Heures de réveil : 3h02, 4h17, 5h01
Toujours pas la vibe pour les affaires de ce bon Donny T., mais j’en profite pour dire qu’une agence de notation de pays (quelle légitimité ? Rien à battre, c’est un truc, y’a des agences de notation des pays pour dire aux autres pays que tu possèdes des thunes, tu es à l’aise financièrement, tu n’te plains pas, les affaires marchent en ce moment, alors tu achètes des trucs, et les autres pays voient que t’as des trucs, ils se disent “putain il a des trucs, et moi aussi j’voudrais des trucs”) a mis un signe “-” devant le AA de la France. Parce que les tensions sociales compromettent heu…je sais pas, un indice de confiance ou quoi ?
C’est même pas pour parler répression ou quoi, c’est juste que la feuille de route de radicalisation néolibérale c’était ça, mais ça marche pas comme prévu, enfoirés de français.
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Hier, j’ai pris un café dans un café. C’était cool, jusqu’à ce qu’un vieux vienne rejoindre un autre vieux au fond de la salle, beaucoup, beaucoup trop près de moi.
“Non mais t’as vu, les casseroles ? N’importe quoi !
– M’en parle pas, ils savent plus quoi inventer.
– Ridicule !!!
– Pauvre Macron, quand même.
– Oui, il paye pour tous les autres…
– …les retraites, le chômage, le réchauffement climatique, alors qu’est-ce qu’il y peut, lui ?
– Les gens sont jamais contents de toutes façons.
– Ils se rendent pas compte.
– Puis faut bien réformer, hein ! On va faire quoi, sinon ?
– Non mais moi je le soutiens. Le pauvre, il peut pas tout faire.
– A un moment, faut être réaliste”
Le “faut être réaliste” m’a gâché mon café. Un bon café crème à 3,40€ dans une belle brasserie au centre de la ville du Perreux sur Marne, la 7ème ville la plus riche du Val de Marne, qui possède notamment un “Parc”, c’est à dire un ensemble privé de résidences de riches, fermé et sécurisé. Je me suis levée, j’ai réglé ma consommation de luxe et je me suis barrée en souhaitant bonne chance à la serveuse.
“Faut être réaliste” ? Ok, ben écoutez, vous êtes une paire de vieux cons sans aucune conscience de l’existence d’autre chose que votre petit monde bien à l’abri du besoin. “Oui mais j’ai travaillé, moi !” Oui, t’as travaillé, et t’as le luxe d’aller boire un café avec ton copain un vendredi matin et d’éructer de la merde, c’est donc que la réforme des retraites ne te concerne pas, pas plus que les autres réformes.
Tout est histoire de point de vue. Moi, là, j’essaye de me mettre à la place de ces gens et j’ai déjà pas mal d’entraînement avec les droitistes de la famille. Je doute fortement qu’eux se mettent à la place des autres. Pur confort de l’ignorance. Les mecs ne sont même pas entraînés à voir les SDF, vu qu’on les repousse vers le nord de la ville dans le coin des pauvres vers chez moi. Nan mais sérieusement, la Mairie a acheté un motocrotte. Je te jure ! Je l’ai vue passer, j’ai salué le monsieur parce que saluer les cantonniers c’est reconnaitre leur existence, puis j’ai constaté l’absence de crottes de chiens sur mon trajet. Good job ! Un bon point pour la wokiste !
Par contre, de la maison à l’école élémentaire, je recense des dizaines de petits étrons canins dispersés ici et là, entre les encombrants posés là à l’arrache, les sacs de vêtements ouverts, et quand je fais le trajet, je regarde le lieu où était située l’annexe de la Poste, fermée il y a quelques années au profit d’un relais au bureau de tabac d’à côté. J’avise les grues, ça grute beaucoup, par ici. Au centre de la ville, des “villas” en pierre de taille, chez nous des “résidences” en carton-pâte. Les rues sont crades, les encombrants restent longtemps (faut prendre rdv maintenant, vu qu’on a rationalisé les encombrants pour limiter la dépose sauvage)(est-il utile de préciser que ça ne fonctionne pas ?), mais quand je sors de chez ma kiné et que je vais prendre mon café, tout est beau et propre.
