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Gueule dans le cul façon “pourquoi j’ai pas mis de musique ?” et “c’est quand 5h pour le café ?” Et bien “parce que t’es pas attentive” et “T’es pas attentive il est 5h06 🥳”
Aujourd’hui, on va parler de la ruine financière de la famille Vanderbilt.
Si tu aimes quand les riches perdent des sous, tu es au bon endroit.
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Au départ, on a Cornélius Vanderbilt (1794 – 1877), un mec qui a trouvé les clés de la méritocratie et a fini par être plus fortuné à lui seul que le gouvernement US de l’époque avec l’équivalent de 185 MILLIARDS de dollars. Je le dis systématiquement comme Eric Cartman, de même que chaque somme énoncée en dollars sur ce billet. Oui, la honte m’étreint.
Il commence par travailler sur des bateaux, puis a l’idée de faire des lignes de chemin de fer pour relier des endroits les uns aux autres, mais pas avec des chevaux comme William Jessop (un autre type mais né en 1745 et mort depuis longtemps), non, avec des locomotives. Astucieux.
Si tu connais un peu mon histoire familiale, tu sais que je suis d’une lignée illégitime d’un fabricant allemand de locomotives (et de missiles) côté paternel, et que mon grand père maternel, ainsi que son père étaient respectivement architecte pour la SNCF et cheminot.
J’y connais que dalle mais j’adore le train, le RER, tout ce qui est sur des rails. Mais c’est un amour esthétique, j’y connais réellement que dalle.
Donc j’ai été sur Wikipedia pour te trouver que la longueur totale de rails dans le monde est de 1 115 000 km. Je t’en prie.
On parle de “son empire maritime et ferroviaire” et je me souviens surtout des rails posés par des prisonniers et immigrés Chinois. C’est extrêmement probable que ça vienne d’un des romans du fabuleux Victor Del Arbol, romancier barcelonnais qui sait tirer des larmes de mon cœur sec et froid comme la glace (faut s’accrocher, ce type est excellent mais ses bouquins retournent durablement et sont assez cruels. Faut pas t’attacher aux personnages, quoi.).
Au fur et à mesure de l’avancement du projet [du tronçon occidental du chemin de fer transcontinental], entre 1864 et 1869, un grand nombre de travailleurs chinois en provenance de la province du Guangdong en Chine étaient recrutés pour un insatiable appétit de main-d’œuvre dans l’Ouest américain. On ne connaît pas vraiment les chiffres exacts de cette immigration, les registres n’étaient pas complets ni précis. En juillet 1865, on estime à environ 4 000 le nombre de travailleurs chinois présents sur les travaux de la société de Central Pacific Railroad. En février 1867, ils étaient environ 8 000 à creuser des tunnels et 3 000 à poser des traverses et des rails, ce qui représentait plus de 90 % de l’ensemble de la main-d’œuvre de la Central Pacific Railroad. Selon les historiens, au total, entre 10 000 et 15 000 travailleurs chinois ont participé à la construction du premier chemin de fer transcontinental des États-Unis. On estime que ce chiffre devrait en réalité être encore plus élevé.
En résumé : un mec se fait de la thune car il a eu la bonne idée au bon moment et devient super-méga-richissime de ouf.
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Bon, déjà, on rappelle que si la méritocratie a pu donner l’illusion de fonctionner, elle est également, ici, réalisée par des quasi-esclaves qui crevaient en travaillant.
Les choses commençaient finalement à changer après 1870, au lendemain de l’achèvement de la construction du chemin de fer. Les États-Unis faisaient face à une grave crise économique. À partir de cette période, le racisme commençait à s’installer, de plus en plus d’Américains considérant la présence des Chinois comme une menace. Ce sentiment a atteint son paroxysme en 1882, lorsque le Congrès américain a adopté une loi de restriction à l’immigration visant les Chinois.
Mais ça, les Vanderbilt s’en battent la rate, bien sûr. Et la méritocratie se transmet visiblement d’une génération à l’autre via l’héritage, reproduction des élites, tu connais la chanson. Si tu connais pas la chanson, je peux te proposer de te chanter la Traviata au kazoo à la place si tu veux.
Quand tu nait avec de l’argent, tu as pas forcément trop trop envie de bosser, tout en profitant des largesses familiales.
😡 Salauds d’assistés !
Cornelius Vanderbilt n’est pas un mec sympa, non plus. Genre vraiment pas.
