Heures de réveil : trop. Mal. Chouine

Je voulais parler d’un truc…un truc relatif au harcèlement. Le jour de la sortie de mon article sur le harcèlement, une vidéo est sortie sur le harcèlement et en gros on dit pas la même chose.

Comme j’ai pas 22 mn à perdre dans le cringe du token bien sage et que je souffre déjà bien assez comme ça, on m’a raconté. En gros, ça “prouve” que spécifiquement les gens de Zet-Ethique et Métacritique (ZEM), donc moi également, sont des gens qui harcèlent. La personne a utilisé une AI pour déterminer le degré de violence, de, par exemple, ceci :

Ah non, pardon.

CECI :

🐦 “(Et je ne pense pas que Mendax et cie soient d’extrême-droite, mais d’une part ils n’hésitent pas à donner des tribunes à des gens qui le sont, et d’autre part, oui le harcèlement ça pue, mais des yeux laser sur une PP ou une critique de contenu ce N’EST PAS du harcèlement.)”

Ou CECI :

🐦 “Je peux même les payer avec des paquets de tabac vides si tu veux.”

Ou :

🐦 “Ah ben oui, c’est bien ce que je disais : ça étale des crottes de nez mais c’est incapable d’avoir un discours construit.”

😱 Quelle honte ! Shame on us ! Puis much méthodologie, tout ça.

(Heureusement que je ne suis pas trop trop sur Twitter, dis donc, et si la personne qui a fait ces commentaires me lit : coucou ❤️)

🦃🦃🦃

Tu vois, y’a un truc que ces gens ont oublié. Mais c’est normal, car il s’agit de sociologie et d’un gros biais type “poutre dans l’œil”.

Un truc un tout petit peu important qui s’appelle “l’agressivité fantasmée des minorités” et “l’illusion de parité”. En gros, quand une personne issue des minorités ouvre sa gueule, on a l’impression qu’elles sont 50, toutes bien serrées en rangs d’oignons, prêtes à sortir les lance-flammes. Elles représentent une menace.

Un exemple :

🐦 “A l’été 2014, un sondage de l’institut Ipsos Mori réalisé dans plusieurs pays montrait qu’à l’instar des Britanniques, les Français surestimaient fortement le nombre de personnes de confession musulmane en France : interrogés sur une estimation sur 100 personnes, ils répondaient en moyenne 23 %, alors que la bonne réponse était 8 %.”
(Le Monde)

Lorsque les minorités parlent, ON CROIT QU’ELLES GUEULENT.

On peut insérer ici le gros cliché raciste sur “les Africain-es parlent fort” et “Les arabes prennent toute la place” ou le fameux “propagande du lobby LGBT+”. En un peu moins en rapport mais tout de même parlant, on peut évoquer le “syndrome méditerranéen” qui biaise les médecins car “les femmes noires et arabes se plaignent plus et sont plus vocales”, on minimise dont l’intensité des symptômes, notamment la douleur. Alors qu’en fait, le “syndrome méditerranéen” c’est pur bullshit. Pur bullshit qui tue (cf. affaire Naomi Musenga)(et tant d’autres…). J’ai deux voisines qui hurlent au téléphone, les deux sont blanches, je fais quoi ?

La mauvaise perception des inégalités est un biais qui nous permet de nous conformer dans nos opinions. Les hommes semblent avoir beaucoup moins intérêt à ce que le féminisme prenne plus de place, ils minimisent donc les problèmes.

👉 Dans les films et séries par exemple, on a l’impression d’une parité alors que les femmes composent seulement 30% des personnages “qui parlent”. Et tu mets UNE petite sirène noire, c’est l’apocalypse et la panique morale absolue.

Tiens, c’est cadeau.

🐦 “94% des hommes pensent que les femmes subissent des injustices ou des humiliations parce qu’elles sont des femmes.

Dans la vie au quotidien, 4 femmes sur 10 ne se sentent pas traitées en égal (sic) des hommes. En réaction à ces déclarations, 79% des femmes affirment être d’accord sur l’utilité du combat du féminisme.

