Heure de réveil : 3h31 (anxiété)

Ce matin je me suis réveillée avec ce à quoi je pensais hier soir donc l’intro va être courte.

Voilà, ça c’est fait, on va parler des “Karen”

 

Voici le meme d’où tout est parti.

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Le terme de Karen est apparu vers 2017 selon Wikipedia1) mais Know Your Meme2 parle de 2005 pour la vanne et 2015 pour la viralité et j’ai plus tendance à croire la seconde source.

Oui parce que EVIDEMMENT j’adore la culture du meme et des images virales, quand j’ai connu ICanHasChesseeburger ou 9gag il y a mille ans je me suis dit que c’était vraiment un grand moment de l’histoire des internettes. Et je trouvais génial le concept des memes parce que simple, percutant, facile à lire et s’affranchissant des normes esthétiques en commettant parfois des atrocités sous Paint. La culture en minuscule.

Bon, après j’ai connu la grenouille facho (Pepe the Frog). Oui c’est un meme facho. J’ai tapé “meme alt right” dans Google et le deuxième truc que je trouve c’est ça alors j’ai raison.

Évidemment, que j’ai pas que ça comme source, le truc est devenu très connu donc maintenant si tu tapes “pepe frog” tu auras des reprises du meme avec toutes les déclinaisons du fascisme possibles et imaginables. Il existe une “Pepe Le Pen” d’ailleurs. Voilà.

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Bref.
Karen.

Karen, c’est la meuf middle-aged avec un carré plongeant et des lunettes de soleil en toutes circonstances qui vient demander à parler au responsable parce qu’une de ses frites était un peu trop molle, qui tape un scandale en renversant les tables et se casse, sûre d’être la partie lésée dans toute cette histoire.

Karen ne crois pas dans les vaccins, non plus, c’est une super mom Instagram comme je les aime, elle a des requêtes ubuesques et si tu as déjà travaillé au contact de la clientèle j’ai pas besoin d’aller plus loin dans la description, t’as parfaitement saisi que c’est ce qu’on appelle une chieuse.

Pis moi, je m’arrête là, déjà.
A titre personnel, je pense que ces femmes sont également victimes de la misogynie et ça me fait chier que pour dénoncer le privilège blanc on utilise une femme.

Oui parce que Karen est devenue le symbole du privilège de la femme blanche qui peut appeler le 911 parce qu’un homme noir lui demande de tenir son chien en laisse3

 

D’accord. Est-ce que les “antifa” sont en ce moment dans la même pièce que nous, Karen ?

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C’est super chaud pour moi de pointer une femme du doigt, quelle qu’elle soit. Mon côté Bisounours de la Rédemption, déjà, ce gros boulet qui fait rien qu’à me mentir en permanence, tu crois que je le sais pas, hein ? Puis mon éducation féministe, évidemment.

Je suis encore aujourd’hui un peu mitigée sur le fait qu’on prenne une femme en symbole du privilège blanc, parce qu’elles restent des femmes.

Tu frémis peut-être en pensant à un livre en particulier alors je vais te couper l’herbe sous le pied : “Les femmes de droite” d’Andrea Dworkin. Ce livre a changé ma vision des rapports de pouvoirs, spécifiquement ceux engageant les femmes entre elles. C’est une bible, ce bouquin, tu trouveras sur Crêpe Georgette un super article qui en parle4

Dworkin y parle, en 1983, de ces femme qui jouent contre leur propre camp. Misogynie intériorisée, racisme, homophobie, intolérance caractéristique des mâles blancs conservateurs.

Là tu te dis mais WTF ouais j’en connais, c’est à se taper la tête sur le bureau, elles creusent leur propre tombe dans la joie et les tartes aux pommes. Ce sont ces meufs qui disent que elles, femmes, pense que Victime l’a bien cherché, cette salope. Celles qui luttent contre l’IVG ou qui créent LMPT (La Manif pour Tous) en te disant “JE SUIS UNE FEMME ET TU AS TORT”.

Sérieusement, sur certains échanges de scuds en commentaires je lis régulièrement “je suis une femme et j’approuve le patriarcat”; à chaque occurrence mon espérance de vie baisse.

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Tu vas pas me croire mais c’est devant un documentaire animalier que j’ai compris. Les rémoras. 🦈
Les rémoras, ce sont des petits poissons qui vivent sur les requins, ils subsistent en débarrassant ces derniers des parasites. Tu les vois parfois entrer dans la gueule du requin, faire leur job et se casser, comme une femme de ménage dans le bureau de Bernard Arnault.

C’est les petits machins accrochés, là.

Ces poissons ont trouvé un moyen de bouffer sans être bouffés.

