Heure de réveil : 4h55

La Déesse de la Psychiatrie m’a entendue, la courbe d’humeur remonte enfin. Je sais que ça ne durera pas mais je prends, je prends, je prends…

Ce matin, on va parler de pédagogie, mais avec beaucoup de questions sans réponse ici et maintenant (il est 5h04). En gros, je vais réfléchir à haute voix dans ma tête car tu ne m’entends pas marmonner et puis on verra où on arrive.

Edit : ce fut intéressant, au moins pour moi, j’espère que ça va te parler aussi.

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Hier on causait avec ma kiné d’obédience LR et on parlait de communication transpartisane. Je la connais depuis 13 ans, on ne s’est jamais pris la tête sur du politique. J’ai parfois rongé mon frein mais sans exploser ensuite. J’ai répondu à ses questions gentiment, en essayant d’expliquer au mieux ma position, elle a répondu aux miennes (notamment le “Vous allez votez Fillon aux présidentielles [2017] du coup ? Sérieusement ?”).

Pourquoi on ne s’engueule pas, alors ? Moi qui suis si véhémente ?
Comment ose-t-elle me poser des questions parfois très maladroites, notamment sur le genre ? Parce qu’elle sait que je ne mords pas.

Et, pareil, j’ai quelques contacts à droite qui n’ont pas encore fui et ça se passe relativement bien tandis que ça a violemment clashé avec d’autres, pourquoi ?

En réfléchissant à ceux qui sont partis, ce sont surtout les personnes qui se sont montrées méprisantes (dont une majorité d’hommes) qui ont été lourdées. Des personnes qui me prenaient pour l’imbécile de l’année parce que je ne comprends rien à rien.

Est-ce que je me montre méprisante dans ce que j’écris ? Oui, parfois. Ok, plus que parfois. Alors vers qui est dirigée ma colère ? Les idées ? Les personnes ? La sociétay ? Un peu des trois mais ça dépend qui. Je suis en colère contre la pensée néolibérale, le réactionnariat et le conservatisme. Et certaines personnes, oui. Je déteste cordialement la grande majorité des personnes de pouvoir, car le pouvoir c’est la verticalité de la sanction. Moi, je subis pendant que des gens non concernés réfléchissent pour moi contre mes intérêts. C’est pas ma kiné qui décide de la casse du système et du casse du siècle des milliardaires. Ou alors elle m’a caché beaucoup de choses.

BAnsky, Sweep It Under The Carpet, 2006

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En revanche, ces personnes sont élues par d’autres personnes, là réside le mystère. Pour la plupart, je pense que la propagande “politiquement correcte” fait son job. Après tout, “Faut être réaliste” et “Qui va payer ?” sont des questions épineuses. J’ai bien quelques idées à base de “les milliardaires” et “au bûcher” mais passons pour le moment.

Un des points que je retrouve souvent, c’est le fait de regarder la télé (Ne pas faire la vanne des écrans qui rendent con, pitié, ruine pas tout, meuf). Comme je suis une intellectualiste de haut vol, j’ai cessé la télé (Ok, je regardais les Enquêtes Impossibles avec Pierre Bellemare, et Faites Entrer l’Accusé, tu peux me juger) mais il semblerait que l’information ne soit pas tout à fait neutre en matière de pluralité des points de vue. Un peu pas trop, même. Osons le “pas du tout, en fait”, allez.

Et comme il y a aussi un manque de politisation, c’est assez simple de ne recevoir que le même message et de l’interpréter comme on le fait souvent : de manière viscérale, avec les outils à notre disposition.

Une personne va tuer une autre personne, l’annonce sera portée partout dans les médias, et on entendra de nouveau scander “la peine de mort” comme on l’entend souvent devant les tribunaux lors des procès médiatisés. Difficile de “comprendre” les meurtriers, pas vrai ? Personne n’a envie de se mettre à leur place, sinon on va commencer à réfléchir au rôle sociétal de la criminalité et là on est mal. Les méchants sont méchants, les victimes sont victimes, c’est tout.