Plus de la majorité des femmes ont le sentiment qu’on ne parle pas suffisamment des injustices liées au sexisme, contre 53% des hommes qui pensent le contraire. Mais la lutte contre les inégalités concernent autant les hommes que les femmes (65%).”
(Enquête CSA “Perception de l’égalité entre les femmes et les hommes”2016)

En gros, tout le monde reconnaît qu’il y a un problème, mais…peu de personnes (surtout chez les hommes) se reconnaissent ou se sentent féministes. 57% des femmes se déclarent féministes alors qu’elles sont 79% à déclarer l’utilité du combat, ce qui veut dire qu’on sait qu’il y a un problème mais que “ça va”. Ce n’est pas encore assez révoltant pour une mobilisation plus globale.

Q19. Pensez-vous que les femmes subissent des injustices ou des humiliations spécialement parce qu’elles sont des femmes ? Base totale (1 259 femmes âgées de 15 ans et plus dont 327 femmes âgées de 15 à 20 ans et 1 001 hommes âgés de 15 ans et plus)

Q20. Avez-vous le sentiment qu’on parle suffisamment des injustices liées au sexisme ?
Base totale (1 259 femmes âgées de 15 ans et plus dont 327 femmes âgées de 15 à 20 ans et 1 001 hommes âgés de 15 ans et plus)

Pour 53% des hommes, on parle juste bien, ça va, des injustices liées au sexisme. 53% des femmes interrogées pensent le contraire. La perception du problème et de l’apport de solution est incontestablement asymétrique.

Sur une autre enquête de 2019 :

Ici, on voit bien la différence de perception : 46% des hommes pensent que la situation en terme d’égalité est “satisfaisante” ou “très satisfaisante” contre 27% des femmes. Ces dernières perçoivent l’égalité de manière très différente : 73% des femmes pensent que la situation en terme d’égalité est “plutôt insatisfaisante” ou “Très insatisfaisante”.

La perception que nous avons des combats relatifs à la justice sociale est très liée, à mon sens, à la recherche de modalités de résolution. Si nous n’estimons pas les inégalités de manière factuelle, il y a très peu de chances qu’on se sente le devoir d’agir. Si on se dit que l’égalité a été atteinte en 1945, par exemple, bon, on est un boomer à tous les coups, mais on a aussi ancré cette perception d’un combat non nécessaire car “elles en veulent toujours plus” (oui).

Ensuite, attention, je vais citer Le Figaro (pardon)

🐦 “Natacha Polony a publié avec Jean-Michel Quatrepoint un livre dénonçant la tyrannie de minorités de plus en plus autoritaires. La culpabilisation qu’elles exercent menace selon elle les libertés démocratiques.
[…] Comme dans les récits de Philippe Muray, des gens qui se croyaient jusqu’à présent à peu près corrects, dans les clous, pas des héros mais des gens bien, se retrouvent mis en accusation pour une blague, une attitude… Vous ne considérez pas que la France impose un racisme d’État? Vous êtes un blanc dominant aux réflexes postcoloniaux. Vous mangez de la viande? Vous êtes un nazi. Vous plaisantez sur les femmes battues? Vous êtes viré du service public audiovisuel…”

Ça, c’est une magnifique distorsion de la réalité, par exemple. “Les minorités” sont vues comme bruyantes, dogmatiques et agressives, simplement car “elles” n’acceptent pas la manière dont la société les traite. Un acte (Tex qui est débarqué après son “lol avec les femmes battues”) est perçu comme une lésion incurable, alors que bon nombre d’éditorialistes de génie (ou pas) se permettent de vanner les femmes en continu. Pour 1 connard au chômage, on en a encore 150 qui blindent le temps de parole. Pour autant, Tex est érigé en martyr de la Cause Féministe, pilorisé et bafoué par des hordes de wokistes en folie. Peu importe que Christophe Barbier soit toujours vivant et bien en place. On en a fait sauter un, toustes les réacs du monde libre sont en panique.

Tu imagines, toi, on aurait ce genre de réaction à chaque féminicide ? Mais ça serait la révolution ! On cramerait tout partout !
Mais non, on se donne des conseils entre nous sur comment élever son cisdude de compagnie.

🦈🦈🦈

Pour l’anecdote : j’ai cherché en français l’étude qui dit que :

“Si les spectateurs voient 17% de filles, ils ont l’impression d’en voir 50%”
Vignette tirée de l’excelentissime blog de Mirion Malle : Commando Culotte. J’adore ce qu’elle fait, si tu cliques tu pourras lire la planche en entier

 

…pendant près de 4h ce matin, et je n’ai trouvé que des sources en anglais. Tout n’est pas perdu, j’ai chopé des PDF et des références qui me seront bien utiles pour plus tard si on parle représentativité.

