Heures de réveil : 23h45, 2h43, 4h16, 5h47 (ankylose)

Pfiouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuut ! Hé bhé. On a encore le Nouvel An à gérer, c’est ça ?
…vacherin

Je suis tellement fatiguée…j’ai le dos en pas compote, c’est relativement pire, mais ça va aller.

J’ai eu 6 jours cools entre la grippe, la renutrition inadéquate et le crash du site, la migration vers un nouvel hébergeur et tout et tout. Assez prenant, on va dire, surtout qu’il y a Noël entre deux et que Noël, bah, par définition ça n’est cool que pour les enfants de moins de 15 ans je crois. Quand c’est toi la daronne, c’est moins fun.

On va parler d’une amorce de discussion avec ma mère, je dis amorce car on est plutôt raccord, politiquement, donc on était d’accord, donc je dois m’énerver toute seule, maintenant.

🐣🐣🐣

Ma maman a eu une médaille du travail de Pôle Emploi. Ouaiche. Des fois, les gens restent dans une structure 25 ans ou plus.

(Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ces personnes sont souvent des boomers.)

Elle me demande comment s’est fait mon inscription au chômage, me demande si j’ai rencontré ma conseillère, j’ai ri. Non, personne ne m’a convoquée, on a juste échangé des mails prouvant la profonde incompétence de la personne sensée calculer mon indemnisation. J’ai renvoyé des documents 3 fois, mes précisions n’ont pas vraiment été prises en compte. Cela dit, mon ancienne entreprise m’a vendue, toutes mes infos de carrière, maladie comprise, étaient déjà là, ça m’a éviter la perte de certificat de travail.

Et puis j’ai vu son regard affligé, à ma maman, je l’ai entendue soupirer et commencer à dire que ça a pas toujours été comme ça…

Et je lui ai répondu.

Je suis née en 1982, je dis ça pour situer mon âge et t’emmerder à faire le calcul. De rien.
Et, dès l’école, dès que j’ai été en mesure de comprendre un peu des trucs, on m’a dit “De toutes façons ça ne sera pas toujours comme ça, alors il faut trouver un vraiment bon travail (c’est à dire un truc qui rapporte de l’oseille, pas un métier-passion) parce que ça va changer”. Moi, au début, je voulais être dessinatrice alors j’ai dit prof de français mais on m’a fait comprendre que je pouvais faire encore mieux. J’avais pas envie de faire “mieux”, j’avais envie de dessiner, mais j’ai suivi le mouvement.

En cours, on nous disait ça, parfois. Travaillez dur, pour bosser, pour avoir une retraite décente. Tes parents t’ont peut-être dit ça, ou d’autres membres de ta famille. Les magazines et quotidiens parlaient souvent de “la crise”, on est en crise depuis que je suis née de toutes façons. La “crise” infinie nous plombera. Enfin “on”, les pas-boomers et les pas-très-favorisé-es, tu vois ?

On en est au stade où je ne sais pas si j’aurai une retraite tout court mais, hey, tout est de ma faute, j’avais qu’à être normale, ni folle ni pétée du corps, et j’aurais pu “aller loin”. Je suis de la team “quel dommage, tu aurais pu faire de grandes choses” alors que ce que je fais en ce moment, je le considère comme grand. Ce que je fais a de l’importance, mais pas de celle qu’on souhaite.

Je ne sais pas si tu as eu les mêmes “conseils” mais pour moi, le message était que les acquis sociaux étaient tout sauf pérennes, qu’il fallait en faire le deuil maintenant. Chaque personne qui m’a dit ça était relativement âgée, donc déjà protégée jusqu’à la fin. Moi j’avais genre 10/12 ans et encore un paquet d’années à tirer. Mais, déjà, je savais qu’on allait en chier.

🤖🤖🤖

Un jour, en voiture avec mon beau-père, il parle retraite. Il a franchement pas été lésé de ce côté-là. Et il me dit :

“Mais vous N’AVEZ PAS DE PLAN ÉPARGNE RETRAITE ??? *stupéfaction totale*
– Bah non.
– Mais faut épargner !!!
– Avec quel argent ?”

Subtil glissement de la responsabilité sociale à la responsabilité individuelle : check.

C’est désormais à nous de palier à l’absence de cotisations sociales suffisantes en prélevant sur l’argent qu’on génère nous-mêmes. On auto-finance nos retraites et, hum…si quelqu’un-e a mis ce système d’épargne en place, c’est sans doute pour dire ensuite “Après nous le déluge, vous l’aurez dans le cul alors prévoyez maintenant, regardez, on est sympa, on prévient !”.

