Voici un gros billet revu, corrigé, qui rassemble 3 textes sur les fantômes et leur genre.

C’est très légèrement effrayant mais y’a pas de description.

DES dames blanches, et c’est là que ça prend tout son intérêt. Tu t’en doutes, j’adore les histoires qui font peur, je biberonne aux creepypastas et j’adore tout ce qui est folklore horrifique. Et j’ai donc découvert que la figure de la dame blanche était aussi présente aux Philippines et au Japon.
Comme je suis plus geek qu’anthropologue, prends mes écrits avec précautions, d’accord ? Si je fais une erreur je la corrigerais bien volontiers aussi d’hésite pas à apporter des précisions si tu en as envie.

Table des matières

Partie 1 : Qui est la Dame Blanche ? Quels sont ses réseaux ?

Je vais partir de ce que je connais : les légendes de dames blanches en Europe et aux US. On va essayer ensuite de voir en quoi les dames blanches du « reste du monde » (C’est tellement ethnocentré que de dire ça, mein gott) sont différentes. Ouais, j’aimerais te dire que j’ai une connaissance innée du folklore mondial, mais non. Donc je ne vais pas me la jouer SJW d’élite, j’assume mes lacunes et je vais faire une partie occidentalocentrée et une reste-du-monde-centrée comme une bonne féministe blanche que je suis.

Je découvre plein de choses en même temps que toi sur ce billet, j’ai fait zéro recherche préalable parce que c’est le jeu, j’espère que ce sera au moins instructif.

Meme Bob l'Eponge et Patrick : Moi, préparant un billet horrifique L'Enfant (avec des jumelles)

La Dame Blanche, une figure quasi-universelle

Les Dames Blanches, dans leur version classique, sont souvent les fantômes qui t’attendent au bord de la route :

Photomontage de bord de route avec une Dame Blanche

Selon les versions, il faut, ou pas, la laisser monter à bord et de toute façon tout le monde meurt à la fin dans un affreux accident de voiture, tellement affreux que tu te demandes comment l’histoire est arrivée jusqu’à nous. Personne ne pense à ça.

Les Dames Blanches peuvent aussi apparaître dans un autre contexte, toujours avec la même fonction : délivrer un message et te bouffer tout cru.

Que veut-elle ?

Elle est synonyme de mort ou de danger, dans ce contexte particulier.

Il y a plusieurs versions de dames blanches du bas-côté et c’est tricky parce que quoi que tu fasses, tu es piégé-e. Ou pas, car elle n’est pas forcément maléfique, elle est surtout, dans le monde occidental, un fantôme flippant, parfois plus pathétique que dangereux. N’empêche, y’a deux écoles : la laisser monter en voiture ou ne pas la laisser monter en voiture.

Je te dirais : know your Dame Blanche. Certaines avertissent, d’autres pleurent, mais de temps en temps, elle te bouffe le visage.

On peut relier la figure de la Dame Blanche est l’image classique d’un spectre en linceul. Cette imagerie du linceul qui rend l’entité surnaturellement blanche grâce à la magie de vanish, n’existe que depuis le XIIIéme siècle. Elle apparaît, parfois voilée, dans d’autres lieux que les routes : manoirs hantés, cimetières hantés, forêt hantée, parc d’attraction hanté, bref, t’as compris.

Peut-être victime injuste se lamentant pour l’éternité, ou entité vengeresse sans pitié. Ici, elle réagit plus qu’elle n’agit : ce sont tes réactions qui déterminent ta survie.

Pas d’homme blanc ?

AH ! Je savais bien qu’on les avait oubliés. Quid des spectres masculins ?

Dans l’ensemble, les spectres d’hommes ne se baladent pas au bord des routes. Enfin, peut-être, mais de manière beaucoup plus marginale. La Dame Blanche, c’est la Dame Blanche : un des fantômes les plus connus au monde.

Eux aussi peuvent avertir d’un potentiel danger, mais ils sont moins ambigus sur leurs intentions. Les histoires de gentille fantôme qui devient soudain violente, ça colle bien au narratif des femmes imprévisibles sous des airs de douceur. Que ce soit en Asie du Sud Est, en Russie ou aux US, les femmes surnaturelles sont souvent bien plus dangereuses et perverses. Mystérieuses, intrigantes, parfois belles au premier abord, cela nous apprend à nous méfier de ces sales bonnes femmes et cela diffuse cette idéologie misogyne.

Note : il y a des histoires de bateaux (Le Hollandais Volant) et d’armées fantômes (Chasse sauvage), oui, comme dans Lord Of The Ring. Pas le même The Ring, mais un autre The Ring.

Il n’empêche que…nomme-moi un fantôme par son prénom ? J’ai des figures historiques, comme les fantômes de la Tour de Londres, mais, dans l’ensemble, seules les femmes sont nommées.

Prévention routière

En règle générale, les figures fantomatiques apparaissant sur le bas-côté sont financées par le Conseil Général pour sensibiliser les conducteur-ices aux dangers de la conduite de nuit après un dernier picon-bière.

Un peu pour tester ta vigilance, tu vois, comme l’art autoroutier ou les avertissements pour les radars dans ton appli GPS préférée. « Attention, une meuf s’est fait percuter ici, ralentis » à la manière des croix posées sur le bords des routes sur les lieux d’accidents. Je trouve les croix plus efficaces, parce qu’elles sont réelles, mais des fois faut du folklore pour en rajouter une couche.

 

Croix et mémorial sur le bord d'une route

C’est un peu particulier, comme politique de prévention, parce que tu risques l’accident rien qu’en la voyant. Les « victimes » étant souvent des hommes seuls à bord de véhicules, je pense que mes chances d’en croiser une sont proches de zéro. Car je ne conduis pas. Donc on va dire très égoïstement que ce n’est pas mon problème.

Où exercent les Dames Blanches ?

Wikipedia nous donne une liste d’endroits connus pour les Dame Blanche en France. Il y en a dans le Calvados, l’Hérault, les Hautes Alpes et l’Isère, mais je sais la liste non-exhaustive, il y en a aussi dans le Grand Est sur certaines routes. Lorsque j’habitais dans les Vosges il y avait une légende locale, toujours sur une route dangereuse. Je suis convaincue que CHAQUE département ou région possède sa propre Dame Blanche. Pour en savoir plus, appelle l’Office du Tourisme, y’en a sûrement au moins une près de chez toi.

Après l’avoir fait monter à bord, elle s’écrie parfois « attention ! » avant le virage sur lequel elle a été percutée, et disparaît ensuite. Ou elle disparaît d’un coup sans rien dire une fois le lieu de l’accident dépassé. Ou elle mange ton âme.

Je ne sais pas quelle est la version la plus flippante, parce que moi j’avais connu uniquement les bad endings où tout le monde meurt. J’apprends, là, ce matin, qu’elle ne tue pas systématiquement, même si, je le répète, hurler « ATTENTION » à une personne qui conduit n’est pas trop trop sécurité routière friendly. C’est même un peu le contraire. Moi, déjà, tu me colles un fantôme au bord de la route je verse dans le fossé, direct. Heureusement pour tout le monde que je ne conduis pas.

Un aspect utilitaire

Cette figure est intéressante car malgré mon sarcasme elle reflète un des aspects fondamentaux des spectres et autres fantômes : l’aspect utilitaire. Ici, elle te prévient pour que tu lèves le pied. Elle apparaît aux endroits à risque pour te prévenir. C’est plutôt heu… sympa. Particulier, comme mode de prévention, mais bon.
C’est une des fonctions des légendes urbaines et du folklore. Si tu regardes bien, les histoires sont très similaires partout dans le monde, et pour cause : la route, c’est dangereux. Il faut transmettre le message et rien de mieux que les histoires qui font peur pour ça. La Dame Blanche Routière a donc une vraie raison d’être, tout comme l’Ankou et le Croque-Mitaine servent à empêcher les enfants de sortir en douce pendant la nuit.

