- Les Philtres magiques [1911] – #1 Intro
- Les Philtres magiques [1911] – #2 Rituels Magiques
- Les Philtres magiques [1911] – #3 Rituels Magiques part.2
- Les Philtres magiques [1911] – #4 La Petite Clavicule de Salomon
- Les Philtres magiques [1911] – #5 Mais qui a écrit ça ?
- Les Philtres magiques [1911] – #6 Regardez-moi dans les yeux
- Les Philtres magiques [1911] – #7 Psychologie féminine
- Les Philtres : plot twist
Bienvenue dans cette septième partie consacrée à ce livre, trouvé sur Gallica (Le PDF est disponible en cliquant ici), intitulé « Les Philtres Magiques triomphateurs de l’amour et de la femme »
Si tu veux lire les autres parties :
#2 Philtres et rituels magiques
#3 Autres philtres et rituels magiques
#4 : Aparté sur la Petite Clavicule de Salomon
On attaque la partie « Psychologie féminine » et, avant d’attaquer ça, je vais essayer de me souvenirs des « conseils » de drague des pick-up artists (PUA)et autres mâles alpha. La Théorie de la Drague de ces hommes est simple : se montrer dominant, mentir, flatter, ascenseur émotionnel, créer la dépendance, user et abuser jusqu’à la corde, rompre et passer à une autre victime.
Que nous réservent les années 1910 à ce sujet ?
J’ai hâte. Attention, cependant, la jauge de sarcasme s’enflamme et explose dans 5, 4, 3, 2…
Table des matières
Quelques moyens de plaire aux femmes
L’auteur explique dans les grandes lignes ce qui sera développé plus tard. Il nous parle de « psychologie féminine » car, c’est bien connu, les femmes partagent un cerveau commun depuis l’aube de l’humanité : nous pensons toutes de la même manière et tombons donc toujours dans les filets de ceux qui nous connaissent bien. Parce qu’on est des êtres binaires tout en étant si complexes mais nos désirs peuvent être influencés pour convenir aux hommes.
- Les femmes s’attachent plus au comportement qu’au physique (ça, c’est pas faux).
- Il faut savoir naviguer entre les petites attentions et l’intensité des « sentiments ».
- La grivoiserie, qui affecte chaque homme sur Terre, est à éviter ou contrôler, c’est un repoussoir (ça, c’est pas faux non plus, me concernant).
- Les femmes aiment le romanesque.
- « […]le juste milieu entre la douceur, et l’exaltation, l’habileté, l’agilité, les talents agréables – voilà à peu près ce qui, chez les hommes, peut plaire aux dames »
Points de vigilance
Les femmes, toutes les femmes, font très attention à l’apparence des autres. Il conviendra donc de s’habiller de manière sobre et élégante, sans excentricité. Ces créatures mystérieuses ont le talent de percevoir immédiatement toute imperfection vestimentaire, alors fais pas le kéké stp.
Lorsqu’on (et pas « si on ») fait la cour à plusieurs femmes, il faut essayer de cloisonner, même si « Elles nous pardonnent de petites infidélités et parfois même on peut ainsi gagner dans leurs faveurs, mais dès l’instant qu’on leur parle de sentiments, on doit éprouver ce que l’on dit et ne l’éprouver que pour elles » (p.109).
Donc : tu peux faire ce que tu veux si tu ne leur dis pas que tu éprouves des sentiments pour elle. Une fois que tu lui en as fait part, le game est plié, on range la boîte, les dés, les pions, et tu vas (faire semblant de) calmer tes ardeurs, car tu es à elle désormais. Les femmes ne partagent pas. Un beau retournement de stigmate, hein ? C’est elle qui te met le fil à la patte, grâce à tes talents inoubliables, pas toi qui, littéralement, chasse des femmes. Le monde est bien foutu, quand même.
Une des armes des PUA et prédateurs contemporains est de provoquer l’émotion sans jamais y répondre sur le fond. Les infidélités sont une arme, on va le voir plus bas.
Elle et les autres
Notre auteur préféré conseille ensuite de ne pas parler des autres femmes devant elle, car elle pourrait se sentir menacée.
Ici, un Andrew Tate dirait : « Parle des autres femmes, car ça la met en position d’insécurité » (mais en plus brutal)
Quelque chose de totalement absent est le fait que les femmes se parlent entre elles. Si un homme a des comportements toxiques, on a tendance à se passer le mot. Aucun des deux prophètes de l’amour ne nous en parle ici. Le fait de vouloir couper la victime de ses amies est une stratégie de contre, mais cela fonctionne une fois la prise ferrée. Pourtant, on a des réseaux d’alerte. Je reçois de temps en temps des messages « Attention à untel, je vois que vous vous parlez, je dois te prévenir que… » et j’en relaie aussi. Si une personne que je connais commence à tomber dans les filets d’un sale petit mec, je vais lui faire part de mes réserves (sans forcer). On se prévient entre nous. Pire : on s’entraide quand ça tourne au vinaigre.
