Heure de réveil : à priori 4h53 (problème de croquettes)
CW : descente en down, oxygène et palmes recommandés. Idéations suicidaires, déréalisation, je suis folle.

Ok les enfants on retourne en phase basse, bienvenue à toutes dans mon Marasme©.
Dans la première salle que nous appelons la Salle des Traumas, vous pouvez admirer une galerie de portraits (mal) réalisés au crayon ainsi que quelques dioramas des meilleurs moments de votre hôtesse. Oui, elle a failli gravement se blesser en classe de neige en 1989, ç’aurait été un accident bête et peut-être fatal. Quelle malchance.

Grand classique : la Salle des Méchants, que je trouve un peu redondante avec la Salle des Traumas mais je suis pas la tenancière de tout ce merdier, moi. Notez que chaque personne représentée a l’air gentil, c’est tout le paradoxe de la situation, qu’est-ce que c’est chouette, l’Art.

Sur votre droite, le marécage du désespoir politique, sur votre gauche le désespoir du marécage politique, mais à gauche.

La visite se poursuit dans le Salon du Badage, attention ces tableaux d’agonie peuvent être perturbants à contempler, prenez les masques que nous vous avons confiés lors de l’étape dans l’antichambre du Déni et de la Procrastination Coupable.

Notre visite se terminera par le point d’orgue de ce psychisme défaillant : le Monde des Pensées Intrusives. Vous pouvez encore reculer, l’expérience est garantie 100% frissons et 100% malaise existentiel à la fois ! Une bonne occasion de se remettre en question à travers le prisme déviant d’une femme en train de perdre la tête, quelle expérience !

La boutique de souvenirs vend des portes clés commémoratifs des pires moments dépressifs de votre hôtesse mais aussi des boîtes de crayons de couleurs et d’acrylique de toutes les nuances de gris possibles et envisageables.

Mais, hey, n’oubliez pas la guide 😬

PS : c’était l’anniversaire de mon papa hier, chaque année ça me met à terre, ça n’a pas raté. Du coup ça amplifie encore plus mon nihilisme forcené.

🐊🐊🐊

Nan on rigole on rigole mais pfffffffffffff.
(Comment ça on rigolait pas ? Moi je rigolais attends. Ah non.)
Je savais que ce moment allait arriver, j’ai eu deux trois signes avant coureurs, comme d’habitude, je savais que j’allais repartir en bad, et ça n’a pas raté. J’en aurais pas mal profité cela dit, de ma phase “haute”, life is life tout ça.

Heureusement que mon désormais nouveau psychiatre m’a augmenté le Lithium. Je pense qu’on est toujours un peu bas, mais les pics sont moins violents. Clairement, à mon dosage précédent je serais pas là en train de t’écrire des trucs inintéressant sur ma bipolarité. Je ne me serais pas non plus foutue en l’air, j’ai une famille et des amies que j’aime, je peux pas leur faire ça, mais j’y aurais encore PLUS pensé que maintenant.

Là j’arrive à avoir un tout petit peu de recul, je rationalise, je sais que je suis en phase dépressive, je sais que mon esprit me joue des tours, il n’en reste que l’expérience est épuisante.

J’ai sans doute déjà parlé des pensées intrusives, tant pis. Ces trucs sont des plaies. T’es là, tu te fais un café, d’un coup ça beugle des horreurs sur toi. Ça te rappelle que t’as été une vraie connasse en 1999 et que donc tu ne mérites pas de vivre. Ça te rappelle que tu n’es pas compétente pour t’occuper d’un enfant et donc que tu ne mérites pas de vivre. Ça te rappelle que tu es une épouse morose et peu bavarde qui n’est même pas foutue de faire semblant d’aller super bien et donc tu ne mérites pas de vivre. Ça te rappelle de manière inattendue des moments mortifiants de ton existence, en vrac, ça t’en impose l’image sans que tu puisses détourner les yeux parce que ça vient de l’intérieur. Ça te HURLE dessus EN CAPSLOCK que tu ne dois pas polluer la terre une seule seconde de plus de ta présence.

Puis ça te dit ensuite que tu es un monstre de penser au suicide alors que tu as une famille, espèce de mauvaise mère, mauvaise épouse, comment oses-tu penser à t’échapper comme ça ? Tu es tellement monstrueuse que tes proches ne méritent pas ça, mais ils n’ont pas le choix, c’est toi qui leur a imposé ta personne, alors souffre maintenant, tu es tombée dans ton propre piège de conformisme en voulant fonder une famille. Tout est de ta faute.

Je suis donc bourrée de charme. Mais à raz bord, quoi.

❤️❤️❤️

Rien n’a de logique, rien n’a de sens, et c’est comme ça que je m’en sors. C’est ce qui me fait décrocher.

Mes pensées intrusives ne sont pas logiques pour un sou, invariablement ça me ramène à la réalité. On va dire merci la zététique, bizarrement, car c’est ce qui m’a appris à me distancier et analyser méthodiquement les argumentations.