Image d'un spectre devant un escalier

La Dame Blanche du bord de la route (mais ailleurs dans le monde)

Ce qui m’a donné cette idée, c’est surtout la question : pourquoi la Dame Blanche est-elle toujours blanche ? La couleur blanche n’a pas de symbolique universelle. Elle peut représenter la Vie ou la Mort, le Bien ou le Mal, la neige ou le goudron, ça dépend vraiment de ta géolocalisation.

Pourquoi toujours en blanc ?

Mon hypothèse est que le blanc se distingue mieux dans la nuit, surtout éclairé par les phares d’une voiture. Un fantôme noir sur fond noir aurait moins de succès, du moins dans le cadre routier. Un fantôme que tu ne vois pas n’existe pas. Enfin si, mais tu m’as comprise. Si il ne fait rien, ton fantôme, t’as pas peur, tu ne le vois pas, tu t’en fous, sale égoïste.

Ma recherche se complique cependant, car il y a beaucoup de pays dans le monde et qu’on est pas là pour faire une liste exhaustive des Dames Blanches de la Route (c’est galère). Le fait qu’elle soit au bord de la route est, finalement, trop limitant.

On va faire autrement et élargir un peu notre recherche. Y’a des fantômes en dehors du bord de la route. C’est marrant ça tombe là où je voulais aller dans le billet, je te jure que c’est sorti comme ça, rien dans les mains, rien dans les manches.

Femme fantomatique à la lisière d'un bois

Les Dames Blanches du monde

Je disais plus haut que le blanc tranche mieux dans la nuit. Sans mauvais jeu de mots. Il existe des fantômes invisibles, des esprits frappeurs, mais là on est vraiment sur une femme habillée de blanc, qu’on retrouve dans moult légendes locales du monde entier.

Pourquoi du blanc ? Parce qu’on est dans la catégorie « fantômes » et qu’un fantôme, ça a un linceul. Dans certains pays d’Asie, le blanc est synonyme de deuil, donc ça tombe bien.
Le linceul blanc est aussi présent dans l’Islam. J’ai encore évidemment du mal à trouver des infos précises concernant le continent Africain mais je sais à qui demander. On emballe la mort comme on peut.

Ce que je sais depuis 4 minutes, en revanche, c’est qu’en mai 2021 on a découvert la plus ancienne sépulture humaine au Kenya.
Il y a 78 000 ans, on utilisait donc déjà des linceuls.

Ossements d'enfant sur un site archéologique

Voici Mtoto, un enfant de 3 ans, dans la plus ancienne sépulture connue à ce jour

Oui, mais pourquoi du blanc ?

Je me dis que ça tient peut-être à l’absence de procédés de teinture qu’on a du « blanc ». Mh.
C’est plus probablement une étoffe en lin (ceul) claire qu’un beau drap blanc bien repassé de chez Mamie. Mais si tu es assez près pour t’en rendre compte, il est sans doute déjà trop tard et la couleur du tissu est le cadet de tes soucis.

Dans tous les cas, si le fantôme est une femme, c’est un fantôme qui est morte en couches, qui a perdu ses enfants, qui a été quittée, trompée ou tuée le jour de son mariage. C’est vraiment quelque chose de récurrent dans les différents folklores, cette histoire de femme victime qui se transforme en bourreau.

De victime à bourreau

La Llorona en Amérique du Sud, Pontaniak en Malaisie, Kuchisake-onna au Japon, Mulher de Branco au Brésil, The Ring au Japon, Vrouwen in wit chez les Néerlandais-es, Kaperosa aux Philippines, et puis aussi au Québec, en Croatie, en Afrique du Sud, en Thaïlande…

Je n’ai pas TOUT parcouru. Excepté pour Madame Koi Koi (Nigeria, Ghana, Tanzanie, Afrique du Sud), on a une très large majorité de femmes victimes qui reviennent se venger. Madame Koi Koi était méchante avant sa mort donc je ne sais pas si ça compte.

Les points communs :
– Femme
– Fantôme
– Habillée de clair
– Cherche vengeance ou rédemption

Les différences tiennent surtout au comportement du fantôme : est-ce qu’elle veut te tuer ou pas ? Je vais m’abstenir de raconter ce que font certaines de ces spectresses sur cette page, c’est vraiment beaucoup trop gore pour le matin. En France, le risque de finir en pâtée est bien moindre qu’en Asie du Sud Est, par exemple. Mais si tu connais un peu le folklore dans ces eaux-là, tu sais qu’on est vraiment des petites joueuses avec nos Barbies de la Mort. Je connais mieux les histoires japonaises, et franchement, la peur est pas du tout au même niveau on est des bisounours à côté.

Ce qui les relie

J’ai voulu me renseigner sur le sujet car je me suis demandé comment on pouvait avoir des fantômes aussi similaires en des lieux si éloignés et nombreux. Il y a plusieurs explications, on va en donner quelques unes maintenant.

🌎 La symbolique de la Dame Blanche, déjà. On le voyait plus haut mais j’insiste : un fantôme en noir sur du noir c’est peu impressionnant. C’est l’effet de contraste qui provoque la peur. Y’a un truc là où y devrait pas y avoir un truc. Le blanc (la couleur) a ce côté pratique qu’il s’adapte très bien à toutes les cultures (alors que le blanc-pas-la-couleur, beaucoup moins).

🌍 On est aussi sur une idée de la Vierge, là. La meuf pure, immaculée, qui n’a rien demandé et qui n’est que victime de la vie. Sa tragédie personnelle se transforme en acte de prévention routière. Elle est utilisée comme repoussoir. Je rappelle que dans le cas des Dames Blanches de la route, les victimes sont quasi exclusivement des hommes.

🌏 Je crois qu’on a levé un stéréotype patriarcal universel, et c’est ça que ça devient intéressant (et ouais tu crois quoi, évidemment que je relie au féminisme).

Dans l’ensemble, les Dames Blanches, si elles sont synonymes de mort, ne sont pas agressives à proprement parler. Elles sont là pour « avertir ». Avertir que le virage suivant est chaud, qu’il faut pas te balader la nuit, qu’il faut être sympa avec les auto-stoppeuses, ce genre de trucs. Comme quand ta daronne te rajoute un pull avant de partir, la Dame Blanche te fait les gros yeux parce que tu conduis trop vite. Avant de te dévorer le visage, bien entendu.

Dame blanche au bord d'une route, éclairée par les phares de la voiture

Le genre des fantômes

Et tu sais quoi ? Chercher « female ghost » (fantôme femme) sur Google te conduit à ce que tu veux. « male ghost » te renvoie à des costumes d’Halloween. Les fantômes ne sont pas que féminins mais ça, ça m’interpelle un peu. Evidemment.

Alors comme je suis déjà à la bourre, je me suis dit « je vais prendre la liste des fantômes de Wikipedia et vérifier la parité » Oui donc à tout à l’heure, hein, j’en ai pour un moment. Tu peux aller te refaire un café si tu veux te sentir calée sur mon rythme. Le moi de janvier 2023 qui édite ce texte pour le site va aussi aller se faire un café, tiens !

Petit interlude recomptage des voix

Ereshkigal, c’est le nom de la déesse de la mort en Mésopotamie. A priori première trace connue de fantômes (La Mésopotamie c’est une civilisation qui a existé entre 3500 avant JC et 400 après JC, c’est large) : elle revient sous forme spectrale pour visiter les vivant-es.