Bande de sales bonnes femmes que nous sommes.
S’adapter à la proie
Les femmes souhaiteraient être diverties sans cesse. Je suis assez d’accord, j’aime bien me payer des sagas horrifiques sur YouTube et lire des trucs. Alors, est-ce que je préfère un « compagnon agréable » à «un homme digne, logique et méritoire, qui ne parle que de sagesse, qui préfère se taire au lieu de dire de vaines paroles » ?
Un homme qui préfère se taire au lieu de dire de vaines paroles. Intéressant. Ici, on insiste sur la frivolité supposée des femmes, qui n’aiment que s’amuser. Les femmes sont futiles et il faut faire semblant de l’être pour les pécho. Les femmes disent « de vaines paroles » car elles ne sont pas supposées être capables de plus. Dommage que l’auteur ne soit plus de ce monde, j’aurais été lui parler philosophie des sciences et femmes de Neandertal quelques heures, juste pour le faire chier. Je suis sans doute une immense anomalie, je dis pas, mais un mec futile, aussi beau et charmant soit-il, n’arrivera jamais, jamais à ses fins avec moi.
Ah mais non, attend. On parle des femmes draguables, celles sans enfant. Suis-je bête. Les Mères, elles, ont un tout autre statut (lui aussi fabriqué de toutes pièces par le patriarcat).
Le Secret
Confier un secret à une femme entretient sa curiosité, curiosité évidemment insatiable, vu que ce sont des femmes. Ah.
Ici, je lis « Bien entendu, un secret de peu d’importance, mais après tout, certaines femmes ne sont-elles pas plus discrètes que les hommes ? Tout dépend ici de la nature du secret »
On crée ici une fausse intimité. Confier un secret ne nécessiterait pas le consentement de la récipiendaire (on parle ici de secrets de pacotille, pas de trauma dump, mais quand même, faut faire attention à ce qu’on livre), on lui offre donc comme un cadeau, sans contrepartie. On lui montre qu’on a « confiance » en elle, tout en sachant que le secret n’est que de peu d’importance et que sa divulgation (bande de pies) ne nous nuira pas.
Ils ne savent pas que les femmes parlent entre elles, mais ils pensent qu’on ne sait pas tenir nos langues. Donner une petite miette de pain pour la mettre dans la confidence est donc une sorte de transaction totalement factice : je fais semblant de te dire un truc inédit, et toi tu fais semblant de me prendre au sérieux car on est maintenant dans le même bateau.
Le Mystère de l’Indisposition Féminine
Même s’il est mort, on va aider ce vieil escroc d’auteur avec nos savoirs récents. C’est quelque chose que peu d’hommes comprennent encore aujourd’hui, à ma plus grande stupéfaction. Les femmes ont des cycles menstruels et l’humeur peut en être, parfois gravement, impactée.
Les grandes fluctuations
« L’humeur des femmes fluctue, mon bon ami, c’est un mystère mystérieux, aucun indice du pourquoi ou du comment ».
Plus sérieusement :
« Supportez ces caprices passagers, mais prenez garde en de telles circonstances de les importuner par votre présence ou de leur adresser vos plaisanteries ou vos consolations; réfléchissez plutôt à ce qui pourrait être agréable dans ces dispositions d’esprit et attendez patiemment le moment où elles-mêmes apprécieront votre indulgence et vos égards pour réparer leurs torts. » (p.111)
Il parle du cycle hormonal, là, non ?
Je ne sais pas vraiment où les gens en étaient en endocrinologie en 1911 et je. Argh. Oui, évidemment, que je vais chercher.
Hormonologie 101
J’ai trouvé un document de thèse nommé « Explications médicales des menstruations dans l’histoire de France » et qui est vraiment intéressant à lire.
En 1906, on découvre les œstrogènes (selon cette thèse). 1907, la progestérone. En 1920, on pensait encore que les femmes menstruées faisaient faner les fleurs. Ce n’est que dans les années 50 qu’on commence à vraiment mieux comprendre le cycle hormonal féminin.
Donc, à son crédit, l’auteur en était sans doute resté aux croyances plus anciennes des femmes irrationnelles et guidées par leurs humeurs. Mention « admettons » retirée lorsqu’on parle de reporter la faute sur les femmes :
« […]elles-mêmes apprécieront votre indulgence et vos égards pour réparer leurs torts. »
C’est notre indisposition qui est en cause, c’est un tort que nous commettons envers les autres que de ne pas être d’humeur égale tous les jours.
Les hommes, plus matures, plus sincères et éclairés, nous pardonnent nos errances, et c’est si grandiose que je dois étouffer ma joie en lisant ces lignes. Je me sens tellement comprise et appréciée à ma juste valeur !
