Heure de réveil : 5h37 (pas de répit pour les chats)

TW : sectes, donc abus physiques, psychologiques et sexuels (pas de description)

Oui, beaucoup de passages à vide en ce moment, je pense que personne ne voudrait être dans ma tête en ce moment, ou alors par simple curiosité pour voir comment c’est rangé et de quelle couleur sont mes rideaux.

Du coup je vais piocher un sujet dans mes notes, pour reprendre la main, sinon tu vas avoir un texte d’emo girl aux rideaux noirs.

On va donc parler du BITE model. Non, je ne plaisante pas, c’est le terme en anglophonie pour désigner les leviers de coercition sectaires, mais oui tu peux ricaner comme un préado en cours de Bio le jour du cours sur la reproduction. Tu as le droit, personne ne te verra.

🐰🐰🐰

Ce modèle parle de 4 clés de contrôle, d’où l’acronyme tout de suite moins marrant.

Behavior (comportement)
Information (information)
Thought (pensées)
Emotional (émotionnel)

On pourrait donc parler de modèle CIBE en français, sauf que visiblement ça n’a pas été importé ou alors je cherche super mal. Je tombe sur de la culture betteravière quand même donc j’ai un peu cherché. Et comme, franchement, j’ai la flemme, on va rester en anglais (toutes les trads sont de DeepL) et je ferai de mon mieux pour sourcer en français si nécessaire. Pour les non anglophones, bite veut aussi dire “mordre”, ce qui fait beaucoup plus sens et si tu veux en parler autour de toi tu peux dire “baïte” pour garder ton sérieux. Je vais tenter de garder le mien avec l’iconographie.

🐦 “Le modèle BITE de contrôle autoritaire de Steven Hassan
Thèse publiée en janvier 2021 : “The BITE Model of Authoritarian Control : Undue Influence, Thought Reform, Brainwashing, Mind Control, Trafficking and the Law” https://www.proquest.com/docview/2476570146/

Pour beaucoup, la manipulation mentale est un processus ambigu et mystique qui ne peut être défini en termes concrets. En réalité, la manipulation mentale fait référence à un ensemble spécifique de méthodes et de techniques, telles que l’hypnose ou l’arrêt des pensées, qui influencent la façon dont une personne pense, ressent et agit.

S’appuyant sur les recherches et les théories de Robert Jay Lifton, Margaret Singer, Edgar Schein, Louis Jolyon West et d’autres qui ont étudié le lavage de cerveau en Chine maoïste, ainsi que sur la théorie de la dissonance cognitive de Leon Festinger, Steven Hassan a mis au point le modèle BITE pour décrire les méthodes spécifiques utilisées par les sectes pour recruter et maintenir leur emprise sur les gens. “BITE signifie Behavior, Information, Thought et Emotional control (contrôle du comportement, de l’information, de la pensée et des émotions).”
(https://freedomofmind.com/cult-mind-control/bite-model/)

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Je suis sur la thèse de Steven Hassan qui parle d’un cas dépiauté par Sonya Lwu (sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=oT5iQTw7rCY) donc on va commencer par là.

Le 4 février 1974, Patricia Hearst se fait enlever par la Symbionese Liberation Army (un culte politique d’extrême gauche autoritariste). Elle subit des cours intensifs de macramé durant plusieurs semaines et ses agresseurs parviennent à l’endoctriner de sorte qu’elle participe à une des actions terroristes, se fasse arrêter et soit déclarée coupable.

Entre le 4 février et le 3 avril, elle devient elle aussi critique de la bourgeoisie et sans déconner, s’il faut kidnapper tous les gens pour leur faire changer d’avis ça vaut pas le coup. L’autoritarisme, peu importe sa provenance ou son orientation politique, c’est de la merde.

Steven Hassan indique que c’est le deuxième procès au cours duquel le brainwashing est utilisé comme moyen de défense avant de parler de sa propre expérience d’endoctrinement dans la secte Moon. Ce qui est bien car quand les concerné-es parlent…en général c’est plutôt fiable. Il explique qu’en deux semaines, il a vécu une expérience transcendentalo-mystico-religieuse qui l’a foutu dedans.

