Heure de réveil : 4h21 (enfant, chats)

Je viens de tilter (enfin non j’ai tilté tout de suite mais j’avais pas le temps hier) pourquoi tout le monde parle d’un «producteur de musique» sur cette affaire. Les médias ont oublié le mot noir.
Ils sont en avance sur la censure bien-pensante qui détruit la liberté d’expression, comme d’hab.

Les gens, la liberté d’expression que vous revendiquez est une liberté d’opprimer. Parce que très très étrangement, et là encore une fois, j’y peux rien, cette fascination sur le «on peut tout dire» fait kiffer surtout les mecs blancs.

Ah ouais là on les tient pu. C’est les mêmes que Connard² qui te sort «Ah ouais vous voulez l’égalité, ça veut dire que je peux te coller une droite ?»
Aussi appelé «l’argument le plus claqué au sol de toute ma vie».
Oui parce qu’en gros tu parles égalité des sexes, il pense immédiatement à t’en coller une, en fait. Much progressism et volonté d’ouverture. J’ai confiance.

Les mecs qui disent ça tombent irrémédiablement dans une catégorie : Foutu, à benner.
Prions pour que l’algo ne détecte pas cette allusion très subtile à une expression à base d’ordures ménagères. 🤞

Précision utile : je suis blanche et je m’adresse à mes comparses fragiles qui ont du mal avec le racisme.

🦎🦎🦎

Donc on a oublié le mot noir.
En France ça fait un moment qu’on ne le connaît plus, ici on dit «black». Parce que c’est dans une autre langue, sans doute, ça dédramatise. Dédramatiser quoi ?
Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas désigner une personne par son apparence physique si on ne connaît pas son état civil ? Mais pourquoi donc dis donc quel mystère…

A la base j’avais mis une image de test de daltonisme mais une lectrice m’a fait remarquer, à juste titre, que c’était nul, donc je te mets ça à la place, voilà, c’est un peu plus informatif.

Un jour comme ça j’ai torturé une secrétaire de direction.
Je pense que ça va rappeler des trucs aux personne racisées qui me lisent.
«Ah, il faudra que tu parles à Emilie.
– Qui ça ?
– Emilie, tu vois, elle est dans le bureau à côté de truc.
– Non, je ne vois pas…elle ressemble à quoi ?
– Heu elle heu elle a les cheveux noirs, elle est souvent en talons, elle heu…
– Mh ?
– Puis heu…
– Désolée, je vois vraiment pas qui c’est.
– Elle est black.
– Noire, elle est noire.
– Black
– Noire.»

La scène a été beaucoup plus longue, elle s’est empêtrée dans des circonvolutions pour tout dire SAUF la couleur de peau de la personne qu’elle décrivait.

🦇🦇🦇

Le tout premier stade de ma «déconstruction» relative au racisme a été de réaliser pleinement que j’étais raciste. Pas genre tonton raciste ou membre du KKK mais quand même raciste. J’avais beaucoup d’aprioris bien enfouis sous une couche de déni, et des préjugés en pagaille.
Et je m’estime toujours raciste, en fait.
Parce que quoi que je fasse, j’ai été élevée comme une femme blanche. Je peux déconstruire mes préjugés racistes, je ne pourrai jamais m’affirmer pleinement exempte de racisme.

Je suis raciste, donc, et devine ce que j’ai fait de cette information ?
⚙ J’ai chialé, roulée en boule en cherchant un moyen de valider le racisme anti-blancs parce que merde, je suis vexée ?
⚙ J’ai décidé de me convertir au Pastafarisme pour expier mes péchés ?
⚙ J’ai juste fait : et merde.
⚙ J’ai pris sur moi.
C’était inconfortable, et moche, et inconfortable, et alors ?

Je ne crois toujours en rien et la passoire me va mal au teint, j’en étais pas au point du racisme anti-blancs (quand même) et donc, ben, j’ai assumé, j’ai fait avec, j’ai bien fermé ma gueule et écouté parler les afro-féministes.

Et j’ai connu la Honte, la vraie, celle qui colle aux basques, celle qui ne me quittera jamais.

 

🐟🐟🐟

Je ne suis pas un exemple, au contraire, je suis toujours raciste.
Je suis moins raciste, je l’étais pas non plus excessivement mais j’étais parfaitement du genre «Hippie citoyenne du monde».

Bah quitte à y aller, autant se renseigner sur le sujet !