🐦 “En 2015, des chercheurs ont demandé à près de 1800 cadres, hommes et femmes, de grandes entreprises d’estimer le pourcentage de femmes parmi les PDG de grandes entreprises (plus de 500 millions de dollars de revenus). L’homme moyen a répondu 25, la femme moyenne 21, et selon les auteurs de l’étude, la réponse est 8.
[…]Selon Valian, c’est le résultat naturel d’une exclusion de longue date : “Lorsqu’un groupe est sous-représenté – disons les Noirs au théâtre – les gens en viennent à considérer cette sous-représentation comme la norme”, écrit Valian. “Puis, lorsque quelques Noirs obtiennent un rôle, on a l’impression que la scène du théâtre est pleine de Noirs. Cela a augmenté de façon spectaculaire, bien sûr, parce qu’il y en avait si peu au départ.”
[…]Le phénomène est à l’œuvre au cinéma. En 2013, une étude commandée par le Geena Davis Institute on Gender in Media s’est penchée sur 120 films les plus rentables sortis entre 2010 et 2013. […]Les femmes représentaient environ 23 % de la “main-d’œuvre” moyenne, et environ 30 % de tous les personnages parlants ou nommés. Une étude antérieure du groupe avait révélé que les femmes représentaient 17 % de la “foule” moyenne dans les films classés “G”.
[…]Un sens déformé du nombre de femmes, et donc de leur allocation raisonnable de temps et d’espace, pourrait aider à expliquer comment les femmes peuvent sembler occuper presque cinq fois le nombre de postes de PDG qu’elles occupent, et comment une foule composée de 17 % de femmes peut sembler être une représentation exacte de l’humanité.”
( Howstuff works – How 17 Equals 49.6: The Amazing Multiplying Women)

Mieux ?

🐦 “Un sondage Gallup de 2011 a révélé que les Américains, en moyenne, pensent que 25 % du pays est homosexuel. La recherche dit que 2 % le sont, au maximum.”
(Source : Gallup)

Encore mieux ?

🐦 “Notre système cognitif est conçu pour repérer ce qui est inhabituel et inattendu. Nous suggérons que les individus issus de groupes minoritaires sont, par définition, peu communs et souvent inhabituels. Par conséquent, ils sont psychologiquement saillants dans la perception, la mémoire et la conscience visuelle. Cette saillance des minorités crée une tendance à surestimer la prévalence des minorités, ce qui conduit à une image erronée de nos environnements sociaux – une illusion de la diversité. Dans 12 expériences menées avec 942 participants, nous avons trouvé des preuves que la présence de membres de groupes minoritaires est effectivement surestimée dans la mémoire et la perception et que les images masquées de membres de groupes minoritaires sont prioritaires pour la conscience visuelle. Ces résultats étaient cohérents lorsque les participants étaient à la fois membres du groupe majoritaire et du groupe minoritaire. De plus, cette surestimation de la prévalence des minorités a entraîné une diminution du soutien aux politiques de promotion de la diversité.”
(Minority salience and the overestimation of individuals from minority groups in perception and memory)

 

🐦 “Lorsque l’on compare la perception moyenne qu’ont les gens de la taille des groupes avec les évaluations réelles de la population, une tendance intrigante se dessine : Les Américains ont tendance à surestimer largement la taille des groupes minoritaires. C’est le cas des minorités sexuelles, y compris la proportion de gays et de lesbiennes (estimation : 30%, vrai : 3%), de bisexuels (estimation : 29%, vrai : 4%) et de personnes transgenres (estimation : 21%, vrai : 0,6%).

Cela s’applique également aux minorités religieuses, telles que les Américains musulmans (estimation : 27%, vrai : 1%) et les Américains juifs (estimation : 30%, vrai : 2%). Et nous trouvons le même genre de surestimations pour les minorités raciales et ethniques, comme les Amérindiens (estimation : 27%, vrai : 1%), les Américains d’origine asiatique (estimation : 29%, vrai : 6%) et les Noirs américains (estimation : 41%, vrai : 12%).”
(From millionaires to Muslims, small subgroups of the population seem much larger to many Americans)

 

👉 Les minorités semblent toujours être beaucoup plus nombreuses qu’elles ne le sont réellement. C’est un effet de mauvaise foi, qui permet d’asseoir une illusion de parité de base, et une sensation d’envahissement total lorsque ces 2% s’expriment. “Vous représentez déjà 25% des gens, ça va, merde, vous voulez quoi de plus ? Vous êtes déjà partout !!!”