Privé de sommeil, privé du monde extérieur, Steven garde l’illusion du choix : il est grand, il sait ce qu’il fait. Sauf que rien que la privation de sommeil peut avoir des conséquences dramatiques sur l’esprit. Et ça, je le sais de première main moi aussi. C’est une des techniques utilisées par les conjoints abusifs pour soumettre leur victime : la réveiller en pleine nuit et lui poser des questions violemment ou parler en continu tout en veillant à ce qu’elle ne s’endorme pas. A fortes doses, la privation de sommeil peut conduire à des hallucinations visuelles et auditives et à une désorganisation de la pensée. Couplée à l’isolement et aux sévices, l’esprit se défend comme il peut et finit par accepter son état : plus la peine de lutter, fini la dissonance cognitive, l’apaisement est dans l’adhésion à l’idéologie infligée.

Hassan s’en est sorti après un accident de voiture, récupéré par sa famille et sorti de la secte. Il faudra 5 jours pour qu’il cesse de se mentir et réalise l’entourloupe. A l’échelle géologique, 5 jours c’est que dalle, mais pour nous, pauvres mortel-les, ça reste assez long. Donc c’est pas une super technique pour convaincre un a un tous les droitards, ça fait beaucoup d’investissement pour pas grand chose alors qu’on pourrait les manger.

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On a beau dire que nous, ça nous arrivera pas, non, jamais, cela ne nous prémunit absolument pas de ce genre de mésaventure, que ce soit auprès d’une secte, d’un groupe d’ami-es ou d’un-e partenaire. Pour avoir vécu ce type de situation et en être sortie, je peux dire que c’est même plus facile que ce qu’on croit.

Bon, parlons peu parlons BITE. Je me permets juste de rappeler ici que d’autres modèles existent mais qu’en gros, on est sur le même tableau et que le modèle BITE est le plus récent à ma connaissance.

Le B parle donc de behavior : le comportement.

On parlait privation de sommeil, et bien ça tombe là dedans. Le but est de régir le comportement de la victime en la soumettant à diverses techniques telles que l’isolement, le retrait des relations (couper de la famille et des ami-es), l’uniformisation du monde (tenues, coiffures, accessoires), le contrôle sexuel (qui couche avec qui n’est pas libre), l’affamement (faim + privation de sommeil sont faciles à mettre en place), la prise en main des comptes bancaires, la restriction des loisirs, le changement d’entourage au profit de membres du groupe, l’interdiction de décider par soi-même, l’infantilisation totale, l’utilisation de récompenses et punitions, le kidnapping, la torture et les menaces.

C’est une rééducation violente qui vise à contrôler chaque aspect du comportement de la personne. En la privant de son entourage, on la prive de reality check (“est-ce que je rêve ou pas ?”): si 15 personnes te disent toujours la même chose avec consistance, sans aucune contradiction, elles vont réussir à te faire changer d’avis. Il y a pas mal de travaux sur l’obéissance, notamment ceux de Milgram et Stanford (contestables) qui montrent que n’importe qui est susceptible de se soumettre à l’autorité si on sait lui parler. On a aussi pu évoquer concept de soumission à l’autorité lors des procès qui ont fait suite à la Seconde Guerre Mondiale : dans un cadre de déstabilisation absolue (la guerre), on peut faire faire à peu près n’importe quoi à n’importe qui, surtout s’il s’agit de soldats déjà habitués à dire chef oui chef.

Les crimes de guerre sont, je trouve, de très bons exemples d’assujettissement. En temps de guerre, on ne se comporte pas de la même manière qu’en temps de paix : on subit l’incertitude, la peur constante, le manque de sommeil et de nourriture, on peut être soudainement déplacé-es ou emprisonné-es si ce n’est tué-e ou violé-e. De quoi avoir envie de faire plaisir à qui décide pour ne pas y passer. Je ne dis pas qu’il n’y a que de gentilles personnes privées de leur libre arbitre dans le monde, hein, on a quand même pas mal de personnes réellement malfaisantes dans le lot, mais ça peut expliquer certaines prises de décision à contre-pensée.

Par ailleurs, il est aussi un peu question de la dissolution de la responsabilité, à mon avis. Un bon exemple est la prétendue passivité du voisinage lors de l’assassinat de Kitty Genovese : tout seule on va plus loin, ensemble on reste en groupe. Commettre des actes atroces sous couvert de “j’étais pas la seule !” existe car le groupe est un très bon levier de coercition.

