Allez.

Ouais, on se la fait sans intro ? On se la fait sans intro.

L’écriture inclusive, c’est chiant et c’est moche.

🐬🐬🐬

Ose me dire que tu es ravie de devoir utiliser cette écriture qui te ralentit dans ta prose car elle entraîne une réflexion supplémentaire sur la syntaxe et l’orthographe ?

J’ose ! J’affirme !
Oui, je le dis, pour moi, c’est une contrainte.
La seule différence entre Jean-Capello et moi c’est que, politiquement, humainement, je ne peux pas avoir conscience d’écraser la gueule de plus de la moitié de l’humanité et continuer en faisant semblant de ne rien voir autour de moi.

Ben ouais.

C’est ça, la différence entre lui et moi : ce que je ne vois pas peut exister.
Dans un de mes articles je prenais l’exemple des rampes d’accès aux personnes en fauteuil roulant dans les magasins. Qui est contre l’accès à ces personnes en magasin ? Personne (je sais que pas personne mais laisse moi rêver, on va dire «Personne qui n’est pas une grosse crevure de merde»).
(Je précise ici que je ne suis pas en fauteuil mais que j’ai des difficultés à me déplacer et surtout à rester debout)

En revanche, quand on va construire la rampe, on bloquera une partie de l’accès du magasin, le temps des travaux. Et ensuite, il y aura un tout petit peu moins de place pour rentrer à 3 de front dans la boutique. Les valides pourront toujours entrer, par la voie «classique» ou la rampe, iels sont tout terrain. Les personnes en situation de handicap pourront aussi entrer. Joie, bonheur, félicité ?

Horreur, néanmoins, pour les valides, l’expérience n’est pas «transparente» comme on dit dans le Bouchonnois. Iels ont 80 cm de passage en moins sur 2m (taille standard des portes automatiques), en admettant qu’iels entrent EN MEME TEMPS que la personne en fauteuil.
Et elle ne pourra plus entrer à 3 ou faudra un peu pousser.

MUCH TROUBLE 😱

☠☠☠

T’as déjà vu des gens râler sur les rampes d’accès, les places de parking handicapés, les plans inclinés, les caisses rapides pour non-valides (Bizarrement personne ne gueule sur les ascenseurs) ?

Ouais, moi aussi.

En plus les douches seront désormais à l’italienne dans le neuf ou ne seront pas. Merde, t’auras une douche à l’italienne en plus bientôt, mais c’est quoi de délire d’encourager le business étranger, elles sont super nos douches à la française de France !

Le lobby handi ne manque décidément pas de ressources, ces gens sont puissants et agissent dans l’ombre avec un seul but en tête : aller où bon leur semble et être les plus autonomes possibles.
Malheur.

«Oui mais MOI je dois me bouger c’est pas normal c’est chiant c’est moche»
Le confort perso prime sur l’inclusivité, bien sûr. Quand tu t’appelles Jean-Bernard-Pivot.

🦄🦄🦄

En vrai j’ai jamais compris comment une place balisée en bleu et blanc pouvait t’emmerder. Ouais, quand et si le parking est plein, tu passes devant une place vide et tu es frustré. Maintenant imagine passer en bagnole et ne pas pouvoir du tout faire tes courses parce qu’un connard a pris la place qui t’était réservée ?

Deux personnes, un même objectif : faire péter le PEL à Auchan.
Frustration de la première : marcher 2 mn
Frustration de la seconde : ne pas pouvoir marcher. Ne pas pouvoir faire ses courses du tout. Rentrer chez soi ou se blesser en se déplaçant sur 100m vaille que vaille, galérer, galérer, galérer.

J’ai pas le permis mais on m’a déjà obligée à sortir ma carte «Station debout pénible» en caisse accessible. Pas le caissier, non, la personne derrière moi qui ne comprenait pas pourquoi moi je pouvais passer.

