Heure de réveil : 5h52 (chats, douleur)

(Ce billet parle de ma santé et de ma vie donc tu peux ne pas le lire, je ne t’en voudrai pas, c’est dispensable, il y a néanmoins deux trois conseils à la fin du billet qui sont utiles aux personnes aidantes)

⚠ CW : injection de médicament, bipolarité, idéation suicidaire.

Je continue mes injections d’anti-TNF malgré leur désormais inefficacité. Parce que je sais que si j’arrête, ça me sera reproché.
Hier j’étais vraiment crevée, j’ai pas fait gaffe, j’ai piqué n’importe comment et j’ai tapé dans une veine. Impossible de trop compresser car le liquide est très corrosif, l’endroit de l’injection extrêmement sensible et que je mets toujours une petite demi-heure à pouvoir me relever. J’ai dû choisir entre les deux trucs : en foutre partout ou prendre sur moi, serrer les dents et compresser.

Ce matin, j’ai encore l’ankylose qui n’était plus habituelle. Et j’ai des douleurs assez fugaces (genre une vingtaine de minutes) mais intenses (7/10) aux malléoles, ou plutôt, comme d’habitude chez moi, aux enthèses (attaques ligaments/tendons sur l’os) (Edit 2023 : c’était le canal tarsien, en plus de l’aponévrose.).
La forme enthésique de la spondylarthrite est présente chez 10% des malades, essentiellement des femmes (de ce que m’a dit mon rhumato de Cochin que je vois en octobre, t’en fais pas, je prends les choses en main des fois). C’est très inflammatoire, ça ne laisse pas de trace et c’est très difficile de voir ça à l’imagerie.

Alors tu penses bien que personne n’en a rien à foutre.
Mais ma douleur, elle est toujours là, pourtant.
Psychosomatique ou pas, elle est là (j’ai fait un billet sur la somatisation si ça te dit).

J’ai commencé le traitement en mars 2019 et ça avait bien fonctionné jusque mars 2021 donc j’ai oublié. Après quelques semaines, je n’avais plus de réveil nocturne sans pouvoir bouger, je pouvais me lever tranquillement sans dérouiller, j’ai cessé d’avoir des douleurs lancinantes au dos, c’était magique.

Ou presque.

🦾🦾🦾

Le traitement m’a vraiment beaucoup fatiguée. J’ai été obligée d’être en arrêt de travail car j’étais à la limite de la narcolepsie : tu me poses, je dors.
Je pensais connaître la fatigue, et puis je suis tombée enceinte et le premier trimestre est une suite d’allers retours entre le bureau et mon lit. J’avais jamais été AUSSI fatiguée, c’était atroce.

Bah là j’ai eu ça mais sans le bébé. Ce qui est pas trop mal, à mon avis, finalement. De ne pas en plus avoir un bébé, je veux dire.
La fatigue d’une intensité extrême. Chaque pas est un “pffffff”, je me traînais toute la journée, incapable de fournir un effort prolongé. Avec le recul je pense vraiment que l’intensité de la fatigue était similaire à celle que j’ai ressentie en début de grossesse.

Comme j’avais des nausées un peu tout le temps, j’ai mal mangé pendant 2 ans. Je mangeais ce qui passait, je faisais gaffe, mais je perdais du poids de manière presque magique (j’ai tout repris haha).

Mes ongles se sont super affaiblis, j’ai pas pu faire de manucure pendant tout ce temps. Oui, c’est important. Voir ses ongles gondolés quand on aime bien avoir les ongles un peu long, c’est moche.
J’ai perdu pas mal de cheveux, aussi.
Puis j’exsude le médicament, parfois. C’est d’une élégance rare.

“C’est quoi, ton parfum ?
– Erelzi 50mg”

Tu vas me dire, à part le sommeil et les nausées, c’est mineur, non ? Ouais c’est vrai. Mais pour moi ça compte aussi.

De toutes façons…
Je ne comate plus toute la journée, j’arrive à faire des choses sans fatigue.
Je n’ai plus de nausées.
Mes cheveux repoussent.
Mes ongles sont de nouveau en bon état.

Et le traitement n’a plus d’effet. Plus d’effet, plus d’effets secondaires.