🍕 J’ai découvert l’existence de ce fantôme Japonais nommé « Shirime »

Shirime : un démon avec un oeil à la place de l'anus qui marche à 4 pattes

En voici un exemplaire

C’est bien ce que je pensais, sinon sur 123 fiches testées en 4 catégories de fantômes :
– Les « non genrés » parce qu’iels représentent toute une catégorie : 37 (30,8 %)
– Les « nommés » monstres : 13 (10,57 %)
– Les « nommées » femmes : 54 (43,9 %)
– Les « nommés » hommes » :19 (15,45 %)

Précision sur la notion de « nommé » : ça me vient de WoW, ça veut dire que c’est une entité qui sort suffisamment du lot pour qu’elle ait un nom.

Pour te donner une idée, j’ai fait 50 % de la liste sans trouver un seul fantôme désigné comme étant masculin. Tu vas me dire que c’est parce que le masculin est l’universalité pour gnagnagna. On reviendra sur ce comptage plus tard.

Des fantômes masculins nommés pour la notoriété

Or, la majorité des créatures nommées (c’est à dire pas « les morts du Titanic » mais « Georgette Landru ») et qui ne sont pas « it » (« ça ») sont genrées au féminin. Les créatures plutôt « masculines » dans la représentation que j’ai trouvées étaient des monstres : animaux humanoïdes, dieux déchus, créatures difformes, difficiles à catégoriser. On est dans le « ça », la représentation est tout sauf humaine.

J’ai l’impression que les fantômes masculins sont presque dégenrés : on passe à la catégorie monstre « Ça » plutôt que d’attribuer des méfaits à des humains. Excepté lorsque ces spectres sont d’anciens pirates ou militaires : les faits d’armes nécessitent une légende qui repose sur une identité.

Pour revenir à mes stats à la louche, même en ajoutant le score « nommé » monstre + « nommé » hommes, on arrive à 26,02 % du total. C’est un peu significatif, non ? C’est du comptage à l’arrache sur une page Wikipedia, mais du comptage sur beaucoup de pays et cultures différentes. On pourrait affiner, oui. Je t’en prie : https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_ghosts

Des fantômes féminins très genrés

Mais les fantômes identifiées comme féminins ont rarement des difformités semblables à celles des démons masculins (de prime abord). C’est d’ailleurs un peu toujours le cas dans les représentations culturelles en 2021. Les super-héros perçus comme masculins ont moins de difficultés à arborer des défauts physiques et des handicaps.

Regarde le tollé pour Charlize Theron dans Mad Max : Fury ! (Il lui manque un bras dans le film)
Ça fait des siècles qu’on peut avoir un héros handicapé, on doit attendre 2015 pour une telle représentation ? Non, évidemment, j’ai pas vu toutes les productions de la terre et il y a des exceptions. Mais c’est très éclairant qu’aucune exception ne me vienne à l’esprit, en réalité.

Représentations féminines du Mal

Le Mal féminin est attrayant physiquement. Pas toujours. Mais c’est une caractéristique absente des descriptifs de fantômes masculins, pour lesquels on accentue l’agressivité.

J’ai rapidement passé en revue ma liste mentale de manga/animes. Dans l’ensemble, les boss féminines sont toujours bonnes. Les méchants mascu, eux, font ce qu’ils veulent de leurs vies. Ils sont putrides et dégueulasses, suintent de partout, mais ça passe.

Les fantômes femmes peuvent séduire, se montreront plus sous une forme agréable à l’œil pour mieux sucer tes os. Et ce, quelle que soit ta culture, en fait. On a plus de mal avec les représentations non conformes aux canons lorsqu’il s’agit des femmes. Je n’aurais pas pensé que ça toucherait aussi les fantômes, j’en suis la première surprise.

Surprise, oui et non, c’est très logique et ça montre que quel que soit le pays, quelle que soit la culture, on a une certaine image stéréotypée de la fâme.

Même lorsqu’elle est un monstre.

Dame blanche, voiture

Récapitulons

J’ai vu que le concept de « Dame Blanche » était quasi universel. Celui de « Dame Blanche sur le bord de la route » est plus utilisé en occident, mais il y a des occurrences de ce type de fantôme préventif dans tous les coins de la planète. Elles ne sont juste pas toutes au bord des routes.

En fait, celles sur le bas-côté sont les moins dangereuses. Après avoir vu toutes ces entités démoniaques, je peux te le dire : tu crains rien (si tu habites en France. Si tu habites au Japon, c’est foutu, adieu).

Par contre si tu vois une personne qui lave son linge au lavoir pendant la nuit, tu te casses, hein ? Pis tu fous quoi en pleine nuit près d’un lavoir, toi, aussi ? J’espère que t’es pas venue en voiture.

3 femmes faisant leur lessive la nuit sur le bord d'une rivière

On les appelle les lavandières fantômes

Les femmes fantômes sont des pêcheresses même si elles sont victimes

Beaucoup ont perdu leurs enfants ou sont mortes en couches. Et elles doivent manifestement l’expier toute l’éternité. Parce que c’est leur faute (sarcasme) bien sûr. Je ne vais pas re-m’amuser à faire des stats, mais la thématique est présente sur quasi chaque représentation nommée de fantôme de genre féminin. Les bébés.

Entre les mères échouées, les femmes assassinées par leurs amants et les femmes juste méchantes parce que ce sont des femmes, on est à fond dans l’objectification et le stéréotype.

Même fantômes, on doit toutes se ressembler

Bah tu sais quoi ?
Moi, j’ai pas peur de la Dame Blanche, c’est la phrase précédente qui me fait flipper. J’ai vu la même meuf aux cheveux longs habillée de blanc dans plein de pays différents, ce matin. La même.

Je ne dis pas « toutes les cultures se ressemblent » parce que c’est faux et dangereux de penser ça. Mais il y a beaucoup de points communs et c’est normal. On trouve des traces de lévitation, de guérison miraculeuse, de pouvoir de résurrection ou de jeûne interminable dans chaque bouquin vendu comme parole divine.

Tout ne vient évidemment PAS de la même source, on parle ici du reflet de la société sur les croyances ou des croyances sur la société. On aura une même idée (guérir miraculeusement par exemple) parce qu’on en a besoin, tout simplement. On veut bien manger, on ne veut pas mourir, on veut des enfants.

Pas besoin d’ancienne civilisation alien qui a conquis la Terre. Les problèmes humains sont les mêmes partout. Y’a pas 50 000 réponses à ces questions non plus, la religion ayant en plus l’immense avantage de répondre à tout, souvent de la même manière (la faute aux meufs).

Gravure d'une apparition de Dame Blanche

« La dame blanche », estampe d’Émile Vernier, 1862 – source : Gallica-BnF

Un archétype stéréotypé…

Il y a des thématiques communes (les événements de la vie, de la naissance, de la mort) qui sont plus ou moins traitées avec cette même approche d’une pseudo-problématique féminine et à mes yeux ça en dit très long sur notre perception du féminin. « LA » Dame Blanche. Elle n’a pas vraiment de nom. C’est un archétype auquel on prête des attributs et une légende. Même si on lui donne un nom, elle reste « La Dame Blanche » ou toute autre appellation hors francophonie. Tu vois ce que je veux dire ? C’est une Dame Blanche, elle a sans doute un prénom mais y’en a tellement. C’est éculé, la Dame Blanche.