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C’est qui, déjà, la cancel culture ? Celle qui exclut des pensées de l’espace médiatique ou celle qui dénonce en cassant le silence et la paix ? Pour une attaque contre les personnes véganes, combien de mises au jour de scandales politico-financiers ? Bon, de toutes façons, les affaires n’intéressent personne, c’est souvent des montages financiers complexes et opaques, on pane rien à rien car on a pas facilement accès au débunk sur le petit écran. La politique est vue comme un domaine relou de la vie, un passage aux urnes sous tension un si beau dimanche, quelque chose qui ne change rien car on ne s’y intéresse pas, à dessein.

Ce qui n’est pas dit à la télé ne compte tout simplement pas. Sans exposition à des idées et perspectives nouvelles, on ne se rend pas compte de leur potentielle pertinence. Je dis ça en faisant une veille de l’actualité internationale de manière plutôt assidue. Je vois les tendances, les réponses des élu-es de chaque pays qui se déplacent au chevet de X ou Y en adoptant la posture adéquate pour la situation. Un sourire pour l’ouverture d’un local associatif, une moue sévère pour un truc grave. Je vois aussi quelles infos sont mises en avant et quand. En ce moment, c’est la fraude sociale qui a bonne place. Untel a détourné tant d’argent de l’assurance chômage, parce que, et c’est clairement le message porté ici, les pauvres font rien qu’à frauder comme des pauvres.

Les Panama Papers. Les quoi ? On en est où de ces affaires ? On sait pas, et on s’en cogne, parce qu’un immigré a fait un truc grave. Le choix des sujets est tout sauf innocent, la plupart des médias sont raccord parce que possédés par les mêmes fortunes façon “Bolloré a dit”. Et je ne suis même pas complotiste en disant ça. J’aurais préféré.

On décourage justement avec le terme fourre-tout de “complotisme” toute recherche de sources alternatives. Ce terme est tellement utilisé que désormais, plus personne ne fait la différence, tout est complot déraisonnable. Quand j’ai appris à mon cher et tendre le deal “Drogue contre armes” entre la Colombie et les US, il ne m’a pas crue. Personne n’aurait cru possible le projet MK Ultra sans la déclassification des dossiers de la CIA. Et pourtant. Des complots bien réels, il y en a eu, plein.

Alors, dans le doute, on se positionne dans l’absence de position. On sait pas tout, donc on sait pas tout. Par précaution, on ne croit en rien sauf au statu quo. Cette table est ici, c’est tout ce que je sais. Ne remets pas en question la tangibilité de ma table !

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On décourage les personnes à s’intéresser à la politique via une (pas) subtile technique de gatekeeping, et ça, à droite ET à gauche. Va sur un groupe communiste, je te jure, t’as besoin du dico et de Google pour comprendre 1/3 des formules toutes faites qui y sont dites. Des citations de gens morts depuis des siècles, des références “incontournables” qui t’échappent pourtant, une herméticité totale de la connaissance et du savoir au profit d’un agréable entresoi où chaque remise en question mène à du sarcasme et de la violence.

Je ne suis pourtant pas totalement inepte en politique, ça va, merci, mais je ne fréquente plus ces groupes tant cette pédanterie me fait vriller. La pensée de droite est beaucoup plus simple à comprendre car elle appelle à l’émotion. Quelqu’un-e tue, il faut châtier. Quelqu’un-e fraude les allocs, faut renforcer les contrôles. Quelqu’un détourne de l’argent pendant des siècles, faut heu…joker. Il savait pas. C’était son comptable. Il a pas fait exprès. Puis ça arrive à tout le monde de taper dans la caisse, non ?

Les gauchistes sont plus compliqués à comprendre car on propose des modèles de société du domaine de l’utopie, alors que le “Faut être réaliste” est bien ancré dans le présent, le tangible, ce qu’on connaît déjà.

Dire “Je suis contre la prison” c’est déclencher des trucs de ouf avant même de prendre le temps de capter le truc, genre “Non, on va pas relâcher tous les meurtriers dans la nature, c’est un peu le contraire car on compte sur l’aspect communautaire et social pour éviter l’incarcération, et puis personne va ouvrir du jour au lendemain tous les pénitenciers du monde.”

L’émotion vient en premier, l’outrage, la pente glissante du “si on va au bout de ton raisonnement…” sans connaître ce qui sous-tend la proposition ubuesque de mettre par exemple fin au système carcéral.

