Heure de réveil : 4h09 (anxiété, chats)

Je sais pas si ça te fait ça des fois mais moi ce matin, je me suis levée et tout était différent. C’est imperceptible mais je me sens très différente moi-même. La musique est différente, les chats sont différents, et je ne sais pas si c’est normal, si je suis encore en train de prendre les montagnes russes émotionnelles de la Folie ou s’il se passe quelque chose.

Je change comme ça, par à-coups, dans la douleur. Malheureusement il semblerait que mon fils ait lui aussi ce fonctionnement chelou. Il a été «propre» (j’aime pas ce terme, les bébés sont toujours propres) à J+2 de l’entrée en maternelle. Du jour au lendemain, il a tout compris et roule ma poule, de jour comme de nuit. Mais ça s’est fait dans la douleur.
Ce matin, certaines choses n’avaient soudain plus d’importance. Tant mieux, ça me va, c’était moche.

Aujourd’hui, je vais te parler burn-out parental.
Je «genre» mon texte au féminin mais rappelons-nous que des hommes ou des personnes non-binaires peuvent porter des enfants. Chaque personne en possession d’un utérus fonctionnel, en gros.

🐌🐌🐌

Quand je suis tombée enceinte, j’ai pleuré de longues minutes.
De pure terreur. 😱
Ça faisait 18 mois que j’avais arrêté les anti-inflammatoires pour, justement, tomber enceinte sans risque, cet enfant était désiré, mais j’ai flippé ma race. J’ai mis plusieurs jours à réaliser.

Le lendemain, j’ai eu quelques saignements, et là, re-terreur. C’était «la nidation» et l’enfant est né malgré tout, mais j’ai vrillé, j’avais trop peur. On était le 20 décembre, on allait partir dans l’est pour les fêtes, autant te dire que j’ai pas eu mon rdv médical tout de suite. J’ai eu la confirmation de ma grossesse via prise de sang le 24 au matin). J’ai passé les fêtes à me ronger les sangs sur le thème de ce qu’une amie m’a dit, pensant bien faire : «Une fausse couche ça arrive c’est pas si grave».
Flippance au carré. 😓
Au cube.

J’ai attendu l’échographie de datation pour me rassurer.
On a vu le haricot, et on a entendu son cœur.
On a un peu pleuré.
C’était assez tôt le matin, je suis rentrée à la maison à 10h, je me suis posée, et c’était le 7 janvier 2015.
Je suis passée de «joie joie joie» à «On a tué Cabu». Comme tout le monde, je crois, j’ai été «pas mal secouée».

🕊🕊🕊

Après le choc, j’ai fait quoi ? J’ai googlé «risque embryon choc émotionnel». J’ai lu tout ce que je pouvais trouver, notamment cette étude réalisée sur les femmes enceintes au moment d’une grosse grosse coupure de courant au Canada. J’ai aussi retrouvé un article qui rassemble plus de sources
Ayé, mon gosse est traumatisé. 😢
Stress. Un peu panique. Puis tristesse parce que morts et que parfois je ne pense pas qu’à ma gueule. Confusion totale et surtout, début du désespoir de faire venir au monde un enfant dans ce contexte.

Et ça, c’était juste au début.
J’ai acheté un Doppler fœtal pour écouter son cœur. Trop d’histoires d’amies ayant perdu leur enfant tardivement. Peur.

Ce gif mal traduit est la quintessence du boomerisme, je suis joie et amour, quel mignon petit chien que je n’ai jamais vu de ma vie, quelle bonne utilisation de Comic Sans, et MATE MOI CES PAILLETTES (je n’ai pas compris le D de Dorothée mais j’achète)

Aparté :
Oui c’est techniquement un fœtus et je comprends bien qu’on tique sur le terme, rapport aux anti-IVG tout ça, mais ça peut faire du bien d’incarner un enfant pour les parentes, notamment ceuxlles en deuil.
C’est aussi pour ça qu’on peut mentionner les enfants nés sans vie de plus de 26 SA sur le livret de famille, c’est important de leur conserver une place dans la famille, pas forcément dans le morbide genre autel, toussa, mais c’est important de pouvoir évoquer ces enfants quand on en éprouve le besoin, y compris auprès des enfants survivants. C’est un deuil incommensurable, respectons-le.
(Et si tu as connu un deuil périnatal, voici un petit pingouin de consolation, je peux pas faire beaucoup mieux : 🐧)