…qui est une fonction

Faire peur, se venger, t’aider à passer ton permis poids lourds, t’avertir du danger et de la mort. C’est, en gros, exactement la même meuf dans tous les cas. Seule l’issue est différente, et encore, elle n’est pas toujours offensive. Mais la meuf est la même. Elle t’approche de la même manière, veut se venger des mêmes choses et te terrifie tout pareil.

C’est à la fois fascinant et absolument terrifiant. Le patriarcat en action, je veux dire. Je crois pas aux dames blanches. J’aimerais mieux.

Image d'illustration : 3 fantômes

Partie 2 : La meuf à The Ring

Pour suivre en parallèle :

Je veux savoir d’où vient la meuf à The Ring

Car elle reprend très bien les codes du fantôme, et que son apparence est devenue universelle.

C’est qui, « la meuf à The Ring », te demandes-tu si tu débarques ou si tu n’aimes pas plus que ça les histoires d’horreur ?

On va lui trouver un prénom parce que l’acronyme LMATR est moche. J’ai envie de l’appeler Brigitte mais ça va me rappeler notre président bien aimé.

Après tirage au sort d’un prénom sur magicmaman ce sera Suzie.

Qui est ce célébrissime spectre ?

Suzie est une femme au teint clair vêtue d’une robe ou d’une blouse blanche tirant sur le vert zombie, elle a de longs cheveux noirs qui lui tombent sur le visage et elle fait flipper sa race parce que ses intentions ne sont pas juste de te taper la bise. Non. Si elle s’approche, c’est ton visage qu’elle veut dévorer. Absolument comme la Dame Blanche, oui.

Le ressort dramatique de Suzie c’est que, de loin, on aperçoit une femme en blanc perdue dans le zion. On ne se méfie pas d’une fille perdue, et bien on devrait parce qu’elle mangera ton visage.

Et quand tu résumes comme ça, tu captes mieux le truc.
On ne se méfie pas d’une femme seule perdue sur le bord de la route > On a tendance à vouloir venir en aide à la demoiselle en détresse > On n’a plus de visage.

Méfiez vous des femmes

Voilà qui est intéressant.

On a dit on se concentre sur Suzie, mais je précise ici que ce ressort horrifique est ultra classique concernant les personnages perçus comme féminins. La femme démoniaque, apparemment inoffensive, tend ses filets et piège les hommes perdus. C’est dans les creepypastas, dans les contes, dans les bouquins et les films d’horreur..

Si t’as pas là un super exemple de « Comment la culture peut propager discretos ses clichés au travers des mythes et légendes » je sais pas comment faire mieux.

Moi, ce qui me surprend aussi, c’est le manque de logique. Elle est obligée de les piéger, et t’en a pas un qui se défend correctement. Elle a donc sans doute des pouvoirs surnaturels qui la rendent hyper forte. Mais alors du coup, elle n’est pas obligée de piéger les hommes, pourquoi elle fait ça ? Qui raconte l’histoire ? Elle pourrait en croiser un et BIM, plus de visage, tu vois ? Mais non, elle attend que la chance lui sourie. C’est compliqué, comme process, Suzie, compliqué et pas très rentable. Va au bar du coin et tu ne seras pas obligée d’attendre toute la nuit debout dans le froid.

 

Une entité invincible

Nan mais c’est vrai, t’as pas une seule histoire où elle tombe sur un mec abusif qui lui colle une patate. Alors qu’ils aiment bien se vanter, on le sait. Du coup si il y avait un seul homme au monde qui a collé une patate à un fantôme, on le saurait, oh oui, on le saurait.

Je veux bien, la sidération, mais c’est pas LA réaction universelle à une agression. Perso, je colle des mandales s’il le faut, j’ai découvert ça lors d’une tentative de heu « agression ». Je me souviendrai toujours de son visage stupéfait quand sa tête a heurté le mur. C’était presque beau, si on oublie le contexte.

Bref.

Sadako, The Ring

Classification du folklore

J’ai regardé le système de classification Aarne-Thompson pour voir si ça pourrait m’aider. Le ATU (le dernier en date) a pour principe de rassembler des contes et légendes folkloriques par thématiques.

Par exemple, l’intitulé « La Souris (Chatte, Grenouille, etc.) comme fiancée » va représenter la Princesse Grenouille et toutes les femmes transformées en animaux par un sortilège ou une malédiction.

« Les associés du système à chaque conte de fées, ou chaque épisode d’un conte de fées, un « genre d’histoire » identifiés par un numéro. La numérotation est basée sur le schéma général suivant:

Histoires d’animaux
Histoires ordinaires
Histoires de magie
Histoires religieuses
Histoires étiologiques
romantique Histoires
Histoires d’ogre stupide
Facezie et anecdotes
Histoires de fous
Histoires de couples mariés
Histoires de femmes
Les histoires d’un homme intelligent / stupide chanceux / malchanceux
Histoires de clercs et ordres religieux
Histoires de mensonges
Histoires basées sur une formule
Histoires cumulatifs
Les histoires de capture
Histoires non classés (Narrationes Lubricae) »

« Dans une histoire, vous pouvez être associé à plusieurs numéros dans le cas, il peut être considéré comme une variante des types les plus fondamentaux, ou possède des éléments de différents types. Par exemple, Cendrillon (Dans la version de Charles Perrault) Comprennent les raisons suivantes: S31, cruelle marâtre; F311, bonne fée; D813, magie reçu par la fée; D1050, vêtements obtenus par magie; F861.4.3, citrouille transformée en une voiture; D411.6.1, transformation souris en cheval; N711.6, Prince voit l’héroïne à la balle et tombe amoureux; C761.3, Tabou: arrêter la balle trop long; H36.1, identification obtenue en mesurant une chaussure; F823.2, pantoufle de verre; L162, héroïne de classe inférieure épouse le prince. »
https://boowiki.info/art/theorie-du-conte-de-fees/aarne-thompson.html »

On a ici une histoire qui part de la duperie, une victime masculine d’un spectre qui va finir sans visage et sans vie. Ces histoires ne sont pas très élaborées et suivent plus ou moins ce schéma.

…et c’est assez compliqué de ne pas penser à l’archétype de la femme fatale ou démoniaque à la Jung.

Illustration : le petit chaperon rouge

…et les allusions à la pédocriminalité, alors ?

Femme archétypale

Wait…what ?

Bah ouais. Jung. L’archétype est grille de lecture limitée, controversée, mais assez intéressante à envisager dans le cas présent (parce qu’on ne soigne personne avec). On a ici clairement l’image de la succube, la femme séductrice qui trompe, qui ment pour attirer sa victime et la dévorer.

Selon cet archétype, Suzie serait un esprit libre, une femme forte qui sait ce qu’elle veut, créative, curieuse, sans inhibitions, qui est belle, charmante…
Ah merde. Suzie est pas super super opé niveau beauté, c’est pour ça qu’elle cache son horrible visage sous ses cheveux. On va dire qu’elle a le cheveu soyeux.

Mais sinon, ça colle quand même pas mal avec l’idée du piège si on se dispense d’une partie de la fiche technique de Suzie.

J’évoque cet archétype car il est assez intéressant à observer. L’idée d’un homme victime, piégé, est utile au patriarcat. Il dit « attention, tu vas te faire dévorer tout cru si tu ne réfléchis pas à ce que tu fais » et entretient cette idée qu’une femme est forcément malveillante ou dans la duplicité. C’est normal, on est faibles physiquement, hein, il ne nous reste que le mensonge pour subvenir à nos besoins. C’était du sarcasme, vi.

Femme fatale

Alors oui, un archétype n’est pas que négatif blablabla mettre de l’eau dans son vin blabla quelle horreur, pourquoi pas des glaçons dans mon café tant qu’on y est.