En 1863, il prend le contrôle du New York Central Railroad après l’avoir quasiment conduit à la ruine en refusant l’installation d’une correspondance à Albany, obligeant ainsi les voyageurs à marcher sur plusieurs kilomètres dans la boue ou la neige. Il profite de la fusion des deux compagnies pour sous-évaluer les actions et gagne 26 millions de dollars dans l’opération.
En 1866, il impose la fermeture du Livingston Avenue Bridge, pont qu’il possède et qui est l’unique porte d’entrée de marchandises à New York, principal port du pays. Ce blocus entraîne l’effondrement du cours des actions des autres compagnies ferroviaires qui empruntaient le pont. Il rachète ainsi facilement le Lake Shore and Michigan Southern Railway en 1869, devenant le roi des chemins de fer du port de New York jusqu’à Chicago.
Il a créé Grand Central, qui fut la gare centrale de Park Avenue, à New York, sur un terrain acheté en 1869. Cette immense gare de 67 voies et 44 quais est le symbole de sa réussite.
(Wikipedia)
L’héritier, William Henry Vanderbilt (1821 – 1885) réussit à doubler la fortune familiale en seulement 8 ans. Et c’est le dernier point culminant de la richesse familiale.
Pour faire oublier l’arrivisme de grand-papa, les héritier-es se construisent des manoirs châteaux de luxe, achètent des oeuvres d’art, ou donnent des réceptions, dont un bal costumé à 250 000$ en 1883 (environ 6 millions de dollars) pour 1200 invité-es. Oui, les Vanderbilt étaient vus comme des parvenus (les déboires avec la méritocratie, tu sais) et pas vraiment intégrés à la bonne société nord américaine. William Vanderbilt, le petit fils du Parrain, organise donc cette fête dantesque avec sa femme Alva, qui me donne envie de manger cette délicieuse pâtisserie à 8 milliards de calorie le gramme, pour s’introduire dans le beau monde. Et ça marche.
On leur reproche d’avoir fait de l’argent méchamment, de manière non-éthique (et c’est vrai) mais on leur concède quelques points si une fête est organisée. Tu vois les priorités 🙄
Nous en sommes à la teuf monstrueuse qui les fait donc entrer dans le cercle fermé de ceuxlles qui ont VRAIMENT mérité leur argent (c’est à dire sans travailler, si tu as bien suivi jusqu’ici). Donc, hey, cool, papi logeait dans une maison cheapos et n’était pas sympa mais nous, les héritier-es, on l’est, sympas. Tenez-prenez cette liasse de 10 000$ et aimez-nous.
Les enfants ont pris le pli de rien foutre en se gavant, en même temps, moi tu me proposerait de vivre sans me préoccuper de mes finances, je ferai quoi, hein ?
Des safe houses pour permettre à des personnes en situation de violences conjugales ou familiales de fuir et de se cacher, avec une équipe de conseil juridique qualifiée. C’est mon projet-loto. Et du lobbying féministe aussi, plein. Et j’enverrai une enveloppe de 3000€ par prof pour qu’iels n’aient plus à prendre sur leur salaire pour faire faire des activités à leurs élèves. Parce que j’ai pas besoin d’un logement plus grand, en fait.
Mais, heureusement pour le monde, je ne joue pas au loto.
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Ce que je trouve amusant, c’est que le patriarche était super austère mais que ses enfants ont fait exactement l’inverse. Pour se la jouer héritiers. Sauf que les “vrais” héritiers, ils ont déjà le patrimoine immobilier qui va avec et ils ont pas à organiser des fêtes ostentatoires pour se sentir à l’aise chez les riches. Un petit frichti à 1 million c’est nettement suffisant.
Ici, tout est à faire. Les domaines extravagants, les activités extravagantes dans des tenues extravagantes, la philantropie extravagante et tout le merdier.
En résumé, les enfants Vanderbilt ont fini par dilapider leur fortune à force de vouloir ressembler à des riches alors qu’iels étaient plus riches que les riches. Ce qui est extraordinairement con et involontairement comique pour n’importe quelle critique du capitalisme.
Est-ce que tu as besoin de te faire construire 10 manoirs sur la 5ème avenue à New York ? Moi, personnellement, non, sauf si c’est des safe houses.