Cycles menstruels et SPM
Aujourd’hui, je sais que plusieurs jours avant mes règles, je suis en Syndrome-Pré-Menstruel (SPM) et que c’est pas cool. Je sais que j’ai un pic de déprime à J+10 et ça commence à devenir tendu à J+30, mais que le moral est meilleur en période d’ovulation. Mes règles durent une dizaine de jours. EFFECTIVEMENT, mon moral n’est pas stable, et on a même pas encore parlé de ma folie. J’ai d’ailleurs longtemps pensé que mes changements d’humeur étaient hormonaux : c’est ce que les médecins m’ont dit, jusqu’à ce qu’on se rende compte que j’étais bipolaire. Mais il y a bien une partie patho et une partie hormonale, je fais mieux la distinction, désormais.
Le SPM, ça rigole pas. Comme pour la dépression ou la psychose post-partum, ça peut mener à de la violence auto-infligée. Même si je sais que c’est hormonal, parfois, j’ai des moments vraiment très moches. Et, non, j’ai pas envie de frivolités dans ces moments.
J’ai passé des années sans savoir comment et à qui parler des jours précédant mes règles. Je souffre de SPM depuis que j’ai mes règles, et j’ai attendu 20 ans pour enfin comprendre. J’avais fait le lien entre le calendrier et tout ça, bien sûr, mais aucun-e gynéco ne m’a jamais répondu. En 2017, une gynéco m’a dit « on sait pas traiter, on n’est même pas sûrs que ça existe ».
Cycles menstruels et humeurs
Sans pour autant être prisonnières de nos hormones, le cycle menstruel joue donc un rôle très très conséquent sur nos humeurs. Aujourd’hui, le SPM est mieux connu, je sais que je ne suis pas la seule et que ce n’est pas moi qui perds les pédales.
Mais, en 1911, ça devait être assez flippant, tous ces changements d’humeurs par vraiment expliqués. Le lien avec le cycle menstruel avait été fait, sans aucun doute (on a étudié l’impact de la lune sur les humeurs féminines très tôt dans l’histoire scientifique)(aucun rapport, d’ailleurs), mais on en restait à l’idée d’une faiblesse de caractère ou d’une quelconque hystérie pouvant justifier un retrait de toute agentivité. Victimes de nos humeurs, frivoles, écervelées, cette représentation est la plus utile au capitalisme patriarcal. Entretenir l’idées de femmes inconstantes et donc inconsistantes est une stratégie gagnante pour les hommes.
Comment confier des responsabilités à des êtres d’humeur inégale ?
Oui, mais.
Comment confier des responsabilités à des êtres manipulateurs, égoïstes et violents ?
Alors, non, les femmes ne sont ni instables ni prisonnières de leurs corps. Nos humeurs varient. Deal with it.
Si on était si folles que ça, c’est nous qui représenterions 95% des effectifs pénitentiaires.
Comment tirer profit des côtés faibles du caractère féminin
Ici, j’ai envie de te dire, profite du fait que ce soit moi qui lise tout ce texte et qui te le résume avec de petites blagues, car ça me prend beaucoup d’énergie pour ne pas exploser.
« Les femmes ont entre elles plus de ressemblance que les hommes. Elles n’ont en réalité que deux passions : la vanité et l’amour. Ce sont là leurs signes distinctifs[…]tout ce qu’elles disent au fond tend à satisfaire leur vanité ou leur amour. […elles préfèrent celui qu’elles croient être passionnément amoureux d’elles. Nulle flatterie ne leur paraît trop exagérée ou trop anodine. » (p.113)
Respire, respire, respire.
La Femme
Sache-le, il y a, au mieux, 2 ou 3 types de femmes dans le monde. Celles qui sont plus vaniteuses que romantiques, celles qui sont plus romantiques que vaniteuses, et celles qui sont vaniteuses et romantiques.
« Chez les femmes d’une beauté incontestable, comme chez les plus laides, c’est leur bel esprit qu’il faut exalter|…]Une femme qui est laide au point de s’en rendre compte elle-même, reconnaît de suite qu’elle ne peut briller que par son esprit, ce qui est très probablement sous plus d’un rapport son côté faible. »
Dire à une femme laide qu’elle ne l’est pas tant que ça est un compliment qui lui ira droit au cœur. Évidemment. Bande de baltringues.
N’empêche, utiliser les insécurités des femmes pour les séduire, c’est manifestement efficace, si ça a cours depuis si longtemps. C’est comme si on avait fait un système pour instiguer et exploiter ces insécurités et faire en sorte qu’elles croient dur comme fer dépendre des hommes. Genre des sortes de magazines avec de très belles femmes dedans. En plus, on pourrait leur vendre des produits embellissants aux Galeries Laferrière.