🦁🦁🦁

Pourtant, quand tu demandes aux gens s’ils détestent les personnes en situation de handicap, jamais PERSONNE (non-nazi) ne va dire que ouais, franchement, ces gens-là, hein…Donc on «tolère» notre existence dans le sens où on nous laisse le luxe de la vie sans nous jeter des cailloux. C’est le minimum et souvent la seule et unique étape du processus cognitif.

En revanche, quand on commence à demander aux valides de faire des efforts, car iels le PEUVENT, et pas des efforts genre tout le monde se coupe une jambe et on en fait don, tu vois, des efforts comme laisser une place à une personne, marcher un peu, te décaler de 10 cm vers la gauche pour entrer chez Kiabi, ça gueule.
Sans forcément penser à ce que ça implique chez l’autre. On gueule parce que fait chier, on va devoir s’adapter pour des contraintes qu’on ne subit même pas ! Peu importe l’effort demandé, et c’est souvent pas des efforts surhumains au vu de la politique handicap à 2 balles qu’on se traîne, c’est déjà trop.

Après tout…on nous laisse vivre, alors qu’on se débrouille !
Ces gens-là on des allocs en plus, merde à la fin !
De «on vous tolère» à «on ne veut pas de vous», la pente est glissante. Et c’est ce qui fait un peu la différence, à mes yeux en tout cas, entre une personne égoïste et une personne bienveillante.
Si te décaler de 10 cm pour laisser la place, si attendre 2 mn pour laisser le temps te font atrocement souffrir, pose-toi des questions sur ta tolérance à la frustration et à tes Vraies Valeurs de la Vie.

Pour, toi, valide, ça ne change rien, comparativement à l’inaccessibilité totale subie par les personnes en situation de handicap. Tu peux aller au ciné sans te poser de question. Tu peux aller faire tes courses à l’arrache un samedi soir de réveillon sans trop souffrir.
Ta liberté à toi est totalement intacte si l’on s’en tient à la finalité de ton action : faire ses courses, se déplacer, se divertir.

🦑🦑🦑

Ben tu vois, l’écriture inclusive, c’est pareil.

Fin du billet, merci, à demain.

🐁🐁🐁

…bon, d’accord.

L’écriture inclusive est destinée à prendre en compte les diverses identités de genre possibles (rappel : le genre est un blob-spectre-arc-en-ciel) afin de s’adresser à tout le monde.
Parce que le neutre n’existe pas, en Français.



…wait for it…
……….

AH !!!

NOPE, le masculin n’est pas du neutre !
T’es mou, je croyais que t’y viendrais jamais, Jean-Goncourt !

Si il y avait du neutre en français on aurait pas «le masculin l’emporte sur le féminin» par exemple. On ne le préciserait même pas. On dirait «c’est du neutre, bisou». Mais ce «neutre» est bel et bien masculin. Et en tant qu’hystériques sanguinaires, notre seul but étant évidemment d’annihiler totalement les mecs cis et toute trace de leur existence sur terre, le langage est la première étape, merci de ta vigilance, la masculinité a eu chaud aux fesses.

😑

C’est difficile, si ce n’est impossible, que de réaliser que TU es le neutre et que c’est absolument faux et anormal. Tu n’es pas neutre, tu es genré. T’en es suffisamment fier à exhiber tes couilles de cristal dans les transports, t’inquiètes, on a bien compris ta super puissance de la Sainte Bite.
Tu te poses en supérieur de toutes façons, c’est tout sauf neutre.

Ramener le «neutre» au «masculin» est tout sauf neutre, aussi. Juste en l’écrivant je comprends pourquoi, j’espère ne pas avoir à faire tout un speech avec 1000 sources en commentaires, démerde-toi. On comprend plus facilement quand on est l’Autre.
Et si pour toi c’est toujours totalement anormal que de vouloir l’égalité, cette égalité qui passe tout autant par le droit de vote que par la grammaire, tu peux cesser directement ta lecture ici si toutefois tu étais arrivé jusque là.