🙈 J’ai eu des dreads de blanche. Que j’ai retirées (oui, mes cheveux sont pas faits pour les dreads, j’ai réussi à les démêler) quand je suis arrivée à la Réunion et que j’ai réalisé que j’avais l’air con. Pour le coup c’est venu tout seul. T’as l’air con. Mais vraiment. Cesse. Alors j’ai cessé.
(>> Ça, ça s’appelle de l’appropriation culturelle)

🙈 Dans la même tradition, je ne voyais pas les couleurs parce que le monde c’est l’universalisme, tout le monde est égal dans la joie et la République Laïque.
(>> Etre colorblind c’est surtout ne pas nommes les choses, ne pas nommer le racisme, et occulter et dépolitiser totalement le problème)

🙈 J’avais pas mal d’a priori culturels bien crades sur «l’Afrique».
Fun fact : l’Afrique est un continent, pas un pays. Est-ce que tu aimerais qu’on te confonde avec un Hongrois ? Est-ce que ce serait pertinent ? Et quelle langue on parle, en Afrique ?
(>> Oui, l’Afrique est un continent qui représente 20% des terres émergées et comporte 53 états)

Puis je ne connaissais que dalle à notre (très peu) glorieuse histoire coloniale. Je sais que mon père a été en Algérie mais ça n’allait pas plus loin. J’ai le luxe de pouvoir ne pas y penser.
C’est marrant, d’ailleurs, on dit toujours «pied noir» pour les Françaises d’Algérie et on a pas zappé le mot noir. Je pense que c’est vraiment signifiant. Si on désigne une blanche, ça passe, c’est ça ? Comme un nègre en Littérature, ça passe, c’est ça ? Vous me dégoûtez.

Pardon c’est sorti tout seul. Les gens qui hurlent en disant qu’ils ne pourront plus dire «un café noir» me rendent heu…chafouine. Voilà. Chafouine.

Le Colorblindness c’est le fait de faire semblant de croire que la couleur de la peau des personnes n’est pas importante.
Si je ferme les yeux très très fort et que j’y pense longtemps en chantant “Love is All” de The Butterfly Ball & Roger Glover1 et bah tout le racisme ne sera qu’un lointain souvenir, c’est le pouvoir de l’amour, des fleurs et de la MDMA.

C’est cool et tout mais c’est particulièrement inefficace pour lutter contre le racisme que de ne pas accepter l’évidence : les gens sont, volontairement ou non, racialisés2. Effectivement, les “races” n’existent pas lorsqu’on parle des humaines dans leur ensemble.
(On est pas si naïves)

La racialisation, c’est sociologique : on fait en sorte que le critère de l’identification raciale soit signifiant et on attribue une valeur en fonction du positionnement de la personne sur l’échelle de la domination.

Les gens ont des couleurs de peau et des traits différents. Ça devrait pas compter mais ça compte parce qu’on vit dans une societay, tsé.
Ne pas admettre ça c’est ne pas faire le tout premier pas vers la compréhension du racisme systémique. Tu peux ne pas être raciste, le système le restera.

J’ai appris plein de choses sur le daltonisme du coup !

🐓🐓🐓

Je pense qu’il faut énoncer ce qui est : la France est un pays raciste.
Bon, j’y suis née, j’ai pas choisi, me dira-t-on. Belle tentative d’esquive, bravo.
Non, on est pas responsable de tout les malheurs que les blancs ont fait pleuvoir sur tous les autres (et surtout les personnes racisées donc), mais on a quand même une responsabilité. Celle de ne pas perpétuer le modèle, déjà. Celle d’éduquer nos pairs («On ne dit pas black» est un début) au lieu de laisser le boulot aux opprimées.

On y était pas, mais on bénéficie encore de la colonisation.
Y’a effectivement des bienfaits à la colonisation.
Mais seulement pour les blanc-he-s…

Sur le marché de l’emploi, tu pèses plus lourd quand tu es blanche, par exemple. Tu n’y peux rien mais la moindre des choses c’est de reconnaître que tu es privilégiée. Ça va pas te tuer, rien ne va se passer sauf si tu le décides (et c’est tout le drame, justement).

J’aimerais bien qu’on arrête de se cacher derrière des excuses bidons, s’il vous plaît. Oui on est un pays raciste, oui on est racistes, alors stop la chouine, merci.

C’est pas mortel, d’être raciste. On le surmonte.
Mais ça peut être mortel d’être racisé-e en France, tu sais ?
Tu vois la subtilité ? Perso, les Joe-La-Chouine du racisme anti-blanc déclenchent en moi des pulsions de violence excessive, les mêmes que les jeunes flex du marché du travail avec leur novlangue de merde mais en plus viscéral.

📛 LE RACISME ANTI-BLANCS N’EXISTE PAS 📛

Les personnes racisées t’ont pas à la bonne ?
TU M’ÉTONNES !