Idem avec la terreur trans. Les transphobes se font un devoir de publier, republier et re-republier, partout, le moindre chiffre à leur avantage, pour surgonfler l’effet loupe. Si UNE personne trans commet par exemple un crime, le cas sera ultra-médiatisé et beaucoup de personnes non ou mal informées auront l’impression que les personnes trans passent leur vie à commettre des crimes. Alors que heu non.

De dangereuses terroristes armées jusqu’aux dents

🦖🦖🦖

Les minorités sont donc “pas si minoritaires” dans la tête des gens. C’est vrai que si je prends mon entourage amical, il y a surreprésentation de personnes trans, intersexes, homo/bi/pan/ace, de personnes en situation de handicap et de travailleuses du sexe, non ? Bah tu sais quoi, je vais voir si j’ai raison ou pas…

🧐 J’ai 523 ami-es, je vais compter les personnes n’étant pas neuroatypiques ou avec handicap + cis-hétéro-blanch-es. Oui j’ai commencé à compter et c’est beaucoup plus simple dans ce sens là…185. 185 personnes identifiées à l’arrache, avec des doublons.

65% de mes ami-es font partie des “minorités” telles que décrites ci-dessus.

Donc moi aussi, je suis biaisée. Par exemple, je n’ai aucune difficulté avec les hommes enceints 🤷‍♀️

😬 Mais, en contrepartie, je suis systématiquement estomaquée devant les études telles que celles mentionnées plus haut. Le retour à la réalité est toujours très très difficile, voire douloureux.

Je dis pas ça pour faire la meuf citoyenne du monde qui aime la vie et les gens, je n’apprécie ni l’une ni les autres. C’est juste que mon référentiel est totalement différent. Donc je peux comprendre que les personnes aient d’autres référentiels et prismes de lecture. Si je me mets dans la peau d’une meuf CSP+++ qui réussit, j’aurais tendance à penser que “c’est possible, si je l’ai fait” et que les autres ne se sont pas donné les moyens de le faire.

Sauf que je SAIS que je suis biaisée. J’en ai conscience et je sais parfaitement que le monde est un endroit hostile. Le Moi en CSP+++ n’en a rien à foutre, vu que, pour elle, tout va bien.

 

Moi quand je sors dans le monde extérieur

🦄🦄🦄

Je ne sais pas si tu as des enfants ou pas, mais tu sais sans doute que les enfants ont en commun une pugnacité à toute épreuve. Quand mon fils me demande un truc, ça revient parfois à la guerre des nerfs.

“Mamamamamamamaaaaaaaaan ! Je peux jouer à Roblox ?
– Tu te fiches de moi ? Tu viens de t’énerver et tu es puni !
– Mais mamaaaaaaaaaan !!!
– Non.
– Mamanmamanmamaaaaaaaaaaaaan”

Lorsqu’il anticipe un truc bien :
“C’est quand qu’elle arrive, Flavie ?
– On a dit en fin de journée.
– En fin de journée quand ?
– Je sais pas, il est 11h, on va dire 19h ?
– Mais c’est looooong…
– …
– Elle arrive quand, tu as dit ?”

😺 Cet enfant de 7 ans dépend de moi pour se nourrir, s’habiller et accomplir pas mal de gestes de la vie. Il a déjà été déçu de personnes qui ne venaient pas ou d’événements annulés, alors il demande à être rassuré, et moi ça me gaaaaaaaaaaave. J’ai l’impression qu’il me pose les mêmes questions 50 000 fois, j’ai envie de lui dire “bah demande lui”, et puis je me souviens que JE suis l’adulte. JE suis sa référence par rapport au monde extérieur. Tout seul, il s’en sortirait car il a 7 ans, mais il dépend de ses parents. Ses demandes incessantes sont autant de demande de réassurance, car il n’a aucune prise ni aucun pouvoir sur la vie (sauf celui de faire des bêtises pour réclamer de l’attention). Et s’il a besoin d’être rassuré, c’est qu’il est inquiet. Même si ça me fait lever les yeux au ciel, je sais que c’est sa seule prise sur le monde : l’adulte en charge. Les VEO (Violences Educatives Ordinaires) ça serait de l’ignorer totalement ou de l’engueuler, ça m’est arrivé de lui dire “Non mais là pitié, arrête, je t’ai dit que non, alors c’est non” sur un ton d’adulte exaspérée. Oui. Mais j’en ai conscience et je répare.