🦿🦿🦿

Pour être absolument honnête avec mon entourage : j’ai menti. J’ai très mal depuis le mois de mars, j’ai vécu dans le déni et j’ai trouvé 100 000 justifications pour faire style non c’est la fibromyalgie, j’ai dû faire un faux mouvement, haha. Je sais que j’ai pas pu tromper tout le monde. En vrai je suis en poussée les 3/4 du temps.

C’est difficile de lire de la pitié dans le regard de ceuxlles qu’on aime, alors j’ai fait semblant, assez longtemps, jusqu’à ce que je ne puisse plus faire semblant du tout. Là je peux plus.

C’est chaud de gérer l’inquiétude des autres en plus de sa maladie, en fait. Quand je vois les regards tout désolés, j’ai envie de m’excuser de faire de la peine, parce que je le pense : je fais de la peine, alors il faut plus que je fasse de la peine donc je ne dis rien.

Mais en vrai, c’est chaud et il faut vraiment que le rhumato m’aide parce que ça me rend folle, encore plus folle que d’habitude. J’ai passé…presque 25 ans avec des douleurs fantômes que personne ne prenait au sérieux parce que j’étais une “ado à problèmes” puis une “ado attardée à problèmes”. Et donc je mentais, forcément.

On m’a retiré le problème pendant 2 ans, on m’en a ajouté d’autres mais ça ne comportait pas des trucs trop douloureux (à part les ratages d’injection) et j’étais (je suis encore) en arrêt de travail car réellement en totale incapacité à maintenir un rythme de travail correct, même en passant à mi-temps.
Quand j’ai raconté le topo à la médecin conseil de la CPAM, la spondylarthrite, le traitement, la bipolarité, elle a dit “Votre arrêt est totalement justifié” en me regardant d’un air compatissant. Ça m’aura au moins apporté une légitimité.

“Est-ce que vous avez des idées sombres ? Depuis quand ?
– Quasiment chaque jour depuis que je suis enfant, oui.
– Dès l’enfance ?
– Oui, j’ai été “””victime d’abus””” alors j’ai rapidement envisagé une solution à tout ça.
– *air effaré*
– Non mais ça va, hein, j’ai l’habitude, maintenant, je ne vais pas passer à l’acte., ça vaaaaaaa !”

Il a dû galérer pour écrire à l’envers comme ça

🤖🤖🤖

A chaque fois que je dis que j’ai des “””idées noires””” on prend cet air effaré alors que je vis avec depuis mon enfance. Pour moi, je sais pas, c’est devenu habituel, ça fait 30 piges. J’en étais au point que mon père me prête “suicide, mode d’emploi” quand j’avais 10/12 ans… Oui, mon père avait un peu les mêmes idées, et n’est pas passé à l’acte. Il m’en a souvent parlé, en revanche, et je pense être la seule de ses enfants (le féminin l’emporte, frangin) à qui il s’en est confié aussi ouvertement sur le sujet, car il savait que je n’étais ni jugeante ni choquée ni terrifiée (j’avais les mêmes idées).
J’ai vécu avec la Menace Suicidaire et un père qui instrumentalise sans honte ses pathologies pour faire rentrer la rebelle au bercail. J’ai cédé plein de fois, j’ai passé outre mille petites indignités à cause de ça. Pour pas qu’il se tue à cause de moi.

(J’ai appris plus tard qu’en fait il était pas seul du tout, mais comme j’étais loin géographiquement, je ne pouvais pas le vérifier. En réalité tous ses enfants et ami-es le contactaient ou passaient le voir, souvent…)

Et du coup, je dois RASSURER la personne en face. C’est fou, non ? C’est moi qui vais super mal et je tapote dans le dos en disant “mais non mais non tout va bien se passer”.

Bref, visiblement c’est un critère important dans la folie mais j’avoue être pas mal désensibilisée. Me concernant. Oui parce que j’ai perdu des ami-es, j’ai perdu des ami-es d’ami-es qui m’ont raconté l’impact sur euxlles, des personnes qui ont perdu leur maman de cette manière, et rien que pour ne pas faire pleurer ceuxlles que j’aime, pour éviter ça à ma famille, je serre les dents.

Et je mens.


🐧🐧🐧

Le Lithium a à peu près stabilisé mon humeur, mais maintenant je suis quasi tout le temps en phase dépressive. Mon état médian ça doit être d’aller un peu mal, je sais pas. C’est mieux, niveau compulsions, un peu. Faut le dire vite.