Comme Karen. Enfin, c’est ce qu’elle croit et souhaite, en tout cas.
En se rangeant du côté du requin, tu peux te balader dans sa gueule et peut-être que tu te feras pas bouffer.
Parce que, je sais pas, admettons que le requin ait super faim ? Il a rien pécho depuis un moment, la dalle. Rien, strictement RIEN ne l’empêche de bouffer ses rémoras. Je ne sais pas si ça arrive, je ne suis pas zoologiste, c’est pour l’image. Mais, techniquement, rien ne l’en empêche.

Karen a une protection et le droit à, mais elle reste plus bas sur la chaîne alimentaire que son hôte. Toujours est-il que c’est une stratégie extrêmement intéressante.

“Je ferai comme tu veux, tout comme tu veux, ne me tue pas”

Hey, moi, rien que là dessus je les plains. Une vie sous contrainte, sans liberté, pour ne pas se faire bouffer ? Chacune son truc, après tout, mais bon…tu nous aides pas, là, Karen, t’es sûre que c’est ce que tu veux ?

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J’en étais là de ma réflexion quand un article est paru genre sur Slate et j’ai encore une fois regretté de pas avoir écrit plus tôt là dessus.
Alors j’en ai parlé aux copines en disant que je trouvais ça sexiste quand même et que j’aimais pas bien bien cette utilisation de femmes, aussi nuisibles soient-elles, tout ça.

Et là, Meta m’a dit “Emmett Till”, j’ai fait et merde, elle a raison.
Emmett Till est un adolescent noir né à Chicago en 1941 et massacré, c’est le mot , à l’âge de 14 ans suite à une fausse accusation de viol par une femme blanche. ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmett_Till))

(Les photos de son corps et de son visage sont disponibles à la recherche, j’ai évidemment regardé et, moi, je ne le regrette pas car ça m’a montré encore une fois à quel point les blancs peuvent être abominables, mais je suis relativement désensibilisée à l’imagerie gore. Donc fais attention si tu recherches plus d’info, les textes sont souvent accompagnés de ces images, je peux comprendre pourquoi mais je préfère prévenir)

Les femmes blanches ont ce type de super pouvoir. Elles peuvent condamner un enfant noir à la mort, en tout cas aux Zétazunis.

Et heu…ouais.
Tu veux répondre quoi à ça ? Rien. Je suis navrée, mais rien. Ma pote a raison et elle vient de me mettre le nez dans ma soupe.
Tant mieux, absolument tant mieux, j’aime bien les plot twists dans mes réflexions même si j’en ai plein les lunettes.

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C’est pas si simple, hein ?

Une femme blanche, de fausses accusations de viol, sa mère ça pique quand tu es une femme blanche et que tu te crois sortie d’affaire. C’est chiant quand tu défends “toutes” les femmes, parce que, elle, tu ne peux pas la défendre là dessus.

J’ai creusé ma mémoire et j’ai retrouvé une histoire perso, qui date, que je ne vais pas détailler parce que je ne veux pas aller en prison mais en gros un jour de 1999 un flic me contacte sur mon téléphone mobile portable cellulaire flambant neuf (J’avais bossé un mois durant l’été pour l’avoir, hey !) et me demande si je connais Truc. Je dis que oui, pourquoi ? Parce que Truc est en garde à vue et qu’à priori vous êtes une personne d’intérêt. Ah ? Grosse surprise. Pas du tout. Merci madame, désolé du dérangement, c’est sans doute encore Truc qui nous ment.

En fait c’était vraiment moi, mais j’ai bénéficié du fait d’être une jeune fille blanche (rien qu’au nom, tu sais que je suis blanche comme ma tête après un discours de Mélenchon, aka la Mortification)(Papi, si tu me lis, arrête les frais, je t’en supplie).
Toujours est-il que je n’en ai plus jamais entendu parler.

Je suis souvent passée entre les mailles du filet, plus jeune (Oui, j’ai passé l’âge), et le fait d’être une meuf blonde et blanche avec un beau sourire c’est un gros gros atout pour faire des trucs pas nets en toute impunité. M’en fous, y’a prescription, j’ai pas non plus braqué la Banque de France. Je crois.

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Avec mon Karen-passing par exemple, je peux signaler qu’une mamie a grillé la place d’une femme noire dans la file d’attente, justice sera rendue alors que la femme lésée aura pu crier tant qu’elle l’aurait voulu, on l’aurait envoyée bouler. Oui, ça m’est arrivé.

Tu sais, comme quand tu es en réunion et que ton collègue mâle reprend quasi mot pour mot ce que tu viens de dire et que tout le monde l’applaudit pour son génie ? Tu vois, ce pincement, cette colère sourde ? Voilà.

Et si j’utilise, en bonne Bisounours, mon privilège pour jouer la Social Justice Warrior Seule Contre Tous (SJWSCT), je pourrais parfaitement faire chier tout le monde à l’infini en faisant des réclamations pour tout et rien.