J’ai cherché dans Google « Femme fatale séductrice manipulatrice » et je tombe sur…
– un site mascu
– un site qui s’appelle « la cause des hommes »
– un site qui s’appelle « jerecuperemonex »

Y’a vraiment un site qui s’appelle jerecuperemonexpointcom le monde est décidément un endroit merveilleux. Ton ex est une femme fatale manipulatrice, mais tu veux quand même la récupérer.

Puis merde, hein, l’image de la femme fatale on sait ce à quoi ça correspond, non ? Voilà.

Femme fantôme entourée d'autres fantômes

Du mythe à la légende urbaine

Les archétypes mythologiques sont également à évoquer (Vogler/Campbell) ainsi que le travail de Propp sur la catégorisation narrative. On va pas passer mille ans dessus mais c’est intéressant à citer parce que ça m’a occupée un bon moment.

Notre problème principal est que les creepypastas et légendes urbaines ne répondent pas aux même normes que les contes. On a bien l’archétype de la femme-succube qui piège sa victime, mais on a rien d’autre.

« Je roulais en bagnole, j’ai du une Dame Blanche, elle m’a mangé le visage »
T’as pas d’objectif, pas vraiment d’histoire, pas non plus de conclusion. Le drame peut se jouer en 16 mots dans n’importe quelle langue.

On est même pas sur de la proto-légende, ici. On est sur de l’histoire courte, de celles qu’on se raconte pour se faire peur le soir en colo. On ne sait quasiment jamais d’où vient le spectre tueur, d’ailleurs. Elle est juste là, à attendre passivement sa victime.

Même dans le film The Ring les informations sont super limitées. On connaît le contexte, on sait comment appeler la malédiction mais on ne sait pas vraiment qui est Suzie. Elle est une humaine qui s’est suicidée avec une histoire de revanche fantomesque des plus banales. On appelle la malédiction en regardant une cassette vidéo (Si, si, les cassettes vidéo, souviens-toi) et c’est ça qui est important, dans le film.

La revanche d’une femme

Les histoires de fantômes revanchardes, je veux dire, c’est comme les plastifieuses quand tu es instit : un incontournable. Si le film a autant fonctionné c’est surtout grâce à l’effet de terreur provoqué par la suggestion du spectre ou son apparition. Le coup de la malédiction qui se transmet via une cassette VHS, c’était ça, qui était intéressant. Et les longs cheveux noirs devant le visage.

J’ai vu The Ring version japonaise et version étazunienne, il y en a même un des deux que j’ai vu deux fois, et j’ai dû aller chez Wikipedia pour me rappeler que Suzie était un fantôme revanchard.

Le bras de Sadako - The Ring

Mais son aspect est gravé sur ma rétine. La robe blanche informe, le dos voûté, les cheveux noirs. Une entité sans forme, sans poitrine ni fesses, qui avance lentement (ou très vite quand tu regardes ailleurs) devant sa cible déjà foutue. Si tu dis « mais si, la meuf à The Ring » tu auras sans doute cette image en tête.

Qu’est-ce qui nous frappe dans cette image ?

Le fait qu’elle ait un physique prépubère, peut-être. Dans sa robe blanche qui tranche bien sur le fond noir, dans tous les sens du terme. Je sais que je ressasse, mais on est dans l’obscurité, si ton fantôme est en noir sur noir, personne n’a peur parce que personne ne le voit. La robe blanche a un double avantage : elle est visible, permet de faire voir les cheveux noirs, elle évoque l’hôpital ou une jeune mariée de dos de loin, elle a une apparence fragile, presque enfantine.

Suzie en tailleur-escarpins c’est pas la même histoire, tu vois ?
(La version escarpins c’est Madam Koi Koi, présente au Ghana, en Tanzanie et en Afrique du Sud)(Oui elle te mangera aussi le visage tkt)
Je me dis qu’on est là dans une contradiction terrible entre l’image de la succube qui piège et l’image de la pauvre fille perdue dans la nuit. Elle est l’une et l’autre et on y voit ce qu’on y projette.

C’est peut-être ça qui fait, finalement, son quasi-universalisme. On ne sait pas si il s’agit d’une femme ou d’une enfant. Les deux n’éveillent de toutes façons pas la méfiance de la victime.

Une femme noire aux yeux rouges, avec une jupe rouge et une machette

Madame Koi Koi

Et si l’histoire n’avait simplement pas de fin ?

Et si c’était parfaitement volontaire que de raconter l’histoire en 16 mots ?

L’avantage d’une histoire courte à fin ouverte, c’est que ton histoire peut être relayée facilement. La fin ouverte est un grand classique du roman d’horreur ou de suspense. « Et si…? »

Et si c’était toi, un soir, en voiture, sur une petite route de campagne ?

Si on parvient à exterminer le fantôme, on tue aussi la viralité de l’histoire. Il est nécessaire que Suzie survive et recommence à tuer, sinon il s’agit d’une banale histoire de fantôme méchant. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais bien souvent les histoires de Suzie se déroulent dans un lieu non identifié. Pour la même raison. L’histoire doit être adaptable.

Le principe d’une creepypasta ou d’une légende urbaine, c’est le copier/coller et la viralité. Celle de la Dame Blanche a donné lieu à un milliard de déclinaisons. J’ai bien sûr lu des creepypastas hyper élaborées, situées dans le temps et l’espace avec beaucoup de précisions. Ces histoires concernent surtout des lieux hantés ou possédés, il est nécessaire de les situer, de préférence en Sibérie, car ça contribue au récit : on a toustes une idée de la Sibérie et de la Russie en général, ce savant mélange de préjugés et d’aprioris permet de poser un décor en quelques mots.

Si je commence par « Vladivostok, 1959 » ça sera pas la même que si je dis « Mantes-La-Jolie, 2014 ».

On a une histoire sans lieu, sans explication, sans fin. Du pur terreau à cauchemars. Si elle est nulle part, elle est ptet sous mon lit. Si c’est personne ça peut être n’importe qui.

Bon.

Dessin de Sadako

https://www.deviantart.com/the-general-moe/art/Sadako-918743807

Un conte moral ?

Alors c’est un mini-conte moral, comme le Père Fouettard.
« Attention ! Ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort. »-style.

Et là, en fait, ça colle.
« Attention aux inconnues, si ça se trouve elles vont manger ton visage »
« Méfie-toi des femmes qui semblent sans défense, elles cherchent à te duper »

On prévient ici les hommes qu’une femme n’est pas ce qu’elle veut faire croire. Qu’il faut se méfier de ces êtres étranges et non rationnels (par essence) qui possèdent des pouvoirs surnaturels et qui ont juste envie de te faire du mal.

Si on réduit l’histoire à sa morale, on arrive au moment où on prend un virage féministe dans le paragraphe suivant.

Femmes dans les creepypastas et légendes urbaines

On l’a vu, dans ces légendes, les femmes ont une place de choix.

Je n’ai pas scoré dans les contes traditionnels mais tu auras sans doute remarqué que, dans les creepypastas, le héros est un homme 99% du temps. Par défaut, c’est un homme qui parle et son antagoniste sera (peut-être) une femme maléfique.

Le conte a une utilité sociale : transmettre la culture, les valeurs, donner des leçons de vie et de morale. La creepypasta c’est un peu un conte express. On ne s’embarrasse pas de mille ans à dos d’âne dans les champs et sur les collines, on mange le visage à la quatrième ligne.

Le déroulé et la narration sont importants et pourtant, ça fonctionne parfaitement en quelques lignes dans notre cas. On te délivre la morale en même temps que l’histoire, tu n’as même pas à réfléchir un petit peu.

