Heure de réveil : 3h11 (moi)
Ayé, je me fais avoir par l’effet pervers de la joie de l’écriture matinale et je me lève de bonne humeur mais à 3h. Je crois que je me créée un autre problème par dessus mes problèmes mais je laisse le bébé au moi du futur, t’avais qu’à pas être niaise, voilà.
Oui, j’écoute des podcasts/vidéos québécois en ce moment sur Youtube, et comme j’adore l’accent québécois me r’v’la ben d’dans. Et maintenant, c’est foutu, tout ce billet sera donc écrit avec l’accent québécois.
C’est bientôt Noël alors j’ai acheté des dessins de Denys Moreau.
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Tu sais que je ne respecte rien, tu le sais, tu sais que je ne me suis pas acheté une toile de maîtresse. Ni un Corgi.
J’aime pas les chiens, c’est beaucoup trop affectueux pour moi
Donc je parcours les internettes en vain, comme d’hab [insérer ici la vanne primée 1998 http://www.perdu.com/ ] et je tombe sur un post de Denys Moreau.
Je scrollais en remplissant trop peu mon panier et je suis tombée sur :
Et là, je sais pas. Un truc.
Un truc qui s’était déjà passé quand j’ai vu un de ses dessins pour la première fois.
J’aurais bien aimé ne pas m’empêcher de dessiner pour des personnes qui ne le méritaient pas. Mon père aurait adoré Denys Moreau, il a un peu ce trait bref, franc, résolu mais très tendre qu’il m’a transmis, une manière de dessiner depuis ton cœur sans être allé faire les Gobelins tu sais. De dessiner comme tu parles, disait mon géniteur.
Du coup ça m’a scotchée et j’ai même un peu envie de chialer mais ça c’est parce que je pense à tout ce gâchis.
Putain c’est dur, en fait.
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Bref, la plume m’a grave parlé et ça m’a tellement parlé que j’ai aussi fait un hold up alors si tu fais partie de ma famille tu vas recevoir des dessins et t’as intérêt de les afficher chez toi sinon je me déshérite.
Et je suis tombée sur cette image d’un type «rongé» par la névralgie, une espèce de bonhomme-démon juché sur ses épaules, fermement agrippé.
J’ai pas pleuré mais le truc m’a retournée.
En 2013 j’ai fait un burn-out de geek. Le psychisme tenait le coup, le moral aussi, j’avais la rage, j’avançais et je me cramais dans mes conneries finalement pas si utiles que ça (l’archivage à vocation probatoire, much fun).
Et un matin, plus de bras droit.
Mais plus de bras droit. Rideau.
Alors comme je suis habituée à l’ankylose et aux symptômes bizarres grâce à la spondylarthrite et à la fibromyalgie, j’ai remobilisé mon bras doucement et ça faisait osti d’mal. Impossible d’utiliser mon bras.
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Panique.
Franchement ? Panique totale. Non seulement c’était extrêmement douloureux mais en plus je pouvais à peine bouger les doigts. Impossible de bosser et ça s’aggravait quand je repensais au boulot. Le corps avait parlé, j’étais foutue.
Mes IRM sont évidemment revenues normales («Vous êtes guérie !»), l’ECG également. Le temps que je puisse prendre rdv chez le neurologue pour l’ECG, évidemment que ça allait beaucoup mieux, j’ai attendu 2 à 3 mois, j’aurais eu une fracture ouverte que ça serait réparé.
Depuis, je le sens.
Quand je passe trop de temps à jouer, déjà. Ça a été vite réglé : je ne peux plus jouer sur PC aussi longtemps qu’avant, quand je peux jouer. Puis quand j’écris, quand je dessine, quand je colorie, il y a toujours un stade où je m’oblige à stopper car je sens mon bras se contracter et fourmiller. Chaque matin je le sens, ici, en écrivant 2000 mots.
Quand ton bras droit est ton outil de travail c’est atroce. J’ai pas d’autre mot. C’est une torture. J’en ai sangloté de frustration, souvent, roulée en boule sur mon lit. Je pleure beaucoup dans ce billet, je vais me refaire un café.
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Bon.
La névralgie cervico-bracchiale (cervicales >> bras) est due en général à un pincement intervertébral au niveau cervical. Le signal nerveux est «brouillé», un peu comme la neige des télés d’antan. Viens pas me dire en commentaire que tu ne sais pas de quoi je veux parler, ce serait vexant, j’ai pas besoin d’être vexée aujourd’hui, il est que 4h53 et j’ai déjà utilisé 3 mouchoirs.