🐯🐯🐯

Ma grossesse et ma parentalité ont été émaillées de ces micro-angoisses.
Et surtout, je l’ai vécue avec ce sentiment d’avoir définitivement perdu ma liberté. Pour moi, c’était la mort. Vraiment. Je sais que (pas tous) les hommes ressentent ça aussi, mais dans une moindre mesure. Papa peut se barrer aux Seychelles 10 jours à l’improviste, on va se dire que le pauvre en avait bien besoin.

Mais toi, une balade seule chez Babou et t’as l’impression d’être un monstre d’égoïsme. Et pourtant, c’étaient mes seules longues balades à pieds (je devais régulièrement acheter des fringues et tout le merdier, enfin, t’es au courant si t’as un enfant).
Alors je revenais, chargée de trucs de puériculture et de vêtements qu’on n’utiliserait jamais ou trop peu, et je me disais que j’étais un monstre pour avoir laissé mon tout-petit «tout seul» (avec son père).

C’est TOTALEMENT irrationnel (sauf si le papa en question est un dangereux psychopathe) et incontrôlable. J’ai, comme on dit «foiré mon allaitement» (réduction mammaire assez importante, ça remarche pas toujours, ça a pas remarché pour moi), mon level de mauvaise Mamoune était à +15 rien qu’à la sortie de la maternité.

Incompétente.
Même pas foutue de nourrir son enfant.
Ça commence bien, tiens.

@Feodora Chiosea

🐣🐣🐣

And so on…tu connais la chanson.
«Il ne mange pas beaucoup» «Il pleure, dis donc» «Quand il veut pas il veut pas hein haha»

Moi dans ma tête ça fait : uppercut, crochet du droit, German Suplex, rideau. ☠️
Je suis une mauvaise mère. Une daronne en carton.
Irresponsable (Elle fume, elle joue trop, toujours le nez devant son écran, elle porte toujours des Osiris à 38 ans et a les cheveux roses et des tatouages 🙄), incontrôlable.

Si mon fils a les cheveux longs, c’est parce que JE n’ai pas pris les choses en main (absolument pas parce que les séances de coupage de cheveux se finissent façon l’Exorciste au ciseau).
Je ne sais pas si on a autant fait de réflexions à mon mari à la dépose du matin qu’à moi à la récup du soir mais je sais d’avance que non.
Moi j’ai le «Il a frappé un camarade», «Il faut rapporter le cahier de correspondance», «Voici un dessin format A1 à ramener à la maison sans le plier ni l’abîmer, bonne chance !»
Cheveux longs, problèmes de comportement, règlement du périscolaire, matériel à apporter en classe, mots à signer, vêtements à étiqueter, faire ceci cela à la maison pour avancer, etc. tout ça est pour maman, en général. Et j’ai pas parlé des orthophonistes et autres psychomotriciennes qu’il faut caler dans le planning.

🕸🕸🕸

Mon gosse, je l’ai H24 avec moi, en porte-clés comme dit ma copine Béa.
Jamais ça s’arrête, pas un seul instant, à partir du moment où tu es enceinte, c’est foutu, t’es plus seule. Plus jamais seule. Pour une personne comme moi qui aime vivre confinée dans ma grotte, c’est une promesse monstrueuse.

Et un enfant c’est plein de joie et d’amour alors en plus t’es sensée être toujours éblouie, rayonnante de ta maternité bienveillante et solaire, telle une représentation de…la Vierge ? (Mate les représentations de la Vierge à l’Enfant, tu vas comprendre). C’est tout pété, y’a pas de «Vierge à l’Enfant» dans la vraie vie véritable (pour des raisons ÉVIDENTES 🙄 merde), on te ment.