Si 15 personnes te disent pendant 2 semaines qu’en fait ton bleu est du rouge, tu vas finir par y croire et c’est à ce moment que tu bascules dans l’endoctrinement : autant de personnes réunies ne peuvent pas être folles, c’est donc toi qui est folle.

Voici l’ensemble des outils utilisés sur ce segment :

  1. Réguler la réalité physique de l’individu
  2. Dicter où, comment et avec qui le membre vit et s’associe ou s’isole
  3. Quand, comment et avec qui le membre a des relations sexuelles
  4. Contrôler les types de vêtements et de coiffures
  5. Réglementer le régime alimentaire – nourriture et boisson, faim et/ou jeûne
  6. Manipulation et privation de sommeil
  7. Exploitation financière, manipulation ou dépendance
  8. Restriction des loisirs, des divertissements et des vacances
  9. Temps important consacré à l’endoctrinement et aux rituels du groupe et/ou à l’endoctrinement personnel, y compris l’Internet
  10. Permission requise pour les décisions importantes
  11. Récompenses et punitions utilisées pour modifier les comportements, qu’ils soient positifs ou négatifs.
  12. Décourager l’individualisme, encourager la pensée de groupe
  13. Imposer des règles et des règlements rigides
  14. Punir la désobéissance par des coups, des tortures, des brûlures, des coupures, des viols, des tatouages ou des marques.
  15. Menacer de faire du mal à la famille et aux amis
  16. Forcer l’individu à violer ou à être violé
  17. Encourager et pratiquer les châtiments corporels
  18. Instiller la dépendance et l’obéissance
  19. Enlèvement
  20. les coups
  21. la torture
  22. le viol
  23. Séparation des familles
  24. Emprisonnement
  25. L’assassinat

Instant mignon avant la suite

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Ensuite, vient le contrôle de l’information qui consiste en un filtrage de ce qu’on dit ou pas.

La victime est déjà isolée, on peut donc lui donner les informations qu’on veut. Par exemple “Tes parents ne veulent plus de toi, on les a contactés, ils s’en foutent”. Comment savoir si c’est un mensonge ou pas si on a aucun moyen de le vérifier ?

Il convient également de distiller les savoirs à la bonne mesure. Trop d’un coup, la crédulité s’envole. Le “trop d’un coup” vient après, une fois la cible harponnée. Ici, on te donne seulement des indications fortes sur ce que tu dois penser en comptant sur la répétition et la cohérence des propos. Il n’existe qu’un seul son de cloche, aucune critique n’est tolérée.

Coupée du monde, la victime se mettra peu à peu à adhérer à ce qu’on lui dit. Une fois le doigt dedans, elle n’a plus le temps de penser par elle-même : privée de son libre-arbitre (cf. aspect comportemental plus haut), épuisée, affamée, elle sera de plus en plus docile. Le groupe, quel qu’il soit, permet une réassurance en vase clos. On continue car sans le groupe, on n’est plus rien. L’endoctrinement ayant également un aspect financier, on a réellement plus rien si on sort du groove.

L’information peut aussi venir de l’intérieur : les adeptes sont encouragé-es à poucave le moindre écart de conduite pour assurer le cycle récompense/punition. Si je suis récompensée lorsque je balance, même si l’autre est puni-e, j’adopte ce comportement qui me permet de survivre un peu mieux dans des conditions de merde.

Les confessions sont hautement encouragées : lorsqu’on avoue des chose graves, cela sera évidemment noté et retenu en vue de chantage ultérieur, peu importe que la confession soit réelle ou fictive, une fois le morceau lâché, l’autre a du pouvoir, celui de nuire gravement à une réinsertion dans le monde du Dehors.

J’ai un exemple assez parlant, l’exemple japonais de la famille Ogata, prise au piège par Futoshi Matsunaga qui, à force de tortures, réussit à extirper des courriers de confession signés de la part des membres de la famille. Couverts de honte (et au Japon, la honte, ça compte), personne n’osera plus contredire ou sortir du groupe de peur de voir ces courriers voir le jour. Un autre exemple est celui des reclu-ses de Monflanquin, toute une famille française assujettie par un seul homme durant près d’une décennie.

