin, de la routine du matin au tunnel du soir. Et on le fait. On a pas le choix. L’Enfant dépend de nous. C’est surhumain.

Les femmes sans enfant sont également plus performantes. Elles doivent PROUVER sans cesse leur valeur, elles se battent comme des lionnes et ne se reposent pas sur leurs acquis. J’aime beaucoup travailler avec des femmes. Ce n’était pas le cas avant, car j’ai des attributs dits “masculins” (grande gueule, impulsivité, agressivité éventuelle, tenacité, fermeté sur mes demandes) et je passe bien dans les groupes de mecs. J’ai souvent appris après coup que j’étais un enjeu sexuel, bon. Mais j’ai cédé ces attributs virils contre une bienveillance à toute épreuve. Je reste impulsive, mais j’ai compris, grâce au féminisme, que me comporter en rémora ne servait qu’à valoriser les mecs. J’ai appris à apprécier mes collègues féminines en remettant justement mes propres idées en question.

Evidemment, il y a des contre exemples. J’ai eu des collègues complètement à la ramasse, mais c’est pas si fréquent. On a une obligation de performance, on est surveillées pour être sanctionnées à la moindre erreur, on doit déjouer des pièges grossiers, les femmes compétentes avec lesquelles j’ai pu travailler étaient souvent bien plus que compétentes. Je me souviens de la directrice d’un site sur lequel je travaillais, une ingénieure partie de nulle part, qui s’est battue toute sa vie comme une reine, qui a su s’imposer et qui a obtenu de très bons résultats. Je veux que ce soit elle, mon modèle, pas le directeur libidineux qui m’a un jour posé la main sur l’épaule (il l’a regretté).

J’ai d’ailleurs été victime de harcèlement sexuel, à plusieurs reprises. C’est aussi une manière “à la française” (le troussage de domestique, tsé) d’asseoir une domination et de générer de la peur chez les femmes en contact avec le Puant. Pas de bol, je suis survivante de tellement de saloperies que mon regard suffit à montrer que si tu vires pas ta main de mon épaule, je vais t’en coller une. Je dis ça, sur un poste c’était tellement craignos qu’un collègue surveillait son propre collègue pour qu’il ne vienne pas me voir tôt le matin quand j’étais seule dans le bureau…

Le harcèlement, sous toutes ses formes, sert à maintenir les femmes et les personnes en minorité de genre ou de couleurs en position de faiblesse et d’impuissance.

Photograph. Image orientation: landscape. Black and white.<br /> Part of a set of photographs showing activities at Mount Pleasant (and at King Edward Building), including the work of the Royal Engineers Postal Section, just before the work moved to the newly-constructed Home Depot in 1915.<br /> Photograph taken at Mount Pleasant, London.

Toutes ensemble ! Toutes ensembles !

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Quand aux hommes entre eux…c’est une autre histoire plutôt romantique ❤️

🐦 “Ces manifestations publiques d’intimité peuvent être physiques (poignées de main, tapes dans le dos, bras tendus), verbales ( salut mon gars, blagues et humour, voire insultes) et/ou spécifiques à un sujet (sport, bricolage, voitures, voire badinage sexuel ou “crumpet” pour citer un collègue masculin). Ils déchargent une membrane invisible de proximité entre les hommes impliqués individuellement et qui exclut tous les étrangers (principalement les femmes et très occasionnellement quelques hommes dissidents). Ces hommes aiment vraiment être ensemble, se sentent plus à l’aise lorsqu’ils sont entourés d’autres hommes et mal à l’aise lorsqu’il y a trop de femmes universitaires !

[…]Les liens entre ces hommes dégagent une chimie intime et émotionnelle. Il peut s’agir d’humour ou d’insultes, de tapes dans le dos ou de poignées de main, mais c’est une manifestation publique de séduction et d’appartenance (Kaplan, 2005). Cela ébranle le mythe de l’homme d’organisation non émotionnel (Roper, 1996). Cet aspect était particulièrement évident lors de l’observation des conversations de couloir et des moments informels pendant les événements critiques. Le toucher physique, le souvenir excité de moments sportifs ou de beuveries, les salutations chaleureuses, face à face, main dans la main, qui incluent les initiés du groupe et excluent tous les autres. Invisible : bien que souvent manifestées dans les espaces publics, l’identification des performances masculines comme étant le fait d’hommes ou comme étant masculines n’est souvent pas verbalisée, ni par les hommes ni par les femmes.”