Un des super-trucs-anti-névralgie c’est de ne pas utiliser la zone concernée. Autant te dire qu’avec le bras, c’est mort. J’ai été obligée d’immobiliser aux bandes cohésives parce que tu peux pas ne pas te servir de ton bras. Les bandes cohésives maintiennent et surtout me rappellent qu’il faut pas que je fasse la mariole.
La situation a fluctué.
En 2014, le jour de mon anniversaire, j’ai fait une paresthésie totale (sensation d’anesthésie à la surface de la peau, la peau ne capte plus les informations sur la pression, la douleur, la chaleur). J’ai mis 20mn à me calmer et à remobiliser mon corps. Tous ces cours de yoga auront fini par payer !
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Avec le recul que je n’avais évidemment pas à l’époque je me rends compte que j’étais dans une période un peu apocalyptique. Ma vie est finalement peu intéressante donc on va résumer par : tout arrive en même temps, le bon et le mauvais, tu surnages avec difficulté, tu gères, les trucs s’enchaînent et 7 ans plus tard tu réalises que tu étais en train de te noyer sans t’en rendre compte.
On a eu chaud, dis, la page a failli ne JAMAIS EXISTER
Heureusement pour toi, je suis encore là. Je t’en prie.
Mes cervicales restent sensibles (je ne peux pas pencher la tête en arrière et quand je regarde droit devant moi je ne peux pas maintenir la position parce que ça me fait mal et je sens que ça «bloque» car si je continue ça fourmille. Si on s’est déjà causé en vrai tu m’as déjà vue détourner le regard brusquement, c’est à cause de ça.)
Après, voilà, je suis malade, en situation de handicap, j’ai désormais un épisode d’épanchement du genou par an au minimum, j’ai toujours ma canne pliable dans le sac (et maintenant un tabouret pliant, merci Marie), une fracture non soignée au coude gauche, mille autres trucs qui déconnent (je passe certainement pas au contrôle technique, heureusement qu’on n’euthanasie pas encore les gens comme moi) j’ai passé des années dans la pure douleur avant le mieux.
Le mieux ça a été les anti-TNF, d’abord. Puis le traitement de la fibromyalgie trouvé par pur hasard : lithium et origan (wink wink). En me découvrant bipolaire j’ai indirectement soigné ma fibro, si c’est pas le plus gros WTF médical de mon parcours, je ne sais pas ce que c’est.
Alors ça reprend, des fois, mais je me connais bien, je sais m’obliger à ne pas faire la mariole (en fait je me balance à mon mari et il me dit toutes les 2 mn en me voyant bouger «Mais t’avais pas mal au bras, toi ?», à un moment ça m’agace tellement qu’il ait raison que je boude). Mais quand ça m’arrive au boulot, c’est la merde parce que t’es là, t’es fonctionnelle, normal pour une admin fonctionnelle haha, puis t’es pu là. Pouf.
Tu as visiblement toute ton intégrité physique, et pourtant, t’es là dedans toi en train de taper aux murs parce que merde, encore, encore, encore. Tu souris à ton chef et tu vas faire une pause en espérant que la nicotine t’aidera à oublier cette petite blague.
Et c’est une très bonne raison pour faire une pause, si on peut pas faire une pause nicotine quand on a mal au bras alors où va le monde ?
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C’est bateau à dire mais oui, c’est en partie de la somatisation. Quand ton psychisme ne casse pas il faut trouver un autre moyen de hurler. La dernière personne qui m’a dit la calisse de fois de trop que c’était «psycho-somatique» ne le sait pas mais elle a de la chance d’être encore en vie.
C’est super vexant.
Tu crois que tu maîtrises, tu traverses les tempêtes et les orages comme une reine, t’es là, cheveu flottant au vent, le doigt dressé face à l’Éternel, riant au nez du Destin, trop confiante dans ton mental d’acier ET BIM !
Mon mental d’acier peut pas craquer, j’ai survécu aux monstres, moi, j’étais qu’une gosse et j’étais déjà en titane, j’ai tenu bon ET BIM.
C’est super vexant.
Tu te retrouves comme une merde à pas savoir tenir ton mug de café comme une adulte. Toi, la warrior, la survivante, la meuf badass, achevée par un minuscule pincement de rien du tout. La honte, un peu, non ?