J’ai besoin, en revanche, de chercher une info. On présente en effet Alva Vanderbilt comme LA cause de la ruine de la famille, dépensant à tour de bras la fortune familiale. Mais j’ai du mal à imaginer qu’une seule femme puisse dépenser autant d’argent. Je dis ça alors que je suis dépensière compulsive et que j’ai des phases maniaques. Dépenser des sous, je sais faire, je pense que si tu me donnes 50 000€ je peux les claquer en moins de 2h. Mais là ça fait vraiment énorme, d’autant plus que William Henry Vanderbilt (l’héritier de Cornélius) a réparti l’héritage entre ses deux fils. Lesquels, me demande pas, leur arbre généalogique est source de migraines intenses ici.
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Alva Belmont Vanderbilt est née en 1883, je pense qu’on peut dire avec certitude qu’elle n’est plus de ce monde. Surprise, c’était une suffragette. Cela dit, sa famille a bâti sa fortune en Alabama sur le dos des esclaves noirs qu’ils avaient “acquis” et il est répandu de dire que les suffragettes se sont servies des femmes noires comme escabeau pour obtenir le droit de vote en 1920. On reste dans la cohérence raciste, tout va bien.
J’ai trouvé un article ici sur les suffragettes noires, si ça te dit (anglais)
Et un autre ici (anglais aussi)
Et un article en français, sur l’excellent site Femmes de Droit, Miriam si tu me lis 😊
Le truc c’est que les suffragettes (oui j’ai noté l’idée de t’en parler un matin) ont quand même réussi à faire des trucs et Alva était manifestement une figure dans le mouvement. Heureusement que personne n’est monolithique parce que la vie serait chiante. Je me demande à quel point son engagement a pu nuire à son image de femme croqueuse de diamants par pelletées (ça devrait être très moyen pour le transit). Je ne dis certes pas qu’un engagement de type féministe rend chaque participante immunisée à la connerie (ça se saurait), mais la question m’intrigue.
Dans tous les cas, la meuf s’est fait construire le plus grand yacht du monde, qu’on a sobrement baptisé “Alva”. C’est elle qui fera construire tous ces manoirs luxueux parfaitement inutiles sur la cinquième avenue.
Je ne dis pas qu’elle aurait pu faire des safe houses, mais elle aurait pu utiliser son fric dans des trucs un peu plus importants, surtout si elle se proclamait militante. J’ai un arrière goût de Sarah Winchester, si tu veux. Genre je veux bien faire mais pas non plus réduire mon train de vie parce que j’ai un besoin vital d’un yacht à 500 000$.
Ce qui s’est manifestement passé, c’est qu’elle a donné des idées aux autres membres de la famille Vanderbilt. Est-ce techniquement la seule responsable de la ruine de la famille ? Non, parce que tous ces gens étaient aussi voraces les uns que les autres.
On estime que la descendance totale de Cornelius Vanderbilt s’élève à 600 personnes (on va dire que tout le monde n’a pas hérité ou qu’il y a eu des décès précoces), j’imagine que Alva n’a pas siphonné tout l’argent.
Quoi qu’il en soit, son mariage est malheureux et, outrage, Alva demande le divorce en 1895 et va se remarier avec Oliver Hazard Perry Belmont, qui a lui aussi plein plein plein d’argent mais qui est surtout un gros gauchiste comme elle. Attention, “gauchiste” hein, faut pas déconner, son mari est démocrate-chemise-veston. Mais Alva va aller plus loin dans son engagement auprès des suffragettes en donnant de l’argent et en participant notamment à l’élaboration de la “Political Equality League” en 1909. Mais zéro safe house, hein, voilà.
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Puis, la ruine. Cela ne s’est pas passée en une nuit, mais, progressivement, l’argent s’en va voir ailleurs. Les héritier-es font n’importe quoi, avec cette certitude que tout est permis. La déliquescence totale et une belle fable d’avertissement pour les nouveaux riches : te fais pas construire 10 manoirs sur la 5ème avenue stp.
MAIS
La super-méga-fête-of-doom aura permis ce sublime costume de chat :
Moralité : y’a pas de moralité mais cette histoire m’enjoie, fort curieusement. Ce coup des “élites” c’est vraiment de l’arnaque pure, pour nous, mais aussi des fois pour elles. Que ce soient des fortunes aristocratiques, des fortunes industrielles ou commerciales, on est toujours aussi cons. Ça a un côté un peu rassurant. La prochaine fois que je ne m’achèterai pas de nouvelles baskets Osiris je penserai à manger du Halva et comme j’aurai tout oublié de cette histoire, je mettrai un petit moment avant de comprendre le lien.