Heures de réveil : trop, en gros ça s’est passé entre 3h et 5h56, et j’ai marché dans du vomi de chat.

Ce matin, je sais pas, enfin si, je sais, mais je sais pas pourquoi je te parle de ça quand même. Je vais te raconter un morceau de téléréalité japonaise qui place au niveau Bigdil l’ensemble des épreuves de Takeshi’s Castle.
L’ensemble.

Le Bigdil c’était un jeu TV complètement dispensable, tu rates aucun grand moment de télévision.

Mon mari ne m’a pas cru quand je lui ai décrit le truc, j’ai dû retrouver les infos dessus, il a fait “This is insane” et il a pas tort. Mais vraiment, il ne me croyait pas. Il pensait peut-être que j’avais été victime d’un hoax, mais pas du tout. T’as vu comment je fais monter la tension ?

Ok j’ai déjà perdu 75% de mon lectorat avec mes conneries, on va faire un peu de contextualisation pour faire baisser la tension et récupérer du monde.


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Mais avant toute chose : j’aime beaucoup la culture japonaise, surtout la pop culture évidemment, les mangas, les animes, tout ça, on va pas se mentir. Mais c’est, avec les US, un pays que je refuse de visiter (y’en a d’autres sur la liste et c’est assez facile pour moi de respecter cette liste vu que pour me bouger de 400 km il faut passer 3 ans à négocier).
J’aurais fait une excessivement très très mauvaise japonaise. J’ai besoin d’anarchie dans ma vie, de transgression et j’ai un gros fond punk en fait. Un “fond” haha 😆

Y’a pas mal de choses qui font que, notamment la condition féminine, la masse de non-dits of doom et la tendance à arracher les clous qui sont pas droits. Et on y exécute des gens aussi. Le taux de criminalité est extrêmement bas, surtout parce qu’on préfère les dédommagement financiers aux procès de la honte.

SHIKASHI (cependant) !
Je suis super mal placée pour juger, c’est pas ma culture, alors je vais essayer de m’abstenir de (trop) juger. Tout a une raison. C’est sans doute super logique dans un univers que je ne connais pas, j’en sais rien. Par contre y’a certains passages où je ne vais pas pouvoir me contorsionner pour accommoder tout le monde : y’a des moments où c’est la décence même qui juge, tu verras. Si je déborde, n’hésite pas à me recadrer, tu peux.

T’as un peu peur hein ?
Si tu as déjà vu des épisodes d’émissions-punition (“Batsu Game”) tu vois ce que je veux dire : ce sont des émissions dont tu ne sors pas indemne, physiquement et moralement.

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Recommençons par le début.

Takeshi’s Castle est une émission créée par Takeshi Kitano (le réalisateur et acteur qui m’a fait chialer dans L’Été de Kikujiro, oui) absolument ÉPIQUE qui a duré de 1986 à 1990 et qui a été rediffusée en 2006 sur W9. Et là, tu te dis “attends, les mecs ils ont acheté une émission qui a commencé 20 ans auparavant ? Merde, ça devait être bien.

Oui. Non. Mais non.

C’est chaud de décrire sans image (edit : le billet a initialement été publié sur Facebook) donc va voir plus haut les vidéos.

Sur Wikipedia tu as pas mal d’exemple d’épreuves, je vais bêtement copier coller :

“« Mouche Velcro » : revêtus de combinaisons velcro, les candidats doivent franchir un plan d’eau accrochés à une corde et se plaquer sur une surface (souvent ornée d’une toile d’araignée, d’où le nom de « mouche velcro ») à laquelle ils doivent rester accrochés.
« Baleine à pédales » : Cette épreuve consiste à réussir un parcours rempli d’obstacles sur un vélo (maquillé en baleine).
« Bowling » : Après avoir effectué un tirage au sort afin de déterminer quelle quille ils incarneront, les candidats doivent rester debout malgré la boule de bowling géante et le fait qu’ils sont placés à l’envers, avec des chaussures de ski attachées entre elles.
« Course qui tue » : les candidats doivent traverser un parcours du combattant en évitant des obstacles aussi divers qu’un rocher géant, des ninjas, des chenilles, des plates formes tournantes, des fosses, des boules géantes, tout en évitant de tomber à l’eau ou d’arriver à la fin du temps règlementaire symbolisé par un petit monstre rose.
« Tapis rouleau » : les candidats doivent sauter avec suffisamment d’élan sur un « bateau » en polystyrène afin de lui faire prendre de la vitesse et de s’arrêter dans la zone rouge sans la dépasser pour ne pas tomber à l’eau, ni ne pas l’atteindre, faute de vitesse. Un « adversaire » surgit alors de l’eau et pousse le candidat dans l’eau.