🥰 Leur affection va de soi, leurs conversations ne sont pas “des commérages”, leurs rendez-vous non-mixtes sont parfaitement sains. Ils se perçoivent les uns les autres comme plus compétents et s’encouragent donc, se cooptent entre eux. Le tout en se défendant mollement d’une quelconque intentionnalité, car le deal n’est pas formalisé tel quel. Ils se voient entre mecs, c’est tout, ça ne va pas plus loin, pour eux. Le réseautage ? Du boulot. L’exclusion des femmes ? Elles n’ont qu’à participer et s’incruster, si elles ne le font pas, c’est qu’elles ne le souhaitent pas, et pas du tout parce qu’une soirée “entre couilles” est pas forcément une perspective réjouissante.

Un afterwork c’est sensé ressembler à ça. Note la présence écrasante de femmes.

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“Prends le lead” m’a dit mon directeur. Alors je l’ai fait. J’ai géré des problèmes chiants qui traînaient depuis des années, et on m’a convoqué pour me dire “prends moins le lead stp”. Chacune de mes décisions impactait mon propre responsable, à qui on faisait les remontées, pas à moi, même si j’étais clairement identifiée dans les échanges. On a fini par me demander d’arrêter de prendre des décisions qui fâchent, parce qu’on allait laisser le statu quo et les chaînes de décisions bien au chaud depuis 20 ans.

Pour ensuite prendre les mêmes décisions, évidemment. En moins gentiment formulé, par pure autorité. Pour se venger, on m’a fait refaire un site dont j’avais demandé la suppression. Je l’ai fait. 24h après on me demande de détruire ce site (ce qui était ma demande initiale, le truc était obsolète et pouvait porter préjudice à l’entreprise). Tout ça pour dire “qui c’est le chef ?”.

Claquage de beignet suite à informations contradictoires, ma décision première, mes efforts pendant 2 ans pour obtenir l’aval des protagonistes, tout ça a juste été balayé après m’avoir soutiré 2 jours de boulot pour rien.

🤢 Le directeur libidineux qui raconte ses soirées libertines dans le détail et harcèle suffisamment une femme pour qu’elle démissionne est toujours en poste, lui.

Le directeur qui use de violence verbale soutenue et dit “on les a bien violés” est toujours en poste. Ce sont ses employé-es qui sont parti-es.

Ce que je veux dire en racontant ma vie, c’est surtout que les techniques de fourbasse sont multiples, pour protéger les copains. Le truc est rampant et multiforme, les techniques nombreuses et l’asservissement plutôt facile, finalement. Tout pour préserver le boy’s club, les ententes invisibles, les courtes-échelles pour monter en grade, les choix managériaux, les rendez-vous “entre couilles”, et surtout, l’exclusion des rares femmes qui parviennent à leur stade.

Les femmes présentent une menace : elles font des bébés, et puis elles sont soupçonnées d’incompétence, elles ne peuvent pas s’investir autant car elles ont une vie. Perso, je trouve ça pas mal d’avoir une vie en dehors du boulot. Mais le capitalisme sait que les hommes sont plus faciles à pressuriser jusqu’à la mort pour servir le système. Un homme peut échapper à son devoir de père, par exemple, on va juste dire qu’il travaille beaucoup. Une femme attachée à sa carrière, elle, sera une mauvaise mère. La rengaine, quoi.

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Ainsi, on se retrouve avec des hommes qui entretiennent des relations affectives tout en s’en défendant. C’est pourtant la nature de ces relations : une intimité, une connivence, la confiance, le respect et parfois l’admiration. Les mentors sont rarement des femmes. Lors des discours de remerciements, ce sont des hommes qu’on cite le plus souvent.

Ils aiment les sportifs, les politiques, leurs collègues, leurs chiens, mais n’admettront jamais qu’une femme les a soutenus, inspirés, aimés. Parce que ça, c’est trahir. On admire le travail des hommes et c’est assez facile vu le peu de femmes dans certains milieux. On les admire, on les aime d’un amour bien différent de l’amour romantique ou physique, mais d’un amour indéfectible. Une femme trahit, après tout, non ? On est connues pour ça.

“On dit que derrière chaque grand homme se cache une femme”
Ou comment normaliser le travail invisible des femmes.