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C’est facile, de dire qu’il faut être réaliste quand tu as une vie confortable. Je juge, oui, je juge sur les vêtements, les propos, le contexte, bien sûr que je juge. Si ça se trouve ils ont bossé dur toute leur vie pour en arriver là (et alors ?). Et comme dit le dicton “Si j’y suis arrivé, tu peux le faire”. Peut-être qu’ils ont fait une guerre, j’en sais rien. Mais ils sont convaincus d’avoir le droit à leur petite niche sur la falaise pour regarder les autres s’éclater au sol en applaudissant le Boss.
Si tu es à l’abri du besoin, c’est bien grâce au système. Au travail, mais aussi à tous les acquis sociaux dont tu as pu bénéficier. Si tu pars en vacances 5 semaines par an, c’est que des personnes ont beuglé suffisamment fort pour ça. Mais non, tu es dans ta niche, tout va bien, regarde ce joli canapé que j’ai acheté chez Habitat, n’est-il pas ravissant ?
En réalité, c’est eux qui coincent le pied dans la porte de l’ascenseur social qui est en rade depuis que je suis née. Je sais pas, je l’ai jamais vu fonctionner, c’est comme les ascenseurs au boulot, t’en as toujours un qui déconne mais les interventions sont longues car il reste un ascenseur sur deux, peu importe si ça bouchonne, z’aviez qu’à prévoir le temps d’ascenseur sur le temps de pause.
La dernière fois, mon beau-père était surpris qu’on ait pas de plan épargne retraite. Genre, vraiment surpris. Esbaudi, étonné, tout le merdier. Imaginer que la fin du mois c’est le 15 est impossible dans son monde.
MAIS ! Mais il n’a pas percuté le fond du problème. Comme pour mes deux vieux insupportables. On saisit qu’il y a un problème, mais on ne fait rien pour changer quoi que ce soit car “Moi, ça va”. T’as des gens qui crèvent, une politique répressive insupportable dans une dystopie de la surveillance, de moins en moins de droits et de plus en plus de devoirs, mais “Moi, ça va”. Donc c’est à nous de faire des efforts, mais sans casseroles et sans manif et sans grève et sans blocage et sans RIEN parce qu’on perturbe leur repos bien mérité.
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Je ne sais pas si le terme “égoïsme” est réellement le bon. On est sur une base de biais d’ancrage avec un peu de biais rétrospectif saupoudré d’un effet de simple exposition pour éviter toute dissonance cognitif entre leur réalité et la nôtre. La vie, pour eux, ça va. On trouve bien des motifs pour se plaindre (une amende de stationnement perçue comme injuste, l’absence de livres d’extrême droite à la nouvelle librairie) mais bon, l’un dans l’autre, ça va. Donc si chez eux, ça va, alors chez les autres ça devrait aller aussi. Peut-être. On en sait rien mais on présume des trucs, comme moi lorsque je juge à mort le Mec à Bottes en Cuir que je croise parfois. Memorabilia de la Seconde Guerre Mondiale, adepte BDSM engagé ou passion pour la fleur de cuir ?
Sauf que moi, ben j’ai envie de m’intéresser aux autres. Si je vois une personne faire la manche, je ne me plains pas de sa présence mais je me dis quel monde de merde. Lorsque je croise les ados aller au collège ou au lycée, je me sens triste car je sais que la suite va être encore pire. Lorsque je vois l’Enfant, je me dis que nos gosses (pas juste le mien, nuance) vont galérer si NOUS ne faisons RIEN là TOUT DE SUITE.