“Maman, tu me donnes mon goûter ?
– [daronne entre vaisselle-linge-rangement] Oui oui ![oubli instantané] – Maman, mon goûter !!!
– Oh ça vaaaaaaaaaaaaaaa je vais te l’apporter”

Mais lui n’a que ça, et quand il réclame, j’ai l’impression qu’il passe sa journée à négocier alors que si on comptabilisait la somme totale de ses demande, on atteindrait même pas 10 mn. Mais moi, j’ai ressenti 154 ans de “harcèlement”. Sauf que le harcèlement, c’est pas l’expression répétitive d’un besoin légitime.

🐦 “Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique.”
(Ministère du Harcèlement)(Heu de l’Education pardon)

Est-ce que les demandes de réassurance ou les expressions des besoins de mon fils sont une violence ? Absolument pas. Il n’a que ce moyen pour obtenir quelque chose, de même que Miki-le-chat n’a que ses miaulements pour me demander à graille.

JE suis la dominante, et j’en ai sans doute plein le cul que Miki vienne me miauler dessus à 3h du mat parce que j’ai oublié de remettre des croquettes dans la gamelle, oui. Mais c’est moi qui ai oublié les croquettes, c’est pour ça que je suis levée à 4h01. Ce chat cherche-t-il à me harceler, ou bien…

🤔 En tant que dominante et responsable de ces êtres vivants, j’ai une obligation vis-à-vis d’eux ?

Aurais-je l’obligation de les aimer et de les nourrir, de leur brosser le poil et de leur trouver des T-shirts avec des dinosaures dessus ? Absolument.
Est-ce que ça me gave à mort quand ces petits êtres me réclament des choses ? Oui.
Est-ce que je les envoie chier ? Parfois. Tkt je culpabilise de ouf après.
Est-ce que leurs demandes sont légitimes ? Oui.

Alors, de quel droit je vais envoyer chier mon précieux Enfant alors qu’il a faim ? Parce qu’il me l’a demandé 150 fois et que j’ai encore oublié ?

“Regarde, maman ! Maman ! Regarde ! Le personnage là il fait un truc drôle que je regarde en boucle, toi aussi, abrutis-toi devant des vidéos inintéressantes”

Qui peut le regarder, à part moi ? Qui peut combler son besoin d’attention ? Ma pomme, et c’est de ma responsabilité de daronne que de le faire. J’ai une obligation éthique vis à vis de lui : je dois assurer sa survie. Il est en droit de réclamer 150 fois son goûter. Sauf qu’en vrai, il ne l’a réclamé que deux fois.

🤖 C’est moi, l’adulte responsable, qui n’aime pas qu’on lui rappelle ses innombrables obligations.

J’aime pas quand il réclame son goûter parce que ça me dit “Tu as oublié son goûter” et je ne me sens pas bien de l’avoir oublié. Comme je suis un être humain moi aussi gavée de biais et de mauvaise foi, j’ai tendance à rationaliser mon comportement alors qu’en vrai, le Lithium et les anxiolytiques provoquent chez moi des pertes de mémoire sur le court terme et j’ai de gros problèmes d’attention. Je déteste qu’on me rappelle mes failles, les demandes légitimes se transforment donc en irritation, en agacement, en perception de “harcèlement”.

Tu vois où je veux en venir, hein ?

🙈🙈🙈

Plusieurs facteurs déterminent notre perception des demandes d’autrui.

⚙ La mauvaise foi, d’abord, celle qui n’aime pas être prise en défaut et qui va profiter de la moindre faille pour dire “AH ! JE LE SAVAIS ! J’avais raison sur 0,005% du propos !”

⚙ La perception erronée de la violence dans la répétition des demandes des minorités.

⚙ L’illusion d’égalité : 17% de femmes dans une foule = 50% ressenties. 8% de personnes musulmanes en France contre 23% ressenties.