Dans l’émotionnel, difficile de faire appel à la rationalité et au calme.

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Le désespoir est vendu en bundle avec le capitalisme. La résignation. La peur de perdre ce qui nous appartient, la peur d’être volé-e, abusé-e par des violences projetées sur l’écran blanc de nos pensées. La PEUR. La peur fait partie du jeu. Tu sais ce que tu gagnes (pas) en restant assis-e ici, tu sais pas ce que tu perds en quittant ta place. Si ça se trouve, quelqu’un-e va aller piquer ton siège pendant que tu vas aller voir ailleurs si tu y es, pas de retour en arrière pour toi.

C’est ce que je ressens beaucoup en analysant la pensée de droite. La peur, la résignation, le désespoir. Tous pourris, alors autant choisir notre propre pourri.

Aussi, ça fait deux ans que je m’intéresse de près à la propagande et je constate que ça fonctionne hyper bien. La propagande de l’immobilisme. Surtout, pas bouger, sinon le grizzli va te voir et te choper. Toujours sur la brèche, dans l’incertitude de ce qui se produira ou pas. L’outrage même est préfabriqué. Au temps où les grands pétroliers avaient la capacité de le faire, le changement climatique n’avait pas droit au débat. Aujourd’hui, on se sert de demi-mesures “écolo” pour faire oublier les retraites. Tu crois que les mecs viennent de découvrir un nouveau continent sur la Terre alors qu’en fait, ils se servent de ta peur pour te faire (in)agir en masquant d’autres problèmes de fond. Je ne dis pas que le climat n’est pas un combat, c’est ostensiblement un combat. Mais ce n’est pas une carte blanche ou une excuse pour faire oublier tout le reste.

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Quand ton gosse a peur d’un truc, tu l’engueules pas, si ? Alors pourquoi je gueulerais contre une personne qui a peur ? Au contraire, je devrais la rassurer, l’envelopper de tout mon amour maternel et lui tapoter l’épaule en disant “Mais non, mais non, le fantôme de Staline ne va pas venir te hanter si tu critiques le Capital”. Si on ne me traitait pas de tarée dès que je dis un truc de gauche, ça serait faisable, presque.

Puis, aussi, la peur change de camp lorsque la personne a dépassé un certain seuil de stabilité matérielle ou familiale. Beaucoup à perdre mais beaucoup en réserve pour sortir de sa réserve. Moi, je suis à l’abri du besoin, je peux me décomplexer et assumer mon envie d’en avoir plus car je reste dans ce que le système attend de moi.

Si t’es CSP+ et de gauche (je veux dire pas socdem, vraiment de gauche), les gens sont toujours étonnés. Pourquoi tu joues contre ton propre camp ? Qu’est-ce qui te pousse à vouloir renoncer à tes privilèges si ce n’est une grave pathologie mentale ?

La boucle est bouclée, zero escape.

Les gens de droite sont rationnels, eux. Iels savent qui leur donne leur argent et ne vont pas mordre la main qui les nourrit.
Les gens de gauche (pas socdem, je répète) sont fol-les. Projettent des idées ubuesques, des concepts abscons, de trucs qui ne marchent pas, c’est prouvé, regarde l’URSS et la Corée du Nord ou les différentes républiques en Amérique du Sud ! Tu vois bien que ça ne marche pas !

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🐦 “635 000 tonnes
Au total, 635 000 tonnes de bombes, dont 32 557 tonnes de napalm, ont été larguées sur la Corée. À titre de comparaison, les États-Unis ont largué 1,6 million de tonnes sur le théâtre européen et 500 000 tonnes sur le théâtre pacifique pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale (dont 160 000 sur le Japon). La Corée du Nord se classe aux côtés du Cambodge (500 000 tonnes), du Laos (2 millions de tonnes) et du Sud-Vietnam (4 millions de tonnes) parmi les pays les plus lourdement bombardés de l’histoire.”
(Wikipedia)

Quand la plus grande armée du monde te dit de fermer ta gueule, tu fermes ta gueule. Et non, je ne considère ni la Russie ni la Chine comme des pays réellement communistes. L’autoritarisme c’est de la merde, peu importe de quel côté il se situe. Dès lors qu’on se coupe de sa population pour dicter leur vie sous peine de mort, on est mal barré. Ma propre vision du communisme n’a rien à voir avec ce qui s’est passé dans ces pays.