La différence majeure est que le conte se termine en général proprement. Il y a une vraie résolution de l’histoire et une fin qui règle tous les problèmes d’une manière ou d’une autre. Là, on appuie juste sur repeat. LaFâme ne meurt pas.

Dans tous les cas, le fonctionnement est le même : tu écoutes Serge le Lapin et tu ne colles pas tes doigts dans les portes du métro.

Sadako version Minecraft

Un avertissement misogyne

« Les femmes sont dangereuses et imprévisible, méfie-toi d’elles »

Je me demande combien d’auto-stoppeuses habillées en blanc ont pâti de cette petite maxime.

Mais c’est le message.
Si tu vois un autre message aux histoires de femmes qui mangent le visage des gens, je prends. Si tu connais un Mec à The Ring, tu me dis aussi. J’en ai lu, pourtant, et pas qu’un peu, des contes et des creepypastas. Je ne retrouve pas le contre-achétype du mec en robe blanche aux cheveux noirs devant la gueule.

J’ai du monstre, du cryptide, j’ai même le Diable. On a des histoires de duperie, bien sûr, des histoires de fantômes, mille scénarii mais pas de Mec à la The Ring. On va l’appeler Gilles.

Où sont les hommes ?

Où est Gilles ?

Je ne dis pas que c’est sexis…ah si, attends. Ouais, mais ouais, c’est sexiste et ultra binaire en fait. Femme-victime/femme-bourreau, pas vraiment de nuances là dedans. L’Homme agit, la Femme existe. Blablabla.

C’est ce qu’on nous vend dans les films, les livres, les chansons et tout ça.
Et dans les contes, la Belle épouse la Bête après une longue séquestration, Blanche-neige fait le ménage pour les nains, Cendrillon repasse les cols de chemise…

Sadako touche ton écran

https://www.deviantart.com/paleriderz/art/Sadako-Yamamura-846733303

Oui alors du coup on fait quoi ?

Je ne sais pas précisément ce que TU vas faire, mais moi je vais aller me refaire un café, traîner un peu et continuer de lire des creepyastas.
Je suis fascinée de voir ce qu’on peut produire comme culture 2.0 . De quelle manière les morales sont-elles calquées sur les standards des contes classiques ? Comment raconter, encore, après des milliers d’années de contes ? Qu’est-ce qu’on prend, qu’est-ce qu’on réutilise, qu’est-ce qu’on met de côté ?

Par ailleurs, j’ai vraiment vu du contenu de super bonne qualité. C’est évidemment souvent en anglais, oui, mais il y a pas mal de traductions disponibles ici et là. Le format « mini-nouvelle d’horreur » est très intéressant et il y a des narrateurices de grand talent.

Evidemment, on parle ici d’UN archétype de la creepypasta.

Je propose aussi : le Newbie lors de son Premier Jour de Travail dans un Cimetière, l’Ancien GI Joe Ninja, l’Exploratrice Badass qui meurt quand même connement, la Fille Fragile sans Défense en Détresse, la Maman, le Copain Idiot qui te mène à ta perte, le Scientifique Congelé sans Ethique, le Random Dude Random, la Tsundere qui savait se Battre Depuis le Début.

Oui y’a en gros 3 types de personnages féminins dans les creepypastas.

La nulle, la folle, la violente. J’aurais pu m’économiser beaucoup de temps en disant ça dès le début mais j’avais envie d’écrire un peu.

Photomontage d'une ombre dans une forêt

Partie 3 : Creepypastas, folklore, une analyse féministe

Devant les difficultés croissantes pour trouver du contenu hors Asie du Sud Est, Japon et US, la grande grande ressemblance entre les histoires, je me suis lassée, j’avoue. L’imagerie asiatique est suuuuuuuper trash, sans déconner, tu as des demi femmes à la The Ring qui déambulent dans la rue, des arrachages d’organes et tout le tralala…

Je vais te faire un petit résumé de ce que j’ai pu constater après avoir compulsé beaucoup trop de creepypastas pour ma santé mentale.

 

Plusieurs illustrations de personnages de creepypasta : Ben Drowned, Jeff The Killer, Slenderman, Dark Sonic, je n'ai pas le nom des autres

Qu’est-ce qu’une creepypasta ?

On va rappeler les bases : un(e ? pour moi c’est féminin mais je me plante sûrement) creepypasta est un récit d’horreur de longueur variable, qui a pour particularité moderne leur viralité en ligne. La première partie parlait des dames blanches, on est sur ces modalités mais en ligne. L’histoire se propage de témoin à témoin, qui copie(copy)/colle(paste) ce qui deviendra une creepy(horrifique)pasta(collé, jeu de mots entre « copy-paste » et « creepypasta »).
Un bouche à oreille 2.0 en somme.

Franchement, je ne vais pas te recommander UN site car si tu recherches « creepypasta » sur ton moteur de recherche préféré, tu auras largement de quoi faire. Et c’est ce que j’ai fait pour écrire ces billets. J’ai compulsé des dizaines de récits en provenance de différents continents, j’ai pu apercevoir les similarités et les différences et plusieurs choses sont intéressantes.

On va donc parler de ça…WITH A FEMINIST TWIST enfin !!!

J’ai essayé de rester neutre pour le côté « recherche et résultats » mais là c’est bon, j’en ai marre.

Image de caméra de surveillance qui fait peur

La récupération du folklore local est une constante.

La différence entre le folklore et la creepypasta c’est que cette dernière est écrite de nos jours, par des personnes influencées par les contes, mythes et légendes d’hier ou d’avant hier.

On a toustes été biberonné-es aux contes pour enfants. Je compte le Père Noël et la petite souris dans le lot.

D’ailleurs, tiens, ça t’a jamais étonnée qu’on adore des personnages qui s’introduisent par effraction la nuit chez toi pour te donner des cadeaux « gratuits » et voler tes dents ?

J’ai toujours trouvé l’image du Père Noël inquiétante. Pas toujours, pardon. Mais quand j’ai compris que les adultes hommes pouvaient être des prédateurs en testant par moi-même, l’idée de Saint Nicolas qui arrive chez moi en pleine nuit, ça me terrorisait totalement. Qui empêcherait Saint Nicolas d’entrer dans ma chambre ? Et qui me croirait ? Combien d’enfants sont victimes de Saint Nicolas ? C’est un vrai questionnement que j’ai eu super trop tôt.

Mais tu vois, par exemple, Saint Nicolas, qui passe chez toi la nuit du 5 au 6 décembre si tu n’es pas du Nord, du Nord-Est et de la Belgique, tu ne connais pas.
Niveau gore, son histoire est quand même franchement pas mal.

En gros, il y a 3 petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs…ils se font choper par un boucher qui les coupe en petits morceaux et les jette dans un tonneau pour les saler, alors Saint Nicolas arrive et remet les morceaux en place, les enfants revivent, tout le monde est content et on apprend la chanson de Saint Nicolas aux enfants en primaire, mais merde, qu’est-ce qui ne va pas, chez vous ?

Je sais pas si tu viens des régions polaires toi aussi, mais j’ai appris la chanson de Saint Nicolas à l’école primaire et ça m’a juste TERRORISÉE  au point que j’éprouve encore aujourd’hui un vieux malaise en y repensant. J’en parle dans le billet sur les comptines pour enfants.

T’en fais pas, c’était un exemple pour mettre en place ce que j’allais dire ensuite, j’ai fini.

Fragments culturels

On a toustes été marqué-es de cette manière, par différents récits, j’imagine. Si je faisais une nouvelle d’horreur, elle pourrait porter sur Saint Nicolas, oui. J’ai envie de le faire, maintenant…allez focus, focus.

