TW : pensées suicidaires, ce billet n’est pas super fun.
Je crois que les chats sont enfin passés à l’heure d”été !Et ça tombe bien parce qu’hier on ma donné une idée de billet.
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La question du jour est : “Peut-on guérir de la dépression ?”
En effet, je dis dans une image/planche/whatever:
“La déprime ça se guérit, la dépression non”.
C’est un peu compliqué de résumer la guérison de la dépression en 8 mots alors on va détailler un peu. La question est très intéressante.
La déprime, c’est la baisse de moral temporaire. Le coup de blues (ou le baby blues). J’aurais tendance à mettre la déprime saisonnière dans le lot même si on peut être très impactée par les changements de saison lorsqu’on est déjà dépressifve. Mais le fait de se sentir ronchonne en hiver, ça entre pour moi dans la “déprime”.
La dépression peut être réactionnelle : séparation, perte d’emploi, accouchement. Le dernier cas est intéressant car on a bien deux troubles distincts lors de l’accouchement : le “baby blues” et la dépression post-partum.
👾 Le baby blues passe avec les mois, toutes les personnes ayant subi la chute d’hormones après un accouchement (et le fait qu’on te laisse te démerder seule avec un nourrisson après une grossesse à te considérer comme le vase Ming de Mamie) ont pu expérimenter ça a plus ou moins long terme.
👾 La dépression post-partum, c’est vachement moins sympa. Perso j’aurais préféré le baby blues mais j’étais déjà bien attaquée donc je suis tombée dans la version hardcore de “Je viens d’accoucher ma vie est changée à tout jamais au secours” (qui est extrêmement angoissante, je ne dis pas le contraire).
En DPP (l’acronyme pour Dépression Post-Partum) les idées noires sont assez différentes…et radicales.
Pour ma part, je ne dormais quasiment plus, je mangeais peu, je faisais le ménage, des achats compulsifs et surtout j’avais des phobies d’impulsion en plus des habituelles pensées suicidaires en mode piste noire goudron. J’ai été victime de pédocriminels, avoir un nouveau-né à soigner c’est parfois compliqué quand tu as du mal à situer ton intimité par rapport à celle de l’autre (chez moi c’est “le plus loin possible”), alors tu es pétrifiée de peur de commettre un acte de cette nature (phobie d’impulsion), même si tu es tout sauf susceptible de le faire. Alors tu reste paralysée par la peur, une espèce de pure terreur de toi-même et de ce que tu pourrais faire à ton enfant. C’est juste atroce, vraiment.
Au niveau idéation suicidaire, aussi, j’ai atteint des sommets, au point de me mettre à réfléchir à trouver une autre maman/épouse pour me remplacer et me permettre de me foutre en l’air. Mais personne ne peut remplacer Maman alors ça génère des souffrances supplémentaires de se dire qu’on est inepte et incompétente, qu’on gâche la vie de son fils juste en étant soi-même mais qu’on a pas d’autre choix que de rester ici-bas, même si on est à chier.
Et là je reste dans ce qui est acceptable d’écrire sans trigger tout le monde (désolée si ça t’a trigger, j’ajoute une balise en début de billet)
J’ai sorti la tête de l’eau vers les 3 ans de mon fils. Et encore, des fois, ça revient, mais ça, c’est la dépression habituelle on va dire. Techniquement, j’ai guéri de ma DPP.
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Je répondais hier en prenant l’exemple d’une blessure physique. Admettons, tu te pètes une jambe. Tu vas être soignée, on va réduire la fracture, te coller un plâtre, attendre que ça se consolide et faire ensuite de la rééducation.
Si tu es de constitution solide ou si tu en as les moyens, l’épreuve sera difficile mais tu pourras refaire du ski bientôt, espèce de sale bourgeoise ! 😃
Les sportives de haut niveau ont toute une team de gens pour les aider à récupérer au mieux. Mais même si iels récupèrent au mieux, la blessure reste là. L’os s’est fracturé puis réparé, il y aura des parties cicatricielles et il restera une fragilité à ce niveau-là jusqu’à la fin de leurs jours.
Même si tu ne te refais pas mal, la lésion est présente, ainsi que la fragilité. Comme la cicatrice que tu t’es faite en tombant de la mezzanine.
🙄 Quand t’es une bécasse qui se casse le coude un vendredi soir d’enterrement de vie de jeune fille 3 semaines avant ton mariage et que tu ne veux pas de plâtre sur les photos, tu soignes ça n’importe comment (en allant fin bourrée chez ta kiné qui dîne tranquillement en famille pour qu’elle te strappe le tout sinon les copines t’envoyaient aux urgences). Puis si c’est pas non plus vu à la radio ni à l’IRM, tu laisses faire.
Sauf que mon coude s’est réparé n’importe comment et que j’ai encore parfois des douleurs violentes à cet endroit.