Des génies.
Laideur et préjugés
Je vais t’épargner la litanie d’horreurs sur les femmes présumées « laides » par ce vieil escroc, qui, je rappelle, n’est plus de ce monde : on peut donc le détester de tout notre cœur sans conséquence.
Va mourir, mec. Ah ! Déjà fait ! Qui rigole, maintenant ?
« Les femmes ont peu d’estime pour les hommes qui ne jouissent pas de la considération des autres. »
BLAM !
Définition des Alpha Mâles dans leurs boy’s club. Désir homosocial à pleine bourre, je ne devrais pas être aussi enthousiasme à la vue de cette intersection entre deux sujets qui se complètent aussi bien, mais je le suis. Les hommes veulent plaire aux hommes, pas aux femmes.
Hypergamie
« Elles ne peuvent résister à une brillante réputation. »
On retrouve, en page 114-115 l’idée de l’hypergamie telle que présentée par nos gros boulets de dragueurs à la noix de 2024. Les femmes veulent s’élever socialement. Étant donné qu’elles sont, au mieux, des meubles, elles ne peuvent s’accomplir seules et dépendent d’un bon mariage pour espérer s’embourgeoiser. En revanche, une bourgeoise n’épousera jamais un pauvre, t’as pas lu Le Rouge et Le Noir ou l’Amant de Lady Chatterley ou quoi ?
L’hypogamie, ça ne va que dans un sens. Ainsi, les roturiers restent des roturiers et les bourgeois peuvent sélectionner les belles plantes, de préférence juste après la puberté, pour qu’elles restent fraîches plus longtemps.
C’est totalement de la prédation, et on appelle ça l’hypergamie pour nier les rapports de pouvoir entre classes sociales. Celle qui fait un « beau mariage » ne va pas se plaindre, en théorie, elle a l’impression d’avoir touché le gros lot. Mais les croqueuses de diamant, c’est vraiment, vraiment pas si simple que ça. On ne renverse pas une domination en étant une femme bien plus jeune et dépendante financièrement de son mari.
Par ailleurs, plus bas, l’auteur nous parle de tenter le coup avec des meufs plus riches, des fois que, tout en insistant sur le côté casse gueule. Tu peux tenter, mais ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour.
Flatteries creuses
Il faut donc mentir aux femmes. C’est ce que j’ai retenu de ce chapitre. Les flatter sans flagornerie, pour ne pas qu’elles réalisent l’entourloupe. Leur confier des « secrets », comme on l’a vu plus haut, les entretenir de petites attentions intéressées, rester dans leurs esprits simples en multipliant les contacts, flatter leur amour propre continuellement et entretenir leurs insécurités.
On est pile poil dans du Pick Up Artist de 1911, mais en nettement moins violent. Là où le PUA va juste dans les bars pour pécho, l’homme de 1911 doit penser à se caser à un moment et ne peut faire preuve ouvertement de débauche, ou, un peu moins. Les mœurs ne sont pas les mêmes. De nos jours, le sexe hors mariage est bien plus largement admis, on peut même faire des enfants hors mariage ET divorcer. Je ne dis pas que la débauche de 1911 était plus calme, on est quand même dans le pays du Marquis de Sade (quand tu es de la noblesse ou du clergé, visiblement, tu fais un peu ce que tu veux). Mais la perception de ces questions est différente. Une femme qui fait la fête toute la nuit ne sera pas considérée avec la même indulgence.
J’ai envie de dire que le mode de consommation des femmes a évolué avec le temps. La violence a-t-elle augmenté ? Si on se fie à la rhétorique, je trouve. MAIS l’hypocrisie de 1911 est grande, ce qui est dit à mots couverts dans ces lignes n’est pas d’un romantisme époustouflant non plus. Rappelons-nous que la violence tend à diminuer avec le temps et que les femmes de 1911 avaient pour seul droit celui de bien fermer leurs gueules. En cas d’agression, elles l’avaient dans l’os quoi qu’il arrive.
« L’Audace est le Talisman du Succès »
Où l’on apprend à parler aux femmes hautaines sans humour.
J’attendais le « neg » des PUA, et le voilà.
Le « neg » ou « negging » est le fait de faire un compliment négatif.
« Tu as de beaux cheveux, c’est une perruque ? »
« Tu as de beaux yeux, dommage que ton mascara coule un peu. »
Donner un petit compliment et rabrouer en même temps crée un effet de confusion chez la récipiendaire. Il faut souvent un moment pour comprendre l’arnaque et l’éducation sexiste reçue ne permet pas toujours de répliquer de manière cinglante. On est dressées à accepter les compliments, on les accepte donc. La critique qui suit est presque vu comme un service rendu : il observe ce trait qui lui plaît et indique ce qu’il faudrait faire pour qu’on lui plaise encore plus. C’est presque un challenge posé à la proie. Soit elle répond sans humour, et c’est une connasse sans humour, soit elle ne relève pas et elle est perçue comme faible.
