Parentalités numériques – Au secours, mon enfant est sur Tik Tok !

Alors voilà. Ça y est. Ta progéniture, la chair de ta chair, ton Précieux est sur Tik Tok (ou te le réclame depuis 8 mois chaque jour). 

Que faire ? Que dire ? C’est quoi ce truc qui se passe beaucoup trop vite ?

On va faire le point (et illustrer avec des memes de millenials)

Tik Tok est un Facebook avec beaucoup moins de mots.

Si tu me lis depuis le confort de ton téléphone, tu as sans doute vu passer cet article via un réseau social. Il est également probable que tu aies un compte Facebook. Bah Tik Tok c’est pareil, mais en vidéo. Je te jure, c’est vraiment pas plus compliqué. Cette appli te saute à la gueule et t’envoie du contenu immédiatement, comme un Facebook sous amphétamines.

Je comprends le seum, en 2008 on avait un ADSL de merde, des Samsung Galaxy S3 incapables de filmer une patate en gros plan, fallait tout décrire et, globalement, tout laggait à mort, y compris l’économie.

Mais, crois-moi, on aurait eu la tech disponible aujourd’hui, on en aurait fait, du contenu vidéo médiocre en quantité industrielle, oh que oui !

Honnêtement, tu n’as jamais shitposté quoi que ce soit ? Tu ne t’es jamais retrouvé-e à insulter un random en commentaires à 3h du mat parce que tu t’ennuyais ?

Et puis, ton enfant, cet enfant, il est probable que tu l’aies déjà pris en photo sans son consentement lorsqu’iel était bébé avant de le poster en public sur ton mur. Je l’ai fait. Tu l’as fait. Tout le monde l’a fait.

Donc : regarde en face ta propre consommation et ton propre comportement sur les réseaux sociaux. C’est une étape, la première. Ne reproche pas en vain ce que tu as fait des milliers de fois, c’est très hypocrite.

Au contraire, tu peux mettre à profit ton expérience pour éviter à ta douce progéniture de faire les mêmes conneries que toi.

Voilà, en gros, Tik Tok, c’est du Facebook mais en plus rapide.

Tik Tok est dangereux

…mais pas plus que Twitter/eggs. Mate ces dégâts politiques, les fake news, le contenu AI, le monde, tout ça.

La quantité de crapuleries qu’on trouve sur nos réseaux de vieilles personnes n’a rien à envier à la toxicité de Tik Tok. 

Maintenant, on va essayer de trier ce qui est dangereux de manière un peu mesurée.

Les prédateurs

Oui, la pédocriminalité est le premier danger. C’est un danger tangible et proche.

C’est connu, maintenant, que les abus sexuels sur mineur-es sont un fléau massif. Si tu me lis, il y a en gros une chance sur 4 que tu aies subi toi aussi.

Ces sacs à merde n’ont pas attendu internet pour nous coincer, les réseaux du futur ne font que sur-faciliter des pratiques déjà existantes. J’ai réussi à trouver par totale fortuicité un lien vers un site d’échange d’images pédopornographiques en 12 secondes sur TOR et cette vignette de 128 pixels restera gravée en moi à tout jamais. Oui, je cherchais juste de la drog…un tueur à gages, jamais on est tranquilles.

Oui, mon humour est nerveux, ce sujet a tendance à attaquer mon moral assez sérieusement.

Mais donc : c’est là où la confiance enfant-parent est plus que vitale. Une interdiction pure et dure, un bannissement, ne feront que renforcer l’aspect interdit et couperont le lien. Lorsqu’on t’empêchait de sortir, tu faisais le mur et tu ne le disais surtout jamais à ta daronne. Si il t’arrivait une mésaventure pendant la nuit, elle en était la dernière informée.

Ce qu’il faut savoir, c’est que ces prédateurs s’infiltrent en commentaires et en messagerie privée, lorsqu’ils croisent une victime potentielle. Ton gosse fan de Roblox réagit à une vidéo, un autre “enfant” lui répond, des échanges se font, des photos sont demandées et c’est parti.

Ici, j’ai pas d’autre solution que de la parentalité. Désolée. Il n’y a pas de filtre à prédateur autre que ta pomme. Il faut que, très très vite, tu expliques comment ces ordures fonctionnent.

Tu penses que c’est trop tôt ? Quel que soit l’âge de ton enfant, s’iel peut tenir un téléphone entre ses mains, c’est suffisamment tôt. Le discours n’est pas le même face à un enfant de 3 ans ou de 13 et il faut repasser plusieurs couches en fonction de son évolution. Même si tu as l’impression de ressasser, ressasse. Iels grandissent et oublient, parfois, qu’iels sont des enfants.