Un jour, les capitalistes ne réaliseront toujours pas que les ressources terrestres ne sont pas infinie. Et ils continueront à cramer la bougie par tous les côtés au four en mode pyrolyse.
Changer de paradigme alors que ça profite à 1% de la population ? Ah, ça, jamais !

Et tout ça dans le plus profond du respect des personnes “meilleures” que toi car en costard.

Cette page WikiHow est en anglais mais j’ai failli me péter une dent à force d’en grincer. Mais j’ai ri aussi.

🦖🦖🦖

Mon propos, c’est qu’on est dans une hégémonie culturelle qui nous hurle à la gueule : “T’AURAS PLUS RIEN ET TES GOSSES NON PLUS, PARASITE !”

On nous prépare à l’effondrement économique depuis très jeunes.

Tu vas à l’école pour quoi ? Pour apprendre à lire, écrire, compter, ce genre de trucs ?
NON !
Tu vas à l’école pour être performant-e, avoir un bon dossier, intégrer de bons établissements post-BAC pour devenir un-e travailleurse accompli-e et rentable. Plus personne, à part les profs, ne se soucie des apprentissages. T’as fait une bonne école ? Non ? Ben à toi le BTS à l’arrache ou les jobs alimentaires ou les deux.

Ça m’a frappée, hier, comme ça.

On (les générations post-boomers) a été préparé-es à ne plus rien avoir.

Mieux !

On a fait du RMIste ou des allocataires du RSA des objets de blagues, on a fait des minimas sociaux la honte et le rejet.

On nous a dit “Regarde aux Etasunis ? Bah y’a pas de sécu alors je serais toi, je me contenterai de ce que j’ai…”

Les attaques médiatiques constantes sur les personnes en situation de précarité, les mères de famille nombreuses “pour les allocs” (vu le niveau des allocs et ce que nécessite un gosse, je te le dis tout de suite, c’est pas rentable comme calcul), NOS SDF et toutes ces personnes assistées, tout ça a participé à notre conditionnement à l’apocalypse.

Assistanat, c’est pas un gros mot, à la base, tu sais ?

On est dans un des pays les plus riches du monde, on l’a, la thune pour assister. Mais ces connards travaillent main dans la main avec le MEDEF pour qu’un enfoiré de milliardaire se paye des vacances en Islande ou climatise sa demeure de 16 584 pièces quand il fait trop chaud.

Alors, d’où ça vient, cette haine des assisté-es ?

De l’hégémonie culturelle.

C’est comme les contes et les fables qu’on nous rabâche, sauf que la morale est qu’on se fait avoir dans tous les cas.

Autoroute vers nulle part

🦎🦎🦎

Mais tout ça, c’est des conneries. L’argent, il est là. C’est juste qu’on a pas envie de te le filer pour que tu ne rapportes pas de valeur ajoutée. On pourrait parfaitement bosser 20h/semaine au même tarif, on pourrait aussi ne pas bosser et réussir à manger tous les jours. Je pense que si on se faisait un milliardaire à la fois, on tiendrait jusqu’en 2352.

La “Valeur Travail” c’est du pur bullshit. C’est un truc qu’on te dit pour te remettre sur les rails. FAUT BOSSER !!!

Bosser, ok, mais dans quelles conditions ? On m’a déjà dit “Comment, ton directeur fait ça !!! Mais c’est pas normal !!! Faut prévenir le monde !!!”. Pour faire quoi ? Refaire une “enquête interne” pour repousser l’ouverture du dossier aux Prud’hommes et cacher les preuves ?  Tu sais combien ça prend, un dossier Prud’hommes ? Tu sais combien ça coûte, un vrai conseil juridique ? On est directement en situation d’échec et de non-espoir. On y va, hein, mais, perso, je crois en rien.

Je ne crois plus en la “Valeur Travail” depuis mon premier CDI dans un call center en PACA en 2006. J’étais télévendeuse. J’ai changé, pour rester dans ce job, j’ai évolué en “conseillère client” quand ils se sont rendu compte que je savais calmer les gens et que j’avais suffisamment l’habitude de me faire insulter. J’ai fait du service après vente, ensuite,  quand j’ai financé et suivi un BTS en admin réseaux, systèmes et serveurs. Oui, le seul job qu’on a voulu me filer, c’était du SAV, parce qu’une nana c’est pas une technicienne de pointe, elle répare et fait le ménage mais elle sait pas construire. J’ai été cadre, aussi. Mon collègue qui arrivait bourré le matin était mieux vu et on lui a proposé 3000€ de plus que moi à l’année (et je suis partie). J’ai été gestionnaire administrative, c’était super calme, je faisais de la saisie mais j’étais au SMIC. Et quand j’ai enfin trouvé mon dream job (webmaster/support fonctionnel) on m’a discriminée au handicap et mise au placard.