On parle des ingérences Etasunienne face aux pays d’Amérique du Sud ? Dès qu’un semblant de truc coco voyait le jour, la réplique a été brutale, quitte à soutenir les pires dictateurs de l’univers face au Péril Rouge.

Personne n’a essayé de voir si ça pouvait fonctionner pour de vrai. En France, les acquis des années 30/70 ont été sabrés violemment par toute une litanie de losers douteux (je parle de nos gouvernement successifs, oui), ce qui donne un truc assez étrange. Les bourgeois-es partent en vacances bien méritées mais personne ne leur dit, hey, qui s’est battu-e pour tes congés payés ? Qui finance ta retraite ? Comment ça se passe quand tu as un ongle incarné ou 18 gosses ? Qui te vient en aide quand tu es “entre deux jobs” ?

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Ma kiné est payée majoritairement par la Sécurité Sociale, sans système de soins, beaucoup de patient-es ne viendraient pas la voir. Si ça fait 13 ans que je la connais, c’est que je bénéficie de l’ALD car je suis en situation de handicap et que la Sécu verse environ 300€ par mois pour le remboursement de mes soins. Elle doit une partie de ses vacances à la mer à ma spondylarthrite, mais surtout au combat intersyndical et à la Lutte. Mais s’est-elle déjà posée la question, dans un monde où on tacle les fraudeurs à la petite semaine et où on encense ou exonère carrément les personnes haut placées qui tirent un milliard de fois plus ?

Non, car tout est fait pour qu’elle ne se pose pas la question, elle n’a pas à se poser la question, c’est institutionalisé et normal. Cela lui est dû. Jusqu’au jour où on sabrera aussi l’ALD et où elle perdra une partie de sa patientèle.

Et là, il sera trop tard, pour nous deux.

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Bon, on fait quoi ? Il est 13h06, j’y réfléchis depuis (j’ai un peu dormi, ok, chut).

Personnellement, je ne saute pas à la gorge des gens. Si j’écris radical, c’est que j’ai un auditoire radical, on va pas se mentir. Nombre de personnes rencontrées au cours de la vie de cette page, m’ayant lue, ont été étonnées de mon calme et de ma douceur. Je suis radicale, oui, c’est chevillé à mon âme et je le serai jusqu’à mon dernier soupir, je lâcherai rien tout en étant une personne à tendance paisible, même en mode full maniaque.

Sauf que quand je ne saute pas à la gorge des gens, on ne me défonce pas forcément en retour. On me défonce souvent, hein. Et je lis beaucoup trop d’horreurs pour ne pas m’aveugler avec plein de colère.

Les écrits que je porte ici atterrissent dans ta bulle de filtre, ta chambre d’écho. Je donne des arguments, parfois, je partage mes réflexions et je beugle. Mais c’est assez différent dans un cadre habituel. Je sais ne pas hurler, j’accepte le débat tant qu’il reste éclairé et courtois. A l’instant même où je sens le sarcasme, la moquerie, les adjectifs psychophobes, je vais en guerre et deviens hostile.

Hélas, jusqu’ici, j’ai plutôt été victime de l’hostilité des personnes de droite que je ne les ai agressées. Parce que je ne me permets pas, en première intention, le sarcasme, la moquerie ou la condescendance. Je sais que cela ne sert à rien. C’est sans doute pour ça que je peux parler à ma kiné.

Je juge beaucoup moins qu’on ne me juge, d’où la défiance. Dès le premier regard on sait que je ne suis pas une personne à col Claudine et à jupe à pois. Lorsque je dis que je suis féministe, c’est la fin du monde. Qui doit se cacher ? Qui doit se méfier ? Pas quelqu’un-e qui croit en la “majorité” présidentielle, en tout cas.

Merde, je suis parfaite, faut rien changer, mais si je ne change rien je tombe dans le conservatisme et ARRRRRRGHjioppgefpjh^*zrghô”r”ghô*)gtzegfnzDKGBVN §