Pour finir, les faux souvenirs. Il est relativement facile de reconstruire une histoire personnelle à partir de ses vides. Il suffit de les combler avec des réponses suggérées encore et encore pour implanter un souvenir. C’est effroyablement facile, cf. l’effet Mandela :

🐦 “Ce phénomène doit son nom au fait que beaucoup de gens pensaient que Nelson Mandela était mort en détention. Ce qui est faux. Mandela a été libéré de prison en 1990 et a été président de l’Afrique du Sud de 1994 à 1999. Il est décédé d’une pneumonie le 5 décembre 2013, entouré de sa famille. Le lecteur attentif aura remarqué qu’il s’est écoulé 23 ans entre la date présumée et la date réelle du décès. Lorsque la nouvelle de la mort de Mandela s’est répandue dans les médias, bien des personnes ont été surprises – car elles pensaient même pouvoir se souvenir d’enregistrements télédiffusés de ses funérailles.”
(Institut Goethe)

Si pour toi l’effigie du jeu Monopoly a un monocle ou si un panier figure sur le logo de la marque Fruits of the Loom, tu es victime de cet effet.

Voici tous les points liés au contrôle de l’information :

  1. La tromperie :
    a. Retenir délibérément des informations
    b. Déformer l’information pour la rendre plus acceptable
    c. Mentir systématiquement au membre de la secte
  2. Minimiser ou décourager l’accès à des sources d’information non sectaires, notamment :
    a. Internet, télévision, radio, livres, articles, journaux, magazines, médias
    b. Informations critiques
    c. Les anciens membres
    d. Occuper les membres pour qu’ils n’aient pas le temps de réfléchir et d’enquêter
    e. Contrôler par le biais du téléphone portable (textos, appels, suivi sur Internet)
  3. Compartimenter les informations en doctrines de l’extérieur et de l’intérieur
    a. Veiller à ce que les informations ne soient pas librement accessibles
    b. Contrôler l’information à différents niveaux et missions au sein du groupe
    c. Ne permettre qu’aux dirigeants de décider qui doit savoir quoi et quand.
  4. Encourager l’espionnage des autres membres
    a. Imposer un système de copinage pour surveiller et contrôler les membres.
    b. Signaler à la direction les pensées, les sentiments et les actions déviants
    c. Veiller à ce que le comportement individuel soit surveillé par le groupe
  5. Utilisation intensive d’informations et de propagande générées par la secte, y compris :
    a. Bulletins d’information, magazines, revues, cassettes audio, cassettes vidéo, YouTube, films et autres médias
    b. La citation erronée ou l’utilisation hors contexte de déclarations provenant de sources non sectaires.
  6. Utilisation contraire à l’éthique de la confession
    a. Informations sur les péchés utilisées pour perturber et/ou dissoudre les frontières identitaires
    b. Refuser le pardon ou l’absolution
    c. Manipulation de la mémoire, possibilité de faux souvenirs

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Le T de BITE concerne les pensées. T comme “T’es déjà bien dedans, et on va faire en sorte que tu y restes”.

Un élément intéressant est l’idée qu’une personne nous regarde en permanence. Je dis ça car je l’ai vécu en situation de coercition, et même en ayant pas mal de rationalité, on peut se faire avoir. Par une simple lecture à froid, on peut deviner si une personne a transgressé ou non. De toutes façons, on peut aussi lui implanter l’idée qu’elle a commis un impair et mérite la punition, dans le fond, la vérité n’a plus court depuis longtemps. Pourquoi pas alors être surveillé-e en permanence ?

Mais si on peut lire dans tes pensées, ou croire qu’on le fait, permet une pseudo-paranoïa de chaque instant. Se surprendre à “mal” penser renvoie aux punitions, on va donc automatiquement chasser les idées dissidentes pour éviter la souffrance de la dissonance cognitive. Couplé aux techniques de confession et de dénonciation de l’aspect “Information” entretient cette peur de se faire choper. Alors, petit à petit, on contrôle de mieux en mieux nos pensées pour échapper au pire (aspect comportemental coercitif).

Ici, c’est nous contre le reste du monde. La Vérité est détenue par le gourou, toute critique est punie et de toutes façons, rien ne nous attend dehors à part le Mal. Au vu de la brutalité du monde extérieur, il est facile de créer une sorte de refuge dans le groupe, un faux sentiment de sécurité précaire qui encourage à rester dans le sérail.