Donc la Valeur Travail, ils peuvent se la foutre au cul.

🦆🦆🦆

J’ai vu tellement de personnes en souffrance au travail que quand j’y pense, je me demande pourquoi on ne sécurise pas les fenêtres plus sérieusement. J’ai vu des gens péter des câbles et tout plaquer, là, maintenant, au bureau, en reprenant leurs affaires et en se barrant. Je l’ai aussi fait. Je ne suis jamais arrivée au bureau sous substance quelconque, mais des anxiolytiques ? Tous les jours. Du Xanax pour supporter ma journée, Little Mommy Helper.

Et moi ? Je bosse bien dans mon domaine ou dans toute activité peu prenante et répétitive. Je le sais. J’ai été évaluée, réévaluée, sur papier je suis l’employée modèle. Mais je n’ai pas évolué dans mon poste, je n’ai pas eu de responsabilité supplémentaires faisant l’objet d’une augmentation (la subtilité est là), parce que de temps en temps, mon corps dit merde. Que je rattrape mon retard facilement, on s’en fout. J’étais pas là mardi 18 et franchement, ça le fait pas. Je suis embauchée en tant que Travailleuse en situation de Handicap, je sais que les entreprises ont besoin du quota, et je sais avoir souvent été embauchée pour ça. Un handicap invisible, des performances, idéal. Sauf quand on se rappelle que t’es malade et que tu vas pas guérir.

C’est ça, la Valeur Travail : une personne qui travaille sans discontinuer et sans faire chier le monde avec des trucs genre le Code du Travail. Nan, si tu parles du Code du Travail, tu n’as pas la Valeur Travail. Hey, ça se tient, non ? C’est un peu perplexifiant mais pas tant que ça. Pour nos dirigeant-es, entreprises, gouvernement, une bonne personne est une personne qui se laisse exploiter et à qui on fait produire de la valeur tout en fermant bien sa gueule.

Sur mon dernier poste, j’avais une collègue plus âgée, qui avait une fille en situation de handicap. Elle et moi arrivions très tôt (on était les deux seules mamans laule) et nous partions tôt, pour récupérer nos marmots. Elle travaillait sur le même poste depuis plus de 10 ans, je crois. Ses collègues ont évolué dans leur carrière, mais pas elle. Je la voyais, ma petite vigie, tous les matins, on se disait bonjour, on se racontait un peu nos enfants. Elle avait le même salaire, avec l’inflation, et n’avait pas le choix. Elle devait avoir des horaires un peu flexibles pour les activités externes de sa fille, le bureau n’était pas trop loin de chez elle, la cage dorée en plastique véritable était là pour elle.

Combien de femmes j’ai vu stagner indéfiniment dans des bureaux ? Merde je sais même pas donner un ordre d’idées…20, 50 ? Des personnes qui récupèrent gratos des activités de leur responsable, qui elle-même récupérait gratos des responsabilités, etc. Et c’est vu comme une bonne chose, en fait. “Karen, tu vas désormais être en charge de cette opé dont personne ne veut, sois fière et prouve ta valeur !!!”

Moi, je vaux à peu près ça.

🧩🧩🧩

C’est ça, notre monde, en fait ?

C’est ça, la “Valeur Travail” ?

Qui est encore dupe ?

On bosse uniquement pour enrichir des connards qui s’approprient notre réussite pour payer leur villa à Bali. On nous laisse un peu, quand même, histoire qu’on crève pas trop vite et qu’on puisse continuer à produire du travail ou des travailleurses.

Mais tsé quoi ? Le travail c’est pas que l’endroit où tu te tues à petit feu.

Si tu es sur Facebook je vais te demander d’imaginer une carte dans Minecraft sur laquelle est bâtie un immense bâtiment. C’est “The Uncensored Library”, la Librairie Non Censurée. Il s’agit d’un projet mis en place par Reporters Sans Frontières pour contourner les blocages gouvernementaux relatifs aux articles de presse.

🐦 “Il a fallu 24 constructeurs de 16 différents pays et 12,5 millions de blocs pour réaliser l’ensemble. À l’intérieur, on trouve actuellement plus de 200 ouvrages et de nombreux articles censurés dans leurs pays d’origine. Si les publications viennent pour l’instant d’Arabie Saoudite, de l’Égypte, du Mexique, de la Russie et du Vietnam, elles ont également été traduites en anglais.”
(Jeu Video point CA)

Je ne suis pas sûre du tout que quiconque ait été rémunéré pour ce projet. Pourtant, c’est un travail, et un travail utile.