Tout ceci donne en effet l’impression que les minorités ne sont pas tant en minorité que ça. Sur le fond, lorsqu’on est un homme blanc cisgenre, on est effectivement en infériorité numérique. Mais qui a le pouvoir ? Qui sont les personnes qui votent les lois ?

🐦 “Au 1e février 2019, les chambres basses/uniques des 193 pays dotés d’une institution législative nationale sont composées en moyenne de 24,3% de femmes. La France se classe au 17e rang au classement des 193 pays dotés d’une chambre basse/unique, entre le Mozambique (18e) et la Nouvelle-Zélande et Timor-Leste (16e ex-aequo). Le Rwanda se classe au 1e rang, avec 61,3% de femmes élues, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Etats fédérés de Micronésie et le Vanuatu sont derniers, ne comptant aucune femme parmi les élus de leur chambre.
[…]A l’issue des élections régionales de décembre 2015, les femmes composent 47,9% des conseils et 48,4% des vice-présidences, pour lesquels existent des contraintes paritaires strictes. Les femmes composent 16,7% des présidences des Conseils départementaux, pour lesquelles ne s’applique aucune contrainte paritaire.”
(HCE – repères statistiques)

 

🐦 “La parité réelle n’est pas encore atteinte aux postes clés de la décision publique
Si l’on compte une parité stricte (21 femmes et 21 hommes) au sein du nouveau gouvernement, la répartition des ministères répond, dans la continuité des précédents gouvernements, à des biais de genre et à des stéréotypes de sexe : 4 hommes sont à la tête des 5 ministères régaliens, 7 femmes des 9 ministères sociaux (santé, culture, famille, enfance, handicap, jeunesse…).”
(HCE – Renouvellement politique : la parité réelle est loin d’être atteinte)

Il y a une asymétrie encore plus extrême lorsqu’on s’attache à la représentativité des personnes racisées. Il n’y a pas de statistiques ethniques en France, il y en a aux US, même si la config est différente.

Les personnes racisées sont représentées de manière disproportionnelle dans la législature d’état.
Bleu = représentation
Jaune = population étasunienne
Article en lien

 

Les femmes noires sons sous représentées en tant que candidates (clique pour l’article)

 

Lorsque c’est pas toi qui a la thune, lorsque c’est pas toi qui décides, lorsque tu n’es même pas pris-e en compte dans les stats (les personnes en situation de handicap, quelqu’un ?), tu fais quoi ? Tu demandes. Tu réclames. Puis, comme on t’envoie chier, tu demandes encore ce qui te revient de droit : tu représentes 50% de la population si tu es une femme, c’est légitime de réclamer que tes besoins soient pris en compte. Mais non, parce que, heu…tu fais chier, à réclamer ton goûter, voilà. Lève ton cul et va la chercher toi-même, ta compote, moi j’arrive à atteindre le placard du haut, tu peux le faire toi aussi. Comment ça, c’est trop haut ? Mais démerde-toi, prends un tabouret !

🐧🐧🐧

Est-ce que #metoo a été du harcèlement ou une performance de groupe presque euphorique de se sentir enfin autorisées à parler ?

(Oui, c’était une question rhétorique).

📢 #metoo et #balancetonporc ont été libérateurs, tellement libérateurs que beaucoup d’hommes se sont sentis menacés. “Tu fais chier avec ton metoo, là, ça va, t’es pas morte”
Le souci, c’est que les femmes n’ont pas rendu la parole, elles l’ont gardée pour dénoncer encore. Il y a eu un effet “boîte de Pandore” qui a donné une illusion de vague sans précédent. Soudain, un déferlement de femmes violées qui auparavant n’existaient pas. On expose ce qui nous est arrivé, on en parle sans honte, on regagne un peu de poids dans le jeu du qui gueule le plus fort. Metoo a permis à beaucoup de femmes de se rendre compte qu’elles n’étaient pas seules. Cette libération de la parole a été perçue comme excessive et dangereuse.