Imagines, t’es là, posée, tu mates un truc random sur Netflix et tu chilles comme jamais.
Quelqu’un arrive dans ton salon, prend tes meubles, te colle des coups de lattes, chie par terre et se casse. T’es pas super contente je crois. T’as même un peu la rage parce qu’ils ont pris ta figurine Footix collector et ton poster de VGE.

Si tu croises la personne en question, je ne pense pas que tu réussisses à garder ton calme. Même si tu affiches une apparence placide, la seule chose dont tu auras envie c’est de le pendre par les pieds et de le secouer jusqu’à la libération de Footix. Au mieux.
On piétine la gueule des personnes racisées depuis trop longtemps.
Moi, j’aurais grave la rage. Tellement grave la rage que je les trouve super calmes au vu de l’offense, en fait. Et je suis très sérieuse en disant ça.

🌸🌸🌸

Tu prends Christiane Taubira ou Rokhaya Diallo, par exemple.
Il suffit qu’elles existent pour déclencher la haine.
Elles disent «…et je me suis fait une tartine…» et BIM, Twitter on fire 🔥
Juste exister, ça pose problème, meuf ET noires, tu m’étonnes qu’elles aient la rage (coucou, c’est l’intersectionnalité, ça va bien ?). C’est totalement et incontestablement une colère LÉGITIME et ce serait cool d’en finir avec les injonctions au calme. Moi je vais venir ruiner le tapis de ton salon tous les soirs et on verra combien de temps tu tiens avant de péter une durite.

On est un pays profondément raciste malgré tout le vernis «humaniste» qu’on a tenté de coller par dessus. Ce qu’on m’a vendu en cours d’Histoire sur ma Brave Patrie, ce qu’on ne m’a PAS APPRIS en cours d’Histoire, ce qu’on me refourgue en parlant «multiculturalisme à la française», c’était juste destiné à faire en sorte que je me contente de me dire qu’on fait «au mieux».

On fait pas au mieux.
On dit «producteur de musique» pour pas dire «noir», on lui cherche un passif de délinquant pour justifier le tabassage et on dit «IPGN» pour dire «dans deux mois c’est classé». Le niveau d’hypocrisie est stratosphérique.

Par contre, celle là, je suis obligée de la mettre…

La colère des personnes racisées est légitime et surtout la balle est dans notre camp. Elle est dans notre camp depuis un moment d’ailleurs. Mais genre longtemps longtemps. Je suis même pas sûre que l’arbitre se souvienne de sa couleur, à cette foutue balle.
Le status quo est super confortable, tout comme la misogynie intériorisée protège très temporairement du patriarcat.

Mais à un moment faut nous secouer, sans déconner, on fout quoi ? Les blancs font quoi à part chouiner ? Ils utilisent toute leur énergie pour évacuer le problème en n’énonçant pas le mot «noir».
Rha ouais, pour ça…on est vraiment des génies 😐

Je ne vois pas le problème = le problème n’existe pas.
Si ça c’est pas une mentalité de dominant, je sais pas ce que c’est.

Donc maintenant, faut qu’on s’implique un peu, non ? Ou, à défaut de se mettre à bosser à temps plein pour une association, qu’on se remette deux secondes en question, même si ça fait mal et que ça heurte. Toi t’as mal 2 secondes à l’ego, d’autres traînent leurs chaînes depuis 200 ans. Ta honte est passagère, la douleur est éternelle, entretenue par notre déni criminel.

🌿🌿🌿

La moindre des choses c’est d’écouter. De te taire. De laisser parler les personness racisées, de relayer leurs paroles. C’est aussi de ne pas laisser passer des propos racistes. Si ta collègue noire ne relève pas, c’est pas qu’elle s’en fout, c’est parce qu’elle a peur de l’ouvrir.

Ta voix de blanc-he porte plus haut, plus fort. C’est malheureux mais c’est aussi une bonne opportunité pour disrupter les discours et à-priori racistes.
Gueule. Fort. Longtemps. ✊
Retrouve un peu de dignité et utilise ton privilège blanc à bon escient. Même une petite action contribue. T’es pas obligé-e d’aller en manif, tu peux agir quotidiennement. Démonte tes préjugés, lis, renseigne-toi, éduque les personnes de ton entourage.

Mais là, c’est à nous de jouer, c’est à nous de bosser, pour une fois, et si on s’y met tous ensemble on finira main dans la main et on fera le tour de la Terre en chantant des chansons multiculturelles dans la joie et l’amour.
Non. Pitié.
Si on pouvait juste déjà arrêter d’être con-ne-s ça serait pas mal, et je te propose qu’on commence ce matin.

  1. Oui, la chanson de la pub Sironimo. Si tu as la réf, je suis au regret de t’annoncer qu’on est vieilles toutes les deux []
  2. On peut dire «racisation» ou «racialisation», j’utilise le second mais les deux sont valables []