C’est pas à euxlles de gérer les futurs problèmes. La plupart n’a même pas encore le droit de vote ! C’est nous, là, maintenant, aujourd’hui, qui devrions faire en sorte que nos plus jeunes aient un peu un vague espoir de trucs pas trop mal. On en est même plus à “une vie pleine et réussie”, on en est à “une vie où tu peux manger tous les jours en espérant que le thermomètre n’ira pas jusqu’à 53°C cet été”. Faut réaliser ça, à un moment.
Pour moi, je sais que c’est foutu, mais pour les autres ? Qu’est-ce qui va leur arriver ? On fera un Koh-Lanta Parcoursup pour déterminer qui ira à la fac et qui ira bosser au Mac Do ? Un Squid Games des études supérieures ? On demandera à Mister Beast de financer les études de 1000 personnes en se disant merde, qu’il est généreux, ce type ?
Toi, tu es à l’abri dans ta niche, parfait. Pourquoi ne pas profiter de ton privilège de bourgeois pour aider les enfants des autres ? Oui, parce que tes enfants à toi, iels iront dans le privé, puis dans une grande école si tout va bien. Si t’es très riche, tu peux même refiler de la thune à l’école en question pour que ton enfant soit assuré d’un avenir brillant.
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Sauf qu’on est pas en carton-pâte, pas comme nos nouvelles “résidences”. On est des gens. Avec une trajectoire variable, avec des problèmes insoupçonnés, des habitudes, des cultures ou des religions différentes. Tu manques de compassion, sauf quand il s’agit d’aller acheter du lait à l’épicerie ouverte 24/7 et que tu te plains de l’odeur d’encens ou du trop vaste choix en produits Halal. Toi, c’est Monique Ranou ou rien, tu es contrarié par ce manque de compassion du tenancier qui commence à en avoir marre de tes conneries sous son sourire bienveillant. L’épicerie est ta commodité, jamais tu ne te demandes pourquoi c’est le même mec qui tient boutique le dimanche à 23h ou le lundi à 6h. Tu ne te demandes pas non plus comment il arrive à sourire encore, tu n’imagines pas qu’il envoie la moitié de son salaire au Bled pour aider ses propres enfants dans un pays ruiné par la colonisation. Non, tu vois une épicerie, tu râles et tu reprends ta vie.
Moi, je lui demande comment il va, je souhaite bon courage pour les jours de Ramadan, je Google c’est quoi les petits autels dans les épiceries Sri Lankaises pour pas poser de question embarrassante. Je peux pas faire plus, alors je me rends au moins supportable. Je me demande comment est la vie, ailleurs, dans ce corps là qui sourit à l’infini. Sa vie m’intéresse réellement, j’ai envie de savoir si je peux faire quoi que ce soit pour qu’elle soit un peu meilleure. Et je crois que la différence, elle est là. Je ne parle même pas d’héritage colonial, juste, je me demande comment est sa vie. Et lorsqu’on parle aux personnes différentes de nous, on apprend des trucs. D’autres cultures, d’autres modes de vie dans ce système si cloisonné.
Le cloisonnement est vital au boomerisme toxique et à la décomplexion néolibérale.
On vit en mixité sociale, normalement. Mais si on ne voit que des personnes comme nous, si on ne travaille qu’avec des gens comme nous, si on refuse de croire qu’autre chose existe, bien à l’abri sur notre falaise, on ne peut pas vraiment se considérer comme une personne ouverte et agréable qui travaille au Bien Commun. La France c’est pas que des blanc-hes hétéro CSP+ dans des maisons à 7 chiffres. J’en reviens pas de me sentir obligée d’énoncer cette évidence.
Oh, et s’intéresser aux autres, c’est pas dire en revenant de vacances à Punta Cana “Ces gens n’ont rien, sont si humbles, et sourient, pourtant. EUX.”. Tu as donné 10 balles à un gamin dans la rue, t’es fier de toi, tu te sens bien et tu te sens mieux encore lorsque tu rentres à la maison et que tu racontes cette si belle histoire à tes potes.
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Je crache dans la soupe, absolument. Mais ma soupe est différente de la tienne. Je veux mieux, vegan, avec un meilleur goût et même une foutue branche de persil sur le dessus.