Et ça a tellement mené à des réactances de l’infini ! “La vague #metoo”, puis les accusations de fausses accusations, bien sûr. “Mais si on laisse tout le monde parler, il y aura de fausses dénonciations” (on en parle dans cet article). Et alors, si une seule femme fabule, tout s’effondre ? Visiblement oui, et les campagnes d’affirmation et d’expression, trop bruyantes pour leurs oreilles délicates, ont été vues comme de l’abus. Voilà, on leur donne la parole, voilà ce qu’il se passe. Et je comprends, la panique, car beaucoup d’hommes se sont sans doute demandé si leurs sales petits dossiers allaient sortir. Beaucoup d’autres ont réalisé que leurs comportements étaient assimilables à des viols et ça leur a pas plu. Très tôt, on a eu du “j’en peux plus de #metoo” et “bande de poucaves”, “[insérer point Godwin ici]”, et “droit à la drague” et autres “on est en France c’est culturel”.

🔫 Certains hommes y ont vu du harcèlement. Très très curieusement, les hommes de ma connaissance, mon mari en premier, ont été heureux de l’initiative. Ok, heureux c’est excessif, mais ils ont vu ça d’un œil plutôt bienveillant (je rappelle que j’ai 65% de non-mecs-blancs dans mes contacts, mon panel est biaisé). Certains ont réalisé que leur comportement était violent et ont pris conscience de cette violence. Mais, en gros, ceux qui avaient commencé à interroger leur masculinité toxique ne se sont pas sentis en danger ou menacés par qui que ce soit.

Ce sont ceux qui avaient des squelettes dans leurs placards qui étaient en PLS. Ce sont les mêmes qui ont le plus gueulé. Voir un directeur libidineux dire “j’en ai marre de #metoo” c’est priceless. Hé bah ouais, John Bob, tu peux pu mettre tes mains sur le cul de tes employées, too bad.

Much oppression.

🦆🦆🦆

On va en revenir au début.

De quoi avons nous besoin ? Qu’est-ce qui nous revient ?
La représentativité et la justice sociale.

Plus d’égalité pour nous, c’est perçu comme moins d’égalité pour eux.

Sans déconner, j’ai l’impression qu’on veut leur couper un bras tant la réactance est forte. Alors, ça se braque et ça se radicalise, comme on peut le constater avec un peu de recul. Il y a un glissement idéologique vers la droite qui est de moins en moins subtil. Plus on gueule, plus ils s’arc-boutent sur des certitudes : celle d’avoir raison, d’avoir la logique, la rationalité, le calme et la tempérance. Eux sont neutres, bien sûr. Puisque tout va bien pour eux, tout va bien tout court.

Rappelle-moi, c’est quoi être anti-woke ? “Woke” c’est être conscient-e des inégalités et vouloir que ça cesse, en fait. Lorsqu’un mec publie une vidéo sur “le gène de l’homosexualité” ou quand Peggy Sastre parle du viol comme d’une qualité évolutionniste, mais c’est NORMAL qu’on gueule ! 😑

Moi, je te dirais “ta daronne elle pue du bec” tu serais pas content et tu chercherais à rétablir la vérité. Voilà.

Alors moi, si tu me dis que je suis “câblée comme ça”, je gueule, parce que je suis folle en grande partie à cause des viols et des agressions physiques, verbales, à cause des mecs violents qui m’ont ruiné l’âme plus souvent qu’à leur tour. Y’aurait pas eu un pédocriminel dans ma vie, je serais pas là en train de m’énerver sur mon clavier. Je veux bien être “câblée” comme tu veux, mais si tu nies mon existence et mon expérience, je vais me fâcher et affirmer mon existence, puis hausser le ton si t’as pas compris. D’où ma colère ne serait pas rationnelle ?

Ce “harcèlement” perçu c’est la même question posée en boucle : “C’est quand que tu vas réaliser que tu es nuisible avec ta propagande droitiste ?”

🦖 Et, oui, à chaque fois que l’on constate un manquement, une erreur, une inadéquation, on le dénonce inlassablement, et on le répètera jusqu’à ce que ce soit entendu de la même manière que mon fils va me réclamer son petit déjeuner dans environ 20mn [edit : pile à l’heure, je suis trop forte].

Ça me reloute d’avance, de la même manière que le “non je veux pas aller à l’école” lorsqu’on lui demandera de s’habiller. Et lui, il n’a aucun choix, il est obligé d’y aller.

Tu m’étonnes, qu’il râle ! Moi aussi, à sa place, je râlerais, non ?

Et si on niait à la fois ton identité et ton droit à t’exprimer, tu râlerait pas ?