La dernière épreuve du jeu est toujours « L’épreuve finale où on comprend rien ». Les candidats ont chacun un char et soit un pistolet laser soit un pistolet à eau et doivent affronter Takeshi Kitano et ses gardes. Kitano est soit dans un char géant (surnommé le char caca par Vincent Desagnat et Benjamin Morgaine en raison de sa forme), soit dans un avion soulevé par une grue ; il est alors impossible de l’atteindre. Le but de cette épreuve est en fait soit de toucher le cercle en fer (avec le laser) soit de trouer le rond en papier cerclé de fer (avec le pistolet à eau) se trouvant à l’avant du char de Kitano avant que le sien ne soit troué.”

>> L’épreuve finale où on comprend rien on a, en France, ça s’appelle Pyramides.

Ok, je pense que tu situes un peu mieux. C’est du Fort Boyard en mode hardcore, où les gens se blessent réellement et où on se marre en les regardant se vautrer. Haha. 😑
Pour le moment il n’y aurait pas eu une seule victime, mais j’y crois pas un seul instant.

Je cite pour la forme “Gaki no Tsukai ya Arahende!” qui est un jeu de paris qui tournent mal. C’est un peu moins violent mais…

“Le 12 avril 1995 : Hama-chan voyage de porte-mine à New York
Ceci était la cinquième fois que Hamada parie avec Matsumoto (Émission du 18 décembre 1994) sur qui gagnera la compétition de chant Kouhaku. Hamada a perdu et a dû aller à New York avec Suga Kenji (producteur de l’émission) et aller chercher un porte-mine que Matsumoto a prêté au compositeur Ryuichi Sakamoto. Sur le retour, Matsumoto découvre qu’il manque la gomme à effacer sur le porte-mine ainsi Hamada a dû retourner à New York et récupérer la gomme à effacer.”

Ça va, c’est mignon, c’est des défis, pourquoi pas…

🌸🌸🌸

…puis ce type de concept est infini, oui.

Mais jusqu’ici, c’est suuuuuuuuuuuuuper soft. Haha.

Maintenant, je vais te parler de Nasubi.
Déjà on commence bien, “Nasubi” ça veut dire “aubergine” et c’est un pseudo qu’on lui a donné pour se foutre de son visage. Great. Tu sens qu’on part sur de bonnes bases, hein ? (Ce billet est garanti sans emoji aubergine, j’ai une décence, moi).

On a proposé à Nasubi un concept “simple” : survivre uniquement à l’aide de jeux concours.
Hein ?
Bah on l’a collé dans un appart minuscule, à poil, sans rien. Enfin, avec des piles de magazines de jeux concours et des stylos à bille. Le but de la manœuvre ? Survivre uniquement avec ses gains. Donc son objectif était de remplir des coupons réponse pour gagner des trucs, de préférence de la bouffe parce qu’il avait pas à manger. Bah non.
Alors il va en remplir entre 3000 et 8000 par mois, des coupons.

Le jeu était sensé prendre fin lorsqu’il avait cumulé ¥1 million ($10,000US de 1986 soit 24 561,59$ de 2021) en gains à ces jeux. Lors du “contrat”, on précise à Nasubi qu’il sera filmé et que l’émission sera diffusée par la suite. Il connaît l’emplacement de LA caméra (mais pas DES AUTRES caméras 🤐).

Sauf que c’est faux : tout est exposé à la télé devant la meilleure audience de tous les temps : 17 millions de spectateurs chaque semaine. Ah, et comme ça marchait bien, ils ont fait un livestream, histoire de capitaliser encore un peu plus sur leur victime. Les meilleurs moments, tu sais. Le geste de décence minimale a juste été de masquer son entrejambe avec un dessin d’aubergine (50 personnes sur le sujet H24 juste pour ça). Histoire de rester dans le thème. Donc on part déjà sur un contrat unilatéral, sur un postulat qui semble impossible, tu te sens un peu mal à l’aise ? Moi aussi.

Il va y passer TROIS CENT TRENTE CINQ JOURS (335) jours et être “kidnappé” et relocalisé trois fois. Parce que lorsqu’il a atteint l’objectif, c’était trop facile et les gens étaient accrochés. Alors on l’a déplacé en Corée du Sud pour remplir le même type mission (“payer le billet retour”) mais en coréen. Nasubi ne parlait et n’écrivait pas le coréen à ce moment. On a encore déplacé l’objectif quand il a gagné trop facilement : il devait cette fois payer son billet d’avion pour le retour mais en première classe.

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335 jours. coupé du monde, car évidemment pas de réseau, pas de télé (sinon il risquait de se voir dedans), que dalle de chez que dalle.
Il a eu 2 sorties, à chaque fois lors d’une relocalisation.