C’est donc normal de retrouver des fragments culturels dans ces récits. Consciemment ou non, on est marqué-es par ces légendes. Ce qui était intéressant dans le cas de l’Afrique du Sud c’était le mélange entre le folklore local, le folklore colonial et ce qui en est fait. On se retrouve avec des histoires reprenant l’imagerie traditionnelle de la zone mais aussi les codes occidentaux.

L’histoire de Madame Koi Koi/Pinky Pinky est un bon exemple : ici, le fantôme porte des talons hauts rouges et le rouge à lèvres assorti. Madame Koi Koi est une ancienne prof maltraitante qui hante des établissements scolaires pour dévorer les élèves qui restent trop tard ou qui continuent à parler dans les dortoirs après l’extinction des feux.

Image de Slenderman

Où sont les femmes ? Avec leurs machettes et leurs armes ?

Oui, on en a une juste sous le nez. C’est le fantôme qui tue. Pour rappel, ce qu’on avait compté comme fantômes et spectres :

« […]sur 123 fiches testées en 4 catégories de fantômes :
– Les « non genrés » parce qu’iels représentent toute une catégorie : 37 (30,8 %)
– Les « nommés » monstres : 13 (10,57 %)
– Les « nommées » femmes : 54 (43,9 %)
– Les « nommés » hommes » :19 (15,45 %) »

Le fait de donner un nom à une créature au lieu de dire « un loup, un elfe, un orc, un connard de droitiste » on va les distinguer du reste de leur engeance. On fait souvent ça si il s’agit d’un monstre particulièrement fort ou violent : on va dire « un Darmanin » ou « Jean Castexxxx » et pas « un ministre lambda de ses grands morts », par exemple.
C’est le « vampire » versus « Dracula ». Dracula, tu sais qu’il rigole pas. Voilà. Jean Castex non plus il rigole pas, tu me diras.

En terme de personnages nommés, donc, on a une surreprésentation féminine. De loin. J’ai pu le vérifier (sans relever de chiffres à ce moment là parce que merde) en parcourant mes petites histoires qui font peur.

Une surreprésentation féminine ?

Après avoir parlé de la Dame Blanche, j’ai voulu m’assurer de ce que je disais : les femmes sont-elles si surreprésentées que ça ?

La meuf à The Ring c’est une meuf, par exemple. Si on cherche des exemples de fantômes, je parie que tu vas penser à une dame blanche à un moment. Il n’y a AUCUN homme blanc faisant du stop dans ce que j’ai pu lire. Les histoires d’autostoppeurs sont moins courantes et dans la vie, les autostoppeuses se font assassiner, les autostoppeurs assassinent, sauf quand c’est Ivan Milat qui les prend en stop.

L’homme blanc est fort, l’homme blanc ne fait pas de stop, seule la dame blanche est suffisamment retorse pour grimper en voiture et jouer de sales tours au conducteur.
Oui, parce que LE conducteur est un homme. Je n’ai pas trouvé un seul récit avec une conductrice. Mais ça c’est parce que la personne qui raconte est toujours un homme.

Le concept de la Dame Blanche est super intéressant (et on en a déjà parlé) car il reflète une dynamique quasi universelle : la femme trompe et ment pour faire du mal à l’homme venu lui porter secours. C’est un compte moral masculiniste en quelque sorte.

Et c’est là que ça devient amusant.

Encore une Dame Blanche voilée

Qui écrit les creepypastas ?

Les mecs. J’ai dû tomber sur moins de 10 récits dont l’autrice est une femme. Je dis moins de 10 pour être sympa, en vrai j’en ai croisé deux.

Je n’ai trouvé quasiment aucune protagoniste (héroïne de l’histoire) féminine. Je dois avoir deux exemple vite fait, notamment sur les intrusions au domicile ou les enlèvements. Oui, ça nécessite une femme pour fonctionner, parce qu’on sait bien que les hommes réagissent de manière très avisées lorsqu’ils sont tirés du lit en pleine nuit par un intrus (Souviens toi des réveils-bébé en pleine nuit, c’est toujours eux qui se lèvent). Et on ne peut pas kidnapper un homme, c’est contre les lois de la physique.

Instant true crime

Je te glisse un nom à chercher : Susan Kuhnausen.
Une personne (je te spoile sans te spoiler : son mari, évidemment) a engagé un tueur à gages pour la descendre dans son sommeil. Elle lui a MARAVE LA FACE comme jamais et a survécu. Le tueur, non.
Les femmes peuvent se défendre, en fait.

Voilà, c’est tout.

Victime ou tueuse, pas d’entre deux.

Mais « la » femme, si elle est présente dans l’histoire, est victime avant tout, comme dans…pffffffiout….heu….à la louche 95% des productions culturelles mondiales depuis que le monde sait écrire ?

Les creepypastas n’échappent pas à cette règle, non. On s’y fait dévorer, hacher menu et tout ce qui va avec. On sert de token dans les récits qui parlent d’un groupe de personnes. Il restait de la place entre deux archétypes alors on t’as mis là. On a « le guerrier », « le ninja », « le droitiste » et « la femme ».

T’es pas une fonction, t’es un objet. Tu ne fais rien, tu es une femme.

Comme d’hab, je sais, je ne t’apprends rien. Les creepypastas respectent bien les codes, pour des publications sensées sentir le souffre de la modernité internettesque dans leur viralité. L’héroïne ne sert à rien d’autre qu’à exister pour représenter un enjeu dans le récit.

Elle est un objet fragile et un instrument de mort à la fois. Ou un motif de revanche.

...toujours au bord de la route, mais cette fois ci elle porte une robe de soirée

Une culture mainstream

Du coup on retombe dans les classiques. Les creepypastas ne sont pas vraiment différentes des productions culturelles mainstream en fait. Écrites essentiellement par des hommes elle reflète la pensée misogyne habituelle. Les codes sont quasi identiques, on se permet plus de choses niveau écriture et on ajoute des éléments d’étonnement pour assurer la viralité de l’histoire.

On a :
🔸 Je vais dans un endroit où je ne devrais pas aller mais je suis courageux
🔸 Il y a un horrible accident dans le laboratoire où je travaille
🔸 Je voyage dans le temps ou entre les dimensions
🔸 Je fais une connerie, genre accueillir la Dame Blanche, et je me fais piéger
🔸 Un fantôme hante ma maison/mon bureau/la ligne D du RER

Tout est binaire dans ces récits. Les femmes ne vont pas dans les endroits où elle ne devraient pas aller, elles ne se rendent pas compte de l’horrible accident ou en meurent directement, à moins qu’elles jouent la side-kick dubitatif qui nie l’évidence (« Mais non, ces dégoulinures fluo sur les murs et ces 15 disparitions au cours des 3 derniers jours ne doivent avoir une explication rationnelle » – Scully)

Femmes inutiles

La femme est une faible victime-boulet impuissante qui hurle avant de se faire dévorer tout cru. Elle ne sert à RIEN en tant que protagoniste.
L’homme ne peut être attrapé que par la ruse ou sa propre témérité. Il est trop puissant pour être abordé de face si la créature maléfique est une femme, alors elle le piège avec une apparence sensuelle de succube, parce que tout le monde sait qu’ils savent pas la garder dans le pantalon ho ho ho, ou on trouve un autre mécanisme de type « la demoiselle en détresse » qui lève le pouce à 3h du mat sur une départementale cabossée. Soit ça, ou il va là où il ne devrait pas aller : bunker soviétique, milieu de la forêt sans GPS, caverne suspecte, rendez-vous Leboncoin avec une importante somme en liquide…

Il est intéressant de remarquer la surreprésentation féminine dans les créatures agressives, surtout lorsqu’on connaît les chiffres de la réalité véritable. 44% des créatures nommées, 5% des personnes incarcérées dans la vraie vie sont des femmes. La violence féminine existe, mais pas dans ces proportions-là.
Pourquoi surévaluer la dangerosité ? Pour justifier les comportements violents des hommes, à mon avis. Ils ont des raisons d’avoir peur de nous : on les attire dans l’ombre et on les dévore, je sais pas ce qu’il te faut de plus…

Il faut se méfier des femmes. Elles cachent bien leur jeu.