Tu vois, j’ai mis «arrivé jusque là» au masculin.
C’est fort hein ?
Ouais.

Parce que c’est quasiment que les Jean-Bescherelle-ta-Mère qui vont couiner à l’éventration de ta Culture dès qu’on propose de bouger de 12 mm vers la gauche.

🤖🤖🤖

Mais quelle insécurité !
Et que de temps perdu…

Si ne plus être le Neutre, le centre du monde, la valeur universelle, te déplaît et ben j’ai pas de bonnes nouvelles pour toi : On existe, on existera encore longtemps et, promis, c’est que le début des emmerdes pour toi.
Qu’un mec se sente lésé par l’utilisation d’un «neutre-pis-aller» (faute de «vrai» neutre on écrit en inclusif, oui, c’est un peu ça, le but, être inclusives, toussa) non seulement ça me fait un peu rire sur sa fragilité, mais ça me dit qu’on est sur la bonne voie.

Ouais vous êtes bien notre baromètre en fait.
Plus ça vous fait mal réagir, plus on sait qu’on aborde un point sensible. Vous nous aidez pas mal à ajuster le tir, en réalité. Merci.
Notre si belle langue est en constante mutation. Il y a 100 ans personne n’aurait compris un traître mot de ce billet. Déjà, y’avait pas de portes automatiques ni de fauteuils roulants ni d’hypermarchés.
D’ailleurs ces termes non plus n’existaient pas, on les a inventés tout pareil. 🤔

Les mecs ils disent «Engager le self-care et les trends en one-shot en co-construisant la disruptivité de demain» en réunion 16h/jour et ils pleurent pour un point médian qui détruit leur belle langue française inchangée depuis 1610.

🐟🐟🐟

Ecrire en inclusif, c’est laisser de la place pour les fauteuils roulants, c’est laisser sa place en caisse, c’est faire de micro-concessions qui permettent aux autres d’exister.
C’est pareil.

La représentativité c’est important, agir sur le vocabulaire et la manière d’écrire, c’est à dire la manière de présenter le monde, c’est juste crucial.
Est-ce que je dois rappeler que l’écrit c’est ce qui nous a fait passer des gravures animalières sur les murs de sa grotte à la totale scalabilité des systèmes embarqués via des canaux de contact textuels déceptifs ?
(Oui, évidemment que je caricature, je ne suis pas archéologue ni linguiste mais je peux te parler conversion multicanal ou te dire comment switcher le gap ROIste si tu veux)

🐞🐞🐞

«Mais c’est moche et c’est pas sympa pour les personnes dyslexiques en plus»
C’est vrai. C’est pas une écriture que je trouve spécialement élégante. Mais depuis le temps que j’écris en inclusif (7 ans en gros) j’ai pris le pli. Je lis maintenant sans aucune difficulté les mots les plus chtarbés, j’écris presque sans y penser.

L’effort n’a pas non plus été violent, hein. Et j’écris tous les jours. Au féminin universel, désormais. Les réticences n’ont fait qu’accentuer ma volonté de faire chier.

Moi on m’a dit «l’écriture inclusive permet de ne pas tout genrer au masculin et de laisser la place à toustes les autres», j’ai répondu «Ah ok, ça va me prendre un peu de temps». Pis ça m’a pris un peu de temps. Et voilà. Je n’ai pas perdu mon âme dans la bataille et j’arrive encore à m’exprimer.

On l’utilise faute de mieux, oui.

C’est ça ou ne RIEN changer.
Aucun changement ne s’est fait du jour au lendemain, surtout pas dans les usages linguistiques. On prépare le terrain. On expérimente, entre les points médians, les tirets, les apostrophes, les majuscules… On tente des trucs. Des fois on se plante, on a au moins le mérite d’essayer au lieu de rester là à rien foutre, posé-es sur nos culs de dominants. Ciel, un tiret.