Des gens font parfois des choses sans motivation pécuniaire. Ces écrits de grande qualité te sont offert par quelques heures matinales et je ne pense pas en faire quelque chose de rentable. Pourtant, cela représente beaucoup de travail, surtout si on prend en compte l’aspect de maintenance de ce site des enfers.

Est-ce que ce que j’écris est sans valeur ? Franchement, j’ai de gros problèmes d’estime de moi mais merde, ce que j’écris a de la valeur, ne serait-ce que le temps que je passe à faire magie avec mes mains.

Les potes qui craftent, tricotent, crochètent (coton ou porte, osef), les potes qui font du papercraft, des origami, des cartes postales, les potes qui peignent, photographient, dessinent, tatouent, créent, tout ce travail a de la valeur.

Est-ce qu’on peut décorréler la valeur du travail salarié svp ?

Ce qu’on produit, ce qu’on crée, y compris la cuisine qu’on réalise et les enfants qu’on met au monde, tout ça a de la valeur et on le fait bien souvent gratuitement.

Quand j’ai été chercher un jus d’orange et des bonbons pour la femme tombée sur le quai, ratant ainsi plusieurs RER le 1er jour d’un boulot, est-ce que j’attendais un truc ? Oui. Qu’elle mange un peu et se sente mieux. Je suis restée avec elle jusqu’à ce qu’elle se requinque. Gratuitement. Parce que c’est un être humain que j’ai vu s’écrouler, et que ça vaut la peine, c’est plus important qu’une arrivée à l’heure au travail.

Le mec qui m’a juste enjambée après que moi, je me sois écroulée sur le quai, portait un costard cher et une mallette en cuir de luxe. Je le sais, j’ai réussi à prendre la rame qui arrivait et je l’ai observé sans vergogne tout le trajet.

Pour moi, la sale hippie, les personnes sont plus importantes, même les personnes que je n’aime pas. Ok, je dis pas non à un petit accident de trottinette d’Élisabeth Borne mais tu vois ce que je veux dire. Si je PEUX aider, je le fais. J’aurais eu plein de moyens de saboter mes jobs, mais j’ai pensé à mes collègues en me disant que ce seraient iels qui paieraient.

Quand un PDG parle d’humanisme, de valeurs humaines, de taille humaine et tout ça, j’ai la nausée. Mec, tu m’aurais enjambée sur ce foutu quai, je le sais, tu le sais aussi.

🍉🍉🍉

Il est “normal” et souhaitable de vouloir grimper les échelons tout aussi invisibles que la main invisible du marché, le Père Noël ou la méritocratie. Il est normal que parfois, ça se fasse au détriment des autres. On nous apprend à dévaloriser les autres : unetelle ne mérite pas car elle joue à Candy Crush sur ses heures de travail, unetelle a trop d’enfants, unetelle est vraiment idiote, alors la promotion, elle est à moi.

Tu ne te demandes pas si tu peux aider tes collègues, non. Personne ne se demande ce qui peut faire penser que Candy Crush est plus passionnant que de la gestion de dossiers. Personne ne se demande pourquoi cette collègue ne comprend rien. Non, on s’en sert à titre comparatif pour se décréter meilleure. Plus sérieuse. Plus productive. Plus apte à gagner plus d’argent. Parce qu’on a plus de valeur en tant que travailleuse.

C’est ça, qu’on nous apprend : travaille dur, ça sera payé.
Bullshit.

Les cantonniers travaillent dur, est-ce qu’ils gagnent des milliards ?

Non, parce que ton système est tout pété mais qu’on est encore trop nombreuxses à croire qu’on peut changer quelque chose sans tout cramer. Et, si on est à contre-courant, la société nous punit et nous décourage. On le voit dans la presse mais aussi dans les livres, les films, la musique : faut de la caillasse. J’ai récemment réécouté un titre fameux de NTM qui s’appelle “Qu’est-ce qu’on attend ?”. Le titre est dispo sur YouTube, mais en version censurée. Je te jure. Cela dit, les mêmes chantaient “Dans ma Benz” donc qu’est-ce que tu veux que je te dise, que c’était mieux dans les années 90 ? Absolument pas.

Puis après, tu penses aux individus qui ont moins de 25 ans, et tu chiales.

C’est ça, qu’on veut pour nos gosses ?