Il y a eu un moment d’humanité : au tout début, il n’avait rien à manger, quand il est devenu trop maigre, après 12 jours, on lui a filé de quoi ne pas crever. Il a ensuite gagné un sac de riz, mais n’avait rien pour le cuire. Alors il a attendu de gagner de la nourriture, il a gagné de la nourriture pour chien et a tenu là dessus plusieurs semaines.

L’épisode final ?
Nasubi est de nouveau relocalisé, et d’un coup…les 4 murs de son appartement tombent et il réalise qu’il est sur un plateau télé face à des centaines de personnes hilares.

Je te laisse digérer un peu tout ça. Moi, ça m’a pris du temps (mais j’ai les images de son visage d’animal pris au piège lorsque les murs tombent gravées dans mon esprit).

Ouais, voir un homme isolé sombrer dans la folie et la malnutrition je trouve pas ça ouf comme truc. Du coup j’ai maté, bien sûr. Je suis bon public, je n’ai pas ri à un seul foutu moment de ce foutu show. Ça m’a juste vraiment perturbée, et je pense à cette histoire depuis longtemps. C’est pour ça que j’en parle.

La fin du show : à poil devant un public hilare.

🐑🐑🐑

Wooooooooooooooooooooow

C’est bon, t’a touché terre ? Moi non plus.
Je sais même pas conclure en fait. J’ai pas vu ça hier soir, j’ai regardé/écouté plusieurs émissions et podcasts sur Nasubi, et pourtant, ET POURTANT je suis toujours autant atterrée. Et traumatisée, oui. Moins que lui, tu me diras.

C’est chaud de pas juger, nan ?
Déjà on lui ment, dès le départ : il est diffusé chaque jour (sans son consentement), on a placé des caméras subsidiaires (sans son consentement), on l’a kidnappé trois fois en pleine nuit (sans son consentement), on a prolongé le jeu (il avait pas non plus signé pour ça), le mec passe près d’un an en total isolement, à poil (il n’a jamais gagné de vêtement qui lui allaient), mal nourri, avec une hygiène déplorable. Enfin, non, il était pas seul, il avait une peluche avec qui il échangeait et vers la fin il avait une Playstation.

Il aurait mis plusieurs mois à réussir à tenir une conversation normale avec un autre être humain après sa sortie. Après tant de temps nu, il ne supportait plus le contact des vêtements sur sa peau. Au niveau des dégâts psy, ça a dû être épouvantable, on le voit vraiment sombrer dans la folie de jour en jour.

Je n’ai pas du tout trouvé d’information sur sa santé mentale (edit : ça à l’air d’aller mieux). On va dire que c’est un problème pas vraiment correctement pris en charge au Japon. Du coup c’est même pas une info qu’on rapporte, sa caboche. On s’en cogne. Le mec a servi, merci, au revoir. C’est semble-t-il culturel d’essayer de rester positif à tout prix. Mais nan, on sent ta détresse, t’inquiètes qu’on la sent. Tu fais semblant, moi j’y crois pas.

J’ai juste cette trad DeepL issue de la fiche Wikipedia EN pour conclure :

“Nasubi rapporte qu’il est reconnaissant de son expérience et que le producteur lui a présenté ses excuses. Le producteur, Toshio Tsuchiya, dit qu’il n’a aucun regret et confirme qu’il s’est excusé. Il déclare que son objectif est de produire des miracles sur pellicule, et avec Nasubi, c’est ce qui s’est passé.”

“Oups on a détruit ta vie et t’y a rien gagné, sans rancune, hein ?”

Ouais parce que ça rajoute encore au truc : il a rien gagné à la fin sauf l’humiliation (et la liberté, ok). Il a accepté le jeu en espérant lancer sa carrière, il s’est moyennement vautré. Trop associé au personnage du “jeu” sans doute.

En 2020 il a fait une intervention pour parler de confinement, rapport à la pandémie, toussa. Bien vu, mais l’auto-humiliation…bon on est au Japon. J’ai rien dit. J’ai dit on est au Japon, j’ai pas jugé (si j’ai jugé, d’accord) !


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Si tu veux en savoir plus (en anglais, malheureusement, les ressources en français se planquent sous le tapis et j’ai même pas de tapis) :

J’ai pas vraiment envie de chercher la vidéo qui m’avait marquée (j’ai été un peu trauma oui) donc je t’ai lancé la recherche YouTube comme ça tu choisiras.
Je pense que l’épisode de Distorsion (en français du Québec) est assez informative, mais c’est du podcast.

Je te laisse avec l’image du jour qui est PAS fun. Ce billet n’est PAS fun mais t’as ptet appris des choses.