Là je me dis que je ne mérite rien et que je suis un monstre…mais j’ai réussi à fonder une famille en ayant des amies proches. Je suis entourée. Si j’étais aussi monstrueuse que ça, je serais seule. Je dois avoir deux trois trucs bien quand même. Je sais qu’on me fait confiance, j’ai des exemples mis de côté justement pour ce moment.

Je sais que je ne suis pas une humaine formidable, j’ai merdé sur plein de trucs, j’ai fait des choses pas jolies-jolies, j’ai de sacrés défauts et j’ai déjà fait de la peine à des amies par mon incapacité à me dire que ma présence était parfois utile.
Mais je ne suis pas un vieil homme de 84 ans depuis hier qui est seul de chez seul malgré ses 4 enfants et ses 2 ex épouses. Je suis pas à CE niveau de toxicité (Et donc en écrivant ça, la voix me dit que je suis une fille indigne d’avoir abandonné un père qui m’a pourtant abandonnée lui-même).

Je dis pas, c’est hyper chaud de rationaliser. Souvent je n’y arrive qu’en fin de crise, quand le plus gros est passé.

Je me raccroche aux personnes que j’aime, en me disant que si iels ont choisi de partager ma route un moment c’est que ça doit valoir le coup. Mon mari n’a pas fui en 13 ans, malgré mes innombrables défauts, la maladie, la maladie, les opérations, la maladie et la maladie. C’est qu’il doit trouver deux trois trucs bien en moi, je sais pas. J’avoue que ça reste un mystère pour moi, qu’il se soit pas barré, m’enfin…

Je me raccroche au regard de mon fils, à ses yeux qui me disent que je suis son univers, à son amour inconditionnel. Si j’étais si terrible…non, il m’aimerait quand même je pense. C’est mon fils. Le pauvre.

Rien n’est logique dans ce foutu monde et c’est cette absence de logique qui me dit attends, pars pas tout de suite dans ton bad, y’a des gens qui t’attendent à la surface. Peut-être. Il y en a toujours un peu moins à la remontée mais tu ne seras pas seule. Iels me regardent plonger, l’œil inquiet, et attendent que je revienne. C’est une plongée que je ne peux faire que seule, si j’avais la possibilité d’emmener une personne avec moi je refuserais.

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J’ai de la chance, dans tout ça.
Mon psychisme est suffisamment solide pour m’avoir permis de vivre jusqu’à 38 ans et d’envisager de pousser, aller, jusque 70 ans, on va dire. Après ça sera du rab.

Les crises que je traverse, je les traverse seule. De toutes façons j’ai déjà tenté deux fois de me faire interner, on m’a ri au nez. Trop normale. Pas “dévastée”. Juste une femme random qui arrive pour faire des demandes débiles aux urgentistes.
“Bonjour, je viens pour consulter un psychiatre car j’ai très envie de me tuer, je suis sur mes deux jambes, je suis bien habillée, soignée, mon élocution est bonne, mon propos cohérent, je souris et je voudrais me faire soigner, merci”

Je sais pas pleurer devant les médecins, personne ne me croit vraiment. Tout est en dedans, bien serré, bien caché. A mon nouveau psychiatre, j’ai dit directement que j’avais un masque de sanité assez efficace pour masquer beaucoup de choses inquiétantes, et qu’il ne fallait pas se fier à mon sourire. Je peux te raconter des trucs de ma vie atroce avec le sourire, et en faisant des blagues. C’est une manière classique de se distancier avec de l’humour, je sais. Mais ça marche trop bien, surtout quand on a fait semblant toute sa vie…

Alors des fois ça ressort. Quand je suis seule, toujours. Quand j’ai l’espace de me lamenter sans personne pour me regarder. Parce qu’au fond de moi, je n’ai pas le droit de me lamenter, je suis une petite fille trop gâtée qui chouine pour rien (encore la logique, tavu, je sais que j’ai concrètement une liste de traumas assez longue que je peux prouver mais je pense me complaire dans la chouine inutile.).

Je situerais ma première crise à 15 ans. Des phase de déréalisation totales où je suis dans un univers parallèle, un faux monde qui n’est pas le mien, où les objets n’ont plus de contour défini. Terrifiant. Des crises de rage, de larmes, des moments à manger du Xanax comme des bonbons avant de m’arrêter net parce que je réalise ce que je fais.

Là dessus, et je sais que ça va hurler (à raison), mais le LSD m’a aidée en fait. Mon expérience a été stoppée par la dernière prise qui s’est traduit par un high de 15 jours qui m’a appris à me raccrocher au présent réel. C’était nul comme manière d’apprendre, faut pas faire ça, hein, c’était particulièrement idiot car les psychédéliques et la maladie mentale c’est pas souvent une bonne idée. Mais je ne savais pas que j’étais bipolaire, et j’avais 18 ans, va dire à une fraîchement majeure de “faire attention” alors que tout ce qu’elle veut c’est tout oublier de sa vie.