Ma technique perso : accepter le neg sans y répondre et dire « et alors ? » avant de demander si c’est pas un début de calvitie que je vois là.
En revanche, une fois ferrée, on passe à la flatterie pure. Du moins, je suppose, jusqu’au dénouement de la relation : de la relation sexuelle à la rupture ou au mariage. Il va sans dire que les compliments cessent une fois le mariage établi.
Où l’on apprend à draguer des femmes prudes
Ici, la méthode est simple : il faut persister jusqu’à ce qu’elles cèdent. La ténacité inlassable est censée payée. Moi, j’appelle ça du harcèlement, surtout si on cherche à « […]assiéger la dame de [notre] choix de telle façon qu’elle ne peut plus [nous] échapper, car elle considère toute résistance comme inutile. »
Les femmes n’ont pas à décider. Si elle ne veut pas, c’est qu’elle n’a pas encore réalisé toute l’étendue de ton talent, c’est tout.
Conseils aux mecs célibs qui me lisent : ne fais JAMAIS ça, par pitié. Plus tu creuses, plus tu creuses, et perso, je finis par mépriser la personne qui me harcèle. Si on dit non, c’est non.
Où l’on apprend à draguer les femmes laconiques
Sache-le : si une femme te répond par monosyllabes, elle est quand même forcément intéressée par ton charisme de ouf. Elle le sera encore plus si tu prends de la Cephalose, le produit miracle « amphétaminé à l’acide glutamique » dont on a parlé au chapitre 6.
Si tu as une femme timide ou laconique en face de toi, drogue-toi et parle de choses et d’autres. C’est sûr et certain qu’elle se sentira comprise et désirée, oui oui. Ce n’est pas du tout un truc de gros forceur comme les autres techniques préconisées jusqu’ici, non non.
Ah non, attends. Dans le chapitre précédent on parlait de glisser des médicaments dans sa boisson. C’est sans doute un oubli de l’auteur, heureusement que je suis là. Donc drogue ta victime, rends la suggestible et fais ton affaire. Le taux de nausée est assez élevé, chez moi, même la couche de sarcasme ne me protège par de l’horreur du truc.
L’Art d’évincer ses rivaux
Je me demande très sincèrement si on va parler de méthodes criminelles ou au moins un peu délictuelles ici.
Est-ce qu’on faisait encore des duels en 1911 ?
…donc oui, en France, on pouvait se massacrer en duel jusqu’à super tard :
« En France, les derniers duels connus sont ceux de Serge Lifar et du marquis de Cuevas en 1958 et de Gaston Defferre et René Ribière en 1967 après une altercation entre les deux hommes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, combat toujours considéré comme ‘ le dernier duel pour l’honneur en France ‘ ».
Le visage de la Consternation a un prénom, et c’est le mien. Sans déconner, les mecs. Sans déconner.
Notre vieil escroc d’auteur va-t-il parler du duel en tant que tel ou euphémisera-t-il son propos ? Quels seront les stratagèmes employés contre les autres hommes, les concurrents ?
…et bien même pas (mais on va quand même en parler). Il conseille d’être Grand Prince et se montrer plus élevé moralement que ses rivaux. Ces Dames n’aiment pas les gens qui se font des coups bas. Surtout, le respect d’un homme envers un autre homme, dans ce système-là, sera toujours supérieur au respect envers une femme. Un rival, une proie. Ce qu’on se permet avec les femmes (mentir, tricher, manipuler ou même droguer à son insu), on ne le fait pas avec (tous) les hommes.
Avec les hommes, on doit faire preuve de loyauté.
Et régler ses comptes en duel un petit matin de septembre au Parc de Ses Grands Morts. Avec classe et courage, élégance et détermination, risquant sa vie pour si peu : l’amour d’une femme. La chanceuse. Elle doit être si fière de voir que deux hommes adultes s’entretuent pour elle, c’est sûr et certain. Et puis c’est elle la responsable, non ? C’est pour elle que ces deux personnes totalement sobres et rationnelles décident de s’étriper au petit jour. Elle sait aussi que maintenant que ses petites affaires sont exposées, elle est quasi obligée d’épouser le survivant. Je suis si contente d’être si fatiguée, si tu savais.
Une loyauté toute relative
L’auteur ne dit pas non plus de rester passif face à ses adversaires sentimentaux. Il faut garder l’apparence de la mansuétude et de l’élégance pour mieux déchaîner sur l’autre tous les coups bas possibles.
« Ceci ne constitue en rien un acte de mauvaise foi et n’est pas non plus de l’hypocrisie coupable. »
Ah. Bon ben ça va, alors !