Dans les deux cas, la blessure est guérie : l’os est réparé, plus ou moins bien, mais l’état “fracture” a un début, un milieu et une fin. Les douleurs qu’on peut ressentir par la suite ne sont pas directement dues au trauma mais à la manière dont tu répares.
Tu es guérie dans les deux cas, mais tu restes fragilisée.
Je ne sais pas si tu t’es déjà fait une entorse quelque part. Moi, oui. D’un autre côté que ne me suis-je pas infligé, j’ai envie de dire. J’ai notamment une entorse assez costaude à la cheville gauche quand je me suis vautrée comme une merde, enceinte de 6 mois, en sortant de l’échographie des 6 mois. Ben ça s’est (mal) réparé (on file rien aux femmes enceintes) et maintenant, cette cheville rejoint la longue liste des articulations douloureuses en cas de chute brutale de pression. Je dis absolument ça parce qu’on est dans une chute brutale de pression atmosphérique en ce moment et que 6 ans après, ma cheville et mon coude (et le reste) se rappellent à moi.
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Je pense que t’as compris ce que je voulais dire : la dépression fragilise, d’une manière ou d’une autre.
Il est complètement possible d’être en rémission durant des mois, des années, mais il est totalement impossible de prévoir si on trébuchera à nouveau durant notre vie. C’est quand même compliqué de parler de guérison ( = définitive) en général.
Je pense, et là c’est vraiment un avis personnel, qu’on ne peut pas “guérir”. J’ai encore bien en tête la douleur ressentie lors de ma DPP, même si j’en suis sortie. Je connais les affres de l’auto-dépréciation continue, les moments où plus rien n’existe que la peur et la souffrance, les passages à vide où tu fonctionnes comme un robot sans aucun affect, juste pour tenir bon et continuer.
Je ne sais pas si on s’en remet vraiment. Je garde une grande cicatrice de ma DPP.
Le cas de la DPP est intéressant car clairement identifiée grâce au facteur déclenchant (l’accouchement). On connaît l’origine du trauma, et, oui, ça “passe” avec le temps et une bonne prise en charge.
Le twist c’est que ça a altéré ton expérience de la parentalité de manière durable. Les premiers mois de vie de mon fils sont tout sauf un excellent souvenir pour moi. Tout n’était pas moche, heureusement, mais j’en ai gardé des angoisses terribles. Certaines personnes ont peur d’avoir un deuxième enfant, de crainte de retomber dans la DPP.
Ces angoisses-là sont imprimées. On peut, si on a un deuxième enfant, prévenir au maximum le risque de DPP, mais on ne peut pas supprimer ce risque. Si tu te fais griffer par un chat qui t’a réclamé des caresses sur le ventre en ronronnant, tu sais qu’il y a un piège la fois suivante. Si tu te crames avec ta bouilloire, tu feras gaffe la prochaine fois. C’est humain et c’est comme ça qu’on à réussi à survivre toutes ces milliers d’années.
Tu auras toujours un truc qui te dira “Hey…tu te rappelles cet épisode de ta vie ?” et ça marque durablement.
Pourtant, je ne referai pas de deuxième DPP, parce que mon fils m’épuise suffisamment comme ça et que la grossesse a été très difficile. On peut donc dire que techniquement, j’ai guéri de ma dépression post-partum. Mais je ne m’estime pas guérie du tout : si le fonctionnel est revenu, l’expérience m’a marquée durablement.
Tu vois la nuance ?
J’ai guéri mais je reste affectée durablement par ce que j’ai traversé.
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Donc oui, on peut, techniquement “guérir” de la dépression (comme de la déprime), surtout parce qu’il y en a plusieurs formes. La DPP ou la dépression suite à un deuil, comme toutes les dépressions réactionnelles, ça a un début, un milieu, une fin.
En revanche on ne m’ôtera pas l’idée que même dans ces cas là, il reste une fragilité ou une faille parfois béante. Pas douloureuse, mais prête à s’ouvrir encore plus pour libérer les flots du Styx sur ta gueule au moindre coup de mou. Dans le cas de dépression suite à un deuil, par exemple, c’est quand même assez compliqué de “revenir comme avant”…la blessure reste.
Mais, techniquement, ta fracture est réparée. Si tu as mal parce que ça s’est mal consolidé, tu n’as quand même plus de fracture. Perso c’est un ligament qui a été touché et qui du coup fait un truc pas comme un devrait faire dans le machin, là. Je pense qu’à ce stade de ta lecture tu as réalisé que je ne suis pas médecin, de toutes façons 😅
De mon expérience en tant que concernée et aidante, ça revient. Je n’ai jamais connu une seule personne ayant vécu une expérience de dépression unique dans sa vie. Et quand on a 20, 30, 40 ans, il reste encore (en théorie) un bon bout de chemin à parcourir.