L’esbaudissement maternel existe, je sais au fond de moi que mon fils est le plus bel enfant du monde sous tous les aspects, mais ce gros bullshit de «Maman, le plus beau métier du monde hihi» vient sans doute aussi de cette image de «pureté» de la Mère à l’Enfant, qui quitte le champ des gourgandines à la jupe légère et qui rejoint le camp des Mamounes Sérieuses.

Pis des fois, ça pète. Le vernis s’écaille et finit par tomber. L’épuisement prend le dessus, et ça c’est ton corps qui te dit stop, c’est quoi tes conneries, on va crever à ce rythme-là.
Sauf que toi, t’es une Bonne Mère™, une Bonne Mère™ elle se sacrifie, elle passe après, telle une maman poulpe qui oublie de se nourrir afin de s’occuper de sa progéniture et qui finit par en mourir. Mourir, oui, mais le sens du devoir accompli. C’est important, il semblerait.

A ce stade, tu te rends compte que j’ai totalement zappé nos précieux (pas tous les) Hommes, qui douillent parfois pas mal mais qui, hey, sont quand même bien contents de pas être à notre place, accouchement compris. Le Mamounariat c’est surtout de la solitude féminine, désolée.
Tu peux pas parler de ton envie de te barrer, sauf à tes amies de confiance ou dans l’anonymat d’un groupe de discussions (constitué à 91% de femmes). T’en parles avec la honte.
Des fois tu peux poster «HELP ! Je suis la pire mère du monde, mais j’en peux plus, je vais péter un câble» et ça te fera du bien mais c’est pas ça qui fera que ton enfant deviendra majeur pendant la nuit. On se soutient, on fait pas de miracles mais on est là.

🐊🐊🐊

Chaque défaut de caractère, chaque problème que rencontre ton enfant est causé par TOI, vilaine maman-crocodile qui ne veut pas laisser ses petits partir ! (cf. Lacan, théorie fumeuse la plus délétère pour les mères que je connaisse)
TU ne le laisse pas faire ce qu’il veut mais
TU es trop permissive mais
TU élèves la voix et c’est mal mais
TU ne met pas de cadre à ton fils mais

Et a dure toute la vie. T’es nulle, qu’on te dit, en permanence.
Les mamans bienveillantes anti-VEO sont des personnes formidables. Jusqu’au jour où tu avoues que t’en a plein le cul, et là, outrage.
Tu as les mamans-VEO qui, elles te trouvent trop laxiste et là, outrage aussi.
T’as tout faux, tu fais tout mal, tout le temps, toujours.

💥💥💥

Alors un matin, t’en a raz-la-touffe.
T’as envie d’aller à l’école en pyjama ? Rien à battre, t’auras froid.
Tu ne veux pas manger ? Bah t’auras faim.
T’es pas content parce que je suis sur mon PC (oui il est à moi, il est mourant mais il est à moi) ? Bah va jouer à autre chose.
Merde. Merde. Merde.
«Débrouillez-vous sans moi, trouvez-vous une autre maman, moi, je démissionne.»
(Culpabilité immédiate d’avoir ainsi traumatisé ton enfant à vie)

Je vais le dire en capslock, ça ira mieux :

TU ES UNE BONNE MÈRE
TU AS LE DROIT D’EN AVOIR PLEIN LE CUL
TU AS LE DROIT DE TE REPOSER

Tu sais ce qui m’aurait aidé, plus que le reste ? Que quelqu’un-e vienne garder mon fils une après midi entière. J’ai eu la chance d’avoir des amies proches géographiquement qui sont venues, mais jamais je ne les ai appelées (trop de fierté, trop de honte). Elles m’ont juste dit «ouhlà tu pars en vrille, j’arrive».