La société ne nous a pas protégé-es des agresseur-ses, elle ne protègera pas plus nos enfants, alors à nous de jouer. Je sais que c’est pas la réponse que t’attendais.

Les écrans

La dopamine, c’est chouette. Les écrans sont des usines à satisfaction immédiate, on en veut, on en redemande, les usages sont excessifs. Ton propre usage est sans doute lui aussi excessif, toutes choses bien pesées.

Je n’ai pas envie de refaire le match du “pas d’écran avant 28 ans” et ça tombe bien car j’en parle ici dans un billet.

Plus que “les écrans” dans leur globalité, j’ai tendance à considérer la surabondance publicitaire bien plus préoccupante que 20 mn d’Axolotchi (ce jeu est gratuit est vraiment cool). 

Le déficit attentionnel est largement dû aux innombrables coupures publicitaires, masquées (influenceur-ses) ou non (sponsorisations et annonces). On t’envoie 5 secondes de chat mignon et une pub TEMU. Tu reveux un chat mignon. Alors tu t’enquilles des pubs pour voir du contenu par tranches de 5 secondes. La publicité fait partie du paysage. Petit à petit, l’attention se fractionne et le cerveau s’adapte au milliard d’indications différentes perçues en même temps.

Les contenus courts à la Tik Tok sont un terreau formidable pour engranger des revenus publicitaires. C’est même taillé pour ça. On t’appâte avec un petit shot de plaisir, tu as vu cette tortue rigolote, maintenant, installe cette application.

Comme souvent, la réponse est décevante : le néolibéralisme et le marché de l’engagement. Oui, les enfants sont des vaches à lait. C’est ça, qu’il faut surveiller. On ne peut raisonnablement pas bannir à vie tout écran (ou alors tu attends d’avoir fini de lire cet article, s’il te plaît).

Au contraire, il faut les éduquer aux écrans. Leur apprendre leur bonne utilisation, leur expliquer ce piège attentionnel, leur permettre d’agir en toute connaissance de cause. Un enfant “illettré” de l’informatique sera très handicapé dans un futur du futur où tout est numérique.

La Chine, les données personnelles et la surveillance de masse

Faut voir les choses en face : tout le monde a ta data. C’est fini, les années où on pouvait se la jouer nerd à VPN qui protège ses données. Tes données ont fuité au moins déjà une fois, tout le monde a ton mail et se le revend. Je sais, c’est brutal, mais on n’est pas ici pour se mentir.

Le truc, c’est que la surveillance de masse, le vol de données, tout ça, c’est loin d’être restreint à la Chine. On sait aussi faire ça maison, tu sais ? Pourquoi tu crois que le boss de Telegram a été arrêté en France cette année ? Pour l’amour de la liberté d’expression ? Bien sûr que non : il a conclu un accord pour péter la confidentialité de son appli au profit de nos renseignements généraux. 

Tu veux de la dystopie bleu blanc rouge ? Mate l’algo de la CAF pour détecter les potentielles fraudes aux allocations.

Si tu veux en savoir plus spécifiquement sur la Chine, ça tombe bien, j’ai fait un article sur Tencent qui aborde un peu la surveillance de masse en Chine.

Dans tout ça, et en toute déception car j’aurais préféré un complot mondial, on est encore sur un problème systémique, capitaliste et mercantile. Les gens veulent tes données pour te vendre des trucs. Ton gouvernement veut te surveiller pour te contrôler et contrôler le narratif qui filtre sur ces réseaux.

Les gens qui se font arrêter car pro-Palestine, ça arrive, maintenant, y compris en France. Une meuf se prend 4 mois de taule pour avoir défoncé Manu en commentaires, un blogueur va en gardav pour avoir crié un peu fort que Darmanin démission, c’est pas du tout de la SF, c’est le Pays des Droits de l’Homme en 2024.

C’est pas que Tik tok

Tik Tok ne devrait pas être le centre de notre attention, en fait. Il devient plus que nécessaire de se repolitiser, de remonter au créneau, de continuer à agir de manière globale et massive.

Notre passivité devient presque criminelle à ce stade.

On se fixe sur ce problème, et on a raison car les réseaux sociaux peuvent être dangereux. Mais il est nécessaire d’aller plus loin dans notre réflexion, de se demander comment nous, millenials/old gen Z, avons pu laisser le monde se détériorer à ce point.

Je sais que ce n’est pas agréable de lire ça.

Je ne me mets pas du tout au dessus du lot, moi aussi j’ai déconné, je me suis laissée aller dans une routine confortable et je me réveille quand la maison est en feu. 

On a le choix entre interdire, comme nos parents ont souvent pu le faire, et accompagner.

Tik Tok, c’est aussi NOTRE problème. Nous avons rendu ça possible. Réparons.