Par ailleurs, le vocabulaire est “chargé”. Les mots ne signifient pas la même chose à l’intérieur qu’à l’extérieur et tout un lexique spécifique est créé. Les scientologues sont un exemple très parlant en la matière : la physique, la psychiatrie, la médecine, la religion sont comme usurpées, en changeant la définition des mots, on permet une inclusion plus forte de l’adepte. Une “audition” scientologue aura une toute autre signification que dans le Robert. Des néologismes (comme thetan, l’autre nom pour désigner l’âme) et des formules sont apprises par cœur. Ainsi, la pensée se modifie pour adopter ces mots nouveaux.

Ce ne sont pas “que des mots”, car les mots sont importants, c’est pas pour rien qu’en féminisme on se bat pour l’écriture inclusive ou qu’on décourage l’emploi, par exemple, de termes psychiatriques pour désigner des personnes et événements. Parler par exemple de “femelle” pour dire “femme” va être soit dégradant car se rapportant à l’animal, soit dégradant car se rapportant à la Sainte Biologie des radfem TERF. Le même mot n’est pas du tout chargé de la même manière.

Voici les points liés au contrôle des pensées :

  1. Exiger des membres qu’ils assimilent la doctrine du groupe à la vérité
    a. Adopter la “carte de la réalité” du groupe comme étant la réalité
    b. Instiller la pensée “noir ou blanc” (manichéenne)
    c. Décider entre le bien et le mal
    d. Organiser les gens en nous contre eux (les initiés contre les marginaux)
  2. Changer le nom et l’identité d’une personne
  3. Utilisation d’un langage chargé et de clichés qui restreignent les connaissances, arrêtent les pensées critiques et réduisent les complexités à des mots à la mode platitudinaux.
  4. Encourager uniquement les pensées “bonnes et correctes”.
  5. Utilisation de techniques hypnotiques pour modifier les états mentaux, saper la pensée critique et même faire régresser l’âge du membre.
  6. Les souvenirs sont manipulés et de faux souvenirs sont créés.
  7. Enseigner des techniques d’arrêt de la pensée qui empêchent de tester la réalité en stoppant les pensées négatives et en n’autorisant que les pensées positives, y compris :
    a. Le déni, la rationalisation, la justification, les vœux pieux
    b. Le chant
    c. La méditation
    d. Prier
    e. Le parler en langues
    f. Chanter ou fredonner
  8. Rejet de l’analyse rationnelle, de la pensée critique, de la critique constructive
  9. Interdiction de poser des questions critiques sur le dirigeant, la doctrine ou la politique.
  10. Qualifier les systèmes de croyance alternatifs d’illégitimes, de diaboliques ou d’inutiles.
  11. Insuffler une nouvelle “carte de la réalité”.

Oui, on parle de faux souvenirs deux fois, ceux-ci étant un outil puissant de coercition à la fois dans l’interprétation de l’information et la manipulation de la pensée. La “carte de réalité” mentionnée concerne l’aspect cognitif de la connaissance du monde. Mon bleu est bleu même s’il est rouge. Ma perception de la réalité est modifiée pour coller au modèle enseigné.

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Pour finir, le E de Emotions.

Le contrôle des émotions découle des points précédents. Passé-e par la coercition basique (Behavior/comportement), le contrôle de l’information et des pensées, la personnalité se modifie petit à petit, jusqu’à changer notre mode réactionnel au plus profond de nous. On ne se contrôle plus et on laisse le volant de nos émotions à la personne qui décide.

On peut parler ici, par exemple, des “pensées impies” qui nécessitent confession dans les grandes religions monothéistes. Personne ne nous a vu nous tripoter, mais on se sent coupable. Penser au sexe sera vu comme péché, pécher mène à la peur des Enfers, il faut donc expier tout ça et mieux se contrôler afin de ne pas laisser le Mal entrer en soi. Si on ajoute l’idée (fausse) que le gourou peut lire dans nos pensées, on va tout droit vers la dernière phase.