Je m’arrête à 40 parce que l’espérance de vie divisée par deux toussa, je veux pas être blessante, t’as encore un long chemin devant toi, j’espère.
Tellement d’occasions de déprimer ! Le passage à la retraite, par exemple. Redoutable. Les enfants qui partent du nid. Non je ne veux pas y penser. Les décès de proches, parce qu’on vieillit…nope on va changer de paragraphe.
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C’est vachement plus simple et compliqué à la fois, la dépression qu’on appelle chronique.
Simple, parce que tu sais que c’est là, que ça revient, encore, encore et encore. Prévisible comme une nonagénaire tranquille.
Compliqué parce que tu douilles ta race.
Dans ces cas-là, les phases dépressives sont une véritable épée de Damoclès, pour reprendre un exemple mentionné hier. On sait que si on a un petit moment d’inattention, BIM !
Mon cas est un peu compliqué par la bipolarité, j’ai même du mal à obtenir des réponses de psychiatres sur les deux pathologies conjointes, j’ai été dépressive chronique avant le diagnostic de bipolarité et le Lithium a amélioré le jeu. Je suis sous anti-dépresseurs depuis plus de 15 ans, sinon.
D’ailleurs ça me fait marrer, tiens. Une psychiatre me dit “Vous savez le Prozac c’est 15 jours maximum pas 15 ans, il faut arrêter”. Ok. Quand j’oublie mes médicaments je vois ce que ça donne, la vie sans Prozac. Quand je n’en ai plus pour une raison ou pour une autre, je vois ce que ça donne, je vois bien. J’ai tenté d’arrêter, oui. J’ai pas envie de passer ma vie à serrer les dents et à me montrer pleine de courage, j’ai pas envie d’être courageuse en fait, j’ai envie de paix et pour moi l’arrêt de ce médicament complique encore une vie déjà bien compliquée, médicalement parlant.
Non parce que quand je vois mon état psy même sous traitement, j’imagine vraiment pas le jour où j’arrête tout. Je précise ici pour les lecteurices qui débarquent (bienvenue !) que je suis aussi atteinte de spondylarthrite ankylosante et de fibromyalgie. Les anti-dépresseurs et les anxiolytiques m’ont permis de ne pas me foutre en l’air lors des phases de douleur extrême. Grâce aux anti-TNF la situation s’est améliorée, mais comme pour les fractures, la douleur se rappelle à moi régulièrement. Heureusement que j’ai eu ce soutien médicamenteux le temps d’accéder à un meilleur traitement.
Et je parle sérieusement. Des douleurs à se taper la tête contre les murs, des douleurs constantes, des crises qui durent des semaines…
Et quand je suis en poussée inflammatoire, devine quoi ? J’ai mal entres autres au coude et à la cheville. La dépression est une comorbidité effroyablement classique avec les pathologies douloureuses.
Lors de ma dernière visite à Cochin pour renouveler le fameux traitement, on m’a dit “Vous allez beaucoup mieux”. Et c’est vrai, je vais beaucoup mieux. Les injections me tuent différemment (la fatigue, les nausées…) mais je n’ai plus ces longues périodes à chialer en alternant lit/fauteuil toutes les 2h en me blindant d’anti-douleur.
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C’est sans doute pour cette raison que j’ai fait le raccourci : je suis déjà malade incurable. Si il y a une chose qu’on ne sait pas guérir, c’est la spondylarthrite. On calme, on temporise la progression de la maladie mais on ne redevient jamais “comme avant”. J’ai un bon traitement qui me fait parfois oublier la maladie, je suis en rémission, mais je suis toujours malade.
Mes douleurs sont beaucoup moins fortes, mais je ne guérirai pas.
Et pour la dépression (et la bipolarité), c’est pareil. J’ai des périodes plus cool où je peux souffler un peu, mais ça revient, ça revient toujours. Le truc est faussé avec moi, vu la bipolarité, justement parce qu’on alterne manie et dépression. (De toutes façons le monde est pas prêt pour me supporter en full mode maniaque)
On arrive à la fin de ce billet les enfants, on va reprendre :
❤️Déprime =/= Dépression
❤️ La “déprime” peut ne pas être soignée, du chocolat, le retour du printemps et de la résilience suffisent en général.
❤️La “dépression” peut être réactionnelle ou chronique, dans les deux cas elle laisse une empreinte sur le psychisme et peut fragiliser (fracture du coude)
❤️On peut guérir de la dépression réactionnelle, il semblerait (désolée je suis vraiment pas convaincue même après avoir lu plein de doc mais je veux bien concéder le point)
❤️On ne peut pas sortir définitivement de la dépression chronique.
J’espère avoir un peu réussi à clarifier mes 8 mots avec les 2693 mots de ce billet, en tout cas 🙂
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Je vois mon généraliste ce matin, je vais lui demander ce qu’il en pense…
(édit : il a tout confirmé)