Je me demande à quel point le retour des douleurs n’impacte pas mon état mental (No shit, Sherlock). Oui, ça impacte, ça impacte très très clairement, mais je ne sais pas distinguer ce qui tient de la somatisation de ce qui tient de la fibromyalgie de ce qui tient du retour de la spondylarthrite. Difficile de déterminer qui pèse combien, de toutes façons j’ai pas toutes les variables de cette foutue équation insoluble.

Parce que…

J’ai de nouveau de l’énergie. Je ne suis pas hyper active non plus, mais j’ai le truc nécessaire pour me faire bouger. Je peux zapper la sieste, aussi. C’est compliqué mais je peux le faire. Je peux de nouveau faire des trucs dans ma vie.

J’ai l’impression de revivre. J’ai repris un peu de poids et je m’en fous, parce que j’arrive à manger sans nausée. Mon bide est plus en vrac tout le temps comme avant. Mes cheveux sont beaux. Et j’ai aussi une meilleure peau. Mais j’ai mal.

Et là, c’est la merde. Grave la merde.

Photo de Jens Lelie sur Unsplash

🦒🦒🦒

Je fais quoi, maintenant ?

Je réalise les effets secondaires, maintenant que je n’en souffre plus.

J’ai le choix entre la douleur et moins d’effets secondaires, ou reprendre un autre traitement et me repayer la même galère mais en légèrement différent ?

La douleur impacte le psy (et inversément) donc la problématique est vraiment difficile à jauger. J’aurais pas été atteinte d’une patho psy par ailleurs, ça aurait vite été réglé : je prends le traitement et on verra.

Mais avec la bipolarité constituée de 80% de down, ça change la donne. La douleur, je connais. Ça déprime, je connais. Mais j’avais vraiment pas réalisé à quel point la fatigue et la nausée impactaient aussi mon humeur. Je suis toujours déprimée mais je me sens vivante.

Si on me donne un nouveau traitement, et ça risque d’être le cas sauf si mon rhumato est un gros sadique (…c’est envisageable en plus)(edit 2023 : il m’a privé de médocs en 2022 parce que je parlais des effets secondaires), je risque de voir encore ma vie super impactée. Je vais essayer, évidemment. On sait jamais, des fois que ça fonctionne bien, des fois que les effets de bord soient moins pénibles.

Et là, je me dis que je ne dois pas être la seule personne bipolaire spondylarthropathe du monde. Pourtant, quand on me traite c’est extrêmement bien cloisonné : psy d’un côté, rhumato de l’autre. A part pour connaître mes traitements en cours, chacun-e en a rien à battre de ce qui sort de sa discipline. Le seul compétent là dessus c’est mon généraliste, en fait. Et il n’est pas rhumato, ni psychiatre donc il fait ce qu’il peut, mais sans pouvoir vraiment changer quelque chose.

🌷🌷🌷

Non, je ne vais pas faire un vote par SMS pour décider de ce que je vais faire. Ça va me coûter plus cher que cela ne me rapportera.

Je vais essayer, bien sûr. Et puis on verra bien. C’est juste que c’est légèrement stressant d’être dans le flou. Légèrement.
Puis, quoi que tu fasses, c’est toi qui décides et tu es dans ta galère intime. A quel moment je saurai que je suis trop fatiguée ? C’est quoi, ma limite aux effets secondaires? Est-ce que je veux reprendre l’habitude des fortes douleurs que je redécouvre ?

C’est terrifiant, parce que ça implique des choix qui n’en sont pas vraiment, et puis ça va beaucoup impacter ma vie perso et ma vie pro. Si je suis sans traitement, je suis à mobilité limitée, si je suis avec traitement, je dors. Comment tu veux bosser ?

Nan parce que moi j’ai besoin de bosser. C’est même pas une histoire de thunes, j’ai vraiment le besoin de bosser. En l’état, j’en suis incapable. Je fais comment ? Je fais pas.

Je sais bien que tu sais pas non plus, puis qu’on verra quand on y sera. Je devais parler d’autre chose, ce matin, tu l’as dans l’os, désolée.