Les émotions utiles à l’endoctrinement sont par exemple la peur, la culpabilité, la colère, mais aussi l’amour, la confiance, la sérénité…

Le “Love Bombing” consiste à bombarder d’amour la victime, la complimenter, l’encourager, la faire se sentir importante avant de la rabaisser brutalement et la mettre en défaut pour l’insécuriser. Comme les sentiments positifs sont présents, on croit qu’il reste une chance de rester sur du positif. Tout comme lorsqu’on est manipulé par un-e conjoint-e violent-e et qu’on se dit “oui mais on a vécu des beaux moments”. Le positif existe de manière tangible, alors on fera tout ce qu’il faut pour retourner dans les bonnes grâces du groupe, quitte à oublier les sanctions et la violence.

Voici les points liés à l’Emotionnel :

  1. Manipuler et réduire la diversité des sentiments – certaines émotions et/ou certains besoins sont considérés comme mauvais, erronés ou égoïstes.
  2. Enseigner des techniques de blocage des émotions pour empêcher les sentiments de mal du pays, de colère, de doute
  3. Faire sentir à la personne que les problèmes sont toujours de sa propre faute, jamais de la faute du leader ou du groupe.
  4. Favoriser les sentiments de culpabilité ou d’indignité, tels que :
    a. La culpabilité identitaire
    b. Vous n’êtes pas à la hauteur de votre potentiel
    c. Votre famille est déficiente
    d. Votre passé est suspect
    e. Vos affiliations ne sont pas judicieuses
    f. Vos pensées, vos sentiments, vos actions ne sont pas pertinents ou sont égoïstes
    g. Culpabilité sociale
    f. Culpabilité historique
  5. Insuffler de la peur, comme la peur de :
    a. Penser de manière indépendante
    b. Le monde extérieur
    c. Les ennemis
    d. Perdre son salut
    e. Quitter le groupe ou en être exclu
    f. La désapprobation des autres
    f. Culpabilité historique
  6. Des hauts et des bas émotionnels extrêmes – bombardement d’amour et d’éloges à un moment donné, puis déclaration que l’on est un horrible pécheur.
  7. Confession rituelle et parfois publique des péchés
  8. Endoctrinement par la phobie : inculquer des peurs irrationnelles de quitter le groupe ou de remettre en question l’autorité du chef.
    a. Pas de bonheur ou d’épanouissement possible en dehors du groupe
    b. Conséquences terribles en cas de départ : enfer, possession par des démons, maladies incurables, accidents, suicide, folie, 10 000 réincarnations, etc.
    c. L’exclusion de ceux qui quittent le groupe ; la peur d’être rejeté par les amis et la famille.
    d. Il n’y a jamais de raison légitime de partir ; ceux qui partent sont faibles, indisciplinés, non spirituels, mondains, ont subi un lavage de cerveau de la part de leur famille ou de leur conseiller, ou ont été séduits par l’argent, le sexe ou le rock’n’roll.
    e. Menaces de préjudice à l’encontre de l’ancien membre et de sa famille

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Voilà donc le kit complet pour intégrer un mouvement sectaire. Les autres modèles évoquent les mêmes mécanismes, j’utilise ici ce modèle car c’est celui mentionné par un ex-scientologue lors d’une (longue série de) conférence(s) sur la scientologie au cours de mes recherches sur Pascal Maffre (oui j’ai été assez loin dans la recherche, je me suis plongée dans la sémantique scientologue, c’était effarant), c’est donc celui que je connais le moins mal.

L’autre intérêt est qu’on peut en partie transposer ce modèle aux relations dysfonctionnelles avec une personne abusive. Beaucoup de rapprochements sont possibles car beaucoup de ces leviers sont aussi utilisés par les personnes manipulatrices. On dépasse le cadre de la secte composée de gens complètement pétés du casque et c’est important, à mon avis, de le redire.

Dans tous les cas, sectes ou violences, cela n’arrive pas qu’aux autres. A froid, on peut trouver la situation parfaitement ridicule, mais après des semaines dans le groupe, tout semble très logique et pertinent car on a vaincu la dissonance cognitive en acceptant un autre modèle de pensée. C’est pourquoi il me semble important d’informer sur ces mécanismes de contrôle : pour permettre un reality check et une détection des red flags.

Savoir tout ça ne prémunit pas de la manipulation, hélas, mais peut-être ralentir ou questionner le processus ?