Lors des dernières élections étasuniennes, les gens ont réalisé que les hommes blancs votaient plutôt à droite. J’ai vu passer des témoignages sur la fragilité masculine en quête d’un leader masculiniste et charismatique, pour revenir à “avant”.
Et là, j’ai envie de dire un truc.
La faute à qui ?
Non, sérieusement.
La faute à qui ?
La faute aux femmes, et surtout aux féminismes qui fragilisent les masculinités, bien sûr !
La faute à #metoo !
Les hommes ne savent plus comment séduire sans violer, dis-toi. Ils ne savent plus faire de blagues sans insulter une minorité ou une autre, à cause de nous. On les oblige à découvrir les règles de vie en société et ça les opprime de ouf.
Sans déconner, #metoo serait responsable de ces incertitudes masculines et donc du repli vers le conservatisme.
Tu m’étonnes. Pour un agresseur, “c’était mieux avant”, quand on risquait peau d’zob après une agression voire un meurtre. Tu peux tuer ta femme, t’appeler Bertrand C. et espérer revenir sur scène sans pression. Puis non, ça ne se passe pas comme prévu, la faute à ces hystériques. Leur faute à elle, comme c’était sans doute la faute de ta femme de s’être retrouvée rouée de coups dans une chambre. C’est vrai. C’était passionnel, et puis elle t’avait un peu provoqué, non ? Alors toutes ces salopes qui hurlent pour t’empêcher de vivre de nouveau comme si de rien n’était sont vraiment, vraiment injustes.
Je comprends que les temps changent et que ça devient difficile, les chatons. On vous demande par exemple de réfléchir au consentement alors que 75% d’entre vous ne connaissez pas ce terme. On vous demande de savoir faire la vaisselle alors que c’est même pas vot’ boulot ! On vous demande de vous occuper de vos enfants et de créer du lien avec euxlles alors que bon, vous bossez, vous.
Les hommes se sentent fragilisés…Car on commence à avoir l’audace de leur demander des comptes sur leurs manquements et leurs violences.
Alors que bon, si on regarde les choses avec un peu de recul, on ne peut pas nier que le système tout entier a été pensé PAR et POUR les hommes. Les femmes françaises n’ont été reconnues comme des citoyennes qu’avec le droit de vote (1944). Elles ont pu devenir autonome dans les années 1960. Elles ont pu divorcer correctement en 1975.
C’est pas les femmes qui ont construit et établi le capitalisme, les enfants. C’est pas elles qui ont “découvert” l’Amérique et décidé de voler les terres et de soumettre les habitants natifs. C’est pas elles, les Henry Ford, Louis XVI, Torquemada, Attila ou Staline. C’est pas elles, le pape et la religion aux plus hauts niveaux. C’est pas elles les CEO de Michelin et Auchan qui vont licencier à tour de bras.
On nous a empêché de nuire en nous faisant taire, plus ou moins définitivement. Vous auriez gagné à nous écouter, mais vous vous retrouvez le bec dans l’eau alors que ce monde s’écroule sur lui-même.
C’est pas nous qui avons porté la parole du Mâle Alpha, des Pick Up Artists, c’est pas nous qui avons dicté les guides de drague ou les caractéristiques que vous pensez “désirables”. La plupart d’entre nous a comme critère le fait qu’on lui défonce pas les dents et qu’on sache écouter quand on parle. La barre est pas haute, elle est au sol.
Ces critères, c’est vous qui les avez trouvés désirables…chez les autres hommes. C’est aux autres hommes que vous pensez, à la salle de sport. Les femmes ne sont que la cerise sur le gâteau, la récompense après tant d’effort.
Ces insécurités, c’est vous-mêmes qui vous les créez, en nous imaginant telles que nous ne sommes pas. Et puis si vous rencontrez une connasse labellisée, c’est bien la preuve que les femmes (toutes les femmes, mais pas tous les hommes, petite astuce) sont toutes manipulatrices, menteuses et passives agressives.
T’imagines, nous, on cesserait de chercher l’amour après UNE mauvaise expérience ? Ce serait fini à 13 ans, on serait toutes célibataires, et Manu pleurerait son réarmement démographique.
On vous pardonne tout.
On vous pardonnait tout.
Puis la parole s’est libérée. Il serait temps, bon sang. J’ai presque honte de dire que j’ai assisté à la naissance du mouvement de mon vivant et de vivre dans un pays qui a reconnu le viol conjugal en 2010. Et donc, en quelques années, on a causé tellement de torts que je nous soupçonne fortement d’être à l’origine du réchauffement climatique et de la guerre au Proche-Orient. Je me demande aussi si c’est pas nous, l’obsolescence programmée, parce qu’on est des dépensières compulsives. Hey, on cause déjà la dénatalité, ça serait pas déconnant, non ?