On a conscience que pour les personnes dyslexiques ça peut poser problème (et on le savait déjà avant, au fait, pas la peine de ressortir des articles sur le sujet, on a bien compris que les personnes dys ne vous servaient qu’à nous opposer des arguments et qu’en aucun cas personne en a rien à foutre d’euxlles par ailleurs, tkt, on commence à vous connaître), alors on tente. J’ai lu qu’avec les apostrophes c’était mieux, alors je suis passée du tiret à l’apostrophe. Puis je suis revenue au tiret (et ça a été chiant à corriger sur toutes ces pages, ouaip)
Même pas mal.

Et personne vient faire chier Frédéric Lordon qui écrit des trucs super (il a sans doute fait au moins un truc problématique dans sa vie, oui, mais j’aime bien le lire) parce qu’il faut relire chaque phrase 2 fois pour comprendre où ça commence, où ça s’arrête, où j’en étais déjà ?
Non, lui il écrit compliqué, peu lisible pour une majorité bien plus importante que la population dyslexique, et personne l’emmerde. Sur son écriture.

On a des écrivains classiques qui filent des descriptions sur 8 pages, personne les emmerde parce qu’ils ne savent pas où se situent le point. Bourdieu n’est pas non plus dys-friendly, au fait.

🐯🐯🐯

T’en fais pas, on va pas réécrire Zola.
Pas plus qu’on ne défigure la Joconde au gré de la mode.
Pas plus qu’on a mis des prothèses robotiques à la Vénus de Milo.

Ta Culture ne craint rien.

Bonus, tu peux toujours écrire le mot «noir» aussi. Regarde. Tu vois. Noir. L’antiracisme ne t’a pas volé ton vocabulaire, tu sais ? Tu peux même utiliser tous les mots que tu veux pour qualifier les Autres de la manière la plus insultante possible, je ne peux rien y faire, l’Académie Française non plus et FailBook considère que cela ne va pas à l’encontre de ses Standards de la Communauté, tu peux dormir tranquille.

Regarde ce que ça dit de toi, tout de même.

Tu interviens sur chaque post «problématique» pour exiger qu’on écrive correctement. Parfois tu insultes, tu te comportes comme un connard alors que t’as même pas lu le contenu du truc.
Nan. Question de principe. Fermez vos gueules, les féministes.

👑 Ça dit de toi que tu es une personne intolérante, déjà. De la même manière que tu aimes à nous dire «Ben t’aime pas cette émission/ce journal/cet éditorialiste et ben tu l’écoutes pas, tu fais pas chier», j’ai envie de te répondre de retourner sur le site du Point pour te palucher en toute tranquillité.

👑 Ça dit de toi que tu ne veux pas faire d’effort pour les autres. Oui, on te demande un effort. Mais t’es pas capable de mettre ton linge sale au sale, tu me diras, je t’en demande sans doute trop.

👑 Ça dit de toi que ton confort et ta gueule sont les priorités absolues du Monde Libre.

Donc tu vois, là, moi, j’ai pas envie d’écrire pour te plaire, je me contrefous de ta validation. Je sais, c’est surprenant, mais en réalité tu n’as jamais été mon baromètre. Désolée. J’ai aucun intérêt à écrire pour des personnes intolérantes, rétives aux efforts, perméables à la souffrance des autres. Et surtout, je n’ai pas à me «modérer» pour plaire à ce lectorat.

C’est pas pour toi, Jean-Saint-Cis, que j’écris. Si tu me lis, que ça te fait du bien et tout ça, cool. Effet de bord inattendu !

🐨🐨🐨

Ce texte de a été écrit en inclusif, tu vois.
J’ai utilisé 1 fois un tiret sur «posé-es».
J’ai utilisé ceuxlles, toustes, inventifves et d’autres néologismes inclusifs.

Est-ce que tu as beaucoup souffert ?