Durant ces 15 jours complètement bizarres, j’ai mis en place toute une série de “reality check” pour me convaincre que c’était mon esprit qui était loin, pas mon corps. La méthode me sert encore aujourd’hui, parce que mes phases de “crise” ressemblent à du bad trip sous LSD. En moins chatoyant et en moins violent, merci la pharmacopée. Mais y’a de sacrées ressemblances, sauf qu’on rigole beaucoup moins.

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En général, je ne raconte pas ce que je vis. J’ai perdu des amies en essayant de raconter. C’est trop fou, trop violent, et moi je suis trop seule avec cette violence. Je n’ose plus raconter. J’ai encore les visages choqués en tête. Le silence. La réalisation que oui, je suis totalement chtarbée. Puis l’autre silence, définitif, qui y fait suite.

En plus, je me dis que ça ne sert à rien. Je sais revenir seule, c’est ce que je fais depuis toujours. Je garde les images traumatisantes pour moi.

Lorsque j’ai compris ce qu’était la déréalisation, j’ai été soulagée. Je suis folle mais je suis pas seule. Cette impression bizarre et gluante qu’on est dans un univers décevant en carton-pâte, qu’on se débat pour chercher de l’air sans succès. Tout en étant pas dans le réel, totalement pas dans le réel. C’est assez difficile à décrire, en vrai. Un jour j’ai mis quelques minutes à comprendre que la petite cuillère que je tenais dans la main était MA petite cuillère. L’hypermnésie m’a rappelé quand, comment et où je les avais achetées. En toute logique, je connaissais cette petite cuillère, mais j’avais la sensation d’avoir un objet non identifié en main. Qui répond à la description du mot “cuillère” mais qui est une sorte de cuillère factice.

Mais là, moi, je suis fatiguée, juste fatiguée.
J’ai les crises physiques avec la spondylarthrite et la fibromyalgie, j’ai les crises psychiques avec la bipolarité, mon histoire est une suite de crises en vrai. Très peu de répit, trop vite passé. J’en ai ma claque. Je demande pas à être hyper heureuse tout le temps, j’ai juste envie de me laisser tranquille un peu.

La maladie mentale c’est aussi ce qui fait ma personnalité (je cherche une vanne sur les troubles de la personnalité, help !), ce qui me fait penser outside the box, ce qui me fait créer, ce qui fait de moi une personne unique.
Je ne veux pas de Bipolarium 5CH pour me guérir à tout jamais. Si je perds ça, je perds le négatif mais je perds aussi le positif qui va avec. Avec les idées, les projets qui fusent, c’est souvent la manie qui parle. Pour le moment je souffre mais j’ai encore des trucs bien dans le tas, des trucs qui méritent ptet tout ça, je ne sais pas.

Je me sentirais anormale et pas à ma place, en étant normale et à ma place. Mes tentatives de conformisme ont souvent été remplis de souffrance.

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N’empêche…
Pffff….
J’en ai marre, en vrai. Je suis fatiguée de tout ça.
J’ai maintenant un vrai suivi avec un psychiatre qui s’est pas mis en tête de vouloir ranger ma vie à tout prix, qui est factuel, pro, et j’ai de la chance. Parce que je sentais la crise venir, et que j’ai agi en adulte : j’ai été consulter avant que ça arrive. Sans l’augmentation du Lithium je serais pas là en train d’écrire mais en PLS en train de pleurer je pense. Tu vois, tu fais des trucs bien, des fois, high five !

Le côté daronne en moi prend le relais quand il le faut, aussi. C’est ce qui s’est passé hier quand j’ai été chercher mon fils au centre de loisir. J’ai laissé le côté “daronne” prendre totalement le relais, j’ai pris le même chemin que d’habitude, avec la même musique que d’habitude, je me suis totalement laissée driver par la maman en moi. J’ai dit bonjour, j’ai fait sourire aux autres mamans, j’ai même été acheter des sucreries à l’épicerie du coin avant de rentrer, le tout en total pilote automatique. C’était reposant mais y’avait juste rien dans ma tête.

Le psychisme est formidable, parfois. Je sais que la daronne en moi laissera rien sombrer du tout parce qu’elle doit s’occuper de sa famille et que c’est tout ce qui compte pour elle. J’ai un bout de moi qui est adulte, qui performe bien l’adultisme, que je peux laisser gérer. Mais hier, c’était la première fois que j’ai fait venir le pilote automatique de moi-même, et il est venu. Normalement ça remplace mon vide quand je suis dans le RER et que je ne sais plus où je vais. Le machin prend le relais quand le reste ne fonctionne plus. Là, je fonctionnais mais elle est quand même venue me secouer les puces et mettre mon manteau et mes chaussures avant de partir, allez !

Donc on avance, hein. Malgré tout 😅
C’est juste…épuisant.