C’est là tout le message qu’on veut faire passer, et c’est aussi bien valable dans les creepypastas que dans les contes et légendes traditionnels. Les femmes sont sorcières ou fées, elles changent de forme pour te tester et te piéger, ce sont elles qui commettent les erreurs fatales si elles en ont l’occasion. Si elles ne sont pas merveilleuses, au sens surnaturel, si elles ne sont pas l’héroïne, elles sont complètement connes.

La belle-mère et les sœurs de Cendrillon, par exemple.
Un paysan apporte un artefact à la maison, il dit à sa femme de ne surtout pas le toucher ou le mettre au four à 180°C, et elle le fait parce qu’elle est bête. Elle est aussi celle qui soulève le voile, qui va se laisser envahir par la curiosité et tout foutre en l’air (on a le contre-cas avec Mélusine ou la Princesse Grenouille version Russe, où l’homme cède à la curiosité, mais…ce sont les personnages surnaturels et le protagoniste est un homme)

J’anticipe : oui, il y a des contes et des récits d’horreurs qui ne rentrent pas dans ce moule. #notallcreepypastas
Il y a des contes avec des protagonistes badass, ça arrive. Heureusement.

Une Dame Blanche, mais le dessert, cette fois-ci

Magie des femmes

Les illusions, métamorphoses, hypnoses et autres tours de passe passe nous sont réservés. Tu sais qui d’autre est un génie de l’illusion ? Satan. Non, je ne dis pas ça par pure provocation, pour une fois. L’idée du Diable trompeur est aussi vieille que pffffiout, les femmes sont des sorcières. A tous les coups elles nous manipulent pour arriver à leurs fins : vivre dans un cottage en haut de la colline avec des animaux et un potager médicinal. Les sales bonnes femmes.

Les femmes utilisent la ruse ou le sexe. Ce sont les sirènes qui attirent le marin pour le manger. C’est la femme super glam qui se révèle succube au lit. Parce qu’assumer ta sexualité fait de toi une ogresse insatiable.
Une femme qui a un grand appétit sexuel sera « anormale » (parce que normalement on doit les forcer un peu ?) et dangereuse. Il n’y a qu’à voir l’image de la femme fatale, tout de rouge vêtue comme Madame Koi Koi (oui, cette figure m’a marquée). Elle est belle, elle est sensuelle, elle veut manger tes yeux.

« Méfie-toi des femmes, elles ne sont pas ce que tu crois »
« Protège les femmes vertueuses, elles sont trop fragiles pour ce monde »

Et hop ! On refait passer ça tranquille dans les esprits : l’illusion d’une binarité entre les femmes « respectables » et les femmes « nuisibles ». Les femmes respectables n’ont pas de talons aiguilles rouges de 12 cm ou les cheveux devant les yeux. Les femmes respectables sont victimes avant tout, de l’autre côté de la binarité. Celles qui ne sont pas respectables doivent être soumises ou détruites.

Oui, c’est absolument à chier et absolument dangereux.
On renforce les stéréotypes de genre, couche après couche, en propageant une image des femmes totalement pétée.

Héroïsme des hommes

Les protagonistes hommes ont tout un panel de personnalités :
🤠 Le super héros courageux avec faille narcissique
🤠 Le bras cassé attachant
🤠 Le mec normal qui fait ce qu’il peut

Et toi, t’es victime quand tu es protagoniste. C’est tout. T’as pas le droit de marave le démon, tu dois déjà attendre les 5 minutes légales pour laisser une chance au héros de te sauver. Ou alors tu es une héroïne masculinisée, un garçon manqué badass interprétée par Michelle Rodriguez, et tu as une petite place au paradis avec les vrais héros, Wonder Woman et Lara Croft.

Note : je n’ai pas trouvé UNE SEULE creepypasta où une nana écrivait l’histoire ET survivait. Et, vraiment, j’en ai lu un paquet.

Michelle Rodriguez répare une voiture

Revenons à la déception

Je ne suis pas surprise, hein. C’est exactement ce que je cherchais à vérifier et je l’ai vérifié. Les creepypastas sont des productions tout autant sexistes que le reste.

En fait, ma lecture insatiable m’a permis de confirmer mon hypothèse de départ : les creepypastas répondent aux mêmes règles que le reste des contes, légendes, folklore et scénar de film d’horreur, et c’est normal car elles en proviennent.

Pour être honnête, j’ai pas trouvé beaucoup de récits de qualité. J’ai lu des trucs tellement abracadabrants que mes yeux ont failli rester levés au ciel pour toute la vie. L’anglais n’est pas ma langue maternelle mais je le lis quand même plutôt couramment depuis un moment, j’ai trouvé des récits fabuleux, mais aussi des récits creux, redondants, à la narration foireuse comme la mienne, des choses pas forcément palpitantes, même sur le fond.

Mes légendes modernes préférées…

💜 Mes préférées, ce sont les SCP, j’avoue. Les créatures sortant de laboratoires secrets, les entités meurtrières, tout ça. Je trouve les SCP souvent mieux construits car avec une structure accueillant des récits collaboratifs.

💜 Tout comme les backrooms (non, pas celles-là), c’est l’aspect que je trouve le plus fascinant, le collaboratif. Je vais te parler vite fait des backrooms pour que tu comprennes, je voulais faire un billet dessus mais Feldup m’a grillé.

Imagine, t’es au rayon fruits et légumes de ton hypermarché préféré et d’un coup, tu te retrouves dans une pièce jaunâtre aux néons qui clignotent. Tu viens de glitcher, bienvenue dans la matrice et bonne survie !
Ce labyrinthe infini comporte plusieurs étages. Plusieurs dizaines. Pas loin de 200 aux dernières nouvelles, chacun avec ses entrées, ses sorties, ses pièges et ses règles.

Image des backrooms

Pour finir…

Oui, les fantômes ont un genre. Oui, les fantômes répondent à des stéréotypes sexistes, que ce soit dans le folklore ancien ou moderne. Les creepypastas et  légendes urbaines n’échappent pas à cette règle.

CEPENDANT, l’aspect collaboratif et la viralité des contes modernes rend les choses très intéressantes lorsqu’on part sur des projets un peu plus évolués.

Tout comme avec le projet SCP, les backrooms sont alimentées en contenu par les utilisateurices. Il s’agit de projets collaboratifs de très grande envergure, ayant nécessité des jours, des mois, des années de travail.

Et, même si le sexisme est prégnant, je trouve ça à chialer de bonheur, sans déconner. C’est beau. Je me doute qu’il y a les mêmes problèmes d’équipe que partout, qu’il y a des récits moins bons et des connards, mais l’aspect collaboratif me parle beaucoup et j’adore ce genre de projets. On a là quelque chose de facilement adaptable et récupérable.

Ça démontre la force infinie du collectif rassemblé autour d’une même idée.

Alors, faisons des légendes féministes !

(Et ne dis jamais 5 fois n’importe quel mot devant un miroir)

 

Ça t'a plu ? Partage cet article !