Il est intéressant de voir à quel point la partie sur les relations de rivalité entre les hommes est peu développée. Au vu du reste de la prose du bonhomme, je me suis dit qu’il allait en foutre des tartines, mais pas du tout. Il n’appelle qu’à une ruse toute relative. Nous sommes en page 120/135, c’est le seul moment où l’on parle, de manière très superficielle, des relations entre hommes.
Alors qu’on déploie des stratégies incroyables envers les femmes. Ils doivent préférer mentir aux femmes que de se mentir entre eux.
Cela dit, les mensonges des femmes sont triviaux, les mensonges des hommes sont question de serious business.
Stratégies gagnantes
Allez, comme on a dit, page 120/135, on va finir cette partie de ce livre de…plus de 300 pages. Tu auras la surprise dans le prochain billet du contenu de ces pages. Tu te penses prêt-e ? Tu ne l’es pas.
La Conquête de la Fortune
Si t’as bien tout suivi, tu sais que les femmes accordent beaucoup d’importance au statut social, sont vaniteuses et aiment la romance. Toutes. Cherche au fond de toi, tu verras, toi aussi tu es comme ça.
Pour se marier,
Il faut du blé
Le mariage n’est pas un vrai métier.
On doit donc se préoccuper d’abord de nos affaires, pour « entrer dans la société » et ensuite, trouver une « jeune fille » qui nous aimera car « un amour sincère est généralement payé en retour ». Si « un monsieur » veut épouser « une jeune fille », il doit savoir rester réaliste quand à ses prétentions.
Ici, notre vieil escroc parle enfin hypergamie masculine. En gros : faut la tenter, on sait jamais, pourquoi pas, et si on se moque de toi, elles sont « sans éducation et sans politesse ».
Les « femmes vaniteuses » se flattent de repousser des demandes en mariage, alors faut être sûr de ton coup, ok ? Sinon, tu perds 10 points de prestige et 2 points de street cred.
De la diplomatie en Nature de Dot
Des fois, j’oublie que le système de dot existe, car je dispose d’un privilège blanc non-bourgeois (je valais que dalle en me mariant, je vaux pas beaucoup plus) et que je vis en 2024. Mais ce rappel provoque systématiquement chez moi une séquence : soupir, yeux au ciel, regard fixe, rage et grognements. Étant actuellement en surchauffe caniculesque et donc aussi molle qu’un chat liquide, je ne peux pas produire beaucoup plus de sons que « Rrrpflpflpfrrrrt »
Allez, c’est parti pour « combien rapporte une femme ».
Dans un premier temps, il faut, en même temps que gagner en prestige, gagner en sociabilité et surtout se montrer avec des « demi-mondaines » pour se tailler une réputation de Don Juan. On en est ici au stade où on a trouvé une proie, célibataire, avec une très belle dot. Comment faire en sorte de lui faire croire qu’on ne l’aime pas que pour l’argent ?
« Faites comme si vous vouliez faire d’elle votre maîtresse ! » nous dit notre escroc préféré. Elle croira que vous l’aimez vraiment et que peu importe le mariage, c’est elle que vous voulez. Genius.
Du Coefficient de la Résistance Féminine
Selon Marcel Prevost, au sujet de la fidélité des femmes :
Qui est Marcel Prevost ? Laissons Wikipédia nous raconter ça :
« Après des premiers romans consacrés à la vie de province – Le Scorpion (1887), Chonchette (1888), Mlle Jaufre (1889) – il s’engage dans la veine qui lui apportera la notoriété : l’étude du caractère des femmes vu d’un point de vue strictement masculin, avec des romans comme Cousine Laura (1890), La Confession d’un amant (1891), Lettres de femmes (1892), L’Automne d’une femme (1893).
Il triomphe en 1894 avec Les Demi-Vierges, son roman le plus célèbre. Il y décrit, en forçant le trait, les ravages que la vie parisienne et l’éducation moderne sont censés faire chez les jeunes filles. Le roman est, peu après, adapté pour la scène et créé avec un grand succès au théâtre du Gymnase le 2 mai 1895. Le terme « demi-vierge », passé dans le langage courant, désigne une jeune fille affranchie mais cependant vierge. […]Les Lettres à Françoise (1902) proposent un programme idéal d’éducation d’une jeune fille, tandis que le mélange de mysticisme et d’érotisme de Retraite ardente (1927) suscite les protestations de l’Église catholique romaine. »
Je te laisse jouer au jeu des ressemblances avec son portrait que voici :
Il a l’air formidable, ce type. Heureusement qu’il est mort, on va pouvoir ne pas le respecter.
Un homme qui écrit sur les relations femmes-hommes du point de vue d’un homme ?
Inouï !
Spectaculaire !
Incroyable !
Tellement engagé !