J’ai l’impression d’être un écosystème hyper fragile. Tu ajoutes quelque chose, ça déséquilibre tout OU ça rééquilibre tout, on sait pas, faut voir. Qu’est-ce que c’était bien, quand même, la vie sans poussée inflammatoire et sans douleurs fluctuantes. Ouais mais pas tant que ça. Mais quand même c’était cool. Dans tous les cas, c’est fini 🤷‍♀️

On fait comment quand aucune solution n’est la bonne et quand la balance bénéfice/risque est impossible à évaluer car tu as trop d’éléments dans le tableau ?


👤👤👤

Tu vois, je venais juste dire que j’étais la daronne qui oublie d’acheter des chaussures et un manteau à son enfant et qui s’en rend compte 2 jours avant la rentrée.

Et quand je me suis levée ce matin, le simple effleurement de mon site d’injection sur la cuisse m’a fait mal. J’ai mal aux deux chevilles, je ne vais sans doute pas pouvoir emmener l’Enfant chercher ses chaussures. J’étais contente qu’on y aille tous les deux, pour qu’il puisse prendre son temps pour choisir. Si ça se trouve ça ira mieux tout à l’heure et on pourra y aller, je ne sais pas. J’ai pas trop d’espoir parce qu’il fait moche et que mes genoux commencent eux aussi à râler. Mais je ne peux pas renoncer avant d’être absolument sûre et certaine de ne pas pouvoir le faire.

J’en ai plein le cul, vraiment, de ce corps, de cet esprit-là. Je ne sais pas comment j’ai pu tenir 39 ans, ça tient du miracle. Dans ma tête, j’ai dépassé ma demi-vie, je sais que j’ai une longévité diminuée par les traitements et en fait, ça me va 🤘

C’est que des chaussures et un manteau, mais ç’a m’a attaquée fort, ce matin.

Je suis en situation de handicaps et ça fait chier.

Alors je me dis voilà. Si ça se trouve tu as lu le billet, tu chiales comme moi parce que ça fait trop écho à ta vie, que c’est injuste de subir ça, parce que t’as mal, que tu as tout le temps mal.

Alors…

❤️ Tu es légitime dans ton ressenti de la douleur, quoi qu’on en dise. La douleur est dans ta tête, oui, car ton cerveau traite l’info. C’est tout. Ta douleur n’est pas imaginaire.
🧡 Tu as de la valeur, tu es capable de beaucoup. Step by step. Je sais que c’est difficile mais essaye d’y aller doucement et tu iras loin.
💛 Ce qu’on ne voit pas à l’imagerie peut exister quand même.
💚 Les prises de sang et les rdv de suivi, c’est chiant mais vraiment important. Et tu as le droit de vouloir changer de praticien-ne.
💙 TU N’ES PAS UN BOULET, pour personne.
💜 C’est normal que tes proches s’inquiètent et veuillent prendre soin de toi. C’est normal de ne pas vouloir en parler aussi. Tu mérites qu’on respecte ton silence, tu n’es pas obligée de tout dire non plus.
🖤 Parle si tu le peux. C’est important.

Si tu as une proche malade, j’ai envie de dire…

❤️ Le ressenti est important. Somatisation ne signifie pas douleur inventée.
🧡 N’hésite pas à proposer des activités adaptées et pense à elle quand tu prévois un événement (trajets, station debout, etc.). C’est très apprécié.
💛 Crois-la. Même si les examens sont négatifs. Elle a mal. Elle a besoin de soutien. Alors commence par la croire, inconditionnellement.
💚 Si tu peux, si elle le souhaite, accompagne-là à ses rendez-vous, c’est souvent une grosse épreuve.
💙 Ce n’est pas un boulet, c’est souvent frustrant et déprimant de vivre avec une personne malade en permanence. Mais c’est elle qui est malade et qui en souffre le plus. N’oublie pas ça, jamais.
💜 Si elle ne veut pas te parler de son rdv, de ses analyses, de son état de santé, respecte son besoin. Elle t’en parlera quand elle le souhaitera. Ce n’est pas une histoire de confiance, elle te fait sans doute confiance. Mais des fois, c’est juste beaucoup trop dur d’en parler.
🖤 Parle, toi, si tu le peux. Les personnes aidantes sont souvent démunies face à la maladie. Tu n’es pas seule et dialogues avec d’autres aidantes te fera sans doute du bien.

Bon, ça s’arrange pas, mes affaires, je vais devoir improviser je crois…