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Est-ce que c’est si grave de craquer ? Est-ce que c’est passible de prison, de mort ? Penses-tu sérieusement que tu es la seule à craquer, là, maintenant ? Je suis sûre que même un monstre au coeur froid comme celui du Préfet Lallement se laisse aller de temps en temps.
Ton cerveau est l’organe qui te permet de respirer, qui fait battre ton cœur, qui organise ta pensée, qui imagine, invente, trouzmillle trucs encore, pourquoi ne te rendrait-il pas malade ?
Tu as déjà eu une contracture à force de bosser ?
Tu t’es déjà sentie fatiguée après un événement stressant ?
Tu as déjà entendu parler du déni de grossesse ?
T’as vu TOUT ce que ton corps peur faire malgré toi ?
Voilà.
On contrôle que dalle, en réalité. Macache walou.
Ça m’est arrivé d’aller relativement «bien» un jour, de vivre un épisode très pénible au boulot et de me non-lever le lendemain, figée dans la douleur. J’ai mis trop de temps à le comprendre, toute drapée dans ma dignité de femme qui sait se contrôler, qui a survécu blablabla…
Pis en fait, c’est pas grave.
Ton esprit peut aussi faire beaucoup de bien à ton corps. Ça surprend toujours les gentes quand je le mentionne mais je fais de la méditation, de la pleine conscience et ça m’a bien sauvé la mise.
Ça ne m’a pas guérie mais je suis meilleure en lâcher prise, c’est un peu difficile à décrire mais je sais me détacher, parfois, souvent, pas tout le temps, pour que les German Suplex de la vie me fassent moins mal.
J’ai aucune idée de la manière de finir ce billet alors je vais causer encore un peu, on verra.
Je ne dis pas tout ça pour me plaindre, je suis drapée dans ma dignité, souviens-toi. C’est juste intéressant d’en parler je trouve. Les névralgies sont souvent d’origine psy, comme finalement pas mal d’autres affections. T’as jamais rien à l’imagerie, de toutes façons !
Prendre soin de soi ça commence par arrêter de se flageller d’être une incapable. Ok, ce mug est trop lourd, je ne peux que rester assise à mater des conneries au lieu de plier le linge. Matons des conneries, alors, c’est l’occasion.
Quand ton corps shut down c’est que le signal d’alarme a été tiré dans la voiture 9. C’est le signe que tu dois souffler, peu importe qui tu es. Le message est limpide avec la névralgie cervico-bracchiale : «Arrête de te tuer au boulot». Ton outil de travail se met en panne, il doit avoir une bonne raison de le faire. Parce que «provoquer» la douleur juste pour pas aller bosser, c’est un peu excessif, non ? J’adorerais pouvoir faire comme les vrais gens et bosser chaque jour, tu ne crois pas ? A la place je serre les dents à m’en péter l’émail pour pas hurler.
Est-ce que c’est faire preuve de faiblesse que de se dire «Ouais t’as raison, ces derniers temps c’est usant» ? La faiblesse ne réside-t-elle pas dans cette maudite fierté qui fait que tu ne consultes qu’au seuil de la mort en laissant les choses s’aggraver ? Tu te souviens que le «Ce que je ne vois pas n’existe pas» ne fonctionne que dans le monde des idées ?
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Alors, fais une pause.
On s’en fout, de la vaisselle. Ouais, c’est pénible, t’avais envie de faire plein de choses, et puis non. Note toutes ces choses (de ton bras valide krr krr krr va pas te refaire mal), rien ne t’oblige à tout faire tout de suite. En plus, on le sait bien, allez, le coup de «Mais j’avais la vaisselle, déposer un chèque et acheter du pain dans ma todo list on va toustes crever» qui veut dire en vrai «J’avais prévu de procrastiner à fond en culpabilisant sur ce que je suis sensée faire et là je ne peux vraiment pas faire les choses donc je râle».
Est-ce que le monde dépend de toi ? J’espère bien que non.
Est-ce que l’avenir de ta Brave Patrie est en péril par ta faute ? Si oui, continue d’être malade stp. Si non, de toutes façons on va toustes crever.
Je te déclare donc officiellement en vacances.
Moi je serai là demain, pas de vacances pour les VRAIES BRAVES hein, dis donc.
Non, je déconne. Enfin si, je serai là demain, parce que je me remets dans le mood et que je prends plaisir à te causer le matin
PS : la date limite de commande pour recevoir tes œuvres de Denys Moreau est au 15 décembre, magne-toi ! http://denysmoreau.com/