Bref : on parle ici de pécho des femmes mariées en revenant à Marcel Prévost :
« [À propos des vacances à la mer] Voilà pourquoi toute une avalanche de jolies petites bourgeoises sortant de leurs cabines aux heures des bains, se trouvent toutes confuses et toutes heureuses parce que des messieurs, en costume de flanelle rayée, se mettent en mesure d’observer leurs hanches et autres charmes à l’aide de jumelles, ou parce qu’un prince quelconque a pris une photographie instantanée de leur visage ruisselant d’eau. Ah ces femmes de la petite bourgeoisie aux bains de mer ! Elles posent le germe de l’amour pour l’hiver qui suivra. Les jeunes gens savent très bien qu’ils peuvent en préparer là toute une moisson. […]Le plus souvent, son mari n’est pas même là pour lui rappeler ses devoirs et pour la tenir en bride. Il ne vient que le samedi soir pour rester jusqu’au lundi… »
Je vais être vraiment sympa et t’épargner la suite. Prenons soin de nous. La santé mentale c’est important.
Hey, il savait tout ça mais il est quand même mort, haha !
Dernière ligne droite !
(j’en peux plus)
Les Secrets de Don Juan
J’ai dit prenons soin de nous ? C’est ce que je vais faire, en allant boire du thé pour oublier tout ce que je viens de lire.
Booooooooooooooooooooooooon.
Les femmes sont dociles comme des agneaux lorsqu’on leur réserve une surprise. On peut ainsi les faire embarquer dans n’importe quelle aventure, elle suivra aveuglément. Normal. Tu me dis « viens », moi j’y vais, on sait jamais, des fois qu’on me donne des friandises à la fin.
Mais « […]elles se défendent comme des possédées aussitôt que l’on commence à parlementer avec elle, le baiser sollicité est presque toujours refusé, le baiser ravi toujours pardonné ! »
Paye ton agentivité.
Il ne faut pas paraître amoureux, au contraire, on doit la jouer distant pour la laisser désirer. On a d’autres chattes à fouetter, n’est-ce pas ? Non, je ne m’excuserai pas pour ce jeu de mots nul, c’était ça où mettre le feu à mon PC et de la javel dans mes yeux, ou l’inverse.
On doit donc ne jamais indiquer que c’est l’homme qui mène la danse. Laisser croire aux femmes qu’elles ont le choix est une profonde erreur.
Le Contact Corporel
Alors moi, je m’attendais ENFIN à un truc olé olé. Mais non.
Les PUA n’ont rien inventé : un contact « involontaire » avec la proie provoque des trucs chez elle. Et c’est vrai, sauf que le mot « truc »peut recouper pas mal de notions. Si un homme me touche involontairement, il ne se passera absolument rien dans ma tête. La première fois. Mais si je perçois qu’il cherche le contact qui n’est pas si involontaire que ça, ça me met en colère, car c’est mon corps, ôte tes sales pattes de mon bras.
Dans un contexte de drague, en revanche, ça peut marcher, ça a déjà marché avec moi, mais j’étais déjà attirée par la personne. En soi, ce n’est pas un mauvais conseil, même s’il reparle magnétisme, sauf que la situation doit être assez avancée entre les deux.
Je t ‘ai déjà parlé des réflexes violents de survivante que j’ai conservés ? Mon cher et tendre a failli s’en prendre une, un jour, parce que je ne l’avais pas vu arriver. En gros : tu ne touches pas une personne comme ça at random. Il faut qu’une confiance se soit installée, car le contact peut être perçu comme une agression.
La Femme et le Mariage
T’es pas prêt-e. Je ne l’étais pas non plus.
Wow. Il poursuit son paragraphe en parlant d’immaturité et d’innocence.
« Les toutes jeunes filles (Dieu merci) sont trop innocentes, trop naïves, trop élémentaires, trop peu passionnées pour se permettre ce luxe de sensualité et d’esprit; elles sont trop enfant pour sentir l’abîme qui existe entre la nature et l’esprit et pour fortifier la sensualité par la réflexion; ceci sera reconnu par tout homme raisonnable. »
Alors oui, en deça d’un certain âge, le sexe ou le mariage ne sont pas forcément intéressants. Tu parles de quels âges, mec ? Je dirais qu’il parle des filles juste pubères (11/15 ans), qui sont effectivement des enfants. Quelque part, c’est bien qu’il cherche à dissuader de telles relations, mais ses raisons ne tiennent absolument pas de l’éthique; c’est juste que l’Homme va être frustré d’avoir pécho une gosse car elle se comportera comme une gosse. L’auteur précise ensuite qu’il y a des délurées qui ont appris la vie avec des lectures ou en étant séduites. On est bien dans une réflexion d’homme, pour les hommes. Pour éviter la frustration, évite les filles de 12 ans. Pas parce que c’est littéralement de la pédocriminalité, non, parce que ça apporte des inconvénients.