Malheureusement, trop d’années en service client, même quand je me fais entuber j’ai du mal à râler 🤷‍♀️
(Parce que je pense à la personne qui a préparé ma commande et qui s’est plantée, je me dis qu’elle sera sanctionnée et que ça me fait chier qu’on sanctionne une personne qui a un travail extrêmement pénible juste sur ma soi-disant bonne foi.)

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Les femmes de droite ont choisi le camp de l’oppresseur. Elles se sont nichées dans la gueule du prédateur et c’est un geste de survie plutôt intelligent si on oublie tout le reste.

Parce que, à la limite, tu as peur, tu n’as pas le choix, tu te niches tout contre le danger pour qu’il ne te voie pas. Mais si tu en profites pour pointer de la nageoire les autres poissons qui ont trouvé une bonne planque, t’es une poucave, ta mère ne t’a donc rien appris ?

C’est emmerdant, oui, parce qu’il n’y a aucune bonne réponse.

Utilliser le terme de Karen reste teinté de sexisme à mes yeux, mais la mise à l’index est utile, nécessaire, vital, littéralement. Je pense qu’on peut aussi faire bon usage de Karen sans taper sur les femmes. Même si t’auras forcément un type dans les commentaires qui viendra te dire “Héhé vous voyez, y’a des saloperies de bonnes femmes hein ?”

Y’a toujours un type dans les commentaires. Ils ont un Man-Signal, je sais pas, t’es là, tu chilles tranquille sur ton iceberg et pouf, un orque. Ça aussi c’est un super pouvoir.

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Tout ça, tu en fais ce que tu en veux finalement. Tu utilises Karen, tu passes tes nerfs dessus, franchement je comprends. Elles sont juste insupportables ces meufs, c’est pas raccord avec ma radicalisation mais à un moment, le niveau de connerie est plus haut que ta pureté militante et tu peux pas faire autrement sans te trahir un peu.

Te trahir un peu, beaucoup, à la folie ?
Est-ce trahir “son” camp ? Le camp des meufs ? Le camp des meufs blanches ? Est-ce que le sentiment de sécurité d’une Karen est d’un intérêt supérieur à la vie de la personne qu’elle dénonce au 911 ? Elle ne peut pas ne pas savoir que des noirs se font tirer dessus à vue lors des interventions de la police. Au contraire, elle le sait parfaitement, elle en joue.

Tu vois, c’est en ça que l’intersectionnalité est intéressante, car rien n’est si simple. Il n’y a pas à proprement parler d’échelle de l’oppression avec un barème et une check-list qui te donne ton score de privilège.
(Si, sur Buzzfeed, mais bon5

Les choses varient énormément d’un contexte à l’autre. Le racisme systémique étazunien est très différent du racisme à la française, au point qu’iels sont pour certain-es atterré-es du virage autoritariste et islamophobe de notre gouvernement. Ah ouais, quand même, ça commence à se voir.

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De toutes façons, tu fais bien ce que tu veux.

Tu peux venir loler en gros mascu face à une meuf misogyne pour en tirer des “enseignements” et des “preuves” que les femmes sont toutes à benner, finalement (et ça fera de toi une mauvaise personne).

Tu peux te dire qu’il n’y a pas de raison et basher Karen de toutes tes forces, et franchement si tu es racisée tu as grave de quoi. Fais-toi plaiz.

Tu peux te dire que Karen est une connasse mais que tu es mal à l’aise car tu es techniquement trop proche d’elle niveau privilèges, alors tu laisses les vannes passer et tu en ris, mais tu n’en produis pas de nouvelle (ma technique pour le moment).

Tu peux prendre la défense de cette pauvre Karen, figure de la femme blanche incomprise et en détresse, elle aussi opprimée. Je dis pas que c’est juste, je dis que tu peux.

Mais y’a un truc, un truc à garder à l’esprit :
Certaines de ces femmes ont condamné des hommes noirs à mort d’un claquement de doigts. Le trope de la femme blanche violée par un homme noir fonctionne radicalement, c’est une véritable arme, mortelle, et c’est pas du tout à sous-estimer.

Et quand la vie des autres compte un minimum, ben tu prends ton carré plongeant, tes lunettes de soleil et ton abonnement au Figaro Madame local et pis tu te les carres loin. Ensuite tu te colles une paire de baffes et tu avances.

Oui, c’est tout.

  1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Karen_(argot []
  2. https://knowyourmeme.com/memes/karen []
  3. https://observers.france24.com/fr/20200527-etats-unis-interpellee-noir-americain-car-elle-tenait-pas-son-chien-laisse-une-femm []
  4. http://www.crepegeorgette.com/2014/08/17/femmes-droite-dworkin/ []
  5. https://www.buzzfeed.com/fr/tommywes/a-quel-point-etes-vous-privilegie-e []