Ça fait donc des années que les hommes souffrent à cause de nous. Parce qu’on leur demande de ne pas nous violer ou de ne pas nous tuer, s’il vous plaît, allez, soyez sympa. Ces demandes ne me semblent pourtant pas disproportionnées. Vous est aussi demandé de cesser le favoritisme professionnel, le harcèlement, le rabaissement systématique de nos propos et de nos personnes. Si c’était si difficile que ça, comment avons-nous appris à ne pas agresser en première intention ? Oh, il y a des femmes autrices, absolument. En revanche, si tu penses que c’est un argument que de dire ça, tu te fous le doigt dans l’œil jusqu’au coude.
L’insécurité, donc. L’insécurité masculine.
Vous avez créé les règles, vous avez imposé vos propres modalités sur 99% de l’histoire du monde, vous avez même défini pour nous ce qui était désirable chez un homme, mais c’est #metoo qui est responsable de votre mécontentement.
Tu as perdu tous tes repères ? Pourquoi ?
Parce qu’on te demande de ne plus te comporter comme le dernier des connards. Concrètement. On te demande juste la décence primaire, même si tu te définis comme un mec bien, tu ne l’es sûrement pas tant que ça.
Oui, tous les hommes. Même le mien.
Faut tout vous réapprendre et on le fait de bon cœur pour vous aider à changer. Si vous saviez le nombre de posts, toutes plateformes confondues, le nombre de conversations dans la vraie vie, où on me demande “Tu aurais des ressources, mais genre BD pas compliquées, parce qu’il n’aime pas lire et si c’est trop de mots il ne va pas faire l’effort ?”. (Alors oui, j’ai Emma, c’est un excellent début) Là où je concède un point, c’est qu’on se laisse agir comme vos mères. On ne devrait pas. On ne devrait pas vous mâcher le boulot, vous apprendre, vous aider, on devrait vous laisser vous débrouiller seuls. La déconstruction est souvent un voyage en introspection solitaire. Pourtant, on le fait.-
Du coup, la rage. De rabâcher, reprendre, redire, sans cesse.
“Ne pose pas ta main sur mon cul”
“Ne me coupe pas la parole”
“Tu peux aussi débarrasser la table”
Pour ensuite passer pour d’horribles mégères castratrices et misandres.
Honnêtement, misandre, je le suis. Je le redeviens, face à ce backlash des enfers. J’en ai plein le cul, des histoires de potes que je découvre finalement vivre dans des situations de violence masquées durant des années. La honte tue.
Pour autant, ce n’est pas ma misandrie qui provoque ton vote à droite. C’est toi qui vote à droite. Je ne te force pas la main, je ne fais qu’exister et réclamer ce qui me revient de droit.
Si #metoo te gêne, si tu te sens obligé de préciser que pas tous les hommes, c’est que tu te sens visé. Tu sais, au fond de toi, que même si t’es sympa, bah tu profites des avantages offerts par le patriarcat de manière bien hypocrite.
“Pas tous les hommes” justifie le “Tous les hommes”. Tous les hommes, féministes ou pas, de droite, de gauche, de biais, participent à l’effort commun pour maintenir ce système qui les avantage en nous jetant sous le bus au passage. Et ça, va falloir le comprendre. Tout comme je comprends le fait qu’il n’y ait pas de consommation éthique sous le capitalisme et que mon smartphone provient du travail d’enfants. Je peux le savoir et lutter quand même sur ce sur quoi j’ai prise, dans mon faible rayon d’action. Oui, ça me fait chier, énormément. Mais au moins je le réalise, j’en ai conscience, j’ai conscience de mon manque d’agentivité, et ça me motive à travailler là-dessus.
Bah c’est pareil. Tu sais que tu vis dans un système dont tu bénéficies, au détriment des autres. Alors le minimum, c’est d’y réfléchir. On ne te demande pas de démissionner et de reverser ton salaires aux femmes de ton entreprise demain matin. On te demande de réfléchir à ton implication et de trouver des moyens de compenser cette inégalité. En soulignant, par exemple, lorsque ta collègue se fait couper la parole ou dénigrer en réunion. En refusant les discussions de beaufs sur le cul de la secrétaire du quatrième. En soutenant des initiatives portées par des femmes. En acceptant de céder du terrain et de faire confiance.
Alors, cette crise de la masculinité ? Cette culture du flex où tout n’est qu’argent et bonus ? Ce monde ultra-compétitif où on se casse la vie et les dents ? Cette recherche du profit avant la vie ?Ces incompréhensions envers les femmes et leur objectification ?
Et bien, c’est de votre faute. Pas la peine d’accuser des meufs qui demandent juste qu’on ne les féminicide pas. Donc maintenant, on ramasse son honneur, son hypocrisie, et on va bosser sur nous-mêmes, merci.