Je n’avais pas précisé ma légère nausée hein ? On va refaire une pause santé-mentale, pitié.
« La jeune fille ne cherche en l’homme qu’elle aime que la possibilité pour elle d’assurer son avenir comme femme et comme mère, avec tous ses attributs »
Sérieusement, c’est si triste. Pathétique.
« Jamais elles ne sont exposées à une tentation aussi puissante et irresistible que c’est le cas pour ces derniers. »
Ah, la libido des femmes.
Au lieu de se demander ce qu’on fait mal ou pas, on renvoie la « faute » sur les femmes. Faute, car ne pas niquer tout le temps, c’est une faute. Même si le Bon Dieuy nous parle de conception uniquement, même si nos vies sont dédiées à nos potentiels enfants, faut niquer, c’est comme ça. Niquer, et souvent, et bien. C’est comme ça qu’on garde son homme : en niquant tout le temps ET en faisant des bébés ET à manger ET le ménage.
Si j’arrive à ne pas entrer dans chaque Sephora que je vois pour faire un carton, t’es capable de la laisser dans ton calbut, non ? Il y a une différence entre le désir et le passage à l’acte. Les hommes sont censés penser au cul toutes les 0,17 secondes. D’accord. Pourquoi ? Parce qu’on est dans une vision des femmes fortement érotisée ? Qu’on ne se vend que comme ça ? Que si elle est laide mais qu’elle baise bien, ça passe ?
On attribue des « petites copines » aux enfants dès la maternelle. Un garçon et une fille de 5 ans s’apprécient ? Amoureux. L’amitié n’est pas possible, il n’y a que le sexe. On continue à éduquer nos enfants comme ça. Alors que le fait de dire « c’est ta petite copine » entraîne énormément de questions auxquelles, évidemment, on ne répondra que « quand tu seras grand-e ».
Les hormones, d’accord. Mais ne faisons pas l’impasse sur toute l’éducation familiale, scolaire et culturelle dont on les abreuve dès qu’iels sont genré-es à l’échographie.
Le mariage, les enfants
L’auteur rapporterait ici des propos de femmes qui « prétendent que la plus grande jouissance sexuelle qu’une femme puisse éprouver consiste à allaiter un enfant ».
Je sais que l’allaitement peut être un moment intense, même si je n’ai pas connu. Plusieurs témoignages peuvent rapporter qu’en effet, lors de l’allaitement, une excitation peut survenir.
Mais, ici, il parle surtout de ces femmes comme centrées sur leurs enfants et indisponibles au mari. Mari qui va voir ailleurs si elle nique pas assez ou si elle a eu un ou plusieurs enfants. Désolée, c’est obligé, les gars, il semblerait que vous soyez programmés pour ça.
Femmes frigides
Tu vois ? Pas de libido constante = défaut.
On n’est que ça. Un trou. Je suis désolée, on a fini le livre, et c’est tout ce que j’en retiens. Je me sens déshumanisée, révoltée et blasée. On a ici toutes les racines de la drague moderne, en plus euphémisé, mais on a bien tout.
Comment draguer, alors ?
En 1911 comme 100 ans plus tard, on a un objectif clair : le sexe, éventuellement des enfants pour les photos de famille, le business, la réputation, le sexe, le charme, l’apparence, le sexe, la flatterie et enfin le sexe. Le mariage n’est que très rapidement abordé. Une fois mariée, la femme perd de sa valeur, on peut donc en chercher une autre pour notre Pokédex personnel.
Je rappelle ici que les droits des femmes en 1911 c’est pas encore ça.
Tiens, mate sur viepublique[point]fr
Tu notes le gap entre 1791 et 1945 ?
En 1793, on exclut explicitement les femmes des Droits de l’Homme. « Tout homme né et domicilié en France, âgé de 21 ans […] est admis à l’exercice des Droits des citoyens français. »
En 1832, le viol devient un crime passible de travaux forcés, la majorité sexuelle est fixée à 11 ans.
1850 : écoles de filles (essentiellement arts ménagers)
1892 : les femmes peuvent porter un pantalon si elles ont en main un vélo ou un cheval
1910 : les femmes peuvent retirer leur argent sur leur livret d’épargne
1938 : suppression de l’incapacité juridique pour les femmes
C’est en gros ce qu’il s’est passé durant ce laps de temps.
En 1911, on est donc du gibier. Du gibier parfois réticent, car cette réticence, c’est tout ce qu’il nous reste. Ne pas simuler pendant l’amour, le dernier bastion de la dignité.
Ayé, on a (presque) fini. C’était vraiment très long, mais très éclairant sur plein de pratiques de cette décennie. Les dragueurs du futur n’ont que très peu changé par rapport à notre vieil escroc.
Maintenant…il nous reste le chapitre bonus, et il va arriver. Bientôt, je ne sais pas, mais il va arriver.