Merci d’avoir fait ça

🌪🌪🌪

Parfois, ce n’est pas suffisant, alors tu as envie de partir pour ne jamais revenir. Certaines le font, et si j’ai pu les juger, je ne le fais plus depuis que j’ai un enfant. Ces femmes ne sont pas lâches, en fait. Elles sont courageuses. Elles ne partent pas forcément aux Seychelles, mais elles laissent l’autre parent s’occuper du Précieux au lieu de continuer à se consumer dans une maternité qui ne leur ressemble pas.
C’est extrêmement compliqué d’avouer ses défaillances parentales, encore plus de prendre la décision d’arrêter les frais. Parce que t’es la Mère. Une Mère ça subit, ça pleure en silence en découpant ses légumes, ça sanglote sous la douche et ça gobe du Xanax en douce1.

Le burn-out parental c’est aussi un risque supplémentaire de violences sur les enfants. Vaut mieux prendre le large que de regretter un acte de violence toute sa vie.
Prendre le large tout court, ou quelques jours, quelques heures, allez, 10mn sans «Mamamamamamamaaaaaaaaaan».
10mn de calme c’est l’équivalent de 2 jours aux Seychelles, non ? Ah non c’est l’inverse.

Tu as envie de partir un moment ? Fais-le.
Bon, pas là tout de suite à l’improviste, il est même pas 6h du matin, faut prévoir deux trois trucs, mais tu en as le DROIT.
Rien ne s’écroulera. Tu vas découvrir que ton co-parent arrive à gérer sans toi. Pas à ta manière, mais les choses sont faites. Il sait soudainement tout retrouver dans la maison, comme quoi tout arrive mais, dommage, t’étais pas là pour assister au miracle. Si tu n’as pas de co-parent, je pense qu’on peut trouver une solution avec une amie, les grands parents, ou même une nounou une journée ?

La première journée shopping que j’ai faite en toute liberté a été la meilleure de toute ma vie. Sans mentir. Je suis du genre à prendre le large. J’ai la fuite comme première réponse au stress et heu ça se contrôle pas vraiment. J’y ai déjà pensé et tout. Disparaître. 2 secondes.
Puis juste cette pensée m’a rassurée. Je peux le faire. J’en ai la possibilité.
Et je ne suis pas partie. J’ai réussi à avouer (difficilement) que j’avais besoin d’aide et de temps seule, que j’étais en train de me noyer dans ma parentalité. Mon homme cis hétéro domestique a bien compris le truc et a agi en conséquence. Les copines ont aussi été là pour m’épauler ou me proposer des virées dans les bars. Je soupçonne d’ailleurs les secondes d’avoir contacté le premier pour lui en parler. Merci.

🦆🦆🦆

Même rengaine, allez. TU N’ES PAS SEULE ! C’est normal et je pense que chaque mère est pétrie des mêmes angoisses.

🌸 Si tu te sens submergée, parles-en. C’est important.

Tu n’es pas anormale malgré ce qu’on essaie de te faire croire. La Mamoune parfaite avec ses cakes et ses activités ludiques et non salissantes, la Mamoune Instagram qui proclame son bonheur maternel à la face du monde, ELLE N’EXISTE PAS. Elle aussi elle chiale sous la douche, t’inquiètes. Elle se sent sans doute aussi inadaptée que toi. Oui, même celles qui passent leur vie à dire que la maternité est la plus belle chose du monde en ont parfois plein le cul.

La parentalité c’est comme une guerre de tranchées. C’est étroit, crade, t’as de la merde plein les genoux et de la boue dans les godasses, on pratique sur toi des tortures à base de privation de sommeil et de hurlements incompréhensibles (Astuce : c’est toujours les dents), on te donne des ordres que tu te contentes de suivre car tu es tellement à bout, psychologiquement, physiquement, que tu sais même plus comment tu fais mais tu continues, inlassablement. Et tu avances, centimètre par centimètre en ayant l’impression de faire du sur-place. Pour finalement relever la tête dans le silence soudain et réaliser que ce combat-là est terminé.
Et recommencera à la prochaine poussée de croissance.

On va croire que je fais que de la pub pour mon groupe de parents (Je précise que ce groupe me rapporte pas une thune. Et c’est dommage.) mais je m’en fous et c’est là2

  1. Enfin, moi, en tout cas, c’est ce que je fais. []
  2. https://www.facebook.com/groups/FeministParentingClub1 []
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